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CJUE, 17 juillet 2014, aff. C‑469/13, Shamim Tahir c/ Ministero dell'Interno et Questura di Verona

 

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

17 juillet 2014

Shamim Tahir contre Ministero dell'Interno et Questura di Verona

 

«Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Directive 2003/109/CE – Articles 2, 4, paragraphe 1, 7, paragraphe 1, et 13 – ‘Permis de séjour de résident de longue durée – UE’ – Conditions d’octroi – Séjour légal et ininterrompu dans l’État membre d’accueil pendant les cinq années précédant l’introduction de la demande de permis – Personne liée au résident de longue durée par des liens familiaux – Dispositions nationales plus favorables – Effets»

Dans l’affaire C‑469/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Verona (Italie), par décision du 27 août 2013, parvenue à la Cour le 30 août 2013, dans la procédure

Shamim Tahir

contre

Ministero dell’Interno,

Questura di Verona,

 

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Ó Caoimh (rapporteur), Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et B. Beutler, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par MM. F.-X. Bréchot et D. Colas, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Noort et M. Bulterman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande et M. A. Aresu, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 7, paragraphe 1, et 13, lus en combinaison avec les articles 2, sous e), et 4, paragraphe 1, de la directive 2003/109/CE du Conseil, du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (JO 2004, L 16, p. 44), telle que modifiée par la directive 2011/51/UE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2011 (JO L 132, p. 1, ci-après la «directive 2003/109»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Tahir au Ministero dell’Interno (ministère de l’Intérieur) et à la Questura di Verona (préfecture de police de Vérone), au sujet du rejet par cette dernière d’une demande de délivrance d’un permis de séjour de résident de longue durée – UE introduite par Mme Tahir.

 

 Le cadre juridique

 

 Le droit de l’Union

 La directive 2003/109

3        Conformément aux considérants 4 et 6 de la directive 2003/109:

«(4)      L’intégration des ressortissants des pays tiers qui sont installés durablement dans les États membres est un élément clé pour promouvoir la cohésion économique et sociale, objectif fondamental de [l’Union], énoncé dans le traité.

[...]

(6)      Le critère principal pour l’acquisition du statut de résident de longue durée devrait être la durée de résidence sur le territoire d’un État membre. Cette résidence devrait avoir été légale et ininterrompue pour témoigner de l’ancrage de la personne dans le pays. Une certaine flexibilité devrait être prévue pour tenir compte des circonstances qui peuvent amener une personne à s’éloigner du territoire de manière temporaire.»

4        Le considérant 17 de cette directive énonce:

«L’harmonisation des conditions d’acquisition du statut de résident de longue durée favorise la confiance mutuelle entre États membres. Certains États membres délivrent des titres de séjour permanents ou d’une durée de validité illimitée à des conditions plus favorables que celles établies par la présente directive. La possibilité d’appliquer des dispositions nationales plus favorables n’est pas exclue par le traité. Toutefois, aux fins de la présente directive, il convient de prévoir que les titres délivrés à des conditions plus favorables n’ouvrent pas l’accès au droit de séjour dans les autres États membres.»

5        L’article 1er, sous a), de ladite directive, intitulé «Objet», dispose:

«La présente directive établit:

a)      les conditions d’octroi et de retrait du statut de résident de longue durée accordé par un État membre aux ressortissants de pays tiers qui séjournent légalement sur son territoire, ainsi que les droits y afférents, [...]

[...]»

6        L’article 2, sous b), e), et g), de cette directive contient, aux fins de celle-ci, les définitions suivantes:

«b)      ‘résident de longue durée’, tout ressortissant d’un pays tiers qui est titulaire du statut de résident de longue durée prévu aux articles 4 à 7;

[...]

e)      ‘membre de la famille’, le ressortissant d’un pays tiers qui réside dans l’État membre concerné conformément à la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial [JO L 251, p. 12] [...];

[...]

g)      ‘permis de séjour de résident de longue durée – [UE]’, un titre de séjour qui est délivré par l’État membre concerné lors de l’acquisition du statut de résident de longue durée.»

7        L’article 3 de la directive 2003/109 définit le champ d’application de celle-ci. Aux termes du paragraphe 1 de cet article, ladite directive «s’applique aux ressortissants de pays tiers qui résident légalement sur le territoire d’un État membre». Les paragraphes 2 et 3 dudit article précisent, respectivement, que la directive 2003/109 ne s’applique pas à certaines catégories de ressortissants de pays tiers et s’applique sans préjudice des dispositions plus favorables contenues dans certains accords internationaux.

8        Le chapitre II de cette directive, comprenant les articles 4 à 13, concerne l’octroi du statut de résident de longue durée dans un État membre.

9        L’article 4 de ladite directive, intitulé «Durée de résidence», prévoit à son paragraphe 1:

«Les États membres accordent le statut de résident de longue durée aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l’introduction de la demande en cause.»

10      L’article 5 de la directive 2003/109, intitulé «Conditions relatives à l’acquisition du statut de résident de longue durée», dispose à son paragraphe 1:

«Les États membres exigent du ressortissant d’un pays tiers de fournir la preuve qu’il dispose pour lui et pour les membres de sa famille qui sont à sa charge:

a)      de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d’aide sociale de l’État membre concerné. Les États membres évaluent ces ressources par rapport à leur nature et à leur régularité et peuvent tenir compte du niveau minimal des salaires et pensions avant la demande d’acquisition du statut de résident de longue durée;

b)      d’une assurance maladie pour tous les risques normalement couverts pour leurs propres ressortissants dans l’État membre concerné.»

11      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive:

«Afin d’acquérir le statut de résident de longue durée, le ressortissant de pays tiers concerné introduit une demande auprès des autorités compétentes de l’État membre dans lequel il réside. La demande est accompagnée de pièces justificatives, à déterminer par le droit national, prouvant qu’il remplit les conditions énumérées aux articles 4 et 5, ainsi que, si nécessaire, d’un document de voyage valide ou d’une copie certifiée conforme de celui-ci.

[...]»

12      Les paragraphes 2 et 4 de l’article 8 de ladite directive, intitulé «Permis de séjour de résident de longue durée – [UE]», se lisent comme suit:

«2.      Les États membres délivrent au résident de longue durée le permis de séjour de résident de longue durée – [UE]. Ce permis a une durée de validité d’au moins cinq ans; à son échéance, il est renouvelable de plein droit, au besoin sur demande.

[...]

4.      Lorsqu’un État membre délivre un permis de séjour de résident de longue durée – UE à un ressortissant d’un pays tiers auquel il a accordé la protection internationale, il inscrit la remarque suivante sous la rubrique ‘Remarques’ du permis de séjour de résident de longue durée – UE de l’intéressé: ‘[nom de l’État membre] a accordé la protection internationale le [date]’.»

13      L’article 13 de la directive 2003/109, intitulé «Dispositions nationales plus favorables», prévoit:

«Les États membres peuvent délivrer des titres de séjour permanents ou d’une durée de validité illimitée à des conditions plus favorables que celles établies dans la présente directive. Ces titres de séjour ne donnent pas accès au droit de séjour dans les autres États membres tel que prévu au chapitre III.»

14      Le chapitre III de cette directive, intitulé «Séjour dans les autres États membres», dispose à son article 14, paragraphe 1:

«Un résident de longue durée acquiert le droit de séjourner sur le territoire d’États membres autres que celui qui lui a accordé son statut de résident de longue durée, pour une période dépassant trois mois, pour autant que les conditions fixées dans le présent chapitre soient remplies.»

15      L’article 16 dudit chapitre est relatif aux membres de la famille. Aux termes de ses paragraphes 1 et 2:

«1.      Lorsque le résident de longue durée exerce son droit de séjour dans un deuxième État membre et lorsque la famille est déjà constituée dans le premier État membre, les membres de sa famille qui remplissent les conditions visées à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/86/CE sont autorisés à l’accompagner ou à le rejoindre.

2.      Lorsque le résident de longue durée exerce son droit de séjour dans un deuxième État membre et lorsque sa famille est déjà constituée dans le premier État membre, les membres de sa famille autres que ceux visés à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/86/CE peuvent être autorisés à l’accompagner ou à le rejoindre.»

 La directive 2003/86

16      Aux termes de son article 1er, le but de la directive 2003/86 «est de fixer les conditions dans lesquelles est exercé le droit au regroupement familial dont disposent les ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire des États membres».

 Le droit italien

17      L’article 9 du décret législatif n° 286, du 25 juillet 1998, portant texte unique des dispositions concernant la réglementation de l’immigration et les règles relatives à la condition de l’étranger (supplément ordinaire à la GURI n° 139, du 18 août 1998, ci-après le «décret législatif n° 286/1998»), tel que modifié par le décret législatif n° 3, du 8 janvier 2007, portant application de la directive 2003/109 relative au statut de ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (GURI n° 24, du 30 janvier 2007), dispose à son paragraphe 1:

«L’étranger titulaire, depuis au moins cinq ans, d’un permis de séjour en cours de validité, qui démontre qu’il dispose d’un revenu non inférieur au montant annuel de l’allocation sociale et, dans le cas d’une demande concernant les membres de sa famille, d’un revenu suffisant [...] et d’un logement approprié satisfaisant aux conditions minimales prévues par [les dispositions pertinentes du droit national] peut demander au préfet la délivrance du permis de séjour pour résident de longue durée [– UE], pour lui‑même et pour les membres de sa famille, tels que définis à l’article 29, paragraphe 1.»

18      L’article 29, paragraphe 1, point a), du décret législatif n° 286/1998 prévoit:

«L’étranger peut demander le regroupement pour les membres de sa famille suivants:

a)       son conjoint non légalement séparé et âgé de 18 ans au moins [...]»

19      Intitulé «Demande de permis de séjour», l’article 16 du décret du président de la République n° 394, du 31 août 1999, portant dispositions d’application du texte unique des dispositions concernant la réglementation de l’immigration et les règles relatives à la condition de l’étranger, conformément à l’article 1er, paragraphe 6, du décret législatif n° [286/1998] (supplément ordinaire à la GURI n° 190, du 3 novembre 1999), tel que modifié par le décret du président de la République n° 334, du 18 octobre 2004, portant règlement modifiant et complétant le décret n° 394, du 31 août 1999, en matière d’immigration (supplément ordinaire à la GURI n° 17, du 10 février 2005), prévoit à ses paragraphes 1 à 4:

«1.      Pour la délivrance de la carte de séjour visée à l’article 9 du [décret législatif n° 286/1998], l’intéressé doit faire une demande écrite, sur un formulaire conforme à celui qui a été approuvé par décret du [ministre de l’Intérieur].

2.      Dans sa demande, qui doit être présentée à la préfecture du lieu de résidence de l’étranger, ce dernier doit indiquer:

a)      son identité complète;

b)      le ou les lieux dans lesquels l’intéressé a résidé en Italie durant les cinq années précédentes;

c)      son lieu de résidence;

d)      ses sources de revenus, [...]

[...]

4.      Sans préjudice des dispositions de l’article 9, paragraphe 2, et de l’article 30, paragraphe 4, du texte unique, s’il s’agit d’une demande concernant les membres de la famille en vertu de l’article 9, paragraphe 1, et de l’article 29, paragraphe 1, point b-bis, dudit texte unique, les informations visées au paragraphe 2 et la documentation citée au paragraphe 3 du présent article doivent également concerner le conjoint et les enfants mineurs de 18 ans qui cohabitent et pour lesquels une carte de séjour est également demandée; en outre, doivent être présentés les documents suivants, qui font état:

a)      du statut de conjoint ou d’enfant mineur […]

b)      de l’accès à un logement [...]

c)      du revenu [...]; en tenant compte de celui des membres de la famille qui cohabitent mais ne sont pas à charge.»

 

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

 

20      Le 28 février 2012, Mme Tahir, ressortissante pakistanaise, a introduit auprès de la Questura di Verona une demande de délivrance d’un permis de séjour de résident de longue durée – UE, en sa qualité de conjointe de M. Tahir, également ressortissant pakistanais. Ce dernier est détenteur d’un tel permis de séjour.

21      Ladite demande a été rejetée par la Questura di Verona, au motif que Mme Tahir, ne séjournant en Italie que depuis le 15 mars 2010, grâce à un visa d’entrée au titre du regroupement familial avec son conjoint, ne remplissait pas la condition prévue à l’article 9 du décret législatif n° 286/1998 selon laquelle il est nécessaire d’être en possession, depuis au moins cinq ans, d’un permis de séjour en cours de validité.

22      Mme Tahir a saisi le Tribunale di Verona pour obtenir l’annulation de cette décision de rejet. Invoquant la législation italienne, elle affirme avoir droit à un permis de séjour de longue durée – UE, dès lors qu’elle est membre de la famille de M. Tahir, qui bénéficiait déjà du statut de résident de longue durée en Italie, et qu’elle est ainsi exonérée de ladite condition. Mme Tahir fait notamment valoir que son interprétation de l’article 9 du décret législatif n° 286/1998 est justifiée par l’article 13 de la directive 2003/109. En effet, cet article 9 prévoirait une mesure plus favorable que celle fixée par la directive 2003/109, en ce qu’il ne serait pas nécessaire pour le membre de la famille du titulaire du statut de résident de longue durée de remplir la condition de la résidence légale et ininterrompue en Italie pendant cinq ans.

23      La Questura di Verona soutient que la condition de résidence prévue audit article 9 est une condition indispensable à l’obtention du permis de séjour de résident de longue durée – UE, dès lors qu’elle est requise par l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/109, et que la réglementation en cause ne dispose d’aucune dérogation à cet égard.

24      La juridiction de renvoi expose, dans sa décision, que l’article 9, paragraphe 1, du décret législatif n° 286/1998, étend, sous certaines conditions relatives au revenu suffisant et au logement adéquat, la possibilité de délivrance du permis de séjour de résident de longue durée – UE aux membres de la famille du ressortissant d’un pays tiers ayant déjà obtenu un tel permis. À cette fin, la condition de la résidence d’une durée de cinq ans concernerait seulement ce ressortissant et non les membres de sa famille. Par ailleurs, cette interprétation serait aussi confirmée par certaines décisions de juridictions nationales. La juridiction de renvoi se demande si cette disposition est contraire à la directive 2003/109, dans la mesure où il découlerait de cette directive que, pour la délivrance de ce permis, le demandeur dudit permis doit être installé durablement dans l’État membre concerné.

25      Dans ces circonstances, le Tribunale di Verona a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/109 doit‑il être interprété en ce sens que la condition de la résidence légale et ininterrompue pendant cinq ans dans l’État membre, visée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive [2003/109] et qui doit être remplie, documents à l’appui, lors de la présentation de la demande de [permis de séjour de résident de longue durée – UE], peut également être remplie par une personne différente de celle qui présente la demande et qui est un membre de sa famille en vertu de l’article 2, sous e), de la directive [2003/109]?

2)      L’article 13, première phrase, de la directive 2003/109 doit-il être interprété en ce sens que la condition permettant d’étendre, en tant que prérequis à l’octroi du statut de résident de longue durée, aux membres de la famille de la personne qui a déjà acquis le statut de résident de longue durée – tels que définis à l’article 2, sous e), de la directive [2003/109] – la résidence légale et ininterrompue pendant cinq ans de cette dernière dans l’État concerné visée à l’article 4, paragraphe 1, de la même directive, sans préjudice de la durée du séjour de ceux-ci sur le territoire de l’État membre dans lequel la demande est présentée, constitue une condition plus favorable à laquelle les États membres peuvent délivrer des [permis de séjour de résident de longue durée – UE] permanents ou d’une durée de validité illimitée?»

 

 Sur les questions préjudicielles

 

 Sur la première question

26      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/109 doit être interprété en ce sens que le membre de la famille, tel que défini à l’article 2, sous e), de cette directive, de la personne ayant déjà acquis le statut de résident de longue durée, peut être exonéré de la condition prévue à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive selon laquelle, en vue d’obtenir ce statut, le ressortissant de pays tiers doit avoir résidé de manière légale et ininterrompue dans l’État membre concerné pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l’introduction de la demande en cause.

27      À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que le système mis en place par la directive 2003/109 indique clairement que l’acquisition du statut de résident de longue durée accordé en vertu de cette directive est soumise à une procédure particulière et, en outre, à l’obligation de remplir les conditions précisées au chapitre II de cette directive (arrêt Kamberaj, C‑571/10, EU:C:2012:233, point 66).

28      Ainsi, la Cour a relevé que l’article 4 de la directive 2003/109 prévoit que les États membres réservent l’octroi du statut de résident de longue durée aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l’introduction de la demande en cause. L’article 5 de cette directive subordonne l’acquisition de ce statut à la preuve que le ressortissant d’un pays tiers demandant le bénéfice de ce statut dispose de ressources suffisantes et d’une assurance maladie. Enfin, l’article 7 de la même directive précise les exigences procédurales pour l’obtention dudit statut (arrêt Kamberaj, EU:C:2012:233, point 67).

29      Or, rien dans le libellé dudit article 7 ni d’aucune autre disposition de la directive 2003/109 ne permet de supposer qu’un membre de la famille au sens de l’article 2, sous e), de cette directive puisse être exonéré, pour bénéficier du statut de résident de longue durée prévu par cette directive, de la condition de résidence légale et ininterrompue sur le territoire de l’État membre concerné pendant les cinq années précédant l’introduction de la demande en cause.

30      Au contraire, il résulte d’une lecture combinée des articles 4 et 7 de la directive 2003/109, lus à la lumière du considérant 6 de cette directive, que ladite condition de résidence est une condition indispensable à l’octroi du statut de résident de longue durée.

31      En effet, il convient de relever que, d’une part, l’article 7 de la directive 2003/109 contient un renvoi explicite aux conditions énumérées aux articles 4 et 5 de cette directive. Dès lors, la demande introduite auprès des autorités compétentes de l’État membre par un ressortissant de pays tiers doit être accompagnée de pièces justificatives prouvant qu’il remplit ces conditions et donc, notamment, la condition de résidence. D’autre part, le considérant 6 de ladite directive énonce que le critère principal pour l’acquisition du statut de résident de longue durée devrait être la durée de résidence sur le territoire d’un État membre. Ce considérant précise que cette résidence devrait avoir été légale et ininterrompue pour témoigner de l’ancrage de la personne dans le pays.

32      Ainsi, la Cour a déjà constaté qu’il résulte notamment des considérants 4 et 6 de la directive 2003/109 que l’objectif principal de celle-ci est l’intégration des ressortissants de pays tiers qui sont installés durablement dans les États membres (voir, en ce sens, arrêt Singh, C‑502/10, EU:C:2012:636, point 45).

33      La Cour a également jugé que, tel qu’il découle de l’article 4, paragraphe 1, et du considérant 6 de la directive 2003/109, c’est la durée de la résidence légale et ininterrompue de cinq ans qui témoigne de l’ancrage de la personne concernée dans le pays et donc de l’installation durable de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt Singh, EU:C:2012:636, point 46).

34      Partant, il y a lieu de conclure que la condition de résidence légale et ininterrompue sur le territoire de l’État membre concerné pendant les cinq années précédant l’introduction de la demande en cause, prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/109, est une condition indispensable pour pouvoir acquérir le statut de résident de longue durée prévu par cette directive, de sorte qu’un ressortissant d’un pays tiers peut présenter une demande, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, afin d’acquérir ce statut uniquement s’il remplit lui-même, à titre personnel, cette condition.

35      En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que la requérante au principal avait résidé, à l’époque de l’introduction de sa demande de permis de séjour de résident de longue durée – UE, sur le territoire italien durant une période inférieure à deux ans. Dès lors, il n’apparaît pas que cette requérante remplissait la condition figurant à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/109, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

36      Par ailleurs, cette directive contient, certes, des dispositions relatives au droit de séjour des membres d’une famille, tels que définis à l’article 2, sous e), de ladite directive. Toutefois, ces dispositions visent le cas particulier des membres de la famille du ressortissant de pays tiers ayant le statut de résident de longue durée, dans un premier État membre, qui exerce son droit de séjour dans un deuxième État membre. Ainsi, l’article 16 de ladite directive fixe le droit et les conditions en vertu desquels ces membres peuvent accompagner ou rejoindre ledit résident dans ce deuxième État membre.

37      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que les articles 4, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive 2003/109 doivent être interprétés en ce sens que le membre de la famille, tel que défini à l’article 2, sous e), de cette directive, de la personne ayant déjà acquis le statut de résident de longue durée ne peut pas être exonéré de la condition prévue à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive selon laquelle, en vue d’obtenir ce statut, le ressortissant de pays tiers doit avoir résidé de manière légale et ininterrompue dans l’État membre concerné pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l’introduction de la demande en cause.

 Sur la seconde question

38      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13 de la directive 2003/109 doit être interprété en ce sens qu’il permet à un État membre d’octroyer, à des conditions plus favorables que celles établies dans cette directive, à un membre de la famille au sens de l’article 2, sous e), de cette directive, un permis de séjour de résident de longue durée – UE.

39      À cet égard, il convient, à titre liminaire, de constater que la possibilité pour un tel ressortissant de pays tiers de se voir délivrer un titre de séjour, sans qu’il ait à satisfaire à la condition de résidence légale et ininterrompue dans cet État membre prévue à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, peut relever de la possibilité prévue à l’article 13 de ladite directive 2003/109 consistant à permettre aux États membres de délivrer des titres de séjour permanents ou d’une durée illimitée à des conditions plus favorables que celles établies dans cette même directive.

40      Or, il ressort du considérant 17 de la directive 2003/109 que l’harmonisation des conditions d’acquisition du statut de résident de longue durée favorise la confiance mutuelle entre États membres. Dans ce contexte, ce considérant énonce que les titres de séjour permanents ou d’une durée de validité illimitée délivrés à des conditions plus favorables que celles établies par cette directive n’ouvrent pas l’accès au droit de séjour dans les autres États membres.

41      Ainsi, si l’article 13 de la directive 2003/109 laisse aux États membres la possibilité susmentionnée, il ne peut, selon les termes univoques de la seconde phrase de cette disposition, que s’agir de «titres de séjour [qui] ne donnent pas accès au droit de séjour dans les autres États membres tel que prévu au chapitre III [de cette directive]».

42      Comme il ressort notamment d’une lecture combinée des articles 2, sous b), et 14, paragraphe 1, de la directive 2003/109, un permis de séjour de résident de longue durée – UE donne, en principe, à son titulaire le droit de séjourner sur le territoire d’États membres autres que celui qui lui a accordé son statut de résident de longue durée pour une période dépassant trois mois.

43      Partant, un titre de séjour qui serait délivré, conformément à l’article 13 de ladite directive, par un État membre, à un membre de la famille au sens de l’article 2, sous e), de cette même directive dans des conditions plus favorables que celles établies par le droit de l’Union, ne saurait en aucun cas consister en un permis de séjour de résident de longue durée – UE au sens de ladite directive.

44      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 13 de la directive 2003/109 doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à un État membre d’octroyer, à des conditions plus favorables que celles établies dans cette directive, à un membre de la famille au sens de l’article 2, sous e), de cette directive, un permis de séjour de résident de longue durée – UE.

 

 Sur les dépens

 

45      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 4, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive 2003/109/CE du Conseil, du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, telle que modifiée par la directive 2011/51/UE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2011, doivent être interprétés en ce sens que le membre de la famille, tel que défini à l’article 2, sous e), de cette directive, de la personne ayant déjà acquis le statut de résident de longue durée ne peut pas être exonéré de la condition prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la même directive selon laquelle, en vue d’obtenir ce statut, le ressortissant de pays tiers doit avoir résidé de manière légale et ininterrompue dans l’État membre concerné pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l’introduction de la demande en cause.

2)      L’article 13 de la directive 2003/109, telle que modifiée par la directive 2011/51, doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à un État membre d’octroyer, à des conditions plus favorables que celles établies dans cette directive, à un membre de la famille au sens de l’article 2, sous e), de cette directive, un permis de séjour de résident de longue durée – UE.

Signatures


Langue de procédure: l’italien.

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