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CJUE, 27 juin 2013, aff. C-492/11, Ciro Di Donna c/ Società imballaggi metallici Salerno srl (SIMSA)

 

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

27 juin 2013

Ciro Di Donna contre Società imballaggi metallici Salerno srl (SIMSA)

 

«Coopération judiciaire en matière civile – Médiation en matière civile et commerciale – Directive 2008/52/CE – Réglementation nationale prévoyant une procédure de médiation obligatoire – Non-lieu à statuer»

Dans l’affaire C-492/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Giudice di pace di Mercato San Severino (Italie), par décision du 21 septembre 2011, parvenue à la Cour le 26 septembre 2011, dans la procédure

Ciro Di Donna

contre

Società imballaggi metallici Salerno srl (SIMSA),

 

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. E. Jarašiūnas, A. Ó Caoimh, Mme C. Toader (rapporteur) et M. C. G. Fernlund, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Varone, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et J.-S. Pilczer, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme F. Moro et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 avril 2013,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (JO L 136, p. 3), des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Di Donna à Società imballaggi metallici Salerno (SIMSA) srl (ci-après «SIMSA») au sujet de la réparation du dommage causé à son véhicule automobile et pour lequel le Giudice di pace di Mercato San Severino envisage de faire application de la procédure de médiation obligatoire prévue en droit italien.

 

 Le cadre juridique

 

 La réglementation de l’Union

3        Les considérants 8 et 10 de la directive 2008/52 se lisent comme suit:

«(8)      Les dispositions de la présente directive ne devraient s’appliquer qu’à la médiation des litiges transfrontaliers, mais rien ne devrait empêcher les États membres de les appliquer également aux processus de médiation internes.

[…]

(10)      La présente directive devrait s’appliquer aux processus dans lesquels deux parties ou plus à un litige transfrontalier tentent par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord à l’amiable sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Elle devrait s’appliquer aux matières civiles et commerciales [...]»

4        L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive prévoit:

«La présente directive a pour objet de faciliter l’accès à des procédures alternatives de résolution des litiges et de favoriser le règlement amiable des litiges en encourageant le recours à la médiation et en garantissant une articulation satisfaisante entre la médiation et les procédures judiciaires.»

5        L’article 3, sous a), de ladite directive dispose:

«[…] on entend par:

a)      ‘médiation’, un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Ce processus peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit d’un État membre.

[…]»

6        L’article 5, paragraphe 2, de cette même directive prévoit:

«La présente directive s’applique sans préjudice de toute législation nationale rendant le recours à la médiation obligatoire ou le soumettant à des incitations ou des sanctions, que ce soit avant ou après le début de la procédure judiciaire, pour autant qu’une telle législation n’empêche pas les parties d’exercer leur droit d’accès au système judiciaire.»

7        L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/52 est libellé comme suit:

«Étant donné que la médiation doit être menée de manière à préserver la confidentialité, les États membres veillent à ce que, sauf accord contraire des parties, ni le médiateur ni les personnes participant à l’administration du processus de médiation ne soient tenus de produire, dans une procédure judiciaire civile ou commerciale ou lors d’un arbitrage, des preuves concernant les informations résultant d’un processus de médiation ou en relation avec celui-ci, excepté:

a)      lorsque cela est nécessaire pour des raisons impérieuses d’ordre public dans l’État membre concerné, notamment pour assurer la protection des intérêts primordiaux des enfants ou empêcher toute atteinte à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne; ou

b)      lorsque la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour mettre en œuvre ou pour exécuter ledit accord.

[…]»

 Le droit italien

 Le décret législatif no 28/2010

8        Le décret législatif no 28, du 4 mars 2010, mettant en œuvre l’article 60 de la loi no 69, du 18 juin 2009, relative à la médiation en vue de la conciliation des litiges civils et commerciaux (GURI no 53, du 5 mars 2010, ci-après le «décret législatif no 28/2010»), a été communiqué à la Commission européenne en tant que mesure nationale de transposition de la directive 2008/52.

9        L’article 5, paragraphe 1, de ce décret prévoit:

«Toute personne ayant l’intention d’introduire en justice une action relative à un litige en matière de copropriété, droit réel, division, succession, contrat familial, bail, commodat, mise en gérance d’entreprise, réparation du préjudice découlant de la circulation de véhicules ou de bateaux, responsabilité médicale et diffamation dans la presse ou tout autre support publicitaire, contrats d’assurance, bancaire et financier, est tenue en premier lieu de recourir à la procédure de médiation au sens du présent décret […] Le déroulement effectif de la procédure de médiation est une condition de recevabilité de l’acte judiciaire introductif d’instance. L’exception d’irrecevabilité doit être soulevée par la partie défenderesse, sous peine de déchéance, ou relevée d’office par le juge, pas après la première audience. Le juge, lorsqu’il constate que la médiation a déjà commencé, mais qu’elle n’a pas été conclue, fixe la date de l’audience suivante après l’expiration du délai visé à l’article 6. Il agit de même lorsque la médiation n’a pas eu lieu et accorde dès lors aux parties un délai de 15 jours pour l’introduction de la demande de médiation.»

10      L’article 6 dudit décret se lit comme suit:

«1.      La durée de la procédure de médiation n’excède pas quatre mois.

[…]»

11      L’article 8 du décret législatif no 28/2010, tel que modifié par la loi no 148, du 14 septembre 2011 (GURI no 216, du 16 septembre 2011, p. 1), régit le déroulement de la procédure de médiation. Cet article dispose:

«1.      Lors de l’acte d’introduction de la demande de médiation, le responsable de l’organisme désigne un médiateur et fixe un premier entretien entre les parties dans un délai maximal de 15 jours à compter du dépôt de la demande. […]

[...]»

12      L’article 11 du décret no 28/2010 dispose:

«1.      En cas d’accord amiable, le médiateur dresse un procès-verbal auquel est annexé le texte de l’accord. À défaut d’un tel accord, le médiateur peut formuler une proposition de conciliation. En tout état de cause, le médiateur formule une proposition de conciliation si les parties en font la demande commune à tout moment de la procédure. Avant la formulation de la proposition, le médiateur informe les parties des conséquences possibles résultant de l’article 13.

[...]

4.      En cas d’échec de la conciliation, le médiateur dresse un procès-verbal en indiquant la proposition; le procès-verbal est signé par les parties et par le médiateur, lequel certifie la signature par les parties ou leur impossibilité de signer. Dans ce même procès-verbal, le médiateur prend acte du défaut de participation d’une des parties à la procédure de médiation.»

13      L’article 13 dudit décret, relatif aux frais de procédure, prévoit:

«1.      Lorsque le jugement correspond intégralement au contenu de la proposition, le juge exclut le remboursement des frais, encourus par la partie qui a gagné et qui a refusé la proposition, durant la période postérieure à la formulation de la proposition, et la condamne à rembourser les frais encourus durant cette même période par la partie qui a succombé, de même qu’au versement au Trésor public d’une somme ultérieure d’un montant correspondant à la contribution unifiée due. Les articles 92 et 96 du code de procédure civile [Codice di procedura civile] restent applicables. Les dispositions du présent paragraphe s’appliquent outre l’indemnité due au médiateur et les frais d’expertise, au sens de l’article 8, paragraphe 4.

2.      Lorsque le jugement ne correspond pas intégralement au contenu de la proposition, le juge, en présence de raisons graves et exceptionnelles, peut néanmoins exclure le remboursement des frais encourus par la partie qui a gagné pour ce qui est de l’indemnité du médiateur et les frais d’expertise, au sens de l’article 8, paragraphe 4.»

 Le décret ministériel no 180/2010

14      Par la voie réglementaire, le gouvernement italien a adopté le décret ministériel no 180, du 18 octobre 2010, tel que modifié par le décret ministériel no 145, du 6 juillet 2011 (ci-après le «décret ministériel no 180/2010»). Aux fins de la présente affaire, l’article 16 du décret ministériel no 180/2010 dispose:

«1.      L’indemnité comprend les frais d’ouverture de la procédure et les frais de médiation.

2.      En ce qui concerne les frais d’ouverture, intégrés dans l’indemnité globale, chaque partie est tenue à un montant de 40,00 euros qui est versé au moment du dépôt de la demande de médiation et par la partie appelée à la médiation au moment auquel elle se joint à la procédure.

3.      En ce qui concerne les frais de médiation, chaque partie est tenue du montant indiqué dans le tableau A annexé au présent décret.

4.      Le montant maximal des frais de médiation pour chaque tranche de référence, tel que fixé dans le tableau A:

a)      peut être augmenté dans la limite d’un cinquième, considérant l’importance particulière, la complexité ou la difficulté de l’affaire;

b)      doit être augmenté dans la limite d’un quart en cas de succès de la médiation;

c)      doit être augmenté dans la limite d’un cinquième en cas de formulation de la proposition au sens de l’article 11 du décret législatif [no 28/2010];

d)      dans les matières prévues à l’article 5, paragraphe 1, du décret législatif [no 28/2010], doit être réduit d’un tiers pour les six premières tranches, et de la moitié pour les autres, sans préjudice de la réduction prévue sous e), du présent paragraphe, et il n’est procédé à aucune autre augmentation parmi celles prévues dans le présent article à l’exception de celle prévue sous b) du présent paragraphe;

e)      doit être réduit à la somme de 40 euros pour la première tranche et à 50 euros pour toutes les autres tranches, indépendamment de l’application des dispositions sous c) du présent paragraphe lorsque aucune des parties autre que celle qui a introduit la médiation ne participe à la procédure.

[…]

14.      Il peut être dérogé aux montants minimaux des indemnités pour chaque tranche de référence, telle que fixée dans le tableau A annexé au présent décret.»

15      Le tableau A, visé à l’article 16, paragraphe 4, du décret ministériel no 180/2010, se présente de la manière suivante:

Valeur du litige

Dépens (par partie)

Jusqu’à 1 000 euros

65 euros

De 1 001 à 5 000 euros

130 euros

De 5 001 à 10 000 euros

240 euros

De 10 001 à 25 000 euros

360 euros

De 25 001 à 50 000 euros

600 euros

De 50 001 à 250 000 euros

1 000 euros

De 250 001 à 500 000 euros

2 000 euros

De 500 001 à 2 500 000 euros

3 800 euros

De 2 500 001 à 5 000 000 euros

5 200 euros

Au-delà de 5 000 000 euros

9 200 euros

 

Le litige au principal et les questions préjudicielles

 

16      M. Di Donna a assigné SIMSA en justice en vue de la faire condamner à réparer le dommage causé à son véhicule automobile par un chariot élévateur appartenant à cette société. Ainsi qu’il ressort du dossier, SIMSA n’a pas contesté les faits, mais a demandé le report de la première audience afin de pouvoir appeler en garantie la société d’assurances auprès de laquelle elle détient une police couvrant sa responsabilité délictuelle. Elle a cependant soutenu, à cet égard, qu’il convenait, avant d’appeler en garantie cette société d’assurances, de soumettre le litige à la procédure de médiation obligatoire prévue par le décret législatif no 28/2010.

17      La juridiction de renvoi considère que ce décret est applicable aux faits au principal dans la mesure où le rapport contractuel existant entre SIMSA et la société d’assurances appelée à intervenir relève du domaine des assurances pour lequel la procédure de médiation est, en application de l’article 5, paragraphe 1, dudit décret, obligatoire sous peine d’irrecevabilité du recours juridictionnel. Le Giudice di pace di Mercato San Severino se pose toutefois la question de savoir si, aux fins de fixer la date de la prochaine audience, il y a lieu de tenir compte du délai de comparution de 45 jours prévu pour l’appel en intervention ou, également, de celui de quatre mois nécessaire au déroulement de la procédure de médiation. Par ailleurs, la juridiction de renvoi partage les doutes de SIMSA concernant la compatibilité des dispositions du décret législatif no 28/2010 avec le droit de l’Union.

18      C’est dans ce contexte que le Giudice di pace di Mercato San Severino a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«Les articles 6 et 13 de la convention [européenne] de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne […], la directive 2008/52[...], le principe général du droit de l’Union [...] de protection juridictionnelle effective et, en général, le droit de l’Union dans son ensemble s’opposent-ils à ce que soit introduite, dans l’un des États membres de l’Union européenne, une réglementation, [tels] le décret législatif no 28/2010 et le décret ministériel no 180/2010, [...] en vertu de laquelle:

1)      le juge peut tirer, dans le cadre du procès qui s’ensuit, des éléments de preuve à la charge de la partie qui n’a pas participé, sans juste motif, à une procédure de médiation obligatoire;

2)      le juge doit exclure le remboursement des frais encourus, par la partie qui a gagné et qui a refusé une proposition de conciliation, postérieurement à la formulation de cette dernière, et doit la condamner au remboursement des frais encourus durant la même période par la partie qui a succombé, de même qu’au versement en faveur du Trésor public d’une autre somme d’un montant correspondant à celle déjà versée au titre de l’impôt dû (contribution unifiée), si le jugement rendu au terme de l’affaire engagée après la formulation de la proposition refusée correspond intégralement au contenu de cette proposition;

3)      le juge, pour des raisons graves et exceptionnelles, peut exclure le remboursement des sommes encourues par la partie qui a gagné au titre de l’indemnité versée au médiateur et des frais d’expertise, même lorsque le jugement rendu au terme de l’affaire ne correspond pas intégralement au contenu de la proposition;

4)      le juge doit condamner, à verser au Trésor public une somme correspondant à la contribution unifiée due au titre du procès, la partie qui n’a pas participé à la procédure de médiation sans juste motif;

5)      le médiateur peut, voire doit, formuler une proposition de conciliation même à défaut d’accord des parties et même à défaut de participation des parties à la procédure;

6)      le délai au terme duquel la tentative de médiation doit s’achever peut atteindre quatre mois;

7)      même après l’expiration du délai de quatre mois à compter du commencement de la procédure, une action ne pourra être intentée qu’après avoir disposé, auprès du secrétariat de l’organisme de médiation, du procès-verbal attestant d’un défaut d’accord, rédigé par le médiateur et indiquant la proposition rejetée;

8)      il n’est pas exclu que les procédures de médiation puissent se multiplier – avec pour conséquence une multiplication des délais de résolution des litiges – dans la même mesure que les demandes régulièrement introduites dans le cadre de procès engagés entre-temps;

9)      le coût de la procédure de médiation obligatoire est au moins deux fois supérieur à celui de la procédure juridictionnelle que la procédure de médiation vise à éviter et cet écart augmente de manière exponentielle avec l’augmentation de la valeur du litige (de sorte que le coût de la médiation peut s’avérer six fois plus élevé que le coût d’un procès juridictionnel) ou au regard de sa complexité (lorsqu’il s’avère nécessaire, dans cette dernière hypothèse, d’avoir recours à un expert, rémunéré par les parties à la procédure, pour assister le médiateur dans des litiges qui requièrent des compétences techniques spécifiques, sans que le rapport de l’expert [ou] les informations qu’il a établies puisse[nt] être utilisés par la suite dans le cadre du procès)?»

 

 Les développements intervenus postérieurement à l’introduction de la demande de décision préjudicielle

 

19      À la suite d’une demande d’éclaircissements de la Cour portant sur les motifs justifiant la nécessité du présent renvoi préjudiciel aux fins de la résolution du litige au principal, la juridiction de renvoi a, dans sa réponse du 9 mars 2012, indiqué que, dans l’hypothèse d’une décision de la Cour allant dans le sens de l’incompatibilité de la réglementation nationale avec le droit de l’Union, elle serait tenue de ne pas soumettre le litige au principal à la procédure de médiation, ce qui aurait des conséquences sur le calcul des délais pour la fixation de l’audience.

20      Par un arrêt no 272/2012, prononcé le 24 octobre 2012, la Corte costituzionale a déclaré l’inconstitutionnalité de certains articles du décret législatif no 28/2010, notamment des articles 5, paragraphe 1, 8, paragraphe 5, ainsi que 13, à l’exception, pour ce dernier, du renvoi aux articles 92 et 96 du code de procédure civile, cependant dépourvus de pertinence dans l’affaire au principal.

21      Il ressort de cet arrêt, notamment, que, à la suite du constat d’inconstitutionnalité de l’article 5, paragraphe 1, du décret législatif no 28/2010, l’engagement préalable de la procédure de médiation en Italie n’est plus une condition de recevabilité de l’acte judiciaire introductif d’instance et les parties ne sont désormais plus tenues de recourir à la procédure de médiation.

22      Par lettre du 14 décembre 2012, le greffe de la Cour a demandé à la juridiction de renvoi de lui indiquer les conséquences de l’arrêt no 272/2012, tant sur le litige national pendant devant elle que sur le renvoi préjudiciel.

23      Par courrier du 17 janvier 2013, ladite juridiction a répondu qu’elle maintenait sa demande de décision préjudicielle. Toutefois, elle n’a pas pris position sur l’incidence dudit arrêt en ce qui concerne la décision à intervenir au principal ni sur la pertinence des questions préjudicielles posées à la Cour.

 

 Sur le renvoi préjudiciel

 

24      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales au titre de l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, la Cour est en principe tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59; du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379/98, Rec. p. I-2099, point 38, et du 9 décembre 2010, Fluxys, C-241/09, Rec. p. I-12773, point 28).

25      Toutefois, la Cour a également indiqué que, dans des hypothèses exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence. Elle ne peut refuser de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts PreussenElektra, précité, point 39; du 23 avril 2009, Rüffler, C-544/07, Rec. p. I-3389, point 38; du 19 novembre 2009, Filipiak, C-314/08, Rec. p. I-11049, point 42, et du 26 février 2013, Melloni, C-399/11, point 29).

26      Ainsi, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel (voir en ce sens, notamment, arrêt du 20 janvier 2005, García Blanco, C-225/02, Rec. p. I-523, point 27 et jurisprudence citée).

27      Or, dans l’affaire au principal, à la suite de l’arrêt de la Corte costituzionale du 24 octobre 2012, la réglementation nationale applicable au litige au principal n’est plus celle prise en considération dans le cadre de la demande de décision préjudicielle (voir, par analogie, arrêt Fluxys, précité, point 32). En effet, ledit arrêt, déclarant la non-conformité de certaines dispositions du décret législatif no 28/2010 avec la Constitution a pour effet de les écarter de l’ordre juridique national.

28      Si la juridiction de renvoi a certes indiqué, dans sa lettre du 17 janvier 2013, qu’elle souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle, elle n’a toutefois pas précisé en quoi ses questions préjudicielles restaient pertinentes pour la solution du litige au principal.

29      Or, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 20 et 23 de ses conclusions, les neuf questions préjudicielles adressées à la Cour ont désormais un caractère hypothétique.

30      En effet, les quatre premières questions portent sur la compatibilité avec le droit de l’Union d’une réglementation permettant au juge, d’une part, d’utiliser des éléments de preuve à la charge de la partie qui n’a pas participé, sans juste motif, à une procédure de médiation obligatoire et de la condamner à verser au Trésor public une somme d’un montant correspondant à la contribution unifiée pour les dépens (article 8, paragraphe 5, du décret législatif no 28/2010) et, d’autre part, d’exclure le remboursement des frais encourus par la partie gagnante ayant refusé la proposition de conciliation et de la condamner à supporter les dépenses de médiation (article 13 de ce décret). Ainsi, ces questions se réfèrent exclusivement à des dispositions qui ont été déclarées inconstitutionnelles. Dans ces conditions, lesdites questions sont devenues sans objet par l’effet des modifications intervenues en ce qui concerne l’applicabilité des dispositions nationales litigieuses.

31      S’agissant des cinq dernières questions relatives au déroulement de la procédure de médiation, aux délais de sa mise en œuvre ainsi qu’à son coût, il importe de relever, à l’instar de ce qui a été constaté au point 27 du présent arrêt, que le cadre juridique national dans lequel s’inscrit le litige au principal n’est plus celui décrit par la juridiction nationale dans sa décision de renvoi. En effet, le caractère inconstitutionnel de l’article 5, paragraphe 1, du décret législatif no 28/2010 ayant été constaté, les parties ne sont désormais plus tenues de participer à une procédure de médiation. Par conséquent, ainsi que l’a exposé Mme l’avocat général au point 29 de ses conclusions, lesdites questions ont perdu leur pertinence aux fins de la décision à intervenir au principal.

32      Il en résulte que, compte tenu de l’évolution du litige devant la juridiction de renvoi du point de vue du droit applicable, la Cour ne se trouve plus en mesure de statuer sur les questions qui lui sont posées (voir, en ce sens, arrêt Fluxys, précité, point 34).

 

 Sur les dépens

 

33      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

Il n’y a plus lieu de répondre aux questions posées à titre préjudiciel par le Giudice di pace di Mercato San Severino (Italie), par décision du 21 septembre 2011 dans l’affaire C-492/11.

Signatures


Langue de procédure: l’italien.

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