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CJUE, 27 octobre 2016, aff. C-439/16, Emil Milev

 

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

27 octobre 2016 (*)

 

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive (UE) 2016/343 – Articles 3 et 6 – Application dans le temps – Contrôle juridictionnel de la détention provisoire d’un prévenu – Réglementation nationale interdisant, durant la phase contentieuse de la procédure, de rechercher s’il existe des raisons plausibles de supposer que le prévenu a commis une infraction – Contrariété avec l’article 5, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 4, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – Marge d’appréciation laissée par la jurisprudence nationale aux juridictions nationales pour décider d’appliquer ou non ladite convention »

Dans l’affaire C-439/16 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie), par décision du 28 juillet 2016, parvenue à la Cour le 5 août 2016, dans la procédure pénale contre

Emil Milev,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de chambre, MM. E. Juhász, C. Vajda, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 septembre 2016,

considérant les observations présentées :

–        pour M. Milev, par lui-même ainsi que par Mes S. Barborski et B. Mutafchiev, advokati,

–        pour la Commission européenne, par MM. V. Soloveytchik et R. Troosters ainsi que par Mme V. Bozhilova, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 octobre 2016,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3 et 6 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale contre M. Emil Milev au sujet du maintien en détention provisoire de ce dernier.

 Le cadre juridique

 La CEDH

3        Sous l’intitulé « Droit à la liberté et à la sûreté », l’article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), dispose :

« 1.      Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

[...]

c)      s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;

[...]

4.      Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

[...] »

4        L’article 6 de la CEDH, intitulé « Droit à un procès équitable », énonce, à son paragraphe 1 :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. [...] »

 La directive 2016/343

5        Aux termes de l’article 3 de la directive 2016/343, intitulé « Présomption d’innocence » :

« Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies soient présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité ait été légalement établie. »

6        L’article 6 de cette directive, intitulé « Charge de la preuve », énonce :

« 1.      Les États membres veillent à ce que l’accusation supporte la charge de la preuve visant à établir la culpabilité des suspects et des personnes poursuivies. Cette disposition s’entend sans préjudice de toute obligation incombant au juge ou à la juridiction compétente de rechercher des éléments de preuve tant à charge qu’à décharge, et sans préjudice du droit de la défense de présenter des éléments de preuve conformément au droit national applicable.

2.      Les États membres veillent à ce que tout doute quant à la question de la culpabilité profite au suspect ou à la personne poursuivie, y compris lorsque la juridiction apprécie si la personne concernée doit être acquittée. »

7        Conformément à l’article 14, paragraphe 1, de ladite directive, les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à ladite directive au plus tard le 1er avril 2018 et en informent immédiatement la Commission européenne.

8        En vertu de son article 15, la directive 2016/343 est entrée en vigueur le 31 mars 2016, à savoir le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

 Le droit bulgare

9        Le Nakazatelno protsesualen kodeks (code de procédure pénale, ci-après le « NPK ») dispose, à son article 63, intitulé « Détention provisoire » :

« (1) La mesure de “détention provisoire” est adoptée lorsqu’il existe des raisons plausibles permettant de supposer que l’inculpé a commis une infraction qui est punie d’une peine “privative de liberté” ou d’une autre peine plus sévère et qu’il ressort des preuves dans l’affaire qu’il existe un danger réel que l’inculpé prenne fuite ou commette une infraction.

[...] »

10      L’article 64 du NPK, portant sur l’adoption de la mesure coercitive de « détention provisoire » durant la phase précontentieuse, prévoit :

« (1) Durant la phase précontentieuse, la mesure coercitive de “détention provisoire” est adoptée par le tribunal compétent de première instance sur demande du procureur.

[...]

(4)      Le tribunal adopte la mesure coercitive de “détention provisoire” lorsque les conditions visées à l’article 63, paragraphe 1, sont remplies et, si tel n’est pas le cas, le tribunal peut décider de ne pas adopter de mesure coercitive ou d’adopter une mesure plus douce.

[...] »

11      Aux termes de l’article 65 du NPK, intitulé « Contrôle juridictionnel de la détention provisoire durant la procédure précontentieuse » :

(1)      À tout moment de la procédure précontentieuse l’inculpé ou son défenseur peut demander la commutation de la mesure coercitive adoptée de “détention provisoire”.

[...]

(4)      Le tribunal évalue toutes les circonstances relatives à la légalité de la détention et se prononce par ordonnance notifiée aux parties lors de l’audience.

[...] »

12      L’article 256 du NPK, intitulé « Préparation de l’audience », est rédigé comme suit :

« (1) Aux fins de la préparation de l’audience, le juge rapporteur se prononce sur :

[...]

2.      La mesure coercitive, sans apprécier la question de l’existence de raisons plausibles de supposer qu’une infraction a été commise ;

[...]

(3)      Dans le cas d’une demande relative à la mesure coercitive de “détention provisoire”, le juge rapporteur présente un rapport de l’affaire en audience publique, en présence du procureur, du prévenu et de son défenseur. Lors de l’adoption de l’ordonnance, le tribunal examine si les conditions donnant lieu à la commutation ou à l’annulation de la mesure coercitive sont remplies, sans apprécier s’il existe des raisons plausibles de supposer qu’une infraction a été commise.

[...] »

13      Aux termes de l’article 270 du NPK, intitulé « Décisions sur la mesure coercitive et les autres mesures de contrôle judiciaire durant la procédure contentieuse » :

« (1) La question de la commutation de la mesure coercitive peut être évoquée à tout moment de la procédure contentieuse. En cas de changement de circonstances, une nouvelle demande relative à la mesure coercitive peut être introduite devant la juridiction compétente.

(2)      Le tribunal se prononce par ordonnance en audience publique, sans apprécier s’il existe des raisons plausibles de supposer que le prévenu a commis une infraction.

[...]

(4)      L’ordonnance visée aux paragraphes 2 et 3 peut faire l’objet d’un appel, dans les conditions fixées au chapitre vingt-deux. »

 L’affaire au principal et la question préjudicielle

14      Dans le cadre d’une procédure pénale engagée en 2013, M. Milev a été inculpé de plusieurs infractions, parmi lesquelles figurent la direction d’un groupe criminel organisé et armé, un enlèvement, des vols à main armée et une tentative de meurtre, qui sont passibles de peines allant de trois ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité sans possibilité de commutation. Il se trouve en détention provisoire depuis le 24 novembre 2013.

15      Ladite procédure est entrée dans sa phase contentieuse le 8 juin 2015. Depuis cette date, le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie) a statué à quinze reprises sur des demandes de levée de cette détention provisoire présentées par M. Milev.

16      Conformément à l’article 270, paragraphe 2, du NPK, cette juridiction s’est prononcée sur ces demandes sans apprécier s’il existe des raisons plausibles permettant de supposer que le prévenu a commis une infraction.

17      Le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé) estime que le droit national régissant la procédure pénale est contraire aux exigences découlant de la CEDH. En effet, tandis que ce droit national interdit au juge, au cours de la phase contentieuse de l’affaire, de se prononcer lors du contrôle juridictionnel d’une mesure de détention provisoire sur le point de savoir s’il existe des raisons plausibles permettant de supposer que le prévenu a commis les infractions qui lui sont reprochées, l’article 5, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 4, de la CEDH ne permet de maintenir un prévenu en détention que « lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ».

18      Dans ces circonstances, le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé) s’est adressé au Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie). Dans un avis rendu le 7 avril 2016 en formation plénière, la chambre pénale de cette juridiction a confirmé l’existence d’un conflit entre le droit de procédure pénale national et la CEDH, qui a donné lieu à de multiples condamnations de la République de Bulgarie par la Cour européenne des droits de l’homme, la première de ces condamnations remontant à l’année 1999 (voir Cour EDH, 25 mars 1999, Nikolova c. Bulgarie [GC], CE:ECHR:1999:0325JUD003119596).

19      Le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) a également indiqué dans cet avis, d’une part, que la solution consistant à conférer à une formation de la juridiction de première instance différente de celle qui a décidé du placement en détention provisoire ou à une autre juridiction le pouvoir de se prononcer sur les raisons du maintien en détention provisoire se heurterait à des obstacles d’ordre tant juridique que pratique. D’autre part, il a estimé que la circonstance que la juridiction chargée de l’affaire pendant sa phase contentieuse se prononce également sur l’existence des raisons plausibles permettant de supposer que le prévenu a commis l’infraction qui lui est reprochée pourrait aller à l’encontre de l’exigence d’impartialité du juge consacrée à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

20      Dans ces conditions, le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation), considérant que les dispositions de procédure pénale nationales risquent, dans tous les cas, de contrevenir à celles de la CEDH et tout en soulignant la nécessité d’une intervention législative pour mettre fin au conflit susmentionné, a exposé, dans l’avis du 7 avril 2016, qu’« [i]l est évident que nous ne sommes pas en mesure de proposer une quelconque solution au problème. Nous sommes clairement d’avis que chaque formation de jugement doit apprécier si elle donne la priorité à la CEDH ou à la loi nationale, et si elle est en mesure de statuer dans ce contexte ». Cette juridiction a également indiqué, dans ledit avis, qu’il a été décidé de le communiquer au ministère de la Justice afin d’entamer une modification des dispositions législatives en cause.

21      Selon le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé), l’autorité de l’avis du 7 avril 2016 doit être analogue à celle d’un arrêt interprétatif et les motifs qu’il comporte sont dès lors contraignants pour toute instance juridictionnelle nationale. Il doute toutefois de la conformité de ces motifs avec les articles 3 et 6 de la directive 2016/343. Conscient du fait que le délai de transposition de cette directive n’a pas encore expiré, il rappelle cependant que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, les organes nationaux compétents, y compris les juridictions, devraient s’abstenir de prendre des mesures de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par ladite directive.

22      Dans ces conditions, le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Une jurisprudence nationale – en particulier un avis ayant force obligatoire du Varhoven [kasatsionen sad (Cour suprême de cassation)] (rendu après l’adoption de la directive 2016/343, mais avant l’expiration du délai de transposition de celle-ci) conformément auquel le Varhoven [kasatsionen] sad (Cour suprême de cassation), après avoir constaté un conflit entre l’article 5, paragraphe 4, de la CEDH, lu en combinaison avec le paragraphe 1, sous c), de cet article 5, et la législation nationale (article 270, paragraphe 2, du NPK), concernant la prise en considération ou non de raisons permettant de supposer la commission d’une infraction (dans le cadre de la procédure de contrôle d’une prolongation d’une mesure coercitive de “détention provisoire” lors de la phase contentieuse de la procédure pénale), a octroyé aux juridictions du fond la liberté de décider s’il y a lieu de respecter la CEDH – est-elle conforme aux articles 3 et 6 de la directive 2016/343 (concernant la présomption d’innocence et la charge de la preuve dans le cadre des procédures pénales) ? »

 Sur la procédure d’urgence

23      La juridiction de renvoi a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

24      À l’appui de cette demande, cette juridiction relève que M. Milev se trouve en détention provisoire depuis le 24 novembre 2013. Elle considère en outre que, en cas de réponse négative à la question préjudicielle, si la juridiction nationale appelée à statuer sur le maintien en détention de M. Milev devait constater l’absence de raisons plausibles de supposer qu’il a commis les infractions dont il a été accusé, celui-ci devra être immédiatement remis en liberté.

25      À cet égard, il convient de souligner, en premier lieu, que le présent renvoi préjudiciel porte sur l’interprétation de la directive 2016/343, qui relève du titre V de la troisième partie du traité FUE, relative à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Il est donc susceptible d’être soumis à la procédure préjudicielle d’urgence.

26      En second lieu, s’agissant du critère relatif à l’urgence, il convient, selon la jurisprudence de la Cour, de prendre en considération la circonstance que la personne concernée dans l’affaire au principal est actuellement privée de liberté et que son maintien en détention dépend de la solution du litige au principal (arrêt du 28 juillet 2016, JZ, C‑294/16 PPU, EU:C:2016:610, point 29 et jurisprudence citée). En l’occurrence, il ressort des éléments transmis par la juridiction de renvoi et rappelés aux points 17 à 20 du présent arrêt que M. Milev se trouve en détention provisoire et que la solution apportée à la procédure au principal pourra amener la juridiction de renvoi à décider de mettre fin à cette détention (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Lanigan, C‑237/15 PPU, EU:C:2015:474, point 24).

27      Dans ces conditions, la quatrième chambre de la Cour a décidé, le 17 août 2016, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure préjudicielle d’urgence.

 Sur la question préjudicielle

28      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3 et 6 de la directive 2016/343 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’avis rendu le 7 avril 2016 par le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) au début de la période de transposition de ladite directive conférant aux juridictions nationales compétentes pour juger d’un recours formé contre une décision de détention provisoire, la faculté de décider si, lors de la phase contentieuse de la procédure pénale, le maintien d’un prévenu en détention provisoire doit être soumis à un contrôle juridictionnel portant sur le point de savoir s’il subsiste des raisons plausibles permettant de supposer qu’il a commis l’infraction qui lui est reprochée.

29      Il convient de relever, tout d’abord, que, conformément à son article 15, la directive 2016/343 est entrée en vigueur le 31 mars 2016 et que, selon l’article 14, paragraphe 1, de celle-ci, le délai de transposition de cette directive expire le 1er avril 2018.

30      Dès lors que ce délai vise notamment à donner aux États membres le temps nécessaire pour adopter les mesures de transposition, ces États ne sauraient se voir reprocher de ne pas avoir transposé ladite directive dans leur ordre juridique avant que ce délai ne soit arrivé à expiration (voir arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C‑129/96, EU:C:1997:628, point 43, ainsi que du 15 octobre 2009, Hochtief et Linde-Kca-Dresden, C‑138/08, EU:C:2009:627, point 25).

31      Il n’en demeure pas moins que les États membres doivent s’abstenir de prendre, pendant le délai de transposition d’une directive, des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par celle-ci (voir arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C‑129/96, EU:C:1997:628, point 45, et du 2 juin 2016, Pizzo, C‑27/15, EU:C:2016:404, point 32). Il importe peu à cet égard que de telles dispositions du droit national, adoptées après l’entrée en vigueur de la directive concernée, visent ou non la transposition de cette dernière (voir arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 121).

32      Il s’ensuit que, dès la date à laquelle une directive est entrée en vigueur, les autorités des États membres ainsi que les juridictions nationales doivent s’abstenir dans la mesure du possible d’interpréter le droit national d’une manière qui risquerait de compromettre sérieusement, après l’expiration du délai de transposition de cette directive, la réalisation de l’objectif poursuivi par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, points 122 ainsi que 123).

33      Or, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si l’avis rendu par le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) le 7 avril 2016 pourrait constituer une mesure d’interprétation du droit national qui risque de compromettre sérieusement la réalisation de l’objectif poursuivi par la directive 2016/343.

34      À cet égard, il convient de constater, ainsi qu’il ressort des termes mêmes de cet avis, qu’il ne prescrit pas aux juridictions nationales saisies de recours contre des mesures de maintien en détention provisoire, d’adopter, lors de la phase contentieuse de la procédure pénale, une décision déterminée. Au contraire, il ressort de la décision de renvoi que ledit avis laisse à ces juridictions la liberté d’appliquer les dispositions de la CEDH, telles qu’interprétées par la Cour européenne des droits de l’homme, ou celles du droit procédural pénal national.

35      Il s’ensuit que l’avis du Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation), du 7 avril 2016, n’est pas de nature à compromettre sérieusement, après l’expiration du délai de transposition de la directive 2016/343, la réalisation des objectifs prescrits par celle-ci.

36      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question préjudicielle que l’avis rendu le 7 avril 2016 par le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) au début de la période de transposition de la directive 2016/343, qui confère aux juridictions nationales compétentes pour juger d’un recours formé contre une décision de détention provisoire la faculté de décider si, lors de la phase contentieuse de la procédure pénale, le maintien d’un prévenu en détention provisoire doit être soumis à un contrôle juridictionnel portant également sur le point de savoir s’il subsiste des raisons plausibles permettant de supposer qu’il a commis l’infraction qui lui est reprochée, n’est pas de nature à compromettre sérieusement, après l’expiration du délai de transposition de cette directive, les objectifs prescrits par celle-ci.

 Sur les dépens

37      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L’avis rendu le 7 avril 2016 par le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie) au début de la période de transposition de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, qui confère aux juridictions nationales compétentes pour juger d’un recours formé contre une décision de détention provisoire la faculté de décider si, lors de la phase contentieuse de la procédure pénale, le maintien d’un prévenu en détention provisoire doit être soumis à un contrôle juridictionnel portant également sur le point de savoir s’il subsiste des raisons plausibles permettant de supposer qu’il a commis l’infraction qui lui est reprochée, n’est pas de nature à compromettre sérieusement, après l’expiration du délai de transposition de cette directive, les objectifs prescrits par celle-ci.

Signatures.


* Langue de procédure : le bulgare.

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