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CJUE, 27 février 2014, aff. C‑79/13, Federaal agentschap voor de opvang van asielzoekers c/ Selver Saciri et autres

 

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

27 février 2014

Federaal agentschap voor de opvang van asielzoekers contre Selver Saciri et autres

 

«Directive 2003/9/CE – Normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres – Article 13, paragraphe 1 – Délais d’octroi de conditions matérielles d’accueil – Article 13, paragraphe 2 – Mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil – Garanties – Article 13, paragraphe 5 – Fixation et octroi des conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile – Importance de l’aide octroyée – Article 14 – Modalités des conditions matérielles d’accueil – Saturation des structures d’accueil – Renvoi aux systèmes nationaux de protection sociale – Fourniture des conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières»

Dans l’affaire C‑79/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Arbeidshof te Brussel (Belgique), par décision du 7 février 2013, parvenue à la Cour le 15 février 2013, dans la procédure

Federaal agentschap voor de opvang van asielzoekers

contre

Selver Saciri,

Danijela Dordevic,

Danjel Saciri, représenté par Selver Saciri et Danijela Dordevic,

Sanela Saciri, représentée par Selver Saciri et Danijela Dordevic,

Denis Saciri, représenté par Selver Saciri et Danijela Dordevic,

Openbaar Centrum voor Maatschappelijk Welzijn van Diest,

 

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, MM. M. Safjan, J. Malenovský, Mmes A. Prechal et K. Jürimäe, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 novembre 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement belge, par Mme C. Pochet et M. T. Materne, en qualité d’agents, assistés de Me S. Ishaque, advocaat,

–        pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et F.‑X. Bréchot ainsi que par Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna ainsi que par Mmes K. Pawłowska et B. Czech, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande et M. R. Troosters, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 5, de la directive 2003/9/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres (JO L 31, p. 18), lu en combinaison avec les articles 13, paragraphes 1 et 2, et 14, paragraphes 1, 3, 5 et 8, de celle-ci.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Federaal agentschap voor de opvang van asielzoekers (agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile, ci-après la «Fedasil») à M. Selver Saciri et à Mme Danijela Dordevic, en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs MM. Danjel Saciri et Denis Saciri et Mlle Sanela Saciri (ci-après la «famille Saciri»), ainsi qu’à l’Openbaar Centrum voor Maatschappelijk Welzijn van Diest (centre public d’action sociale de Diest, ci-après l’«OCMW») au sujet du refus par la Fedasil d’accorder à la famille Saciri l’aide sociale en raison de l’impossibilité d’assurer son accueil dans un centre dédié à l’accueil des demandeurs d’asile.

 

 Le cadre juridique

 

 Le droit de l’Union

3        Le considérant 7 de la directive 2003/9 est libellé comme suit:

«Il convient d’adopter des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile qui devraient, en principe, suffire à leur garantir un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans tous les États membres.»

4        L’article 1er de cette directive dispose:

«La présente directive a pour objectif d’établir des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres.»

5        Aux termes de l’article 2 de ladite directive, aux fins de celle-ci, on entend par:

«[…]

j)      ‘conditions matérielles d’accueil’: les conditions d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocation financière ou de bons, ainsi qu’une allocation journalière;

[...]»

6        L’article 5, paragraphe 1, de la même directive énonce:

«Les États membres informent, au minimum, les demandeurs d’asile, dans un délai raisonnable n’excédant pas quinze jours après le dépôt de leur demande d’asile auprès de l’autorité compétente, des avantages dont ils peuvent bénéficier et des obligations qu’ils doivent respecter eu égard aux conditions d’accueil.

[…]»

7        L’article 13 de la directive 2003/9, contenant les règles générales relatives aux conditions matérielles d’accueil et aux soins de santé, est libellé comme suit:

«1.      Les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils introduisent leur demande d’asile.

2.      Les États membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance des demandeurs.

Les États membres font en sorte que ce niveau de vie soit garanti dans le cas de personnes ayant des besoins particuliers, conformément à l’article 17, ainsi que dans le cas de personnes placées en rétention.

[...]

5.      Les conditions d’accueil matérielles peuvent être fournies en nature ou sous la forme d’allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules.

Lorsque les États membres remplissent les conditions matérielles d’accueil sous forme d’allocations financières ou de bons, l’importance de ces derniers est fixée conformément aux principes définis dans le présent article.»

8        L’article 14 de cette directive est formulé en ces termes:

«1.      Lorsque le logement est fourni en nature, il doit l’être sous une des formes suivantes ou en les combinant:

a)      des locaux servant à loger les demandeurs pendant l’examen d’une demande d’asile présentée à la frontière;

b)      des centres d’hébergement offrant un niveau de vie suffisant;

c)      des maisons, des appartements, des hôtels privés ou d’autres locaux adaptés à l’hébergement des demandeurs.

[...]

3.      Les États membres font en sorte, le cas échéant, que les enfants mineurs des demandeurs ou les demandeurs mineurs soient logés avec leurs parents ou avec le membre adulte de la famille qui en est responsable, de par la loi ou la coutume.

[...]

5.      Les personnes travaillant dans les centres d’hébergement ont reçu une formation appropriée et sont tenues par le devoir de confidentialité, prévu dans le droit national, en ce qui concerne toute information dont elles ont connaissance du fait de leur travail.

[...]

8.      Pour les conditions matérielles d’accueil, les États membres peuvent, à titre exceptionnel, fixer des modalités différentes de celles qui sont prévues dans le présent article, pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque:

–        une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise,

–        les conditions matérielles d’accueil prévues dans le présent article n’existent pas dans une certaine zone géographique,

–        les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées,

–        le demandeur d’asile se trouve en rétention ou à un poste frontière, dans un local qu’il ne peut quitter.

Ces différentes conditions couvrent, en tout état de cause, les besoins fondamentaux.»

9        L’article 17, paragraphe 1, de ladite directive dispose:

«Dans la législation nationale transposant les dispositions du chapitre II relatives aux conditions matérielles d’accueil et aux soins de santé, les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés de mineurs et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle.»

10      L’article 18, paragraphe 1, de la même directive énonce:

«L’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale pour les États membres lors de la transposition des dispositions de la présente directive relatives aux mineurs.»

 Le droit belge

11      Les dispositions de la directive 2003/9 ont été transposées par la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers (Belgisch Staatsblad, 7 mai 2007, p. 24027, ci-après la «loi accueil»).

12      L’article 3 de la loi accueil dispose:

«Tout demandeur d’asile a droit à un accueil devant lui permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine.

Par accueil, on entend l’aide matérielle octroyée conformément à la présente loi ou l’aide sociale octroyée par les centres publics d’action sociale conformément à la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale [(Belgisch Staatsblad, 5 août 1976, p. 9876)].»

13      Aux termes de l’article 9 de la loi accueil:

«L’accueil tel que visé à l’article 3 est octroyé par la structure d’accueil ou le centre public d’action sociale désigné comme lieu obligatoire d’inscription sans préjudice de l’application de l’article 11, paragraphe 3, dernier alinéa, ou de l’article 13.»

14      Selon l’article 10 de ladite loi, la Fedasil désigne un lieu obligatoire d’inscription aux étrangers.

15      En vertu de l’article 11, paragraphe 3, de la loi accueil, lors de la désignation d’un lieu obligatoire d’inscription, la Fedasil veille à ce que ce lieu soit adapté au bénéficiaire de l’accueil, et ce dans les limites des places disponibles. L’appréciation du caractère adapté de ce lieu est notamment basée sur des critères comme la composition familiale du bénéficiaire de l’accueil, son état de santé, sa connaissance d’une des langues nationales ou de la langue de la procédure. Dans ce cadre, la Fedasil porte une attention particulière à la situation des personnes vulnérables visées à l’article 36 de cette loi. Dans des circonstances particulières, la Fedasil peut déroger aux dispositions du paragraphe 1 dudit article en ne désignant pas de lieu obligatoire d’inscription.

16      Conformément à l’article 11, paragraphe 4, de la loi accueil, dans des circonstances exceptionnelles liées à la disponibilité des places dans les structures d’accueil, la Fedasil peut, après une décision du Conseil des ministres, sur la base d’un rapport établi par celle-ci, pendant une période qu’elle détermine, soit modifier le lieu obligatoire d’inscription d’un demandeur d’asile, en tant qu’il vise une structure d’accueil pour désigner un centre public d’action sociale, soit, en dernier recours, désigner à un demandeur d’asile un tel centre comme lieu obligatoire d’inscription.

17      Conformément à l’article 1er de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale, toute personne a droit à l’aide sociale. Les étrangers bénéficient en principe du droit à l’aide sociale prévu à l’article 1er de cette loi, pour autant qu’ils séjournent régulièrement sur le territoire.

 

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

 

18      Le 11 octobre 2010, la famille Saciri a introduit une demande d’asile auprès de l’Office des étrangers et a aussitôt saisi la Fedasil d’une demande d’accueil.

19      Le même jour, la Fedasil a informé la famille Saciri de l’impossibilité de désigner une structure d’accueil et a dirigé cette dernière vers l’OCMW compétent.

20      N’ayant pas pu obtenir un hébergement, la famille Saciri s’est tournée vers le marché locatif privé, mais, faute d’être en mesure de régler les loyers, elle a introduit, auprès de l’OCMW, une demande d’aide financière.

21      Cette demande a été rejetée par l’OCMW, au motif que la famille Saciri relevait des structures d’accueil gérées par la Fedasil.

22      Le 10 décembre 2010, la famille Saciri a introduit une action en référé devant l’arbeidsrechtbank te Leuven à l’encontre de la Fedasil et de l’OCMW.

23      Par ordonnance du 12 janvier 2011, l’arbeidsrechtbank te Leuven a condamné la Fedasil et l’OCMW, respectivement, à accorder un accueil à la famille Saciri et à payer à celle-ci un montant au titre de l’aide financière.

24      Le 21 janvier 2011, la Fedasil a placé les intéressés dans un centre d’accueil des demandeurs d’asile.

25      Par deux recours du 14 décembre 2010 et du 7 janvier 2011, la famille Saciri a assigné au fond la Fedasil et l’OCMW devant l’arbeidsrechtbank te Leuven.

26      Par jugement du 17 octobre 2011, cette juridiction a déclaré non fondée l’action à l’encontre de l’OCMW, tandis qu’elle a condamné la Fedasil à payer à la famille Saciri la somme de 2 961,27 euros, soit l’équivalent de trois mois de revenus d’intégration pour une personne ayant une famille à charge.

27      La Fedasil a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi. La famille Saciri a formé en retour un appel incident et a demandé la condamnation solidaire de la Fedasil et de l’OCMW au paiement d’une somme correspondant à l’équivalent du revenu d’intégration pour toute la période pendant laquelle cette famille n’avait pas disposé d’un accueil.

28      L’arbeidshof te Brussel a indiqué que, en cas de saturation du réseau d’accueil des demandeurs d’asile, ni la loi accueil ni aucun dispositif national ne comporte de régime particulier permettant aux demandeurs d’asile, qui ne peuvent pas être accueillis par la Fedasil, de disposer, dans un délai raisonnable, d’un accueil répondant aux normes consacrées par la directive 2003/9.

29      Cette juridiction a précisé que, lorsque la Fedasil décide de ne pas désigner de place d’accueil, les demandeurs d’asile perçoivent une aide sociale dont le montant ne permet cependant pas de leur garantir un hébergement, ne serait-ce que provisoire.

30      Dans ces conditions, l’arbeidshof te Brussel a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Lorsqu’un État membre choisit, en application de l’article 13, paragraphe 5, de la directive 2003/9 [...], d’assurer l’aide matérielle sous la forme d’une allocation financière, cet État membre a‑t‑il encore la responsabilité de faire en sorte que le candidat demandeur d’asile puisse, d’une manière ou d’une autre, bénéficier des mesures de protection minimales de [cette] directive, telles que celles prévues aux articles 13, paragraphes 1 et 2, et 14, paragraphes 1, 3, 5 et 8, de celle‑ci?

2)      Convient‑il d’octroyer l’allocation financière visée à l’article 13, paragraphe 5, de la directive [2003/9], à partir de la date de la demande d’asile et de la demande d’accueil ou bien à partir de l’écoulement du délai prévu à l’article 5, paragraphe 1, de [cette] directive, ou encore à partir d’une autre date? Ladite allocation doit‑elle, à défaut d’accueil matériel offert par l’État membre ou par un organisme désigné par ce dernier, être de nature à permettre aux demandeurs d’asile de pourvoir eux-mêmes à tout moment à leur hébergement, le cas échéant en recourant à un hébergement hôtelier, dans l’attente qu’un logement fixe leur soit offert ou qu’ils soient eux‑mêmes en mesure d’obtenir un logement plus définitif?

3)      Le fait qu’un État membre n’accorde l’accueil matériel que dans la mesure où les structures d’accueil existantes qu’il organise peuvent assurer cet hébergement et qu’il renvoie les demandeurs d’asile qui n’y trouvent pas de place à l’assistance qui est à la disposition de tous les habitants de l’État, sans que les règles légales et les structures nécessaires soient prévues pour que les organismes qui ne sont pas mis en place par l’État lui‑même soient effectivement en mesure d’accorder à bref délai un accueil digne aux demandeurs d’asile, est‑il compatible avec la directive [2003/9]?»

 

 Sur les questions préjudicielles

 

 Sur les première et deuxième questions

31      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 5, de la directive 2003/9 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un État membre a choisi d’octroyer les conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières, cet État est tenu d’accorder ces allocations à partir du moment de l’introduction de la demande d’asile, en s’assurant que le montant desdites allocations est de nature à permettre aux demandeurs d’asile d’obtenir un logement, dans le respect des conditions fixées aux articles 13, paragraphes 1 et 2, et 14, paragraphes 1, 3, 5 et 8, de cette directive.

32      Il convient de relever d’emblée que, aux termes de l’article 13, paragraphe 5, de la directive 2003/9, les conditions matérielles d’accueil peuvent être fournies en nature ou sous la forme d’allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules.

33      S’agissant, en premier lieu, du moment à partir duquel les États membres sont tenus de fournir les conditions matérielles d’accueil, il convient de relever que la Cour a déjà précisé que, en ce qui concerne la période pendant laquelle les conditions matérielles d’accueil doivent être accordées aux demandeurs d’asile, cette période débute lorsque ces demandeurs introduisent leur demande d’asile (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Cimade et GISTI, C‑179/11, point 39).

34      En effet, il ressort des termes mêmes de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2003/9 que les demandeurs d’asile doivent avoir accès aux conditions matérielles d’accueil, qu’elles soient fournies en nature ou sous la forme d’allocations financières, lorsqu’ils introduisent leur demande d’asile.

35      D’ailleurs, l’économie générale et la finalité de la directive 2003/9 ainsi que le respect des droits fondamentaux, notamment les exigences de l’article 1er de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne selon lequel la dignité humaine doit être respectée et protégée, s’opposent à ce qu’un demandeur d’asile soit privé, fût-ce pendant une période temporaire, après l’introduction d’une demande d’asile, de la protection des normes minimales établies par cette directive (voir arrêt Cimade et GISTI, précité, point 56).

36      S’agissant, en deuxième lieu, du montant des allocations financières octroyées, il ressort de l’article 13, paragraphe 5, second alinéa, de la directive 2003/9 que, lorsque les États membres remplissent les conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières ou de bons, l’importance de ces derniers est fixée conformément aux principes définis à cet article.

37      À cet égard, il résulte de l’article 13, paragraphe 2, de ladite directive que le montant de l’aide financière octroyée doit être suffisant pour garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et assurer la subsistance des demandeurs d’asile.

38      Il convient, en outre, de constater que, aux termes de l’article 2, sous j), de la directive 2003/9, il y a lieu d’entendre par «conditions matérielles d’accueil» les conditions d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous la forme d’allocation financière ou de bons, ainsi qu’une allocation journalière.

39      Par ailleurs, il ressort du considérant 7 de la même directive que celle-ci vise à établir des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile qui devraient, en principe, suffire à leur garantir un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans tous les États membres.

40      Il en découle que, si l’importance de l’aide financière octroyée est déterminée par chaque État membre, celle-ci doit être suffisante pour garantir un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer la subsistance des demandeurs d’asile.

41      Dans le cadre de la fixation des conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières, les États membres ont, en application des dispositions de l’article 13, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2003/9, l’obligation d’adapter ces conditions d’accueil à la situation des personnes ayant des besoins particuliers, visées à l’article 17 de cette directive. Dès lors, les allocations financières doivent être suffisantes pour préserver l’unité familiale ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant, lequel, en vertu des dispositions de l’article 18, paragraphe 1, de ladite directive, constitue une considération primordiale.

42      Par conséquent, lorsqu’un État membre a opté pour la fourniture des conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières, ces allocations doivent être suffisantes pour garantir un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer la subsistance des demandeurs d’asile en leur permettant de disposer notamment d’un logement, le cas échéant, sur le marché privé de la location.

43      Toutefois, les dispositions de la directive 2003/9 ne sauraient être interprétées en ce sens qu’il convient de laisser aux demandeurs d’asile le choix d’un logement à leur convenance personnelle.

44      En troisième lieu, quant à l’interrogation de la juridiction de renvoi sur l’obligation pour les États membres, qui fournissent les conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières, d’assurer le respect des modalités des conditions matérielles d’accueil prévues à l’article 14, paragraphes 1, 3, 5 et 8, de la directive 2003/9, il convient de constater que le paragraphe 1 de cet article concerne, en principe, les formules de logement que peuvent choisir les États membres et limite la portée des obligations figurant audit article à l’hypothèse où les États membres ont choisi d’octroyer les conditions matérielles d’accueil en nature.

45      Cependant, si l’article 14, paragraphe 3, de cette directive n’est pas applicable lorsque les conditions matérielles d’accueil sont fournies exclusivement sous la forme d’allocations financières, il n’en demeure pas moins que ces allocations doivent permettre, le cas échéant, aux enfants mineurs des demandeurs d’asile d’être logés avec leurs parents, de sorte que l’unité familiale, telle que visée au point 41 du présent arrêt, soit maintenue.

46      Il convient dès lors de répondre aux première et deuxième questions que l’article 13, paragraphe 5, de la directive 2003/9, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un État membre a choisi d’octroyer les conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières ou de bons, ces allocations doivent être fournies à partir du moment de l’introduction de la demande d’asile, conformément aux dispositions de l’article 13, paragraphe 1, de cette directive, et répondre aux normes minimales consacrées par les dispositions de l’article 13, paragraphe 2, de ladite directive. Cet État membre doit veiller à ce que le montant total des allocations financières couvrant les conditions matérielles d’accueil soit suffisant pour garantir un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer la subsistance des demandeurs d’asile, en leur permettant notamment de disposer d’un hébergement, en tenant compte, le cas échéant, de la préservation de l’intérêt des personnes ayant des besoins particuliers, en vertu des dispositions de l’article 17 de la même directive. Les conditions matérielles d’accueil prévues à l’article 14, paragraphes 1, 3, 5 et 8, de la directive 2003/9 ne s’imposent pas aux États membres lorsqu’ils ont choisi d’octroyer ces conditions sous la forme d’allocations financières uniquement. Néanmoins, le montant de ces allocations doit être suffisant pour permettre aux enfants mineurs d’être logés avec leurs parents, de sorte que l’unité familiale des demandeurs d’asile puisse être maintenue.

 Sur la troisième question

47      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2003/9 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que, en cas de saturation des structures d’hébergement dédiées aux demandeurs d’asile, les États membres renvoient ces derniers vers des organismes relevant du système d’assistance publique générale, chargés de fournir aux demandeurs d’asile l’aide financière nécessaire.

48      À cet égard, il échet de rappeler que si les États membres ne sont pas en mesure d’octroyer les conditions matérielles d’accueil en nature, la directive 2003/9 leur laisse la possibilité d’opter pour l’octroi des conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières. Ces allocations doivent, cependant, être suffisantes pour que les besoins fondamentaux des demandeurs d’asile, y compris un niveau de vie digne et adéquat pour la santé, leur soient assurés.

49      Étant donné que les États membres disposent d’une certaine marge d’appréciation quant aux moyens par lesquels ils fournissent les conditions matérielles d’accueil, ils peuvent ainsi procéder au versement des allocations financières par l’intermédiaire d’organismes relevant du système d’assistance publique générale, pour autant que ces organismes assurent aux demandeurs d’asile le respect des normes minimales prévues par cette directive.

50      Il importe de souligner, à cet égard, qu’il incombe aux États membres de veiller au respect, par ces organismes, des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile, la saturation des réseaux d’accueil ne pouvant pas justifier une quelconque dérogation au respect de ces normes.

51      Il convient, dès lors, de répondre à la troisième question que la directive 2003/9 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce que, en cas de saturation des structures d’hébergement dédiées aux demandeurs d’asile, les États membres puissent renvoyer ces derniers vers des organismes relevant du système d’assistance publique générale, pour autant que ce système assure aux demandeurs d’asile le respect des normes minimales prévues par cette directive.

 

 Sur les dépens

 

52      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 13, paragraphe 5, de la directive 2003/9/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un État membre a choisi d’octroyer les conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières ou de bons, ces allocations doivent être fournies à partir du moment de l’introduction de la demande d’asile, conformément aux dispositions de l’article 13, paragraphe 1, de cette directive, et répondre aux normes minimales consacrées par les dispositions de l’article 13, paragraphe 2, de ladite directive. Cet État membre doit veiller à ce que le montant total des allocations financières couvrant les conditions matérielles d’accueil soit suffisant pour garantir un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer la subsistance des demandeurs d’asile, en leur permettant notamment de disposer d’un hébergement, en tenant compte, le cas échéant, de la préservation de l’intérêt des personnes ayant des besoins particuliers, en vertu des dispositions de l’article 17 de la même directive. Les conditions matérielles d’accueil prévues à l’article 14, paragraphes 1, 3, 5 et 8, de la directive 2003/9 ne s’imposent pas aux États membres lorsqu’ils ont choisi d’octroyer ces conditions sous la forme d’allocations financières uniquement. Néanmoins, le montant de ces allocations doit être suffisant pour permettre aux enfants mineurs d’être logés avec leurs parents, de sorte que l’unité familiale des demandeurs d’asile puisse être maintenue.

2)      La directive 2003/9 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce que, en cas de saturation des structures d’hébergement dédiées aux demandeurs d’asile, les États membres puissent renvoyer ces derniers vers des organismes relevant du système d’assistance publique générale, pour autant que ce système assure aux demandeurs d’asile le respect des normes minimales prévues par cette directive.

Signatures


Langue de procédure: le néerlandais.

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