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Livre vert de la Commission européenne du 9 février 2000 : Assistance judiciaire en matière civile: problèmes rencontrés par le plaideur transfrontalier - COM/2000/0051 final

 

Livre vert de la Commission européenne du 9 février 2000 : Assistance judiciaire en matière civile: problèmes rencontrés par le plaideur transfrontalier

 

COM/2000/0051 final 


Première partie: Exposé général

 

L'exercice accru des droits garantis par le traité à la libre circulation des personnes, des biens et des services s'accompagne d'une augmentation du nombre potentiel de litiges transfrontaliers qui ne surgissent pas nécessairement entre de grandes sociétés mais peuvent concerner des petites entreprises ou des particuliers aux ressources parfois modestes. Un particulier peut, par exemple, être impliqué dans un accident alors qu'il passe ses vacances à l'étranger ou y effectue des achats; il peut aussi acquérir des marchandises qui se révèlent défectueuses ou dangereuses par la suite. Son conjoint peut avoir quitté le domicile conjugal en emmenant leurs enfants et s'établir dans un autre pays. Il peut être obligé d'intenter une action dans le pays où a surgi le litige ou, pire encore, être menacé d'une action en justice dans ledit pays. Une petite entreprise peut avoir vendu des marchandises à l'étranger et être ensuite menacée d'un procès dans le pays de l'acheteur. Un consommateur peut avoir, via l'Internet, commandé des marchandises à l'étranger, lesquelles n'ont jamais été livrées ou se sont révélées défectueuses.

 

La portée de la notion de l'"assistance judiciaire" peut varier selon le pays concerné. Aux fins du présent Livre Vert, la Commission interprète l'expression "assistance judiciaire" comme couvrant les cas suivants :

_ l'assurance, par un avocat, d'une consultation précontentieuse ou de la représentation en justice, gratuite ou moyennant le paiement d'une rémunération modeste

_ l'exonération partielle ou totale d'autres frais, tels que les droits de procédure, qui seraient normalement dus;

_ de l'assistance financière directe en vue de rembourser les coûts du litige, tels que les honoraires d'avocats, droits de procédure, frais afférents aux témoins, condamnation de la partie succombante à supporter les dépens de la partie ayant obtenu gain de cause, etc.

Quiconque menacé d'une action en justice ou souhaitant intenter un procès à l'étranger peut avoir besoin d'une assistance judiciaire à trois stades différents; il peut souhaiter

(1) un conseil précontentieux,

(2) l'assistance d'un avocat lors d'un procès, et l'exonération des droits de procédure,

(3) une assistance pour qu'un jugement étranger soit déclaré exécutoire ou soit exécuté.

 

Depuis quelques années, une série de questions posées au Parlement européen et de lettres adressées à la Commission ont mis au jour certains des problèmes posés par l'accès à l'assistance judiciaire aux personnes impliquées dans des différends et litiges dans un autre État membre. Une analyse comparée des régimes nationaux montre que les systèmes sont très différents, ce qui crée de sérieuses difficultés à un plaideur transfrontalier.

 

La Commission a déjà appuyé certaines initiatives dans ce domaine. En 1996, par exemple, le professeur D. Walters a publié au nom de la Commission et sous les auspices du Conseil des barreaux de la Communauté européenne un "Guide d'assistance judiciaire et de conseil juridique dans l'Espace économique européen". L'université d'Angers a également organisé un séminaire en avril 1998 sur l'assistance judiciaire, qui se fondait sur le rapport du professeur Adrian Wood intitulé "Accès à l'assistance judiciaire dans les États membres de l'Union européenne: problèmes et tentatives de solutions", et a reçu l'appui financier du programme GROTIUS.

 

La Commission s'intéresse également au problème du recouvrement des frais judiciaires et des honoraires d'avocats. Elle a l'intention de publier, au cours du premier semestre de l'année 2000, un document de travail de la Commission sur ce sujet.

 

Une analyse même superficielle fait apparaître qu'il existe des différences fondamentales dans la philosophie, l'organisation et la gestion des régimes d'aide judiciaire entre les États membres. Sur le plan de la philosophie, certains États semblent souhaiter donner à tous l'accès aux services juridiques et à la justice en général, alors que d'autres considèrent le régime d'assistance judiciaire comme complémentaire de l'aide sociale et le réservent aux plus démunis.

 

Ces différences ont également des répercussions pratiques. Il existe dans certains pays un système bien établi selon lequel l'État ou l'une de ses institutions assure un remboursement normal aux avocats impliqués tandis que dans d'autres, ce sont les avocats eux-mêmes qui offrent (sur une base volontaire ou obligatoire) des services gratuits ou rémunérés à un taux inférieur à la normale.

 

Dans un certain nombre d'États membres, des réformes fondamentales ont été introduites ou sont prévues pour un avenir relativement proche.

 

Si l'on considère qu'un régime national ne s'applique en principe qu'aux procédures qui se déroulent sur le territoire du pays concerné, un requérant d'un État membre A nécessitant une assistance judiciaire dans un État membre B sera confronté à de nombreux obstacles dont certains seront dus précisément au fait qu'il réside à l'étranger.

 

Ces obstacles peuvent être provoqués par:

- l'obligation de résider ou d'être présent dans l'État membre où l'aide est demandée,

- certaines conditions liées aux ressources financières du requérant,

- certaines conditions liées à un examen du bien-fondé ou aux chances d'aboutir de la procédure visée par la demande d'assistance judiciaire,

- l'absence d'informations sur l'accès à l'assistance judiciaire dans d'autres États membres ou sur la façon de transmettre les demandes d'assistance judiciaire dans un autre État membre,

- le fait que certain régimes nationaux d'aide judiciaire ne tiennent pas compte des coûts supplémentaires d'un litige transfrontalier (traductions de documents, double avis juridique, signification d'actes, etc.),

- les difficultés linguistiques

 

S'il est vrai que certains requérants nationaux peuvent déjà se heurter aux deuxième et troisième obstacles, ces derniers peuvent être encore plus graves dans le cas d'étrangers. Ces difficultés seront analysées ci-après.

 

Les libertés garanties par le traité CE ont pour corollaire qu'un citoyen doit pouvoir résoudre des litiges liés aux activités entreprises en se prévalant de l'une de ces libertés et intenter une action ou se défendre devant les tribunaux d'un État membre de la même façon que les ressortissants dudit État. Dans de nombreuses circonstances, un tel droit d'accès à la justice ne peut être effectivement exercé que si l'assistance judiciaire est accordée moyennant certaines conditions.

 

En l'absence de législation communautaire, c'est à l'ordre juridique de chaque État membre de définir les règles de procédure détaillées garantissant les droits reconnus aux particuliers par le droit communautaire, y compris ceux relatifs à l'assistance judiciaire. Ces règles ne doivent cependant ni exercer de discrimination à l'encontre des personnes auxquelles le droit communautaire assure l'égalité de traitement ni restreindre les libertés fondamentales garanties par le droit communautaire.

 

Même dans les dispositions énoncées au titre VI du traité sur l'Union européenne (traité de Maastricht) la coopération judiciaire en matière civile était déjà considérée comme une question d'intérêt commun, quelle que soit la nature des droits pour laquelle la coopération est demandée. "Sans préjudice des compétences de la Communauté européenne", le titre VI était censé compléter ces dernières et contribuer à la création d'une "union sans cesse plus étroite", c'est-à-dire aller au-delà d'une Europe comprise comme un simple marché.

 

Dans le traité d'Amsterdam, la question de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière relève du titre IV (article 65 CE). Le Conseil arrête désormais des mesures visant notamment à éliminer les obstacles au bon déroulement des procédures civiles. Dans les conclusions de la réunion spéciale qui s'est tenue à Tampere les 15 et 16 octobre 1999 consacrée à la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l'Union européenne, le Conseil européen a invité le Conseil "à établir, sur la base de propositions faites par la Commission, des normes minimales garantissant un niveau approprié d'aide juridique pour les affaires transfrontalières dans l'ensemble de l'Union". Le présent Livre Vert représente la première étape vers la réalisation de cet objectif.

 

Aux obligations découlant directement du droit communautaire s'ajoutent celles énoncées par d'autres instruments internationaux. L'article 6, paragraphe 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (applicable dans tous les États membres de la Communauté) stipule que tout accusé a droit, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, à pouvoir être assisté gratuitement, lorsque les intérêts de la justice l'exigent. Outre cette disposition particulière, applicable uniquement en matière pénale, le droit général reconnu à l'article 6 selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement quelle que soit la nature de la procédure, a été étendu pour comprendre, dans certaines circonstances, un droit à l'assistance judiciaire.

 

Le présent Livre Vert, essentiellement consacré à l'assistance judiciaire en matière civile, vise à analyser les obstacles empêchant l'accès effectif à l'assistance judiciaire des citoyens européens impliqués dans des procédures judiciaires dans un autre État membre que le leur. Il présente ensuite certaines propositions de réforme. Son objectif principal consiste cependant à susciter les réactions des parties concernées.

Pour rassembler les conclusions de la discussion ouverte par le présent Livre Vert, la Commission invite toutes les parties concernées à transmettre leurs commentaires par écrit avant le 31 mai 2000 au:

Directeur général

Direction générale Justice et affaires intérieures

Commission européenne

200, Rue de la Loi

B-1049 Bruxelles

Télécopie: (+32.2) 296.74.81

Deuxième partie: Élaboration d'une politique communautaire visant à améliorer l'accès du plaideur transfrontalier à l'assistance judiciaire

 

Les raisons des différences entre les régimes nationaux qui sont à l'origine même du problème sont essentiellement historiques et présentent peu d'intérêt dans le présent contexte. Les raisons de la résistance au changement, quant à elles, sont surtout politiques et financières et sont rarement données de façon explicite. Une brève analyse comparée des divers régimes nationaux les fait cependant apparaître aisément :

F toute modification apportée aux régimes actuels risquerait d'accroître les coûts pour les gouvernements responsables et en dernier ressort pour le contribuable,

F toute amélioration de l'accès à l'assistance judiciaire pourrait multiplier les procédures (on se demande si les dépenses liées à l'assistance judiciaire sont induites par la demande ou par l'offre),

F des doutes pourraient naître sur la qualité des services d'assistance judiciaire et une amélioration pourrait par conséquent déclencher d'autres demandes d'amélioration,

F il est redouté qu'une politique intégrée exige tout au moins un certain degré d'harmonisation.

 

Dans certains États membres, la réflexion porte actuellement sur la façon de rendre abordable l'accès à la justice. Ce débat peut impliquer des choix dépassant la mise en place de l'assistance judiciaire tels que la recherche de solutions fondées sur l'introduction ou le développement d'honoraires conditionnels, d'une assurance souscrite par les clients ou par les avocats ou bien de solutions visant à réduire les honoraires d'avocat. L'aide judiciaire continuera cependant à jouer un rôle important dans ce domaine.

 

Il importe de mener une réflexion au niveau de la Communauté et d'élaborer une politique communautaire d'assistance judiciaire pour veiller à ce que les intérêts du plaideur transfrontalier, et les difficultés supplémentaires auxquelles il est confronté, ne soient pas négligés.

 

On peut donc proposer une série de mesures destinées à supprimer toute discrimination à l'encontre des ressortissants communautaires fondées sur la résidence ou la nationalité, et à éliminer ou à minimiser par ailleurs les obstacles créés tant par les coûts supplémentaires dus au caractère transfrontalier du litige que par la différence entre les régimes nationaux en ce qui concerne les plafonds financiers et l'examen du bien-fondé de la demande.

 

A. Éligibilité ratione personae

 

1. Situation actuelle dans les États membres

 

Un ressortissant communautaire confronté à un problème juridique dans un État membre autre que celui où il réside devra surmonter de nombreux obstacles, même à supposer qu'il puisse accéder aux informations relatives au droit et à ses possibilités de bénéficier d'une assistance judiciaire dans l'État en question.

 

La première question consiste à savoir s'il relève de l'une des catégories de bénéficiaires potentiels désignés par la législation de l'État dans lequel il souhaite obtenir l'assistance judiciaire.

 

De façon générale, les régimes d'assistance judiciaire sont nationaux, en ce sens que l'assistance n'est accordée que pour les procédures se déroulant dans cet État (il y a certaines exceptions limitées à cette règle en Scandinavie mais uniquement dans certains cas spéciaux de garde d'enfants transfrontière par exemple). Par conséquent, un ressortissant communautaire résidant dans un État membre A mais impliqué dans un litige dans un État membre B - qu'il soit requérant ou défendeur - n'obtiendra vraisemblablement aucune aide de l'État A et devra donc se tourner vers le système d'assistance judiciaire de l'État membre B.

 

Tous les États membres n'assurent cependant pas aux demandeurs d'assistance judiciaire l'égalité de traitement indépendamment de leur nationalité, de leur résidence ou de leur présence dans l'État du litige. La situation est compliquée, et elle est également affectée par des conventions et des traités internationaux auxquels les États membres ont adhéré. Essentiellement, on peut distinguer quatre groupes :

& certains États membres accordent une assistance judiciaire sans condition de nationalité ou de résidence,

& un État membre garantit l'assistance judiciaire aux étrangers uniquement sur une base de réciprocité,

& un État membre garantit l'assistance judiciaire aux résidents uniquement, ce qui écarte certains de leurs propres ressortissants non-résidents,

& certains États membres accordent l'assistance judiciaire à leurs ressortissants nationaux quel que soit leur lieu de résidence et aux non-nationaux qui résident, ou, dans certains cas, qui sont présents, sur leur territoire.

 

Dans le cas de ces deux dernières catégories, un particulier qui ne réside pas dans un de ces États mais qui souhaite soit y intenter une action soit se défendre dans une procédure, ne peut bénéficier de l'assistance judiciaire dans cet État.

 

Il ressort clairement de ce qui précède que dans certains États, le plaideur transfrontalier se retrouve pour ainsi dire assis "entre deux chaises"; il n'a droit à l'assistance judiciaire ni dans son État d'origine ni dans celui d'accueil.

 

A cela s'ajoute le fait que dans certains Etats membres des entités juridiques ont droit à l'assistance judiciaire en vertu des législations nationales existantes. Dans un contexte transfrontalier, ceci pourrait avoir un impact important sur la mise en oeuvre par les Etats membres de la directive 98/27 relative aux actions en cessation, laquelle doit être transposée au plus tard le 1er janvier 2001. L'assistance judiciaire pourrait en effet résoudre le problème auquel les associations de consommateurs sont probablement confrontées lorsqu'elles essaient de se prévaloir du locus standi que leur accorde la directive, à savoir le manque de ressources financières.

 

2. Effet du droit communautaire sur ces conditions

 

La légitimité ou l'illégitimité de ces conditions (résidence, nationalité, ou même présence sur le territoire national, etc.) au regard du droit communautaire est un problème très complexe.

La Cour de justice des Communautés européennes n'a jamais eu l'occasion de statuer sur cette question à propos de l'assistance judiciaire. Une vaste jurisprudence sur des problèmes analogues permet cependant de tirer de confiance un certain nombre de conclusions.

 

*En premier lieu, il apparaît clairement qu'une règle formelle limitant l'accès à l'assistance judiciaire aux ressortissants de l'État où le litige a lieu ou risque d'avoir lieu (désigné comme "l'État d'accueil") ne peut être invoquée à l'encontre de ressortissants communautaires travaillant dans l'État membre d'accueil (qu'ils y résident ou non) ou de membres de leur famille qui sont à leur charge [1].

[1] Cela découle de l'arrêt Mutsch (affaire 137/84, Rec. 1985, pp. 2681 à 2697) dans lequel la Cour de justice a statué que la faculté d'utiliser sa propre langue dans une procédure judiciaire contribuait de manière importante à l'intégration du travailleur migrant dans le milieu du pays d'accueil et constituait un "avantage social" au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68. Les ressortissants communautaires travaillant dans cet État membre pouvaient par conséquent se prévaloir de ce droit sur la même base que les ressortissants de l'État d'accueil. Ce raisonnement devrait s'appliquer a fortiori à l'aide judiciaire. La jurisprudence précise que ce droit est également ouvert aux travailleurs frontaliers (voir affaire C-57/96, Meints, Rec. 1997, p. I-6689) et aux membres de la famille du travailleur qui sont à sa charge (voir affaires 94/84, Deak, Rec. 1985, p. 1873 et C-3/90, Bernini, Rec. 1992, p. I-1071).

 

*Deuxièmement, selon une jurisprudence plus récente, un ressortissant communautaire résidant dans l'État d'accueil bénéficie du même traitement que les ressortissants nationaux, qu'il ait ou non la qualité de travailleur [2].

[2] Voir l'arrêt rendu dans l'affaire C-85/96, Martínez Sala, Rec. 1998, p. I-2691. Cette affaire portait sur l'octroi de prestations familiales dans les mêmes conditions qu'aux nationaux même lorsque le requérant n'a pas la qualité de travailleur.

 

*Troisièmement, la Cour de justice a estimé que le droit de se rendre dans un État, même à titre temporaire, en tant que simple destinataire de services (droit garanti par le droit communautaire), comporte le droit de bénéficier du même traitement que les ressortissants nationaux ou les résidents de ce pays en ce qui concerne la protection de l'intégrité physique de la personne (voir l'arrêt Cowan) [3]. Plus récemment, la Cour a considéré que les libertés garanties par le droit communautaire ont pour corollaire la possibilité pour les bénéficiaires de saisir les juridictions d'un État membre au même titre que les ressortissants de cet État (voir l'arrêt rendu dans l'affaire Data Delecta Aktibolag) [4].

[3] Arrêt du 2 février 1989 dans l'affaire 186/87, Rec. p. 195. Cette affaire concernait le droit de la victime d'une agression d'obtenir une indemnité de l'État français. Il a été admis qu'en sa qualité de simple touriste (et destinataire de services), la victime (un ressortissant britannique) devait bénéficier du même traitement que les ressortissants français même si elle n'avait jamais travaillé ni résidé en France à l'époque des faits.

[4] Arrêt du 26 septembre 1996 dans l'affaire C-43/95, Rec. 1996, p. I-4661.

 

*Enfin, dans l'arrêt Bickel [5], la Cour a estimé que le droit d'obtenir qu'une procédure pénale se déroule dans sa propre langue relève du champ d'application du traité et doit donc être assujetti à l'interdiction de toute discrimination exercée en raison de la nationalité énoncée à l'article 12 CE (ex-article 6) : ainsi, un ressortissant communautaire impliqué dans une procédure pénale dans l'État d'accueil (en l'espèce, la province de Bolzano en Italie) était autorisé à utiliser sa propre langue (l'allemand) comme s'il était non seulement ressortissant italien mais également ressortissant italien résidant dans la province de Bolzano (à qui le droit italien accordait ce privilège) sans devoir acquérir le statut de travailleur ni résider dans ce pays).

[5] Arrêt du 24 novembre 1998 dans l'affaire C-274/96 Bickel & Franz.

 

Cette jurisprudence prise dans son ensemble suggère que tout bénéficiaire d'un droit reconnu par le droit communautaire (y compris le destinataire transfrontalier de services ou l'acheteur de biens) a droit au même traitement que les ressortissants nationaux du pays d'accueil en ce qui concerne tant son droit formel d'intenter une action que les conditions pratiques dans lesquelles cette action peut être intentée, indépendamment du fait qu'il soit ou ait été résident, ou même physiquement présent dans le pays en question. Il est parfaitement logique que le droit d'intenter une action couvre le droit effectif de saisir les tribunaux et par conséquent le droit à une assistance judiciaire lorsqu'un ressortissant de l'État en question pourrait, mutatis mutandis, en bénéficier.

 

Cela impliquerait non seulement que les règles restreignant l'assistance judiciaire aux ressortissants de l'État d'accueil, mais également que les conditions exigeant que les ressortissants étrangers soient résidents, voire présents sur le territoire national pour être assimilés aux nationaux, soient annulées par l'article 12 CE et que ces conditions ne puissent être invoquées à l'encontre de ressortissants communautaires impliqués dans des litiges dans l'État d'accueil.

 

Même une condition qui n'est pas formellement discriminatoire (telle que la condition de résidence ou de présence applicable indifféremment aux ressortissants nationaux et étrangers) pourrait constituer une discrimination déguisée (puisque les nationaux ont beaucoup plus de chance d'y satisfaire que les étrangers) [6] et ne donc pourrait pas être autorisée à moins d'être justifiée par des raisons objectives. Ce serait à l'État membre d'invoquer de telles raisons dans un cas donné mais il est difficile a priori d'envisager ce qu'elles pourraient être.

[6] Voir sur ce point l'arrêt Bickel précité. Dans cette affaire, les règles nationales litigieuses contenaient des éléments qui étaient à la fois directement et indirectement discriminatoires car seuls les ressortissants italiens germanophones résidant dans la province de Bolzano étaient autorisés à se prévaloir du droit d'utiliser la langue allemande devant les tribunaux. La Cour de justice a statué que l'article 12 (ex-article 6) autorisait non seulement les ressortissants communautaires non italiens résidant dans la province de Bolzano mais également ceux qui s'y trouvaient temporairement, à être traités comme les ressortissants nationaux italiens de cette province au motif que la plupart des ressortissants italiens désireux de se prévaloir de cette possibilité résidaient dans la province de Bolzano alors que ce n'était pas le cas de la plupart des non Italiens germanophones.

 

Un autre point qui revêt une certaine importance dans ce contexte est le fait que le plaideur transfrontalier peut, d'un point de vue pratique, avoir besoin de deux avocats; l'un dans son pays de résidence, pour donner des conseils précontentieux, et l'autre dans le pays d'accueil, pour assurer la représentation en justice. Une règle du pays d'accueil qui rendrait plus difficile pour une partie de bénéficier de l'assistance judiciaire pour des conseils donnés par un avocat qui n'est pas présent dans ledit pays par rapport aux conditions apposées si l'avocat y est présent, pourrait constituer une discrimination déguisée à l'encontre de la partie concernée (en tant que destinataire de services) et de l'avocat (en tant que prestataire de services) [7].

[7] Voir notamment, arrêt du 30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. 1995 p. I-4165 (liberté d'établissement), arrêt du 28 mars 1996, Guiot, C-272/94, Rec. 1996 p. I-1905 (libre prestation de services) et arrêt du 28 avril 1998, Kohll, C-158/96, Rec. 1998 p. I-1831 (liberté de recevoir des services).

 

À l'article 44 de la Convention de Bruxelles (Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale de 1968, modifiée périodiquement, à laquelle tous les États membres sont parties) figure une disposition de portée limitée, directement liée à l'assistance judiciaire. Cet article s'applique lorsqu'un requérant qui a obtenu gain de cause demande l'exécution dans un État contractant d'une décision rendue dans un autre État contractant. Il dispose que le requérant qui a bénéficié de l'assistance judiciaire ou d'une exemption de frais et dépens dans l'État où il a obtenu une décision, bénéficie de l'assistance la plus favorable ou de l'exemption la plus large prévue par le droit de l'État dans lequel il cherche à faire appliquer le jugement. Bien que de portée limitée, cette disposition peut avoir pour effet qu'un requérant soit traité plus favorablement que ne le seraient les ressortissants de l'État d'accueil entamant une procédure dans cet État.

 

3. Effet d'autres instruments internationaux

 

Outre les impératifs posés par le droit communautaire applicable comme tel dans tous les États membres, la Convention européenne des droits de l'Homme exerce aussi une influence [8]. L'article 6 qui énonce le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, pose les conditions précises d'octroi d'assistance judiciaire en matière pénale (paragraphe 3). Cet article a également été interprété comme signifiant qu'une assistance judiciaire doit être accordée aux personnes indigentes en matière civile, lorsque les intérêts de la justice l'exigent (voir Airey/Irlande A32-1979).

[8] La relation entre le droit communautaire et la Convention des droits de l'Homme est complexe. Il suffit de dire à cet égard que tous les États membres sont signataires de la convention et sont de ce fait liés par ses dispositions.

 

Bien que cela revête une extrême importance, la mesure dans laquelle l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme impose une telle obligation en matière civile est loin d'être claire. Il est cependant indéniable que cet article a eu un effet sur les régimes d'assistance judiciaire des États contractants.

 

Enfin, il convient de mentionner les deux conventions de La Haye, à savoir la Convention II de mars 1954 relative à la procédure civile et la Convention XXIX du 25 octobre 1980 tendant à faciliter l'accès international à la justice. La Convention II, ratifiée par l'Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne et la Suède, contient un chapitre sur l'assistance judiciaire gratuite. En substance, elle impose aux États contractants d'étendre le traitement réservé aux nationaux à ceux des autres États contractants.

 

La Convention XXIX, ratifiée par la Finlande, la France, les Pays-Bas, l'Espagne et la Suède, va au-delà en ce qu'elle exige que les ressortissants des États contractants et les personnes ayant leur résidence habituelle dans un État contractant bénéficient de l'assistance judiciaire devant les tribunaux dans chaque État contractant dans les mêmes conditions que s'ils étaient eux-mêmes ressortissants de cet État ou y résidaient habituellement. Le même principe s'applique aux conseils juridiques donnés au stade précontentieux à condition que la personne concernée soit présente dans l'État où elle demande un conseil.

 

Il serait souhaitable que la Convention de La Haye de 1980 tendant à faciliter l'accès international à la justice soit généralement ratifiée et correctement appliquée. Une proposition de recommandation a été soumise à cet effet par la Commission au Conseil en 1986 (COM(86)610 final, du 13 novembre 1986). Cette proposition a été bien accueillie par le Parlement européen et par le Comité économique et social mais n'a pas encore eu de conséquences au niveau du Conseil ou des États membres.

 

Solutions envisageables

À l'heure actuelle, les obligations internationales et communautaires régissant le bénéfice de l'assistance judiciaire pour les plaideurs transfrontaliers au même titre que pour les ressortissants de l'État d'accueil forment un patchwork confus qui place le citoyen dans une grande incertitude quant à ses droits.

 

La Convention de La Haye de 1980 tendant à faciliter l'accès international à la justice est claire mais elle n'a été ratifiée que par un petit nombre d'États membres. La portée de la Convention européenne des droits de l'Homme n'est pas claire quant à son effet sur les obligations des États contractants à garantir l'assistance judiciaire. Les obligations découlant de l'article 12 du traité CE s'appliquent uniformément mais ne sont pas posées clairement. Comme elles doivent être tirées de la jurisprudence, elles sont inaccessibles au citoyen.

 

Avant de légiférer dans ce domaine, il serait donc opportun de clarifier les obligations qui incombent aux Etats membres au titre de l'article 12 CE (ex-article 6) et de leur rappeler la nécessité de ratifier la Convention de La Haye de 1980 tendant à faciliter l'accès international à la justice.

 

La Commission invite néanmoins les parties concernées à lui faire parvenir leurs commentaires sur la stratégie à adopter en la matière, notamment sur la question de l'utilité d'une législation communautaire. La Commission estime que dans l'intérêt de la transparence, ces principes doivent être posés sous une forme facilement accessible et obligatoire. Elle examinera par conséquent la question de savoir si elle doit proposer une législation qui pose clairement l'obligation incombant aux États membres de n'exercer aucune discrimination directe ou indirecte à l'encontre des ressortissants des autres États membres dans l'octroi de l'assistance judiciaire ou dans l'exemption partielle ou totale des coûts ou des dépens.

 

La Commission invite les parties concernées à lui transmettre leurs commentaires sur l'extension de ce principe aux ressortissants des pays tiers résidant habituellement dans un État membre, comme le préconise la Convention de La Haye de 1980. Elles sont également invitées à transmettre leurs commentaires sur la question de savoir si les Etats membres voient l'extension du domaine d'application des législations sur l'assistance judiciaire comme une solution possible aux problèmes financiers des associations de consommateurs lorsque celles-ci agissent en tant que "entités qualifiées" en vertu de la directive "Actions en cessation", précitée.

 

B. Éligibilité substantielle

 

Même à supposer que le requérant satisfasse ratione personae les critères en vigueur dans l'État d'accueil, il doit en outre prouver d'une part qu'il remplit les conditions d'éligibilité prévues par la législation de cet État, notamment en ce qui concerne ses moyens financiers et le bien-fondé de l'affaire à propos de laquelle il demande l'assistance judiciaire, et d'autre part qu'une assistance judiciaire est accordée pour une procédure du type de celle dans laquelle il est impliqué.

 

(a) Conditions d'éligibilité financière

 

Certains États membres appliquent un plafond financier qui peut varier notamment selon la composition de la famille du requérant, son revenu et ses biens. Si son revenu dépasse ce plafond, il n'a pas droit à l'assistance judiciaire. Bien que ces plafonds semblent neutres du fait qu'ils n'impliquent aucune discrimination déclarée sur base de la nationalité ou de la résidence, ils ne tiennent pas compte des différents niveaux de revenus dans les États membres, sans parler des cas où ce plafond baisse par rapport au revenu national minimum de l'État où réside le requérant.

 

De ce fait, un requérant établi dans un pays où le coût de la vie est élevé, dont les ressources remplissent les critères financiers de son État de résidence mais dépassent le plafond de l'État où le coût de la vie est bas et où doit avoir lieu la procédure, n'aura pas droit à l'assistance judiciaire.

 

Par ailleurs, certains États membres ne fixent aucun montant précis. C'est au requérant de prouver qu'il ne peut supporter les frais de procédure, ce qu'il fait généralement en produisant un certificat de ressources financières établi par les autorités du pays de résidence. Si elle est appliquée correctement, cette formule permet aux autorités de tenir compte tant des ressources du requérant que du coût probable de la procédure.

 

La disparité de ces conditions entre États membres est dissuasive pour toute personne qui souhaiterait entamer une procédure transfrontalière, notamment si cette personne provient d'un pays où le coût de la vie est élevé et si elle est impliquée dans un litige dans un pays où le coût de la vie est bas. Cette disparité constitue par conséquent un obstacle supplémentaire à un accès effectif à la justice. La situation est encore compliquée du fait que dans certains États, l'aide accordée doit être remboursée ultérieurement si la situation financière du requérant s'améliore à un moment donné.

 

(b) Conditions liées au bien-fondé de la procédure pour laquelle est demandée l'assistance judiciaire

 

Les États membres tentent d'une manière générale de décourager les demandes d'assistance judiciaire mal fondées en examinant l'affaire au fond. Ces demandes peuvent ainsi être refusées mais la part de subjectivité qui entre dans cette décision peut gravement entraver l'accès des ressortissants communautaires aux juridictions d'un autre État que le leur.

 

La majorité des États membres analysent le bien-fondé du recours en appliquant divers critères qui comportent une large marge subjective d'appréciation. Ils examinent dans certains cas si le recours "a une chance raisonnable d'aboutir", si "le requérant est susceptible de gagner", si "sans assistance un plaideur risquerait son propre argent" etc. Ce contrôle est relativement formel dans certains États membres mais dans d'autres, il peut prendre la forme d'un véritable examen précontentieux.

 

(c) Conditions liées au type de procédure pour laquelle est demandée l'assistance judiciaire

 

Il est à noter que dans la plupart des États membres, l'assistance judiciaire peut être obtenue devant tous les tribunaux, qu'ils soient civils, commerciaux, administratifs ou pénaux. Quelques États excluent cependant l'assistance judiciaire devant certaines juridictions, telles que les tribunaux administratifs ou pour certaines procédures, telles que les actions en diffamation par exemple.

 

Solutions envisageables

Le problème consiste à trouver les moyens d'éliminer ou de réduire les difficultés auxquelles sont confrontés les plaideurs transfrontaliers sans empiéter sur la compétence qu'ont les États membres pour organiser leur système d'assistance judiciaire comme ils l'entendent.

 

6 Pour définir les critères financiers, toute méthode se fondera sur le coût d'un litige et sur le niveau des revenus dans le pays. Une personne qui réside dans un pays où le coût de la vie est élevé et qui remplit les critères financiers nationaux, risque, si elle est impliquée dans un litige dans un pays où le coût de la vie est moindre, d'avoir un revenu trop élevé pour demander l'assistance judiciaire. Toutefois, les disparités des critères financiers peuvent refléter non seulement ces coûts et les niveaux de revenus, mais également des politiques d'accès à la justice, puisque les critères de certains pays sont simplement plus généreux que d'autres, même si l'on tient compte des niveaux de revenus différents. Il n'est pas raisonnable en toutes circonstances d'espérer que le pays du litige appliquera simplement les critères du pays de résidence du requérant, car cette solution pourrait avoir pour effet qu'une partie, résidente dans le pays A, soit traitée, dans le pays B, plus favorablement que les personnes résidentes dans ledit pays. Toutefois, une solution plus ciblée pourrait retenir les critères du pays du litige, mais en les adaptant au moyen d'un "coefficient correcteur" ou d'une "pondération" qui tiendrait compte de la différence du coût de la vie entre les deux pays impliqués; on pourrait aussi appliquer le critère objectif plus souple qui autorise les autorités à tenir compte tant du revenu disponible du requérant que du coût éventuel de l'action en justice.

6 Quant à l'examen du bien-fondé, une plus grande transparence s'impose. Cela peut comprendre l'obligation de préciser et de publier les critères appliqués non seulement dans l'État du litige mais également dans les autres États membres. Cela peut être fait par les autorités compétentes établies dans le cadre de l'accord de 1977 du Conseil de l'Europe sur la transmission des demandes d'assistance judiciaire (mécanisme de transmission des demandes transfrontalières d'assistance judiciaire, voir ci-après). De plus, ces autorités devraient être tenues de donner les raisons détaillées pour lesquelles elles ont refusé l'assistance judiciaire au motif que les critères relatifs au bien-fondé n'étaient pas remplis.

 

C. Problème des coûts supplémentaires liés au fait que le litige est transfrontalier

 

Même si un requérant triomphe des embûches juridiques semées sur son chemin et fonde son droit à l'assistance judiciaire dans le pays du litige ou de la procédure, il risque néanmoins de constater que le système est adapté aux procédures purement nationales et qu'aucune disposition n'est prise pour le défrayer des coûts supplémentaires dus au fait que le litige comporte un élément transfrontalier. Ceux-ci peuvent comprendre:

 

(1) la nécessité de s'adresser à deux avocats. Les directives sur la prestation des services et sur l'établissement des avocats dans les États membres ont certes facilité l'accès transfrontière aux avocats. Toutefois, d'un point de vue pratique, le plaideur risque de devoir s'adresser à un avocat tant dans son État d'origine (c'est-à-dire l'État où il réside) pour obtenir un conseil fondamental sur le droit et la procédure dans l'État d'accueil, que dans l'État d'accueil lui-même pour obtenir plus de détails et, le cas échéant, être représenté en justice. Dans la plupart des cas, l'État d'origine n'accordera pas d'assistance judiciaire si le conseil porte sur un droit étranger ou s'il s'agit d'un litige qui est plaidé à l'étranger. Inversement, l'État d'accueil n'accordera pas d'assistance judiciaire pour un conseil fourni par un avocat d'un autre État même si ce conseil a trait à un litige plaidé dans l'État d'accueil et si le régime en vigueur dans cet État ne couvre de toute façon que les honoraires d'un seul avocat. La licéité de telles conditions a été examinée sous le point A mais, aussi longtemps que ces conditions continuent à exister, il se peut que le requérant se retrouve assis "entre deux chaises" et doive donc supporter la charge supplémentaire représentée par les honoraires d'un avocat dans l'État d'origine.

(2) Frais de traduction et d'interprétation. Une interprétation peut être nécessaire pour les procédures judiciaires, voire pour les consultations entre le client et son avocat dans l'État d'accueil si l'on ne peut trouver d'avocat maîtrisant une langue commune avec le requérant. Les documents aussi devront éventuellement être traduits.

(3) Divers facteurs tels que des frais de déplacement supplémentaires des plaideurs, des témoins, des avocats, etc.

 

Solutions envisageables

 

Comment empêcher que les coûts supplémentaires d'une procédure transfrontalière n'entravent l'accès à la justice-

L'État d'origine du requérant devrait-il au moins assumer les frais du conseil précontentieux dispensé dans ce pays même si le litige a lieu dans un autre pays- (Même cet élément peut être de peu d'utilité pour le plaideur car il se peut qu'un avocat du pays d'origine ne puisse pas donner des conseils suffisants sur les lois et procédures d'un autre pays pour que le demandeur n'ait pas besoin de s'adresser à un avocat dans ce pays).

 

D. Difficultés réelles pour trouver un avocat compétent

 

Le plaideur transfrontalier qui n'est pas physiquement présent dans l'État du litige, peut être confronté à la très grande difficulté pratique de trouver un avocat dans ce pays capable de traiter son affaire. Il a besoin d'un avocat compétent pour défendre sa cause devant la juridiction habilitée, qui ait de l'expérience dans le domaine concerné et idéalement qui ait une langue en commun avec lui.

 

Il peut en outre souhaiter un avis préalable et chercher un avocat dans son pays d'origine ayant certaines connaissances de l'ordre juridique et du système judiciaire du pays du litige, parlant la langue de ce pays, et pouvant le mettre en contact avec un avocat du pays d'accueil.

 

Base de données à l'échelle nationale et communautaire

 

La Commission souhaite la création de bases de données répertoriant des professionnels du droit. Dans certains pays (par exemple en Allemagne), une telle base existe déjà au niveau national. La Commission a notamment financé par le biais du programme GROTIUS un projet confiant à la CCBE l'étude de faisabilité relative à l'élaboration d'une base de données de juristes européens, base qui serait accessible au grand public dans n'importe quel pays de l'Union européenne. Il se pourrait que les informations fournies ne soient pas exactement les mêmes dans tous les pays compte tenu des différences entre les règles éthiques et professionnelles en vigueur, mais idéalement, elles indiqueraient les tribunaux devant lequel l'avocat est autorisé à plaider, son domaine d'expérience et de spécialisation, les langues qu'il maîtrise et s'il est disponible (que ce soit sur une base volontaire ou automatique) pour défendre un plaideur bénéficiant de l'assistance judiciaire.

 

On pourrait proposer que dans le cadre d'un réseau européen d'avocats, des avocats nationaux soient désignés comme correspondants pour un ou plusieurs autres États membres que le leur. Ces correspondants devraient être des avocats prêts à traiter des affaires impliquant plusieurs États membres dans le cadre desquelles les plaideurs bénéficient éventuellement d'une assistance judiciaire ou voir de la gratuité. Les correspondants devraient par conséquent être capables de guider leurs clients nationaux pour:

G entamer une procédure judiciaire ou se défendre dans un autre État membre,

G s'opposer, dans le pays de son client, à l'exécution d'un jugement obtenu dans un autre État membre,

G obtenir une assistance judiciaire dans un autre État membre,

et aider leurs clients étrangers à

G entamer une procédure judiciaire ou se défendre dans le pays de l'avocat,

G faire exécuter un jugement étranger dans ce pays,

G obtenir une assistance judiciaire dans ce pays.

 

Les correspondants devraient être capables de traiter les formulaires nécessaires utilisés entre juridictions concernées et transmettre l'affaire à l'autorité étrangère compétente. Lorsque l'avocat n'est plus compétent, il devrait pouvoir s'adresser à un autre avocat du réseau qui poursuivrait l'affaire devant une autre juridiction.

 

Pour rendre l'idée d'un réseau attrayante aux professionnels et facile à identifier pour les bénéficiaires ainsi que pour garantir la qualité des services offerts, on pourrait envisager un application analogue au système ISO, dans le cadre duquel les avocats du réseau seraient autorisés - par exemple - à faire figurer un emblème particulier ou un logo à côté du leur. Seuls ces avocats apparaîtraient sur les listes officielles qui seraient ensuite distribuées dans l'ensemble de l'Union, et que les délégations et bureaux de la Commission dans les capitales des États membres pourraient notamment tenir à la disposition du public.

 

La Commission invite les parties concernées à lui transmettre leur avis sur la façon dont ces idées pourraient être mises en oeuvre.

 

E. Procédures techniques

 

Outre les questions déjà soulevées, les démarches à faire pour solliciter l'assistance judiciaire à l'étranger peuvent également entraver l'accès du plaideur transfrontalier à la justice.

 

La question posée par la demande d'assistance judiciaire à l'étranger est, du moins en théorie, relativement simple à résoudre puisque tous les États membres de l'Union, à l'exception de l'Allemagne, ont ratifié l'accord européen de 1977 sur la transmission des demandes d'assistance judiciaire, connu généralement sous le nom d'accord de Strasbourg. Cet accord institue un système dans le cadre duquel les demandes peuvent être faites dans un pays et envoyées par un système d'autorités de transmission et d'autorités centrales de réception prévues à cet effet par les États contractants, à l'État contractant où l'assistance judiciaire est sollicitée. L'objectif déclaré de cet accord est de faciliter les démarches pour les demandeurs d'assistance judiciaire qui, au lieu d'avoir à identifier les autorités compétentes d'un autre État, peuvent simplement soumettre leur demande à l'autorité de transmission de leur pays de résidence qui doit alors les aider à constituer leur dossier et, le cas échéant, à en traduire les éléments importants avant de le transmettre à l'autorité compétente de l'État d'accueil.

 

En principe, la demande et le dossier qui l'étaye doivent être établis, au choix du requérant, soit dans la langue du pays de l'autorité de réception, soit en anglais ou en français. Les États contractants peuvent cependant émettre une réserve pour supprimer la possibilité d'utiliser le français ou l'anglais et insister pour que les demandes soient reçues dans la langue du pays d'accueil.

 

- L'accord est complété tant par un guide des procédures périodiquement mis à jour et actuellement diffusé aux autorités compétentes que par des recommandations du Comité des ministres. La recommandation actuellement en vigueur (R(97)6) porte notamment sur le traitement rapide des recours et comporte en outre un modèle de demande que les États contractants sont invités à utiliser et à accepter.

- L'application de l'accord est gérée par un Comité multilatéral des États contractants qui rend compte au Comité des ministres et suggère en particulier des améliorations à la gestion de l'accord.

 

Il apparaît cependant que cet accord est relativement peu utilisé, ce qui semble refléter une connaissance insuffisante tant de l'existence d'un droit à l'aide judiciaire à l'étranger [9] que du mécanisme élaboré par la convention. Il semble donc que les autorités centrales ne soient pas suffisamment informées de la législation applicable en vigueur dans les autres États et des amendements qui lui ont été apportés.

[9] Bien que dans certains États, des demandes aient été envoyées directement à l'organisme responsable, court-circuitant ainsi le mécanisme de la convention.

 

Les retards dans la transmission de la demande risquent en outre de compromettre sérieusement les chances qu'a une demande d'assistance judiciaire d'être considérée dans les délais prescrits.

 

Solutions envisageables

L'accord de 1977 sur la transmission des demandes d'assistance judiciaire n'a pas été ratifié par tous les États membres. Certains États ont en outre insisté sur des réserves sur des questions d'ordre linguistique qui créent des difficultés pour les plaideurs.

 

Il y a lieu de se demander s'il faut se concentrer sur le mécanisme de l'actuel accord de Strasbourg ou bien si les États membres de l'Union doivent prendre des mesures séparées au niveau de l'Union.

 

La première option comprendrait au moins une recommandation incitant tous les États membres à ratifier ledit accord. Elle présenterait l'avantage de construire sur ce qui existe déjà et éviterait des doublés inutiles mais n'apporterait relativement que peu de valeur ajoutée car, d'une part, quatorze États membres sur quinze sont signataires de l'accord et, d'autre part, cela contribuerait peu à résoudre les problèmes liés au fonctionnement de l'accord, notamment en matière de sous-utilisation et de retard.

 

La seconde pourrait être adoptée dans le contexte d'une action plus ambitieuse et intégrée au niveau de l'Union. Elle pourrait notamment comprendre la mise en place d'autorités de réception plus localisées et prévoir tant l'adoption d'un formulaire standard que l'obligation de motiver les refus et un mécanisme d'appel. Elle pourrait également encourager l'utilisation des nouvelles technologies pour transmettre les formulaires et les informations, et promouvoir les contacts entre les autorités compétentes. Elle pourrait en outre permettre l'élaboration et la mise à jour régulière, le cas échéant sur l'Internet, d'un manuel ou d'un guide destiné aux autorités, aux bénéficiaires éventuels de l'assistance judiciaire et aux avocats. Cela introduirait une plus grande transparence et réduirait les délais, ce qui serait particulièrement utile dans un domaine où le temps peut être capital.

 

La Convention du 26 mai 1997 (JO C 261 du 27 août 1997) relative à la signification et à la notification dans les États membres de l'Union européenne des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale qui a été signée récemment (actuellement proposée comme projet de règlement) pourrait servir de modèle à un tel système.

 

L'autorité de transmission devrait être tenue de veiller à l'exactitude des pièces et du dossier transmis à l'État d'accueil.

 

Enfin, il est à noter que la multitude de questions suscitées au niveau européen par un problème qui n'a jusqu'à présent été traité qu'à l'échelle nationale semble refléter l'absence de toute obligation de coopération de la part des autorités des États membres. En fait, des problèmes concernant les autorités de deux États membres pourraient souvent être simplement résolus par correspondance ou par téléphone.

 

F. Information et formation

 

En ce qui concerne l'information, il est évident que toute amélioration de la base juridique d'accès à la justice n'aura que peu de valeur si elle n'est pas convenablement communiquée aux éventuels bénéficiaires. Jusqu'à présent, les informations sur les droits et procédures ont surtout été données au niveau national et ne concernent normalement que les remèdes et les formes d'assistance accessibles à cet échelon. On cherche rarement à présenter au ressortissant communautaire les droits dans l'ensemble de la Communauté et on ne diffuse pas l'information en respectant la séparation pratique entre ses destinataires qui lui permettrait d'être efficace. Il faut cependant faire distinguer

(1) l'information au public sur l'existence des droits et procédures dans l'Union; bénéficiaires potentiels de l'assistance judiciaire,

(2) l'information aux professions concernées sur la façon de guider les demandeurs dans les procédures d'accès à l'assistance judiciaire, et

(3) l'information aux professions concernées qui seront chargées d'exécuter les décisions d'octroi d'assistance judiciaire.

 

En 1995, le professeur D. Walters a élaboré un Guide d'assistance judiciaire et de conseil juridique dans l'Espace économique européen au nom de la Commission européenne et sous les auspices du Conseil des barreaux de l'Union européenne. Ce guide contient des informations sur les régimes pertinents dans l'Espace économique européen, c'est-à-dire les États membres de l'Union européenne, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein, mais il répond surtout aux besoins de la deuxième catégorie mentionnée ci-dessus, à savoir les praticiens du droit. Compte tenu des modifications apportées en permanence à la législation des États membres, ce guide doit être fréquemment mis à jour. Comme aucune administration centrale des États membres ne semble utiliser ce guide, il conviendrait de lui donner une plus grande publicité.

 

Un guide intitulé "Comment faire valoir vos droits dans le marché unique européen", développé dans le cadre du "Dialogue avec les citoyens et les entreprises", répond à la nécessité d'information sur la possibilité pour les citoyens de demander de l'aide s'ils rencontrent des difficultés dans le cadre de l'exercice de leurs droits. Le guide décrit, en termes simples, les différents systèmes de recours au niveau national et communautaire, y compris l'assistance judiciaire.

 

L'assistance judiciaire est décrite de manière plus complète dans des fiches pratiques nationales, auxquelles tous les États membres ont contribué. Ces fiches donnent des informations importantes sur les procédures à suivre, l'éligibilité et l'assistance judiciaire offerte. Elles donnent également des points de contact où il est possible d'obtenir de plus amples renseignements. Chaque fiche est traduite dans les onze langues officielles de l'Union européenne, de sorte que tout le monde puisse trouver des informations dans sa propre langue sur n'importe quel État membre.

 

Le guide ainsi que les fiches seront disponibles à partir du début de l'an 2000 sur le site "Dialogue avec les citoyens" http://europa.eu.int/citizens.

 

Solutions envisageables

 

Pour permettre à tout un chacun d'être effectivement informé de ses droits, il serait utile de publier une brochure à jour sur l'accès à la justice qui serait distribuée par les autorités compétentes aux organisations de consommateurs, aux instituts de conseil social et aux barreaux nationaux d'avocats. Comme ce type d'action a déjà été tenté, on accroîtrait les chances de succès en partant de ce qui a déjà été fait, à savoir le Guide d'assistance judiciaire.

 

Dans sa version révisée, la brochure pourrait contenir non seulement les informations figurant dans la version originale, à savoir les procédures d'assistance judiciaire et les adresses de contact utiles, mais également les informations provenant tant des bases de données qu'il est prévu de créer sur les avocats que du manuel visé aux points D et E. Elle fournirait ainsi des listes d'avocats compétents pour traiter les demandes d'assistance judiciaire émanant d'autres États membres. Ces informations devraient exister dans toutes les langues nationales. Elles pourraient être distribuées dans le cadre de la campagne "Dialogue avec les citoyens et les entreprises" et dans celui du guide spécifique "Accès à la Justice" qui existe déjà. Elles devraient également être disponibles sur support électronique et régulièrement mises à jour.

 

Une version pour le profane - que l'on pourrait idéalement joindre à une brochure d'agence de voyages par exemple - devrait également être élaborée. Elle donnerait des informations pratiques sur les droits des étrangers à l'assistance judiciaire ainsi que sur les mesures à prendre et elle fournirait les adresses des autorités compétentes en la matière.

 

Il convient d'assurer une diffusion plus large du guide "Comment faire valoir vos droits dans le marché unique européen", créé dans le cadre de l'initiative "Dialogue avec les citoyens", et en particulier les fiches sur l'assistance judiciaire. Il convient d'encourager les autorités nationales à diffuser ces documents qui fournissent des renseignements utiles aux personnes sollicitant de l'assistance judiciaire. Les citoyens devraient être informés de leur existence.

 

Ces initiatives pourraient être complétées par des actions visant à promouvoir tant la formation et la formation interdisciplinaire que des campagnes d'information sur les professions concernées par l'aide judiciaire (avocats, juges, officiers de police, travailleurs sociaux, services d'immigration). On peut également réfléchir dans ce contexte aux différents moyens de dispenser une formation adéquate en organisant des cours internationaux. On peut également suggérer la création d'un centre permanent d'information qui donnerait aux avocats acceptant de travailler dans le cadre du système d'assistance judiciaire des informations constamment mises à jour.

 

Un soutien de la Communauté pourrait stimuler efficacement les jeunes avocats. Cela encouragerait les jeunes avocats "binationaux" à s'engager dans cette voie plutôt que vers les réseaux traditionnels d'avocats d'affaires. L'insuffisance, voire l'inexistence, de mesures de compensation pour les avocats chargés dans certains États membres de l'assistance judiciaire, ne peut qu'affecter négativement la qualité du travail fourni.

 

Les campagnes d'information ont tendance à imputer aux particuliers la responsabilité d'une meilleure information plutôt qu'à sensibiliser les organismes publics et les fonctionnaires chargés de les conseiller. La Commission a lancé des programmes de formation tels que ceux prévus pour les fonctionnaires des douanes aux frontières extérieures de l'Union par exemple. Des programmes similaires pourraient être envisagés pour les fonctionnaires chargés des systèmes d'assistance judiciaire.

 

G. Réforme des régimes nationaux d'assistance judiciaire et autres moyens d'assurer l'accès à la justice

 

Dans le cadre d'une réflexion sur les problèmes rencontrés par les plaideurs transfrontaliers pour bénéficier de l'assistance judiciaire, il ne faut pas ignorer que certains États membres ont estimé qu'un système performant était coûteux et ont essayé d'assurer l'accès à la justice par d'autres moyens. Les solutions à l'étude ou déjà introduites comportent:

à des honoraires conditionnels. Le Royaume-Uni expérimente notamment ce système selon lequel les avocats acceptent de renoncer à leurs honoraires si le client perd son procès et prennent un pourcentage des dommages-intérêts s'il obtient gain de cause. Un tel système peut présenter certains avantages, mais peut exposer le plaideur au risque de rembourser les dépens de l'autre partie s'il perd et si les règles nationales le condamnent aux dépens de la partie qui l'emporte. De plus, il semble qu'un avocat serait peu incité à accepter une affaire sur cette base - si ce n'est parce que cela lui permettrait d'accroître sa clientèle - à moins qu'il ait des chances raisonnables de gagner.

à une assurance contre les frais de justice. Dans certains États membres, il est recommandé de contracter une telle assurance pour s'assurer une justice abordable. En Allemagne, par exemple, il est normal pour la plupart des familles de souscrire une telle police. En Suède, depuis les réformes introduites récemment, l'assistance judiciaire ne sera accordée que si le requérant a agi raisonnablement en n'étant pas couvert par une assistance en justice dans les circonstances données.

 

Cette tendance pourrait avoir des effets positifs si elle assure un accès plus large à une justice abordable mais il faut lancer un appel à la prudence. En premier lieu, les États membres semblent peu désireux d'introduire un régime général légal d'assurance obligatoire en justice. Toute assurance sera donc limitée à une assurance commerciale qui devra donc présenter une proposition attrayante tant pour les compagnies d'assurance que pour les particuliers. Le niveau de couverture variera probablement d'un pays à l'autre et de toute façon, il est peu probable que les personnes vraiment nécessiteuses souscriront une telle police. Il se pourrait par conséquent que tous les États membres doivent maintenir une certaine forme d'assistance judiciaire pour couvrir au moins les plus pauvres.

 

Toute tendance généralisée à l'assurance contre les frais de justice pourrait également comporter des dangers pour les plaideurs transfrontaliers. Ainsi, à moins qu'une telle police ne couvre spécifiquement le risque de litige à l'étranger, le plaideur transfrontalier devra continuer à se tourner vers le régime d'assistance judiciaire de l'État d'accueil. Si un plaideur résidant dans un pays où l'assurance n'est pas habituelle est impliqué dans un litige dans un pays où celle-ci est normale, il risque soit que le régime d'assistance judiciaire obligatoire dans ce pays ait été démantelé soit qu'une assistance judiciaire ne puisse lui être accordée que si, conformément aux critères du pays d'accueil, il était raisonnable qu'il ne soit pas couvert par une police d'assurance contre les frais de justice dans les circonstances données.

 

A l'heure actuelle, alors que le Conseil européen vient d'inviter le Conseil à établir des normes minimales garantissant un niveau approprié d'assistance judiciaire pour les affaires transfrontalières, il ne serait pas acceptable que les réformes adoptées au niveau national mettent en péril cet objectif. Les États membres qui envisagent de réformer leur système d'assistance judiciaire doivent faire en sorte qu'il n'y ait pas de conflit entre ces réformes et la politique communautaire.

 

Solutions envisageables

 

Quel est le meilleur moyen pour garantir que des réformes du système d'assistance judiciaire des États membres ne portent pas atteinte à l'objectif d'assurer un niveau adéquat d'assistance judiciaire dans des affaires transfrontalières -

 

Quel est le meilleur moyen de réaliser l'objectif d'établir des normes minimales dans de tels cas -

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