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CJUE, 16 novembre 2010, aff. C-261/09, Gaetano Mantello

 

Arrêt de la Cour du 16 novembre 2010

Affaire C-261/09

Gaetano Mantello

 

(demande de décision préjudicielle, introduite par l'Oberlandesgericht Stuttgart)

«Renvoi préjudiciel — Coopération judiciaire en matière pénale — Mandat d’arrêt européen — Décision-cadre 2002/584/JAI — Article 3, point 2 — Ne bis in idem — Notion de ‘mêmes faits’ — Possibilité pour l’autorité judiciaire d’exécution de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen — Jugement définitif dans l’État membre d’émission — Détention de stupéfiants — Trafic de stupéfiants — Organisation criminelle»

 

Sommaire de l'arrêt

1.        Union européenne — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres — Motifs de non-exécution obligatoire du mandat d'arrêt européen

(Convention d'application de l'accord de Schengen, art. 54; décision-cadre du Conseil 2002/584, art. 3, point 2)

2.        Union européenne — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres — Motifs de non-exécution obligatoire du mandat d'arrêt européen

(Décision-cadre du Conseil 2002/584, art. 3, point 2)

1.        Aux fins de l’émission et de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, la notion de «mêmes faits» figurant à l’article 3, point 2, de la décision-cadre 2002/584, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, constitue une notion autonome du droit de l’Union. Par ailleurs, cette notion de «mêmes faits» figure également à l’article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen et a été, dans ce cadre, interprétée comme visant la seule matérialité des faits et englobant un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles, indépendamment de la qualification juridique de ces faits ou de l’intérêt juridique protégé. Eu égard à l’objectif commun des articles 54 de ladite convention et 3, point 2, de ladite décision-cadre, consistant à éviter qu’une personne soit à nouveau poursuivie ou jugée au pénal pour les mêmes faits, l’interprétation de cette notion fournie dans le cadre de la convention d'application de l'accord de Schengen vaut également dans le contexte de la décision-cadre 2002/584.

(cf. points 39-40, 51 et disp.)

2.        Dans des circonstances où, en réponse à une demande d’information au sens de l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, formulée par l’autorité judiciaire d’exécution, l’autorité judiciaire d’émission, en application de son droit national et dans le respect des exigences découlant de la notion de «mêmes faits» telle que consacrée à l'article 3, point 2, de cette décision-cadre, a expressément constaté que le précédent jugement rendu dans son ordre juridique ne constituait pas un jugement définitif couvrant les faits visés dans son mandat d’arrêt et ne faisait donc pas obstacle aux poursuites visées dans ledit mandat d’arrêt, l’autorité judicaire d’exécution n’a aucune raison d’appliquer, en lien avec un tel jugement, le motif de non-exécution obligatoire prévu audit article 3, point 2.

En effet, une personne recherchée est considérée comme ayant fait l’objet d’un jugement définitif pour les mêmes faits au sens de l’article 3, point 2, de la décision-cadre 2002/584 lorsque, à la suite d’une procédure pénale, l’action publique est définitivement éteinte ou encore lorsque les autorités judiciaires d’un État membre ont adopté une décision par laquelle le prévenu est définitivement acquitté pour les faits reprochés. Le caractère «définitif» d’un jugement visé à l’article 3, point 2, de la décision-cadre relève du droit de l’État membre où ce jugement a été rendu. Ainsi, une décision qui, selon le droit de l’État membre ayant engagé des poursuites pénales à l'encontre d'une personne, n’éteint pas définitivement l’action publique au niveau national pour certains faits ne saurait avoir, en principe, pour effet de constituer un obstacle procédural à ce que des poursuites pénales soient éventuellement entamées ou poursuivies, pour les mêmes faits, à l’encontre de cette personne dans l’un des États membres de l’Union. Tel est le cas, en particulier, lorsque l’autorité judiciaire d’émission indique expressément que, en vertu de son droit national, l’inculpé a fait l’objet d’un jugement définitif s’agissant de faits isolés de détention illégale de drogue, mais que les poursuites couvertes par le mandat d’arrêt s’appuient sur des faits différents, relatifs à l’infraction de criminalité organisée ainsi qu’à d’autres infractions de détentions illégales de drogue en vue de sa revente, qui n’étaient pas couverts par ce jugement antérieur, et ce bien que les autorités d’enquête disposaient déjà de certaines informations factuelles relatives à ces infractions. Dès lors qu'il ressort de la réponse fournie par l’autorité judiciaire d’émission que le premier jugement rendu par un tribunal national ne saurait être considéré comme ayant éteint définitivement l’action publique au niveau national s’agissant desdits faits visés dans son mandat d’arrêt, l'autorité judiciaire d'exécution doit tirer toutes les conséquences des appréciations effectuées dans sa réponse par l’autorité judiciaire d’émission.

(cf. points 45-47, 49-51 et disp.)

 

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

16 novembre 2010

 

«Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 3, point 2 – Ne bis in idem – Notion de ‘mêmes faits’ – Possibilité pour l’autorité judiciaire d’exécution de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen – Jugement définitif dans l’État membre d’émission – Détention de stupéfiants – Trafic de stupéfiants – Organisation criminelle»

Dans l’affaire C‑261/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 35 UE, introduite par l’Oberlandesgericht Stuttgart (Allemagne), par décision du 29 juin 2009, parvenue à la Cour le 14 juillet 2009, dans la procédure relative à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis à l’encontre de

Gaetano Mantello,

 

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts et J.‑C. Bonichot, présidents de chambre, MM. M. Ilešič, J. Malenovský, U. Lõhmus, E. Levits, A. Ó Caoimh, L. Bay Larsen, Mmes C. Toader (rapporteur) et M. Berger, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 juillet 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement allemand, par Mme S. Unzeitig et M. J. Möller, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement grec, par Mme T. Papadopoulou et M. G. Karipsiadis, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. de Ree, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk et C. Meyer-Seitz, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Hathaway, en qualité d’agent, assisté de Mme S. Lee, barrister,

–        pour la Commission européenne, par Mme S. Grünheid et M. R. Troosters, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 septembre 2010,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, point 2, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO L 190, p. 1, ci-après la «décision-cadre»), et, notamment, du principe ne bis in idem.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre de l’exécution en Allemagne d’un mandat d’arrêt européen relatif à des poursuites judiciaires diligentées par les autorités italiennes à l’encontre de M. Mantello et de 76 autres personnes qui sont soupçonnés d’avoir organisé un trafic de cocaïne dans la région de Vittoria (Italie).

 

 Le cadre juridique

 

 Le droit de l’Union

3        Les premier, cinquième, huitième, dixième ainsi que douzième considérants de la décision-cadre se lisent comme suit:

«(1)      Selon les conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, et notamment le point 35, il convient de supprimer, entre les États membres, la procédure formelle d’extradition pour les personnes qui tentent d’échapper à la justice après avoir fait l’objet d’une condamnation définitive et d’accélérer les procédures d’extradition relatives aux personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction.

[…]

(5)      L’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant pré-sentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

[…]

(8)      Les décisions relatives à l’exécution du mandat d’arrêt européen doivent faire l’objet de contrôles suffisants, ce qui implique qu’une autorité judiciaire de l’État membre où la personne recherchée a été arrêtée devra prendre la décision de remise de cette dernière.

[…]

(10)      Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres. La mise en œuvre de celui-ci ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, constatée par le Conseil en application de l’article 7, paragraphe 1, dudit traité avec les conséquences prévues au paragraphe 2 du même article.

[…]

(12)      La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 du traité sur l’Union européenne et reflétés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne […], notamment son chapitre VI. Rien dans la présente décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d’une personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen s’il y a des raisons de croire, sur la base d’éléments objectifs, que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou qu’il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l’une de ces raisons.

[…]»

4        L’article 1er de la décision-cadre prévoit:

«1.      Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2.      Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3.      La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne.»

5        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre énonce:

«1.      Un mandat d’arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins douze mois ou, lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue ou qu’une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d’une durée d’au moins quatre mois.

2.      Les infractions suivantes, si elles sont punies dans l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins trois ans telles qu’elles sont définies par le droit de l’État membre d’émission, donnent lieu à remise sur la base d’un mandat d’arrêt européen, aux conditions de la présente décision-cadre et sans contrôle de la double incrimination du fait:

–        participation à une organisation criminelle,

[…]

–        trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes,

[…]»

6        Aux termes de l’article 3 de la décision-cadre, intitulé «Motifs de non-exécution obligatoire du mandat d’arrêt européen»:

«L’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution (ci-après dénommée ‘autorité judiciaire d’exécution’) refuse l’exécution du mandat d’arrêt européen dans les cas suivants:

[…]

2)      s’il résulte des informations à la disposition de l’autorité judiciaire d’exécution que la personne recherchée a fait l’objet d’un jugement définitif pour les mêmes faits par un État membre, à condition que, en cas de condamnation, celle-ci ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de l’État membre de condamnation;

[…]»

7        L’article 15 de la décision-cadre, intitulé «Décision sur la remise», dispose:

«1.      L’autorité judiciaire d’exécution décide, dans les délais et aux conditions définis dans la présente décision-cadre, la remise de la personne.

2.      Si l’autorité judiciaire d’exécution estime que les informations communiquées par l’État membre d’émission sont insuffisantes pour lui permettre de décider la remise, elle demande la fourniture d’urgence des informations complémentaires nécessaires, en particulier en relation avec les articles 3 à 5 et 8, et peut fixer une date limite pour leur réception, en tenant compte de la nécessité de respecter les délais fixés à l’article 17.

3.      L’autorité judiciaire d’émission peut, à tout moment, transmettre toutes les informations additionnelles utiles à l’autorité judiciaire d’exécution.»

8        L’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19), signée à Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 (ci-après la «CAAS»), dispose:

«Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation.»

9        L’article 57, paragraphes 1 et 2, de la CAAS dispose:

«1.      Lorsqu’une personne est accusée d’une infraction par une Partie Contractante et que les autorités compétentes de cette Partie Contractante ont des raisons de croire que l’accusation concerne les mêmes faits que ceux pour lesquels elle a déjà été définitivement jugée par une autre Partie Contractante, ces autorités demanderont, si elles l’estiment nécessaire, les renseignements pertinents aux autorités compétentes de la Partie Contractante sur le territoire de laquelle une décision a déjà été rendue.

2.      Les informations demandées seront données aussitôt que possible et seront prises en considération pour la suite à réserver à la procédure en cours.»

10      Il ressort de l’information relative à la date d’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 1er mai 1999 (JO L 114, p. 56), que la République fédérale d’Allemagne a fait une déclaration au titre de l’article 35, paragraphe 2, UE, par laquelle cet État membre a accepté la compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel selon les modalités prévues à l’article 35, paragraphe 3, sous b), UE.

 Les droits nationaux

 Le droit allemand

11      L’article 3, point 2, de la décision-cadre a été transposé en droit allemand par l’article 83, point 1, de la loi du 23 décembre 1982 sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale [Gesetz über die internationale Rechtshilfe in Strafsachen (IRG)] dans sa version résultant de la loi sur le mandat d’arrêt européen du 20 juillet 2006 [Europäischen Haftbefehlsgesetz, BGBI. 2006 I, p. 1721 (EuHbG)]. Cet article, intitulé «Conditions complémentaires d’admissibilité», dispose:

«L’extradition est exclue lorsque

1.      La personne poursuivie a déjà fait l’objet, pour le fait même qui fonde la demande d’extradition, d’un jugement définitif par un autre État membre, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait déjà été subie ou soit en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de l’État membre de condamnation […].

[…]»

 Le droit italien

12      Les articles 73 et 74 du décret n° 309 du Président de la République, du 9 octobre 1990, portant texte consolidé des lois en matière de régime applicable aux stupéfiants et aux substances psychotropes, de prévention et soin de la toxicomanie et de réinsertion (ci-après le «DPR n° 309/90»), se lisent comme suit:

«Article 73. Production, trafic et détention illicites de stupéfiants ou de substances psychotropes

1.      Encourt une peine de réclusion de six à vingt ans et une amende de 26 000 à 260 000 euros quiconque, agissant sans l’autorisation visée à l’article 17, cultive, produit, fabrique, extrait, raffine, vend, offre ou met en vente, cède, distribue, fait commerce, transporte, procure, envoie, passe ou expédie en transit ou livre à quelque fin que ce soit des stupéfiants ou des substances psychotropes […].

[…]

6.      La peine est aggravée si le fait est commis par trois personnes ou plus, agissant ensemble.

Article 74. Association ayant pour objet le trafic illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes

1.      Quand trois personnes ou plus s’associent pour commettre plusieurs des délits prévus à l’article 73, celle qui promeut, constitue, dirige, organise ou finance l’association est passible exclusivement d’une peine de réclusion non inférieure à vingt ans.

2.      Quiconque participe à l’association encourt une peine de réclusion non inférieure à dix ans.

3.      La peine est aggravée si le nombre des associés est égal à dix […].

[…]»

13      Aux termes de l’article 649 du code de procédure pénale italien, «[l]e prévenu acquitté ou condamné par un jugement ou une ordonnance pénale devenus irrévocables ne peut être soumis à une nouvelle procédure pénale pour le même fait, même si ce dernier est considéré différemment du point de vue de sa qualification juridique, de son degré de gravité ou des circonstances».

14      Selon les indications du gouvernement italien, il ressort toutefois de la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) que «l’exception prévue à l’article 649 du code de procédure pénale ne saurait être invoquée lorsque le fait ayant donné lieu à un jugement définitif vise une hypothèse de concours idéal d’infractions dès lors que le comportement ayant d’ores et déjà fait l’objet d’un jugement définitif peut être requalifié comme élément de fait et classé, selon une appréciation différente, voire alternative, dans une catégorie d’incrimination plus large».

 

 Les faits au principal et les questions préjudicielles

 

15      Le Tribunale di Catania (Italie) a, le 7 novembre 2008, émis un mandat d’arrêt européen (ci-après le «mandat d’arrêt») à l’encontre de M. Mantello, afin que celui-ci soit arrêté et remis aux autorités italiennes dans le cadre de poursuites pénales engagées contre lui. Ce mandat d’arrêt s’appuie sur un mandat d’arrêt national émis par ce même tribunal, en date du 5 septembre 2008, à l’encontre de M. Mantello et de 76 autres coaccusés.

16      À l’appui du mandat d’arrêt, deux faits sont reprochés à M. Mantello.

17      D’une part, des mois de janvier 2004 à novembre 2005, il aurait participé, dans le cadre d’une organisation criminelle comptant au moins dix autres personnes, à un trafic de cocaïne organisé à Vittoria, dans d’autres villes italiennes ainsi qu’en Allemagne. Non seulement M. Mantello aurait joué le rôle de passeur et d’intermédiaire, mais il aurait également été en charge de l’approvisionnement en cocaïne et de son commerce. Or, conformément à l’article 74, paragraphes 1 et 3, du DPR n° 309/90, ces faits sont passibles, en droit italien, d’une peine d’emprisonnement d’une durée minimale de 20 années.

18      D’autre part, durant cette période et dans les mêmes lieux, seul ou en complicité avec d’autres, il serait entré illégalement en possession de cocaïne, en aurait détenu et l’aurait acheminée, vendue ou encore cédée à d’autres. Pour ces faits, une personne encourt en droit italien une peine de 8 à 20 années d’emprisonnement, laquelle peine peut être aggravée.

19      À cet égard, des circonstances aggravantes ont été invoquées à l’encontre de M. Mantello dans la mesure où de la cocaïne a été remise à un mineur par l’entremise du réseau.

20      Selon les indications fournies dans le mandat d’arrêt national, différentes autorités ont enquêté dès le mois de janvier de l’année 2004 sur le trafic illicite de cocaïne sévissant dans la région de Vittoria. Les enquêtes ont notamment consisté en des écoutes téléphoniques à grande échelle qui ont permis de mettre en lumière l’existence d’un réseau organisé, comprenant deux associations criminelles, ce qui impliquait l’applicabilité de l’article 74 du DPR n° 309/90. Par ailleurs, lors d’interceptions d’appels téléphoniques de M. Mantello durant la période allant du 19 janvier au 13 septembre 2005, la participation de celui-ci audit réseau a été confirmée. Il a en outre été pris en filature par des enquêteurs au cours de certains de ses déplacements, notamment entre la Sicile (Italie) et Milan (Italie) les 28 juillet ainsi que 12 août 2005 et entre la Sicile, Esslingen (Allemagne) et Catane le 12 septembre 2005.

21      Lors de ce dernier déplacement, M. Mantello a acheté 150 g de cocaïne à Esslingen et, à son retour le soir du 13 septembre 2005, il a été interpellé, à sa sortie du train en gare de Catane, par la police ferroviaire qui l’a fouillé et a découvert qu’il transportait deux pochettes contenant, respectivement, 9,5 g et 145,96 g de cocaïne, correspondant à une quantité de 599 à 719 doses individuelles.

22      Par jugement du 30 novembre 2005, le Tribunale di Catania a condamné M. Mantello à une peine d’emprisonnement de 3 ans, 6 mois et 20 jours, assortie d’une amende d’un montant de 13 000 euros. Dans son réquisitoire, le ministère public reprochait à M. Mantello d’avoir, le 13 septembre 2005, été illégalement en possession de 155,46 g de cocaïne, destinés à la revente. Le Tribunale di Catania a estimé que la preuve de la matérialité de ces faits avait été apportée. À la demande de M. Mantello, ledit tribunal a statué selon une procédure écourtée, ce qui lui a permis d’obtenir une réduction de peine. Par un arrêt du 18 avril 2006, la Corte d’appello di Catania (cour d’appel de Catane) a confirmé le jugement de ce tribunal.

23      Par la suite, le Tribunale di Catania a réduit la peine de M. Mantello, de sorte que celui-ci n’a effectivement purgé qu’une peine de 10 mois et 20 jours d’emprisonnement et qu’il a vu son amende réduite.

24      Ayant pris connaissance, le 3 décembre 2008, du mandat d’arrêt sur le système d’information Schengen (SIS), la Generalstaatsanwaltschaft Stuttgart (ministère public de Stuttgart) a fait arrêter M. Mantello le 29 décembre 2008 à son domicile et l’a fait comparaître devant l’Amtsgericht Stuttgart. Pendant la comparution, M. Mantello s’est opposé à sa remise à l’autorité judiciaire d’émission et n’a pas renoncé à faire valoir le principe de spécialité. À la demande dudit ministère public, l’Oberlandesgericht Stuttgart a prié les autorités italiennes, le 22 janvier 2009, de vérifier dans quelle mesure le jugement rendu le 30 novembre 2005 par le Tribunale di Catania ne s’opposait pas à l’exécution du mandat d’arrêt.

25      N’ayant reçu aucune information de ces autorités, l’Oberlandesgericht Stuttgart a alors décidé, le 20 mars 2009, de surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt. Compte tenu des difficultés tant factuelles que juridiques posées par l’affaire au principal, cette juridiction a par ailleurs attribué à M. Mantello un avocat d’office.

26      Par la suite et en réponse à la demande d’information émanant de l’autorité judiciaire d’exécution, le juge d’instruction du Tribunale di Catania a finalement expliqué, le 4 avril 2009, en sa qualité d’autorité judiciaire d’émission du mandat d’arrêt, que le jugement du 30 novembre 2005 ne s’opposait pas aux poursuites visées dans le mandat d’arrêt et qu’il ne s’agissait donc pas d’un cas relevant du principe ne bis in idem. Le ministère public de Stuttgart a alors demandé à la juridiction de renvoi que le mandat d’arrêt soit exécuté.

27      L’Oberlandesgericht Stuttgart se demande cependant s’il peut s’opposer à l’exécution du mandat d’arrêt émis pour les infractions pénales de crime organisé dans la mesure où, selon lui, déjà au moment de l’enquête ayant abouti à la condamnation de M. Mantello pour détention de cocaïne en vue de sa revente, les enquêteurs italiens disposaient de preuves suffisantes pour l’inculper et le poursuivre pour les chefs d’accusation visés dans le mandat d’arrêt, notamment pour trafic de drogue en bande organisée. Toutefois, dans l’intérêt de l’enquête, afin de pouvoir démanteler ce trafic et arrêter les autres personnes impliquées, ces enquêteurs n’auraient pas communiqué les informations et les preuves en leur possession au juge d’instruction ni demandé à l’époque la poursuite de ces faits.

28      Selon la juridiction de renvoi, en droit allemand tel qu’interprété par le Bundesgerichtshof, un délit d’association pourrait en principe encore être poursuivi a posteriori si, d’une part, l’acte d’accusation et l’enquête judiciaire antérieurs n’ont eu pour objet que des actes isolés du membre d’une telle association et si, d’autre part, l’accusé n’a pas acquis la confiance légitime que la procédure antérieure englobait tous les actes accomplis dans le cadre de l’association. Cependant, la juridiction de renvoi ne semble pas souscrire pleinement à cette position du Bundesgerichtshof. En effet, elle suggère d’ajouter une troisième condition, à savoir celle selon laquelle, au moment de la décision judicaire sur le fait isolé, les enquêteurs devaient ignorer qu’il y avait d’autres délits individuels et un délit d’association, ce qui n’était précisément pas le cas des autorités d’enquête en Italie.

29      Par ailleurs, l’Oberlandesgericht Stuttgart relève que, d’une part, dans l’affaire au principal, il n’y aurait pas d’élément transnational dans la mesure où le potentiel «idem» serait constitué par une décision judiciaire venant de l’État membre d’émission lui-même et non d’un autre État membre. D’autre part, ladite juridiction note que la notion de «mêmes faits» n’a pas encore fait l’objet d’une décision de la Cour dans le cadre du mandat d’arrêt européen. Or, cette juridiction se demande si la jurisprudence développée dans le cadre de la CAAS peut être transposée dans une situation telle que celle en cause au principal.

30      C’est dans ces conditions que l’Oberlandesgericht Stuttgart a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La question de savoir s’il s’agit des ‘mêmes faits’ au sens de l’article 3, point 2, de la décision-cadre […] s’apprécie-t-elle:

a)      par référence au droit de l’État membre d’émission, ou

b)      par référence au droit de l’État membre d’exécution, ou

c)      en donnant à la notion de ‘mêmes faits’ une interprétation autonome, spécifique à l’Union?

2)      Dans une situation où, au moment du jugement de condamnation d’une importation illicite de stupéfiants, les services chargés de l’enquête disposaient d’informations et de preuves étayant le soupçon de participation à une association [criminelle], mais ont renoncé, dans l’intérêt de l’enquête, à soumettre ces informations et ces preuves au tribunal et à lancer les poursuites pénales à ce titre, ladite importation illicite constitue-t-elle un ‘même fait’, au sens de l’article 3, point 2, de la décision-cadre, que la participation à une association ayant pour objet le trafic de stupéfiants?»

31      À la demande de la juridiction de renvoi, laquelle était motivée par le souci de cette juridiction de ne pas rallonger la procédure de remise sollicitée par les autorités italiennes, la chambre désignée a examiné la nécessité de soumettre la présente affaire à la procédure d’urgence prévue à l’article 104 ter du règlement de procédure de la Cour. Par décision du 20 juillet 2009, prise en application du paragraphe 1, quatrième alinéa, dudit article, la chambre désignée a décidé, l’avocat général entendu, de ne pas faire droit à cette demande.

 

 Sur les questions préjudicielles

 

32      Par ses questions, la juridiction de renvoi cherche à savoir en substance si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, elle peut s’opposer à l’exécution du mandat d’arrêt sur le fondement de l’article 3, point 2, de la décision-cadre.

33      En effet, il ressort de la première question posée, qui vise le point de savoir si la notion de «mêmes faits» figurant audit article 3, point 2, constitue une notion autonome du droit de l’Union, que, selon la juridiction de renvoi, si cette notion devait s’analyser uniquement au regard du droit de l’État membre d’émission ou de celui de l’État membre d’exécution, cette juridiction serait alors tenue de procéder à la remise de M. Mantello. Il en serait ainsi dès lors que, d’une part, en droit allemand tel qu’interprété par le Bundesgerichtshof, un délit d’association pourrait en principe encore être poursuivi a posteriori si l’acte d’accusation et l’enquête judiciaire antérieurs n’ont eu pour objet que des actes isolés du membre d’une telle association et si l’accusé n’a pas acquis la confiance légitime que la procédure antérieure englobait tous les actes accomplis dans le cadre de l’association. D’autre part, compte tenu de la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione mentionnée au point 14 du présent arrêt et des informations, figurant au point 26 de celui-ci, qui ont été fournies à la juridiction de renvoi le 4 avril 2009 par le juge d’instruction du Tribunale di Catania, le jugement du 30 novembre 2005 rendu par ce tribunal ne s’oppose pas, en droit italien, à des poursuites pour des incriminations telles que celles contenues dans le mandat d’arrêt.

34      En revanche, si la notion de «mêmes faits» figurant à l’article 3, point 2, de la décision-cadre devait être considérée comme une notion autonome du droit de l’Union, la juridiction de renvoi cherche à savoir, par la seconde question posée, si, contrairement aux droits allemand et italien tels qu’interprétés par les juridictions suprêmes de ces États membres, cette disposition de la décision-cadre exigerait, afin de permettre des poursuites contre une personne pour une incrimination plus large que celle qui a déjà fait l’objet d’un jugement définitif concernant un fait isolé, que les enquêteurs devaient ignorer lors de la première inculpation ayant abouti à ce jugement définitif, qu’il y avait d’autres délits individuels et un délit d’association, ce qui n’était précisément pas le cas des autorités d’enquête en Italie.

35      À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort en particulier de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre ainsi que des cinquième et septième considérants de celle-ci, cette décision a pour objet de remplacer le système d’extradition multilatéral entre États membres par un système de remise entre autorités judiciaires des personnes condamnées ou soupçonnées aux fins de l’exécution de jugements ou de poursuites, ce dernier système étant fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle (arrêt du 6 octobre 2009, Wolzenburg, C‑123/08, Rec. p. I‑9621, point 56).

36      Le principe de reconnaissance mutuelle, qui sous-tend l’économie de la décision-cadre, implique, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de cette dernière, que les États membres sont en principe tenus de donner suite à un mandat d’arrêt européen (arrêt du 1er décembre 2008, Leymann et Pustovarov, C‑388/08 PPU, Rec. p. I‑8983, point 51).

37      En effet, les États membres ne peuvent refuser d’exécuter un tel mandat que dans les cas de non-exécution obligatoire prévus à l’article 3 de la décision-cadre ainsi que dans les cas énumérés à l’article 4 de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Leymann et Pustovarov, précité, point 51).

38      À cet égard, la notion de «mêmes faits» figurant à l’article 3, point 2, de la décision-cadre ne saurait être laissée à l’appréciation des autorités judiciaires de chaque État membre en fonction de leur droit national. En effet, il découle de l’exigence d’application uniforme du droit de l’Union que, dans la mesure où cette disposition ne renvoie pas au droit des États membres en ce qui concerne cette notion, cette dernière doit trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme (voir, par analogie, arrêt du 17 juillet 2008, Kozłowski, C‑66/08, Rec. p. I‑6041, points 41 et 42). Elle constitue donc une notion autonome du droit de l’Union qui, en tant que telle, peut faire l’objet d’une demande de décision préjudicielle par toute juridiction saisie d’un litige à cet égard, dans les conditions définies au titre VII du protocole n° 36 au traité FUE, relatif aux dispositions transitoires.

39      Il convient de relever que cette notion de «mêmes faits» figure également à l’article 54 de la CAAS. Dans ce cadre, ladite notion a été interprétée comme visant la seule matérialité des faits et englobant un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles, indépendamment de la qualification juridique de ces faits ou de l’intérêt juridique protégé (voir arrêts du 9 mars 2006, Van Esbroeck, C‑436/04, Rec. p. I‑2333, points 27, 32 et 36, ainsi que du 28 septembre 2006, Van Straaten, C‑150/05, Rec. p. I‑9327, points 41, 47 et 48).

40      Eu égard à l’objectif commun des articles 54 de la CAAS et 3, paragraphe 2, de la décision-cadre, consistant à éviter qu’une personne soit à nouveau poursuivie ou jugée au pénal pour les mêmes faits, il convient d’admettre que l’interprétation de cette notion fournie dans le cadre de la CAAS vaut également dans le contexte de la décision-cadre.

41      Lorsque est portée à la connaissance de l’autorité judiciaire d’exécution l’existence dans un État membre d’un jugement définitif pour les «mêmes faits» que ceux visés par le mandat d’arrêt européen dont elle est saisie, ladite autorité doit, conformément à l’article 3, point 2, de la décision-cadre, refuser l’exécution dudit mandat d’arrêt, à condition que, en cas de condamnation, celle-ci ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de l’État membre de condamnation.

42      Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi indique qu’elle serait à première vue encline à considérer que les faits sur lesquels s’appuie le jugement définitif du 30 novembre 2005, à savoir la détention par M. Mantello de 155,46 g de cocaïne le 13 septembre 2005 à Vittoria, sont, au regard de la notion de «mêmes faits», différents de ceux visés par le mandat d’arrêt, à savoir, d’une part, les faits, se situant entre le mois de janvier 2004 et le mois de novembre 2005, relatifs à la participation de M. Mantello à l’organisation criminelle en qualité de passeur, d’intermédiaire et d’approvisionneur, ainsi que, d’autre part, ceux relatifs à la possession illégale de drogue au cours de cette même période et dans plusieurs villes italiennes et allemandes.

43      Ainsi, il y a lieu de considérer que, en réalité, les interrogations de la juridiction de renvoi portent davantage sur la notion de «jugement définitif» que sur celle de «mêmes faits». En effet, cette juridiction se demande si, dans la mesure où les enquêteurs italiens disposaient, au moment où le jugement du 30 novembre 2005 a été rendu, d’éléments de preuve sur des faits, s’étalant sur une période comprise entre le mois de janvier 2004 et le mois de novembre 2005, qui auraient pu permettre de démontrer les infractions de participation de M. Mantello à l’organisation criminelle ainsi que de détention illégale de drogue, ce jugement pourrait être considéré comme constituant non seulement un jugement définitif de condamnation couvrant les faits isolés en date du 13 septembre 2005 pour lesquels a été retenue l’infraction de possession illégale de drogue destinée à la revente, mais également un jugement faisant obstacle à des poursuites ultérieures pour des incriminations telles que celles contenues dans le mandat d’arrêt.

44      En d’autres termes, cette juridiction se demande si la circonstance que les autorités d’enquête disposaient des éléments de preuve relatifs aux faits constitutifs des infractions visées dans le mandat d’arrêt, mais ne les ont pas soumis à l’appréciation du Tribunale di Catania lorsque celui-ci s’est prononcé sur les faits isolés en date du 13 septembre 2005, permettrait de considérer que l’on serait en présence d’une décision assimilable à un jugement définitif pour les faits exposés dans ce mandat d’arrêt.

45      À cet égard, il convient de constater qu’une personne recherchée est considérée comme ayant fait l’objet d’un jugement définitif pour les mêmes faits au sens de l’article 3, point 2, de la décision-cadre lorsque, à la suite d’une procédure pénale, l’action publique est définitivement éteinte (voir, par analogie, arrêts du 11 février 2003, Gözütok et Brügge, C‑187/01 et C‑385/01, Rec. p. I‑1345, point 30, ainsi que du 22 décembre 2008, Turanský, C‑491/07, Rec. p. I‑11039, point 32) ou encore lorsque les autorités judiciaires d’un État membre ont adopté une décision par laquelle le prévenu est définitivement acquitté pour les faits reprochés (voir, par analogie, arrêts Van Straaten, précité, point 61, et Turanský, précité, point 33).

46      Le caractère «définitif» d’un jugement visé à l’article 3, point 2, de la décision-cadre relève du droit de l’État membre où ce jugement a été rendu.

47      Ainsi, une décision qui, selon le droit de l’État membre ayant engagé des poursuites pénales à l’encontre d’une personne, n’éteint pas définitivement l’action publique au niveau national pour certains faits ne saurait avoir, en principe, pour effet de constituer un obstacle procédural à ce que des poursuites pénales soient éventuellement entamées ou poursuivies, pour les mêmes faits, à l’encontre de cette personne dans l’un des États membres de l’Union (voir, par analogie, arrêt Turanský, précité, point 36).

48      À cet égard, à l’instar du cadre de coopération prévu à l’article 57 de la CAAS, l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre permet à une autorité judiciaire d’exécution de demander, à l’autorité judiciaire de l’État membre sur le territoire duquel une décision a été rendue, des informations juridiques sur la nature précise de cette décision afin d’établir si celle-ci a, en vertu du droit national dudit État, un caractère tel qu’elle doit être considérée comme ayant éteint définitivement l’action publique au niveau national (voir, par analogie, arrêt Turanský, précité, point 37).

49      Or, dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi a précisément fait usage du cadre de coopération prévu à l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre. Dans sa réponse, l’autorité judiciaire d’émission lui a expressément indiqué que, en vertu du droit italien, l’inculpé avait fait l’objet d’un jugement définitif s’agissant de faits isolés de détention illégale de drogue, mais que les poursuites couvertes par le mandat d’arrêt s’appuyaient sur des faits différents, relatifs à l’infraction de criminalité organisée ainsi qu’à d’autres infractions de détentions illégales de drogue en vue de sa revente, qui n’étaient pas couverts par son jugement du 30 novembre 2005. Ainsi, bien que les autorités d’enquête disposaient de certaines informations factuelles relatives à ces infractions, il ressort de la réponse fournie par l’autorité judiciaire d’émission que le premier jugement du Tribunale di Catania ne saurait être considéré comme ayant éteint définitivement l’action publique au niveau national s’agissant desdits faits visés dans son mandat d’arrêt.

50      Par conséquent, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, où l’autorité judiciaire d’émission, en réponse à une demande d’information au sens de l’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre formulée par l’autorité judiciaire d’exécution, a, explications à l’appui, expressément constaté que son précédent jugement ne couvrait pas les faits visés dans son mandat d’arrêt et ne faisait donc pas obstacle aux poursuites visées dans ledit mandat d’arrêt, cette autorité judiciaire d’exécution devait tirer toutes les conséquences des appréciations effectuées dans sa réponse par l’autorité judiciaire d’émission.

51      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la juridiction de renvoi que, aux fins de l’émission et de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, la notion de «mêmes faits», figurant à l’article 3, point 2, de la décision-cadre, constitue une notion autonome du droit de l’Union. Dans des circonstances telles que celles en cause au principal où, en réponse à une demande d’information au sens de l’article 15, paragraphe 2, de cette décision-cadre formulée par l’autorité judiciaire d’exécution, l’autorité judiciaire d’émission, en application de son droit national et dans le respect des exigences découlant de la notion de «mêmes faits» telle que consacrée à ce même article 3, point 2, de la décision-cadre, a expressément constaté que le précédent jugement rendu dans son ordre juridique ne constituait pas un jugement définitif couvrant les faits visés dans son mandat d’arrêt et ne faisait donc pas obstacle aux poursuites visées dans ledit mandat d’arrêt, l’autorité judicaire d’exécution n’a aucune raison d’appliquer, en lien avec un tel jugement, le motif de non-exécution obligatoire prévu audit article 3, point 2.

 

 Sur les dépens

 

52      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

Aux fins de l’émission et de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, la notion de «mêmes faits» figurant à l’article 3, point 2, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, constitue une notion autonome du droit de l’Union.

Dans des circonstances telles que celles en cause au principal où, en réponse à une demande d’information au sens de l’article 15, paragraphe 2, de cette décision-cadre formulée par l’autorité judiciaire d’exécution, l’autorité judiciaire d’émission, en application de son droit national et dans le respect des exigences découlant de la notion de «mêmes faits» telle que consacrée à ce même article 3, point 2, a expressément constaté que le précédent jugement rendu dans son ordre juridique ne constituait pas un jugement définitif couvrant les faits visés dans son mandat d’arrêt et ne faisait donc pas obstacle aux poursuites visées dans ledit mandat d’arrêt, l’autorité judicaire d’exécution n’a aucune raison d’appliquer, en lien avec un tel jugement, le motif de non-exécution obligatoire prévu audit article 3, point 2.

Signatures


Langue de procédure: l’allemand.

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