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Rapport de la Commission européenne du 27 novembre 2014 : Sixième rapport semestriel sur le fonctionnement de l’espace Schengen 1er mai - 31 octobre 2014, COM/2014/0711 final

 

Rapport de la Commission européenne du 27 novembre 2014 : Sixième rapport semestriel sur le fonctionnement de l’espace Schengen 1er mai - 31 octobre 2014

 

COM/2014/0711 final

 

1. Introduction

 

Ainsi qu’elle l’a annoncé dans sa communication du 16 septembre 2011 sur le renforcement de la gouvernance Schengen[1] et après avoir reçu l’appui du Conseil le 8 mars 2012, la Commission présente des rapports semestriels au Parlement européen et au Conseil sur le fonctionnement de l’espace Schengen. Ce sixième rapport couvre la période comprise entre le 1er mai et le 31 octobre 2014.

 

2. État de la situation

 

2.1. Situation aux frontières extérieures de l’espace Schengen

 

La période couverte par le rapport a été caractérisée par deux faits majeurs: d'une part, la persistance, avec un point culminant en été, des flux migratoires en provenance de la Méditerranée et à destination de l’Europe, qui ont entraîné de nouvelles pertes en vies humaines; d'autre part, d’importants déplacements, au sein de l’espace Schengen, de personnes arrivées en Italie qui cherchent à se rendre dans d’autres États membres.

Le nombre total de détections de franchissements irréguliers des frontières a augmenté de manière significative au cours de la période concernée (entre mai et octobre 2014). Cette augmentation peut être attribuée au nombre sans précédent de détections signalées par l'Italie entre mai et juillet 2014 (qui ont été près de six fois plus nombreuses qu'un an auparavant sur la même période[2]). Au total[3], 81 270 franchissements irréguliers ont été détectés sur les trois premiers mois couverts par le présent rapport (à savoir mai, juin et juillet 2014, c’est-à-dire les mois pour lesquels des chiffres étaient disponibles lors de sa rédaction), soit plus de 2,5 fois plus que sur la même période en 2013, où le nombre de détections s'élevait à 31 406, un chiffre déjà en hausse par rapport à la même période en 2011.

L’Italie a enregistré le nombre de loin le plus élevé d’arrestations entre mai et juillet 2014, suivie de la Grèce. Parmi les personnes détectées au cours de ces trois mois figurent majoritairement des Syriens et des Érythréens.

La Méditerranée centrale a été la principale route migratoire empruntée sur cette période de mai à juillet 2014; le nombre de détections (plus de 48 000) y a été près de cinq fois supérieur à ce qu'il était sur la période correspondante en 2013[4]. La route de la Méditerranée orientale a été la deuxième route la plus fréquentée; le nombre de détections y a plus que doublé par rapport à la même période en 2013, en raison d'une augmentation des détections sur les frontières grecques, alors que le nombre de détections aux frontières bulgares est resté stable. La route des Pouilles et de la Calabre arrive en troisième position; le nombre de détections y a été multiplié quasiment par neuf[5] pour dépasser 13 000. Enfin, le nombre d'entrées détectées sur la route des Balkans occidentaux a presque été divisé par trois  pour tomber à environ 3 300, en raison d’une forte baisse du nombre de cas recensés aux frontières de la Hongrie.

Dans la perspective du Conseil «Justice et affaires intérieures» (5 juin 2014), la Commission a publié un document de travail de ses services intitulé «Mise en œuvre de la communication sur les travaux de la task-force pour la Méditerranée»[6], dans lequel elle récapitule les mesures concrètes déjà prises pour faire face à l'afflux de migrants et de demandeurs d’asile et prévenir les décès de migrants en Méditerranée.

La Commission continue à suivre de près l'évolution de la situation en Bulgarie et en Italie du point de vue de l’amélioration de leurs régimes d’asile respectifs et continuera également de veiller, en coopération avec les États membres concernés, à la nécessité éventuelle de recourir au mécanisme d’alerte rapide, de préparation et de gestion de crise prévu par l’article 33 du règlement Dublin III[7]. Par ailleurs, la Grèce a mis en œuvre son plan d’action national en matière d’asile et de migrations, qui prendra fin en décembre 2014[8]. Il convient de souligner que ces États membres ont déployé des efforts considérables pour stabiliser et améliorer la situation, mais que des progrès supplémentaires sont encore nécessaires.

Depuis le début de la crise en Ukraine, le nombre de franchissements clandestins détectés sur cette frontière terrestre extérieure n'a guère évolué et est resté faible. En revanche, le nombre de demandes d’asile n'a cessé d'augmenter: plus de 2 500 demandes ont été introduites par des ressortissants ukrainiens dans les États membres de l’UE et les pays associés à l’espace Schengen entre mai et juillet 2014 (plus de douze fois plus que sur la même période en 2013). L'on a également observé une certaine augmentation du nombre de cas de séjours irréguliers de citoyens ukrainiens.

Malgré le nombre relativement faible d'arrivées de demandeurs d’asile ukrainiens et de détections de franchissements irréguliers par des ressortissants de ce pays, les États membres et les agences de l’UE sont invités à accorder toute l'attention nécessaire à ces événements et notamment à leurs implications pour la sécurité de l’UE et de l’espace Schengen.

En ce qui concerne le retour dans l'UE de combattants étrangers en provenance de Syrie, la Commission reconnaît que ce phénomène constitue un défi pour les États membres, notamment pour ce qui est de leur détection aux frontières extérieures. La Commission est convaincue que le cadre juridique existant permet de répondre efficacement à cette menace, tant en ce qui concerne le contrôle des personnes que celui des documents de voyage, et qu'il devrait être pleinement exploité. Elle s'est donc attelée, avec les États membres, à la mise au point d'une approche commune pour utiliser au mieux les possibilités offertes par le droit de l’Union.

 

2.2. Situation à l’intérieur de l’espace Schengen

 

Sur la période de mai à juillet 2014, le nombre de séjours illégaux détectés a augmenté de 35 % par rapport à la période correspondante de 2013 (pour atteindre 108 712). Les chiffres les plus importants pour cette période ont été rapportés par la Suède, suivie de l’Allemagne, de la France et de l’Espagne.

Comme annoncé dans le cinquième rapport semestriel, le réseau d'analyse des risques de Frontex a commencé cette année à recueillir des données sur les déplacements secondaires. Il convient de noter qu’un certain nombre de pays (la Bulgarie, Chypre, le Danemark, la Finlande, la Grèce, l’Islande, Malte, le Portugal et l'Irlande, qui ne fait pas partie de l’espace Schengen) n’ont pas encore transmis leurs chiffres (situation en octobre 2014). En outre, de nombreux États membres ont transmis des données incomplètes ne permettant pas de retracer les itinéraires de migration, ce qui est pourtant le but principal de l’exercice. Il est absolument primordial que tous les États membres participent pleinement à cette collecte de données, sans quoi l’analyse ne peut être que partielle.

L'opération «Mos Maiorum», qui est l'opération la plus récente de collecte d’informations sur les flux migratoires dans l’UE/l'espace Schengen, s’est déroulée du 13 au 26 octobre 2014. S'inscrivant dans le cadre de la présidence italienne du Conseil de l’Union européenne (comme les sept opérations précédentes organisées lors des dernières présidences), elle visait à réduire la capacité des groupes criminels organisés à faciliter l’immigration clandestine vers l’UE, et plus particulièrement le franchissement illégal des frontières. Elle a permis de réunir des informations sur les principaux itinéraires des migrants clandestins et sur les modes opératoires des réseaux criminels qui les font entrer dans l’UE, ainsi que sur les mouvements secondaires. Ses résultats seront présentés dans le prochain rapport semestriel.

 

3. Application de l’acquis de Schengen

 

3.1. Cas de réintroduction temporaire des contrôles aux frontières intérieures

 

L’article 23 du code frontières Schengen[9] dispose qu’un État membre peut exceptionnellement, en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, réintroduire le contrôle à ses frontières intérieures pour une durée ne pouvant excéder ce qui est strictement nécessaire pour répondre à cette menace grave. Au cours de la période du 1er mai 2013 au 30 octobre 2014, trois États membres ont rétabli temporairement les contrôles à leurs frontières intérieures: la Belgique, du 1er au 6 juin (en raison du sommet du G7), la Norvège, du 24 au 31 juillet (en raison d’une menace terroriste) et l’Estonie, du 31 août au 3 septembre (lors de la visite du président américain). Au moment de la rédaction du présent rapport, les résultats de ce rétablissement temporaire ne sont connus que pour la Norvège: sur plus de 165 000 personnes contrôlées, 17 se sont vu refuser l’entrée, cinq ont été appréhendées et 12 ont demandé l'asile. Dans l'évaluation qu'elles ont présentée, les autorités de ce pays ont estimé que cette mesure était nécessaire et proportionnée à la menace identifiée et qu'elle avait eu un effet préventif important, contribuant ainsi à la sécurité de la société et des intérêts norvégiens. Les résultats de cette mesure dans les deux autres pays seront résumés dans le prochain rapport semestriel. Il est rappelé aux États membres que, conformément à l’article 29 du code frontières Schengen, le rapport sur les résultats de la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières doit notamment donner un aperçu de l’évaluation initiale et du respect des critères visés aux articles 23 bis, 25 et 26 bis du code, de la mise en œuvre des vérifications, de la coopération concrète avec les États membres voisins, de l’incidence sur la libre circulation des personnes qui en résulte et de l’efficacité de la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures, et inclure une évaluation ex post de la proportionnalité de cette réintroduction.

Les autorités néerlandaises ont déjà publié leur rapport sur le rétablissement des contrôles à leurs frontières intérieures entre le 14 et le 28 mars 2014 (lors du sommet sur la sécurité nucléaire de La Haye). Sur plus de 44 000 personnes contrôlées, 188 se sont vu refuser l’entrée pour diverses raisons, 115 ont été appréhendées et 39 ont introduit une demande d’asile. Selon ces autorités, le rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures a contribué à assurer la sécurité intérieure et a eu un effet préventif important lors du sommet, qui s’est déroulé sans incident majeur.

 

3.2. Maintien de l’absence de contrôle aux frontières intérieures

 

Il est souvent fait état de violations dans les deux volets suivants de l’acquis de Schengen: 1) le fait que d'éventuels contrôles de police à proximité des frontières intérieures ne doivent pas avoir d'effet équivalent à celui de vérifications aux frontières (article 21, point a), du code frontières Schengen), et 2) l’obligation de supprimer les obstacles qui empêchent un trafic routier fluide, tels que les limitations de vitesse, aux points de passage routiers des frontières intérieures (article 22 du code). Du 1er mai au 31 octobre 2014, la Commission a poursuivi son enquête sur quatre cas (Autriche, Belgique, Italie et Slovénie) d'infraction présumée aux dispositions sur la suppression des contrôles aux frontières intérieures, en particulier la suppression des obstacles à la fluidité du trafic. L'une de ses enquêtes (concernant l'Allemagne) a été clôturée par l'envoi, en octobre 2014, d'une lettre de mise en demeure concernant des allégations de non-conformité de la législation sur sa police fédérale avec les articles 20 et 21, point a), du code frontières Schengen. Enfin, elle a clos une procédure d’infraction à l'encontre de la législation tchèque, qui obligeait les transporteurs à contrôler systématiquement les personnes franchissant les frontières intérieures[10], la République tchèque ayant modifié cette législation pour la mettre en conformité avec le droit de l’UE.

 

3.3. Développement du système européen de surveillance des frontières (Eurosur)

 

Les préparatifs nécessaires ont été effectués durant la période de référence pour que le système européen de surveillance des frontières, regroupant au départ 19 États membres, s'étende d’ici au 1er décembre 2014 aux 30 États membres de l’espace Schengen. Dans le courant de l'année 2014, les onze pays restants ont été dotés de centres nationaux de coordination et tous les pays de l'espace Schengen ont progressé dans l'établissement de leur tableau de situation national. Frontex, qui devrait avoir raccordé ces onze nouveaux centres au réseau de communication d’Eurosur d'ici la fin novembre 2014, a intensifié sa coopération avec l’Agence européenne pour la sécurité maritime et avec le Centre satellitaire de l’UE en vue de fournir des services et des informations au niveau de l’UE, par exemple en ce qui concerne les systèmes de notification des navires et l’imagerie satellitaire. La Commission, Frontex et les États membres ont poursuivi la rédaction d'un guide pratique contenant des orientations techniques et opérationnelles pour la mise en œuvre et la gestion d’Eurosur. Ce manuel sera adopté par la Commission en 2015.

Au cours de la période examinée, les images satellites obtenues grâce à la coopération mise en place dans le cadre d'Eurosur ont permis pour la toute première fois de sauver des vies. Les 16 et 17 septembre, des images obtenues grâce à Eurosur et au soutien d’un projet relevant du 7e PC ont permis de localiser et de secourir 38 migrants en Méditerranée, dont huit femmes et trois enfants, qui avaient passé trois jours en haute mer à bord d'un bateau pneumatique et étaient en train de dériver hors de la zone initiale de recherche.

 

3.4. Violations présumées d’autres volets de l’acquis de Schengen

 

Au cours de la période de référence, la Commission a clos une enquête (concernant un point de passage bulgare sur la frontière avec la Grèce, signalé comme ne respectant pas les exigences du code frontières Schengen) et demandé des informations dans un nouveau dossier concernant les frontières terrestres de l’Estonie (à propos d'obligations imposées lors de leur franchissement, en relation avec les articles 5 et 7 du code frontières Schengen). La Commission a par ailleurs poursuivi son enquête sur la Grèce et la Bulgarie concernant des allégations de pratiques de refoulement à la frontière extérieure, et ouvert une enquête sur des allégations d'expulsions sommaires hors du territoire espagnol (Ceuta et Melilla).

Devant la persistance de plaintes au sujet des délais d’attente excessifs dus aux contrôles des autorités espagnoles à la frontière avec Gibraltar, la Commission, à la suite d'une visite sur place, a adressé des recommandations à l’Espagne et au Royaume-Uni pour qu'ils remédient au problème de circulation à cette frontière et à celui de la contrebande de cigarettes (voir le cinquième rapport semestriel pour plus de détails). Ces deux pays ont informé la Commission des mesures qu’ils avaient prises ou entendaient prendre pour donner suite à ces recommandations. Pour mieux évaluer les progrès accomplis, la Commission a effectué une deuxième visite sur le terrain. Le 30 juillet 2014, elle a adressé de nouvelles recommandations aux deux pays, leur enjoignant d’améliorer la gestion des flux de passagers et de véhicules et de lutter plus efficacement contre la contrebande de cigarettes. Elle continuera de suivre de près l'évolution de la situation, et en particulier la manière dont ces deux États membres suivent ses recommandations visant à améliorer la situation des citoyens de l’UE qui passent quotidiennement cette frontière.

Transposition de la directive «retour» (2008/115/CE) dans la législation nationale

Depuis le précédent rapport, l'Islande a été le dernier pays membre de l’espace Schengen à notifier la transposition intégrale de la directive en droit national. La plupart des problèmes de transposition relevés dans les États membres ont été réglés par une modification des dispositions législatives concernées. La Commission continue de suivre systématiquement toutes les lacunes recensées et ouvre une enquête si nécessaire. Elle s'attache plus particulièrement aux carences persistantes constatées dans plusieurs États membres en ce qui concerne, par exemple, les conditions de rétention ou l’absence de système indépendant de contrôle des retours forcés. Elle envisage d'ailleurs d’ouvrir des procédures d’infraction à l’encontre de certains États membres dans les mois à venir. En outre, de nombreux États membres peuvent encore améliorer la situation en recourant plus systématiquement à d’autres solutions que la rétention et en promouvant les départs volontaires.

Mise en œuvre du règlement relatif au petit trafic frontalier (règlement (CE) n° 1931/2006)

La Commission surveille la mise en œuvre du régime relatif au petit trafic frontalier depuis son entrée en vigueur en 2006. En ce qui concerne les accords bilatéraux conclus par les États membres avec des pays tiers de leur voisinage, elle a poursuivi son enquête concernant la Slovénie, ouvert une nouvelle enquête au sujet de la Croatie et poursuivi deux procédures d’infraction, l’une à l'encontre de la Lettonie et l'autre de la Pologne.

 

3.5. Faiblesses répertoriées dans le cadre du mécanisme d’évaluation de Schengen

 

Dans le cadre du mécanisme actuel d’évaluation de Schengen[11], des experts nationaux, le secrétariat général du Conseil et la Commission évaluent régulièrement l’application de l’acquis de Schengen par les États membres.

Entre le 1er mai et le 31 octobre 2014, des évaluations Schengen ont été réalisées en Suisse au sujet des frontières aériennes, des visas, de la protection des données et du SIS/Sirene. Les rapports, en cours de finalisation, contiendront probablement des commentaires positifs, mais aussi négatifs, et formuleront des recommandations, notamment sur l’accélération de la mise en œuvre intégrale des nouvelles catégories de signalements et fonctionnalités du SIS II (la Suisse prévoyant d'achever la mise en œuvre du SIS II au second semestre 2016, soit plus de trois ans après son démarrage, parallèlement à la modernisation du système de la police nationale).

Les préparatifs se poursuivent en ce qui concerne le nouveau mécanisme d’évaluation de Schengen. Conformément au règlement (UE) n° 1053/2013 du Conseil du 7 octobre 2013 portant création d’un mécanisme d’évaluation et de contrôle destiné à vérifier l’application de l’acquis de Schengen[12], le questionnaire d’évaluation standard a été adopté en juillet 2014[13]. En octobre, le programme d’évaluation annuel pour 2015 a été approuvé sur la base du programme d’évaluation pluriannuel 2014-2019[14], compte tenu de l’analyse des risques fournie par Frontex et des informations transmises par les agences de l’UE concernées et par des organismes tels qu'Europol et l’Agence des droits fondamentaux. Les premières évaluations réalisées dans le cadre de ce nouveau mécanisme (inspections sur place annoncées) débuteront en février 2015. Dans l’intervalle, une attention particulière sera accordée au développement de la formation des experts chargés de l’évaluation, comprenant une mise à jour des programmes de formation existants pour y inclure des aspects qui, comme le retour, n'y figuraient pas encore.

 

3.6. Suppression des contrôles aux frontières intérieures avec la Bulgarie et la Roumanie

 

Le Conseil n’a pas encore été en mesure d’adopter une décision sur la suppression des contrôles aux frontières intérieures avec ces pays. La Commission continue de soutenir pleinement l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’espace Schengen.

 

4. Mesures d’accompagnement

 

4.1. Utilisation du système d’information Schengen (SIS)

 

La Commission suit de près la mise en œuvre dans les États membres des nouvelles fonctionnalités et catégories de signalements créées par le SIS de deuxième génération, qui est entré en service le 9 avril 2013. La période couverte par le rapport a vu progresser sensiblement l’utilisation de nouvelles catégories d’objets et de fonctionnalités, la plupart des États membres ayant achevé de mettre à niveau le système utilisé par leur police nationale, dont les utilisateurs peuvent maintenant entrer ces nouvelles catégories d’objets dans le SIS II. Ces progrès ont été particulièrement nets en Allemagne et en Grèce.

Au deuxième trimestre 2014, des recommandations ont été formulées à propos des mesures de sécurité du SIS II, à la suite de l'évaluation complète de l’efficacité des mesures de sécurité nationale effectuée après le piratage informatique du N.SIS (le système national de données raccordé au SIS central) du Danemark, piratage qui n'a pas été sans conséquences pour le SIS précédent. Ces recommandations prônent notamment l'instauration d’une procédure dûment étayée de déclaration des incidents dans tout l’espace Schengen et la création d’un réseau de points de contact en matière de sécurité, afin de renforcer l’échange d’informations. Ce réseau a finalement été mis en place dans le cadre de l’agence eu-LISA (Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice). En outre, les États membres ont été fortement encouragés à effectuer eux-mêmes des audits de sécurité réguliers et à ne pas confier à des contractants externes des tâches liées à la gestion opérationnelle du SIS II.

La Commission a ouvert une enquête à l’encontre de la Pologne sur la continuité du fonctionnement du SIS II aux frontières extérieures et sur la sécurité physique du N.SIS polonais.

Pour faire en sorte que les États membres effacent du SIS II[15] leurs signalements obsolètes, la Commission a pris l'initiative d'inclure dans le manuel SIRENE des dispositions juridiques plus détaillées à ce sujet[16]. Le SIS II a continué de jouer un rôle important dans la détection des itinéraires empruntés par les terroristes et les groupes criminels mobiles, grâce à un mécanisme spécial qui permet de contrôler discrètement les personnes et certains types d’objets, notamment en cas de menace liée à des combattants étrangers. La Commission a pris des mesures concrètes concernant la mise en œuvre du SIS II dans les États membres, afin d’accélérer l’échange d’informations sur la base de ces signalements, tout en préservant la confidentialité des informations.

 

4.2. Utilisation du système d’information sur les visas (VIS)

 

Le VIS est devenu opérationnel le 15 mai 2014 dans les douzième, treizième, quatorzième et quinzième régions (Amérique centrale, Amérique du Nord, Caraïbes et Australasie)[17] et le 25 septembre 2014 dans la seizième région (Balkans occidentaux et Turquie)[18]. Eu égard à l'incidence importante des délivrance de visas en Russie sur le VIS, un effort majeur sera nécessaire pour en assurer le déploiement dans ce pays, déploiement qui devrait intervenir durant la prochaine période de référence (1er novembre 2014 - 30 avril 2015). Préalablement à ce déploiement, il conviendra de mener à bien l'augmentation des capacités du système d’établissement de correspondances biométriques servant aux opérations de traitement des empreintes digitales, telles que leur identification et leur authentification. C'est aussi au cours des six prochains mois que le VIS est censé entrer en service en Arménie, en Azerbaïdjan, en Biélorussie, en Géorgie, en République de Moldavie et en Ukraine.

Le VIS fonctionne bien; fin juillet 2014, il avait traité (depuis son entrée en service) près de 9 millions de demandes de visa Schengen, et permis la délivrance de 7,5 millions de visas. Le 5 avril 2014, sa capacité a été accrue en prévision d'une intensification de l'activité dans les postes consulaires et aux frontières. D'autres augmentations de capacité sont prévues, suivant le calendrier de déploiement du VIS. Comme l'expliquait le cinquième rapport semestriel, les États membres doivent redoubler d'efforts pour améliorer la qualité des données, tant biométriques qu’alphanumériques, que leurs autorités consulaires introduisent dans le VIS.

Le recours aux empreintes digitales pour vérifier l’identité des titulaires de visas aux points de passage frontaliers de l’espace Schengen est devenu obligatoire le 11 octobre 2014 pour les titulaires de visas dont les données (y compris, le cas échéant, les empreintes) sont stockées dans le VIS. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions fiables sur la mise en œuvre de cette nouvelle mesure. Les premières conclusions devraient être disponibles vers la fin du semestre couvert par le prochain rapport. Au stade actuel, il est important que les États membres informent dûment de cette nouvelle règle les voyageurs qui se présentent à la frontière.

 

4.3. Politique des visas et accords de réadmission

 

Mécanisme de suspension et mécanisme de réciprocité révisé dans le règlement n° 539/2001

Jusqu’à présent, aucun État membre n’a demandé le déclenchement du nouveau mécanisme de suspension entré en vigueur en janvier 2014[19]. Conformément aux dispositions du mécanisme de réciprocité, également en vigueur depuis janvier 2014, les notifications reçues de cinq États membres (Bulgarie, Croatie, Chypre, Pologne et Roumanie) concernant l'absence de réciprocité en matière de visas avec cinq pays tiers (Australie, Brunei Darussalam, Canada, Japon et États-Unis) ont été publiées au Journal officiel de l’Union européenne le 12 avril 2014. L’examen des options disponibles dans le cadre du mécanisme de réciprocité révisé doit tenir compte de toute une série de facteurs, notamment des mesures prises auprès des pays tiers. La Commission, en concertation avec les États membres précités, a proposé d’instituer des réunions tripartites régulières entre le pays tiers, le ou les États membres concernés et la Commission pour faire le point de la situation et définir les mesures à prendre, éventuellement assorties d’un calendrier, afin d'obtenir le plus rapidement possible une réciprocité totale en matière de visas. Les premières réunions se sont tenues avec l’Australie, le Japon, les États-Unis et le Canada entre mai et juillet 2014. La Commission a publié un rapport évaluant la situation[20] le 10 octobre 2014.

Mécanisme de suivi postérieur à la libéralisation du régime des visas pour les Balkans occidentaux

Entre mai et juillet 2014 (mois pour lesquels des données sont disponibles[21]), le nombre total de demandes d’asile déposées dans l’espace Schengen et dans les pays candidats à Schengen par des citoyens des cinq États des Balkans occidentaux dont les ressortissants sont exemptés de l’obligation de visa[22] a augmenté de 40 % par rapport à la même période en 2013 (et de 7 % par rapport à la période de février à avril 2014). L’Allemagne devance de loin les autres États membres, puisqu'elle a traité plus de 11 000 demandes, sur près de 15 000 demandes déposées sur cette période par des ressortissants de ces cinq pays. Viennent ensuite la Suède, la France (avec près de 1 000 demandes chacune) et la Belgique (plus de 400 demandes). Les Serbes continuent de former le plus grand groupe de demandeurs des Balkans occidentaux (41 %), suivis par les Albanais (25 %). Les demandeurs de ces cinq pays des Balkans ont représenté 10 % du nombre total des demandeurs d’asile dans l’espace Schengen et dans les pays candidats à l’espace Schengen, un chiffre comparable à celui enregistré l'an dernier sur la même période (environ 9 %).

Pour assurer l’efficacité et l’équité des procédures d’asile, l’acquis en matière d’asile contient plusieurs dispositions discrétionnaires qui permettent d'assouplir la procédure de traitement des demandes d’asile peu susceptibles d’être fondées. Ces dispositions ont été renforcées et leur champ d'application clarifié par la refonte des instruments constituant le régime d’asile européen commun. Il appartient à chaque État membre d’apprécier si les conditions d’application de ces dispositions sont remplies et, dans l'affirmative, de décider s'il y a lieu d'y recourir, et comment, dans les limites de l’acquis en matière d’asile.

La Commission prévoit de publier fin 2014 le cinquième rapport de suivi de la libéralisation du régime des visas concernant les pays des Balkans occidentaux.

Accords facilitant la délivrance des visas et la réadmission, et libéralisation du régime des visas

Le processus de ratification de l’accord de réadmission UE-Turquie ayant été mené à bien par les deux parties, l’accord est entré en vigueur le 1er octobre 2014. Dans le cadre du dialogue sur la libéralisation du régime des visas entre l’UE et la Turquie, des experts se sont rendus en Turquie (mars - juin 2014) et ont ainsi pu recueillir des informations sur le respect par ce pays des critères de la «feuille de route sur la libéralisation du régime des visas». La Commission a publié son rapport sur la question le 20 octobre 2014[23].

À la suite de la déclaration des chefs d’État ou de gouvernement du 6 mars 2014 sur l’Ukraine prononcée en réaction à la violation, par la Fédération de Russie, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de ce pays[24], le dialogue avec la Russie sur la libéralisation du régime des visas a été suspendu.

Depuis l’entrée en vigueur, le 28 avril 2014, de l'exemption de visa pour les citoyens de la République de Moldavie titulaires d’un passeport biométrique, il n'a pas été constaté d'abus notable de la part de citoyens moldaves (situation fin août 2014).

Les accords avec l’Azerbaïdjan visant à faciliter les réadmissions et la délivrance de visas sont entrés en vigueur le 1er septembre 2014. Quant aux négociations engagées à cet effet avec la Biélorussie, le premier cycle de négociations techniques a eu lieu les 12 et 13 juin 2014, le deuxième cycle étant prévu ultérieurement dans  l’année. Le 30 juillet, la Commission a soumis à l'approbation du Conseil des projets de directives pour la négociation de tels accords avec la Tunisie.

Le 17 juillet 2014, la Commission a adressé au Conseil une recommandation sollicitant l’autorisation d’ouvrir des négociations en vue d'accords d’exemption de visa pour les séjours de courte durée avec 16 petits États insulaires des Caraïbes et du Pacifique ainsi qu'avec les Émirats arabes unis.

Les comités mixtes chargés du suivi des accords sur la délivrance de visas et les réadmissions avec la Géorgie et l’Arménie, réunis respectivement le 4 juin et le 10 septembre 2014, ont confirmé que la mise en œuvre de ces accords était en bonne voie dans les deux cas.

 

5. Prochaines étapes: Thèmes de réflexion

 

L'objet de ces rapports semestriels est de servir de base à un débat régulier au Parlement européen et au Conseil et de contribuer ainsi au renforcement du pilotage politique et de la coopération au sein de l'espace Schengen. Comme le soulignait le premier rapport, il est essentiel que les institutions européennes restent vigilantes en ce qui concerne le fonctionnement de l’espace Schengen et se tiennent prêtes à réagir à tout type de problème. Pour faciliter la discussion, la Commission est d'avis, à l'heure où elle publie le présent rapport, qu'il conviendrait d'approfondir  plus particulièrement, parmi les problèmes qu'il évoque, l'examen des points suivants:

1. le niveau de préparation des États membres et des agences dans l'éventualité d’une augmentation importante des franchissements irréguliers des frontières terrestres orientales de l’UE;

2. les autres mesures qui pourraient être envisagées pour renforcer le fonctionnement de Schengen, à la lumière de la situation actuelle dans les pays du voisinage européen;

3. l’expérience acquise jusqu’à présent par les États membres dans l’utilisation du VIS pour identifier les migrants sans papiers détectés dans l’espace Schengen, tant pour le traitement des demandes d’asile que pour l'ouverture de procédures de retour.

 

[1]               COM(2011) 561 final.

[2]               L’opération Mare Nostrum de la marine italienne a débuté en octobre 2013.

[3]               Sauf mention contraire, les données fournies dans la section 2 sont extraites du système d'échange d'informations du réseau d'analyse des risques de Frontex et couvrent l'espace Schengen et les pays candidats à Schengen. Elles ne portent que sur les ressortissants de pays tiers détectés aux frontières extérieures (non temporaires) alors qu'ils les franchissaient ou tentaient de les franchir illégalement entre deux points de passage frontaliers. Les chiffres pour la Croatie sont inclus à partir de la date de son adhésion à l'UE.

[4]              Les chiffres pour cette route n'incluent généralement pas les Pouilles et la Calabre, mais certains des migrants détectés dans le cadre de l'opération Mare Nostrum ont été transférés (en raison de problèmes logistiques en Sicile) dans des centres des Pouilles et de Calabre et sont donc venus grossir les statistiques de cette région.

[5]               Il est cependant à noter que cette forte augmentation est essentiellement due aux transferts de migrants de juin et juillet 2014 mentionnés dans la note de bas de page 4.

[6]               SWD(2014) 173 final.

[7]         Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Le but de ce mécanisme est d’aider les États membres à affronter les situations où leur régime d’asile est soumis à une pression particulière ou connaît des défaillances, de renforcer la solidarité et d'améliorer la situation des demandeurs d’asile qui sollicitent auprès d'eux une protection internationale.

[8]               En octobre, la Commission a adopté un document de travail de ses services sur la mise en œuvre de ce plan, SWD(2014) 316 final.

[9]               Règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), modifié par le règlement (UE) n° 610/2013.

[10] Voir le cinquième rapport semestriel pour de plus amples informations.

[11]             SCH/Com-ex (98) 26 déf.

[12]             JO L 295 du 6.11.2013, p. 27.

[13]             Décision d’exécution de la Commission établissant un questionnaire standard conformément à l’article 9 du règlement (UE) n° 1053/2013 du Conseil du 7 octobre 2013 portant création d’un mécanisme d’évaluation et de suivi destiné à contrôler l’application de l’acquis de Schengen, C(2014) 4657 final du 11 juillet 2014.

[14]             Décision d’exécution de la Commission établissant le programme d'évaluation pluriannuel conformément à l’article 5 du règlement (UE) n° 1053/2013 du Conseil du 7 octobre 2013 portant création d’un mécanisme d’évaluation et de suivi destiné à contrôler l’application de l’acquis de Schengen, C(2014) 3683 final du 18 juin 2014.

[15]             Voir le cinquième rapport semestriel pour de plus amples informations.

[16]             Décision d'exécution de la Commission du 26 février 2013, JO L 71 du 14.3.2014 (2013/115/UE).

[17]             Décision d'exécution de la Commission du 7 mai 2014 déterminant la date à compter de laquelle le système d'information sur les visas (VIS) débute son activité dans une douzième, une treizième, une quatorzième et une quinzième région (2014/262/UE).

[18]             Décision d'exécution de la Commission du 28 août 2014 déterminant la date à compter de laquelle le système d'information sur les visas (VIS) débute son activité dans une seizième région (2014/540/UE).

[19]             Ce mécanisme a été créé par le règlement (UE) n° 1289/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 modifiant le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, JO L 347 du 20.12.2013. Voir à ce sujet la section 4.3 du cinquième rapport semestriel, où le nouveau mécanisme de suspension et les mécanismes de réciprocité révisés sont expliqués en détail.

[20]             Rapport de la Commission évaluant la situation de non-réciprocité avec certains pays tiers dans le domaine de la politique des visas, C(2014)7218 final du 10 octobre 2014.

[21]             Le présent chapitre s'appuie sur les données d’Eurostat disponibles au 21 octobre 2014 (les chiffres pour juillet n’incluent pas Chypre).

[22]             Depuis la fin 2009, les ressortissants de l'ancienne République yougoslave de Macédoine, du Monténégro et de la Serbie titulaires d'un passeport biométrique peuvent se rendre sans visa dans les États membres de l'UE, conformément au règlement (CE) n° 539/2001. Il en est de même pour les ressortissants d'Albanie et de Bosnie-Herzégovine depuis le 15 décembre 2010.

[23]             COM(2014) 646 final.

[24]             http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/141388.pdf

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