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CJUE, 11 octobre 2007, aff. C-117/06, Procédure engagée par Gerda Möllendorf et Christiane Möllendorf-Niehuus

 

Affaire C-117/06

Procédure engagée par

Gerda Möllendorf et Christiane Möllendorf-Niehuus

 

 

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Kammergericht Berlin)

«Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives spécifiques à l’encontre de personnes et d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban — Gel de fonds et de ressources économiques — Règlement (CE) nº 881/2002 — Articles 2, paragraphe 3, et 4, paragraphe 1 — Interdiction de mettre des ressources économiques à la disposition des personnes énumérées à l’annexe I de ce règlement — Portée — Vente d’un bien immobilier — Contrat conclu avant l’inscription d’un acquéreur sur la liste figurant à ladite annexe I — Demande de transcription du transfert de la propriété sur le registre foncier postérieurement à cette inscription»

Sommaire de l'arrêt

1.        Droit communautaire — Principes — Droits fondamentaux — Respect par les États membres lors de la mise en oeuvre des réglementations communautaires

2.        Union européenne — Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban

(Règlement du Conseil nº 881/2002, art. 2, § 3, et 9)

1.        Les exigences découlant de la protection des droits fondamentaux dans l'ordre juridique communautaire lient également les États membres lorsqu'ils mettent en oeuvre des réglementations communautaires et, par suite, ceux-ci sont tenus, dans toute la mesure du possible, d'appliquer ces réglementations dans des conditions qui ne méconnaissent pas lesdites exigences.

(cf. point 78)

2.        L'article 2, paragraphe 3, du règlement nº 881/2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement nº 467/2001 interdisant l'exportation de certaines marchandises et de certains services vers l'Afghanistan, renforçant l'interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l'encontre des Taliban d'Afghanistan, tel que modifié par le règlement nº 561/2003, doit être interprété en ce sens que, dans une situation où tant le contrat de vente d'un bien immobilier que l'accord sur le transfert de la propriété de ce bien ont été conclus avant la date de l'inscription de l'acquéreur sur la liste figurant à l'annexe I dudit règlement nº 881/2002, et où le prix de vente a également été payé avant cette date, cette disposition interdit la transcription définitive, en exécution dudit contrat, du transfert de la propriété sur le registre foncier postérieurement à ladite date.

En effet, d'une part, ladite disposition s'applique à toute mise à disposition d'une ressource économique et donc également à un acte qui procède de l'exécution d'un contrat synallagmatique et qui a été consenti en échange du paiement d'une contrepartie économique.

D'autre part, l'article 9 de ce même règlement doit être compris en ce sens que les mesures imposées par ce dernier, au nombre desquelles figure le gel des ressources économiques, interdisent également l'accomplissement d'actes d'exécution de contrats conclus avant l'entrée en vigueur dudit règlement.

(cf. points 56, 62, 80 et disp.)






ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

11 octobre 2007 (*)

 

 

«Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives spécifiques à l’encontre de personnes et d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban – Gel de fonds et de ressources économiques – Règlement (CE) n° 881/2002 – Articles 2, paragraphe 3, et 4, paragraphe 1 – Interdiction de mettre des ressources économiques à la disposition des personnes énumérées à l’annexe I de ce règlement – Portée – Vente d’un bien immobilier – Contrat conclu avant l’inscription d’un acquéreur sur la liste figurant à ladite annexe I – Demande de transcription du transfert de la propriété sur le registre foncier postérieurement à cette inscription»

Dans l’affaire C‑117/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Kammergericht Berlin (Allemagne), par décision du 21 février 2006, parvenue à la Cour le 1er mars 2006, dans la procédure engagée par

Gerda Möllendorf,

Christiane Möllendorf-Niehuus,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans (rapporteur), président de chambre, MM. L. Bay Larsen, K. Schiemann, P. Kūris et J.-C. Bonichot, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mars 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour Mmes Möllendorf et Möllendorf-Niehuus, par Me K. Alich, Notar,

–        pour le gouvernement allemand, par Mme C. Schulze-Bahr ainsi que par MM. M. Lumma et A. Dittrich, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. Aiello, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. F. Hoffmeister et A. Manville, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 mai 2007,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 3, et 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) nº 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9), tel que modifié par le règlement (CE) n° 561/2003 du Conseil, du 27 mars 2003 (JO L 82, p. 1, ci-après le «règlement n° 881/2002»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours intenté par Mmes Möllendorf et Möllendorf-Niehuus (ci-après les «venderesses») contre une décision du Grundbuchamt (bureau du registre foncier) rejetant leur demande de transcription sur le registre foncier du transfert d’un bien immobilier en exécution d’un acte de vente notarié.

 Le cadre juridique

 Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies

3        Le 16 janvier 2002, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le «Conseil de sécurité») a adopté la résolution 1390 (2002), qui fixe les mesures que les États doivent prendre à l’égard d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés figurant sur la liste établie en application des résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000) dudit Conseil.

4        Aux termes du paragraphe 2, sous a), de la résolution 1390 (2002):

Le Conseil de sécurité «[d]écide que tous les États doivent prendre les mesures ci-après à l’égard d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés figurant sur la liste établie en application des résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000), qui doit être mise à jour périodiquement par le Comité créé en application du paragraphe 6 de la résolution 1267 (1999), ci-après dénommé ‘le [comité des sanctions]’:

a)      Bloquer sans délai les fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques de ces personnes, groupes, entreprises et entités, y compris les fonds provenant de biens leur appartenant ou contrôlés, directement ou indirectement, par eux ou par des personnes agissant pour leur compte ou sous leurs ordres, et veiller à ce que ni ces fonds ni d’autres fonds, actifs financiers ou ressources économiques ne soient rendus disponibles, directement ou indirectement, pour les fins qu’ils poursuivent, par leurs citoyens ou par une personne se trouvant sur leur territoire».

5        Le 20 décembre 2002, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1452 (2002), destinée à faciliter le respect des obligations en matière de lutte antiterroriste. Le paragraphe 1 de cette résolution prévoit un certain nombre de dérogations et d’exceptions au gel des fonds et des ressources économiques imposé par les résolutions 1267 (1999), 1333 (2000) et 1390 (2002), qui pourront être mises en œuvre pour des motifs humanitaires par les États, sous réserve de l’approbation du comité des sanctions.

6        Le paragraphe 2 de la résolution 1452 (2002) dispose:

Le Conseil de sécurité «[d]écide que tous les États peuvent permettre d’ajouter aux comptes assujettis aux dispositions de l’alinéa b) du paragraphe 4 de la résolution 1267 (1999) et à celles du paragraphe 1 et de l’alinéa a) du paragraphe 2 de la résolution 1390 (2002):

a)      Les intérêts ou autres sommes dues au titre de ces comptes; ou

b)      Les versements dus au titre de contrats, accords ou obligations antérieurs à la date où ces comptes ont été soumis aux dispositions des résolutions 1267 (1999), 1333 (2000) ou 1390 (2002),

à condition que lesdits intérêts, sommes et versements soient toujours assujettis à ces dispositions».

7        Le 6 juillet 2004, le comité des sanctions a ajouté le nom «Aqeel Abdulaziz Al-Aqil» à la liste consolidée des personnes physiques et entités devant être soumises au gel des fonds en vertu des résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000).

 La réglementation de l’Union européenne et de la Communauté européenne

8        Afin de mettre en œuvre la résolution 1390 (2002), le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 27 mai 2002, la position commune 2002/402/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés, et abrogeant les positions communes 96/746/PESC, 1999/727/PESC, 2001/154/PESC et 2001/771/PESC (JO L 139, p. 4).

9        Ainsi qu’il ressort en particulier de son quatrième considérant, le règlement nº 881/2002 a été adopté afin de mettre en œuvre notamment ladite résolution 1390 (2002).

10      L’article 1er dudit règlement dispose:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[…]

2)      ‘ressources économiques’, les avoirs de toute nature, corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers, qui ne sont pas des fonds mais peuvent être utilisés pour des fonds, des biens ou des services;

[…]

4)      ‘gel de ressources économiques’, toute action visant à empêcher leur utilisation aux fins d’obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque nature que ce soit, y compris notamment leur vente, leur location ou leur hypothèque.»

11      Aux termes de l’article 2 du règlement n° 881/2002:

«1.      Tous les fonds et ressources économiques appartenant à, en possession de ou détenus par une personne physique ou morale, un groupe ou une entité désignés par le comité des sanctions et énumérés à l’annexe I sont gelés.

2.      Aucun fonds ne doit […] être mis, directement ou indirectement, à la disposition ni utilisé au bénéfice des personnes physiques ou morales, des groupes ou des entités désignés par le comité des sanctions et énumérés à l’annexe I.

3.      Aucune ressource économique ne doit […] être mise, directement ou indirectement, à la disposition ni utilisée au bénéfice des personnes physiques ou morales, des groupes ou des entités désignés par le comité des sanctions et énumérés à l’annexe I, de manière à leur permettre d’obtenir des fonds, des biens ou des services.»

12      L’article 4, paragraphe 1, dudit règlement prévoit:

«Il est interdit de participer, sciemment ou volontairement, aux activités ayant pour objet ou pour effet, direct ou indirect, de contourner l’article 2 ou de promouvoir les opérations visées à l’article 3.»

13      L’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 881/2002 autorise la Commission des Communautés européennes, notamment, «à modifier ou à compléter l’annexe I sur la base des recensements effectués soit par le Conseil de sécurité […], soit par le comité des sanctions».

14      L’article 9 du même règlement est libellé comme suit:

«Le présent règlement s’applique nonobstant l’existence de droits conférés ou d’obligations imposées par tout accord international signé, tout contrat conclu ou toute licence ou autorisation accordée avant son entrée en vigueur.»

15      L’annexe I du règlement n° 881/2002 contient la «[l]iste des personnes, entités et groupes visés dans l’article 2» de ce même règlement.

16      Considérant qu’une action de la Communauté était nécessaire afin de mettre en œuvre la résolution 1452 (2002), le Conseil a adopté, le 27 février 2003, la position commune 2003/140/PESC, concernant des exceptions aux mesures restrictives imposées par la position commune 2002/402 (JO L 53, p. 62).

17      Le quatrième considérant du règlement n° 561/2003 précise que, compte tenu de la résolution 1452 (2002), il est nécessaire d’ajuster les mesures imposées par la Communauté.

18      L’article 2 bis du règlement n° 881/2002, disposition qui a été insérée dans celui-ci par le règlement n° 561/2003, comporte un paragraphe 4 qui prévoit:

«L’article 2, paragraphe 2, [du règlement n° 881/2002] ne s’applique pas à l’ajout aux comptes gelés:

a)      d’intérêts ou d’autres sommes dues au titre de ces comptes, ou

b)      de versements dus au titre de contrats, accords ou obligations antérieurs à la date où ces comptes ont été soumis aux dispositions des résolutions du Conseil de sécurité […] mises en œuvre par l’intermédiaire du règlement (CE) nº 337/2000 […], du règlement (CE) n° 467/2001 […], ou du présent règlement.

Ces intérêts, sommes et versements doivent aussi être gelés, au même titre que le compte auquel ils ont été ajoutés.»

19      Le 12 juillet 2004, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 1277/2004, modifiant pour la trente-septième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 241, p. 12).

20      Aux termes de l’article 1er et du point 2 de l’annexe du règlement n° 1277/2004, l’annexe I du règlement n° 881/2002 est modifiée en ce sens que la mention «Aqeel Abulaziz Al-Aqil. Né le 29 avril 1949» est ajoutée sous la rubrique «Personnes physiques».

21      Conformément à son article 2, le règlement n° 1277/2004 est entré en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 13 juillet 2004.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

22      Par acte notarié du 19 décembre 2000, un contrat de vente a été conclu entre les venderesses, en tant qu’associées d’une société civile, et MM. Salem-Abdul Ghani El-Rafei, Kamal Rafehi et Ageel A. Al-Ageel (ci-après les «acheteurs»), agissant également en tant qu’associés d’une société civile.

23      Par ce contrat, les venderesses ont accepté de céder à titre onéreux aux acheteurs un terrain bâti sis à Berlin leur appartenant, moyennant le paiement par ces derniers d’un prix de vente de 2 375 000 DEM.

24      Le contrat de vente prévoit également que les parties sont d’accord pour transférer la propriété du bien immobilier aux acheteurs et transcrire ce transfert sur le registre foncier («Grundbuch»).

25      Ce même contrat stipule en outre que le prix de vente devait être déposé sur un compte à affectation spéciale du notaire instrumentaire (ci-après le «notaire»), puis être versé aux venderesses dès que le transfert de propriété serait transcrit à titre provisoire sur le registre foncier, dans l’attente de la transcription définitive.

26      Le 8 mars 2001, une transcription à titre provisoire du transfert de propriété au bénéfice des acheteurs a été effectuée sur le registre foncier.

27      Par décision du 29 octobre 2003, le Grundbuchamt relevant de l’Amtsgericht Lichtenberg a rejeté la demande de transcription définitive du transfert de la propriété sur le registre foncier, présentée par le notaire le 22 janvier 2003, au motif que certains documents, dont la production avait été demandée par lettre du 28 mars 2003, n’avaient pas été fournis dans les délais requis.

28      Le 9 décembre 2004, le notaire a de nouveau demandé la transcription définitive sur le registre foncier du transfert de propriété aux acheteurs sur la base de l’acte notarié du 19 décembre 2000.

29      Par décision du 21 avril 2005, le Grundbuchamt, après avoir constaté que le nom de l’un des acheteurs était inscrit sur la liste figurant à l’annexe I du règlement nº 881/2002, a refusé de faire droit à cette demande de transcription, en se fondant sur les articles 2, paragraphe 3, et 4, paragraphe 1, de ce règlement.

30      Le 3 mai 2005, le notaire a formé un recours contre cette décision devant le Grundbuchamt, lequel, par décision du 11 mai 2005, l’a transmis d’office au Landgericht Berlin qui l’a rejeté par ordonnance du 27 septembre 2005.

31      Le 7 octobre 2005, le notaire s’est pourvu contre cette ordonnance devant le Kammergericht Berlin.

32      La juridiction de renvoi relève que les venderesses font valoir devant elle, en premier lieu, que les articles 2, paragraphe 3, ainsi que 4, paragraphe 1, du règlement nº 881/2002 et, en particulier, les termes «mise […] à la disposition» et «utilisée au bénéfice des» figurant dans la première de ces deux dispositions doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne visent que les transactions dans lesquelles il n’y a pas d’équilibre économique entre la prestation et la contrepartie de celle-ci. Or, en l’espèce, le prix de vente du bien immobilier qui a été convenu entre les parties constituerait une somme importante qui aurait d’ailleurs déjà été versée aux venderesses.

33      Devant le Kammergericht Berlin, ces dernières soutiennent, en second lieu, que, en cas d’annulation du contrat de vente, les acheteurs auraient le droit d’obtenir le remboursement du prix d’achat du bien immobilier par les venderesses, c’est-à-dire qu’une somme équivalente à ce prix d’achat serait mise à la disposition des acheteurs. Or, ce résultat serait contraire au septième considérant et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 881/2002.

34      La juridiction de renvoi expose que, en droit allemand, l’acquisition de la propriété d’un bien immobilier ne résulte pas directement de la conclusion d’un contrat de vente notarié entre un vendeur et un acheteur, mais nécessite en outre, afin de devenir effective, la conclusion d’un accord entre les deux parties sur le transfert de propriété conformément à l’article 925 du code civil (Bürgerliches Gesetzbuch, ci-après le «BGB») ainsi que la transcription de ce transfert sur le registre foncier en application de l’article 873 du BGB.

35      Ladite juridiction relève par ailleurs que, selon le droit allemand, s’il existe une restriction au droit de disposer d’un bien, comme c’est le cas dans l’affaire au principal en raison de l’obligation du gel des fonds devenue applicable à l’un des acheteurs, et si cette restriction intervient après la conclusion tant du contrat de vente notarié que de l’accord sur le transfert de propriété, mais avant la demande de transcription de ce transfert sur le registre foncier, le Grundbuchamt doit, en principe, la prendre en compte.

36      Le Kammergericht Berlin ajoute que l’obstacle juridique à la transcription du transfert de propriété sur le registre foncier s’oppose à l’exécution du contrat de vente, de sorte que les venderesses sont, en vertu des articles 275 et 323 du BGB, tenues de rembourser le prix de vente aux acheteurs.

37      Se trouve toutefois posée la question de savoir si un tel remboursement est compatible avec l’interdiction prévue à l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 881/2002.

38      Dans une ordonnance complémentaire du 23 février 2006, la juridiction de renvoi observe qu’il ne découle pas des articles 2, paragraphes 1 à 3, et 4, paragraphe l, dudit règlement qu’il peut être ordonné au vendeur de constituer un dépôt correspondant au montant du prix de vente du bien concerné, si ce vendeur n’a pas eu connaissance des sanctions visant l’acheteur au moment de la conclusion du contrat de vente ou lors de la perception du montant de la transaction.

39      Dans cette même ordonnance, la juridiction de renvoi relève qu’il subsiste également des doutes quant à la question de savoir si, dans le cas d’une pluralité d’acheteurs ou, comme dans l’affaire au principal, de la réunion de ces derniers dans une société civile, le droit au remboursement du prix de vente doit être gelé intégralement ou bien s’il ne doit l’être qu’à concurrence seulement de la part détenue par l’acheteur visé par les mesures restrictives.

40      Dans ces conditions, considérant que la solution du litige dont il est saisi dépend de l’interprétation du règlement n° 881/2002, le Kammergericht Berlin a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les dispositions de l’article 2, paragraphe 3, et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement […] n° 881/2002 […] interdisent-elles l’accord sur le transfert de la propriété d’un bien immobilier, en exécution d’un contrat de vente, à une personne physique figurant à l’annexe I dudit règlement?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question: le règlement […] nº 881/2002 interdit-il la transcription sur le registre foncier, nécessaire au transfert de propriété, même lorsque le contrat de vente sur lequel elle se fonde a été conclu, et les parties se sont trouvées liées par l’accord sur le transfert de propriété, avant la publication au Journal officiel des Communautés européennes de la limitation du droit de disposition et lorsque, avant cette date, le prix de vente devant être payé en vertu du contrat par la personne physique figurant à l’annexe I dudit règlement, en tant qu’acheteur, a été

a)      versé sur le compte à affectation spéciale d’un notaire, ou bien

b)      payé au vendeur?»

 Sur les questions préjudicielles

41      Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 2, paragraphe 3, et 4, paragraphe 1, du règlement n° 881/2002 doivent être interprétés en ce sens que, dans une situation où tant le contrat de vente d’un bien immobilier que l’accord sur le transfert de propriété de ce bien ont été conclus avant la date de l’inscription de l’acquéreur sur la liste figurant à l’annexe I dudit règlement et où le prix de vente a également été payé avant cette date, ces dispositions interdisent la transcription définitive, en exécution dudit contrat, du transfert de propriété sur le registre foncier postérieurement à ladite date.

42      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’examen de ces questions doit être opéré au regard du seul article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002.

43      En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 62 de ses conclusions, la décision de renvoi ne comporte aucune indication permettant de comprendre la raison pour laquelle l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement, visant l’hypothèse d’un contournement de l’article 2 de celui-ci, pourrait être pertinent dans une situation telle que celle en cause au principal.

44      Ainsi que la Commission l’a relevé, sans être contredite sur ce point, la circonstance que les acheteurs ont conclu le contrat de vente en cause en leur qualité d’associés d’une société civile ne comporte pas un tel risque de contournement puisque, si la transcription définitive du transfert de propriété sur le registre foncier devait être admise, le nom de tous les associés devrait figurer dans celui-ci, y compris celui de la personne inscrite sur la liste figurant à l’annexe I du règlement n° 881/2002.

45      En l’occurrence, se pose essentiellement la question de savoir si, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la transcription définitive du transfert de propriété sur le registre foncier implique qu’une ressource économique est mise, directement ou indirectement, à la disposition de personnes physiques ou morales, des groupes ou des entités désignés par le comité des sanctions et énumérés à l’annexe I du règlement n° 881/2002, de manière à leur permettre d’obtenir des fonds, des biens ou des services au sens de l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement.

46      À cet égard, il importe tout d’abord de constater que l’avoir en cause au principal, à savoir un bien immobilier bâti, constitue une ressource économique aux fins de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002, dès lors qu’un tel avoir est clairement couvert par la définition de la notion de «ressources économiques», figurant à l’article 1er, point 2, dudit règlement, en tant qu’avoir corporel immobilier ne constituant pas des fonds, mais pouvant être utilisé pour des fonds, des biens ou des services.

47      Il ressort ensuite de la décision de renvoi que l’un des trois acheteurs est une personne physique inscrite tant sur la liste établie par le comité des sanctions que sur celle figurant à l’annexe I du règlement n° 881/2002.

48      Dès lors, ne se pose plus que la question de savoir si la transcription définitive du transfert de propriété de l’immeuble concerné sur le registre foncier constitue un acte qui doit être qualifié de «mise, directement ou indirectement, à la disposition» de la personne physique inscrite sur lesdites listes, «de manière à [lui] permettre d’obtenir des fonds, des biens ou des services» au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002.

49      Or, rien dans le libellé de cette disposition ne permet de supposer que celle-ci ne couvre pas, ainsi que le soutiennent les venderesses, l’obtention de ressources économiques dans un contexte particulier tel que celui de l’affaire au principal, à savoir le cas d’une transaction dans laquelle il y a un équilibre économique entre la prestation et la contrepartie de celle-ci.

50      Au contraire, l’interdiction édictée audit article 2, paragraphe 3, est libellée de manière particulièrement large, ce qu’atteste l’emploi des termes «directement ou indirectement».

51      De même, l’expression «mise […] à la disposition» revêt une acception large, ne visant pas une qualification juridique particulière, mais englobant tout acte dont l’accomplissement est nécessaire, selon le droit national applicable, pour permettre à une personne d’obtenir effectivement le pouvoir de disposer pleinement du bien concerné.

52      Force est de constater que la transcription définitive sur le registre foncier du transfert de propriété d’un bien constitue un tel acte dès lors qu’il est constant que, en droit allemand, ce n’est que postérieurement à un tel acte que l’acquéreur a le pouvoir non seulement d’hypothéquer, mais également et surtout d’aliéner le bien immobilier dont la propriété lui a ainsi été transférée.

53      Ce sont d’ailleurs précisément des actes d’une telle nature que l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002 vise à interdire, dès lors qu’ils permettent à une personne inscrite sur la liste figurant à l’annexe I de ce règlement d’obtenir des fonds, des biens ou des services.

54      Il importe d’ajouter que, aux fins de l’interprétation du règlement nº 881/2002, il y a également lieu de tenir compte du texte et de l’objet de la résolution 1390 (2002) que ce règlement, selon son quatrième considérant, vise à mettre en œuvre (voir, en ce sens, arrêts du 30 juillet 1996, Bosphorus, C‑84/95, Rec. p. I-3953, points 13 et 14, ainsi que du 9 mars 2006, Aulinger, C‑371/03, Rec. p. I‑2207, point 30).

55      Or, aux termes du paragraphe 2, sous a), de la résolution 1390 (2002), les États doivent «veiller à ce que ni ces fonds ni d’autres fonds [appartenant à des personnes, groupes, entreprises et entités associés figurant sur la liste établie en application des résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000)], actifs financiers ou ressources économiques ne soient rendus disponibles, directement ou indirectement, pour les fins qu’ils poursuivent, par leurs citoyens ou par une personne se trouvant sur leur territoire».

56      Le libellé large et non équivoque de cette disposition confirme que l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002 s’applique à toute mise à disposition d’une ressource économique et donc également à un acte, tel que celui en cause au principal, qui procède de l’exécution d’un contrat synallagmatique et qui a été consenti en échange du paiement d’une contrepartie économique.

57      Enfin, il ne saurait être contesté que l’application, dans l’affaire au principal, de l’interdiction édictée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002, en tant qu’elle frappe une personne considérée comme associée à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida ou aux Taliban, qui participe au financement d’actes de terrorisme, voire les organise, les facilite, les prépare, les exécute ou leur apporte son soutien, s’inscrit dans le cadre de l’objet des sanctions que prévoit la résolution 1390 (2002), tel qu’il ressort notamment des troisième et neuvième alinéas de son préambule ainsi que de son paragraphe 4, cet objet étant de combattre et d’éradiquer le terrorisme international, notamment en coupant les réseaux de terrorisme international de leurs sources financières.

58      Par ailleurs, ainsi que le relève à bon droit le gouvernement allemand, si la thèse soutenue par les venderesses devait être admise, elle nécessiterait de déterminer, dans chaque cas d’espèce, s’il existe un réel équilibre économique entre les prestations convenues et elle comporterait des risques réels de contournement de ladite interdiction et mettrait les États membres devant de délicats problèmes de mise en œuvre.

59      Ainsi que le fait valoir ce même gouvernement, même si un tel équilibre économique devait exister dans l’affaire au principal, il ne saurait être exclu que l’avoir obtenu par la personne inscrite sur la liste figurant à l’annexe I du règlement n° 881/2002 offre de meilleures possibilités de valorisation, par exemple une convertibilité plus aisée, voire, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 72 de ses conclusions, la possibilité d’obtenir, par un acte ultérieur de disposition du bien, des sommes supérieures à celles dépensées pour l’acquisition de celui-ci.

60      Il doit être conclu de ce qui précède qu’une opération telle que la transcription définitive du transfert de propriété d’un bien immobilier sur le registre foncier est interdite, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002, dès lors qu’elle impliquerait, si elle devait être admise, une mise à la disposition d’une ressource économique au bénéfice d’une personne inscrite sur la liste figurant à l’annexe I dudit règlement, ce qui permettrait à cette dernière d’obtenir des fonds, des biens ou des services.

61      Cette conclusion ne saurait être remise en cause, tout d’abord, par la circonstance que, dans l’affaire au principal, plusieurs éléments relatifs à la transaction immobilière qui sont nécessaires, en vertu du droit allemand applicable, pour transférer le droit de propriété d’un bien immobilier, en particulier la conclusion tant du contrat de vente que de l’accord sur le transfert de propriété, ainsi d’ailleurs que le paiement du prix de vente, avaient déjà été effectués avant que cette interdiction ne devienne applicable au regard de l’un des acheteurs à la suite de son inscription sur ladite liste.

62      En effet, l’article 9 du règlement n° 881/2002 doit être compris en ce sens que les mesures qu’impose ce règlement, au nombre desquelles figure le gel des ressources économiques, interdisent également l’accomplissement d’actes d’exécution de contrats conclus avant l’entrée en vigueur dudit règlement, tels que la transcription définitive du transfert de propriété sur le registre foncier.

63      Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 78 de ses conclusions, une telle application avec effet immédiat desdites mesures est en outre cohérente avec l’objectif poursuivi par le règlement n° 881/2002, à savoir empêcher immédiatement les personnes associées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban de disposer de toute ressource financière et économique, afin de faire obstacle au financement d’activités terroristes, objectif qui ne saurait être atteint d’une manière aussi efficace si l’on permettait à ces personnes de mener à bien des transactions conclues avant leur inscription sur la liste figurant à l’annexe I dudit règlement.

64      L’application immédiate des dispositions du règlement n° 881/2002 est par ailleurs corroborée par la circonstance que la réglementation communautaire ne comporte pas d’exception permettant, après la date d’entrée en vigueur de celui-ci, d’accomplir un acte d’exécution d’un contrat, conclu avant cette date, tel que, comme dans l’affaire au principal, la transcription définitive du transfert de propriété sur le registre foncier, acte qui, ainsi qu’il a déjà été relevé, implique la mise à disposition du bien concerné au sens de l’article 2, paragraphe 3, du même règlement.

65      À cet égard, il convient de constater que l’article 2 bis, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 881/2002, reprenant littéralement le contenu du paragraphe 2 de la résolution 1452 (2002), prévoit une exception à l’interdiction, prévue à l’article 2, paragraphe 2, du même règlement, pour ce qui concerne l’ajout aux comptes gelés de versements dus au titre de contrats, accords ou obligations antérieurs à la date où ces comptes ont été soumis aux dispositions des résolutions du Conseil de sécurité mises en œuvre, notamment, par le règlement susmentionné, de tels versements devant eux aussi être gelés, au même titre que le compte auquel ils ont été ajoutés.

66      Toutefois, une telle exception n’est pas prévue dans la réglementation communautaire pour ce qui concerne l’interdiction édictée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002 concernant la mise à disposition de ressources économiques telles que celles en cause au principal. Cette exception ne se trouve d’ailleurs pas non plus dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

67      Ensuite, la conclusion relative à l’applicabilité, dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, de l’interdiction prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002 ne saurait non plus être remise en cause par les difficultés auxquelles donnerait lieu, selon la juridiction de renvoi, le fait de ne pas pouvoir procéder à la transcription définitive du transfert de propriété du bien immobilier concerné sur le registre foncier.

68      Ainsi que l’a relevé la juridiction de renvoi, il découle du droit national applicable que, puisque l’absence d’une telle transcription s’oppose à l’exécution du contrat de vente, les venderesses sont alors tenues de rembourser aux acheteurs le prix de vente du bien immobilier acquis par ces derniers. Se poserait toutefois la question de la compatibilité d’un tel remboursement avec l’interdiction prévue à l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 881/2002.

69      À cet égard, il importe d’indiquer que, si une telle difficulté devait se produire, dès lors qu’elle résulte des conséquences tirées, au regard du droit national, de l’application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002, elle ne saurait en aucun cas avoir une incidence sur la réponse à apporter à la question de savoir si, en droit communautaire, l’interdiction qu’impose cette disposition s’applique dans un cas tel que celui de l’affaire au principal.

70      En tout état de cause, le remboursement prévu en droit national du prix de vente dudit bien semble permis au titre de l’article 2 bis, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 881/2002. Cette disposition prévoit en effet une exception à l’interdiction qu’impose l’article 2, paragraphe 2, du même règlement, pour autant que les conditions de mise en œuvre de cette exception sont remplies, au nombre desquelles figure le gel des fonds remboursés.

71      Par ailleurs, pour ce qui concerne la question de savoir si, dans le cas d’une pluralité d’acheteurs et, en particulier, de la réunion de ceux-ci dans une société civile, le remboursement du prix de vente du bien concerné doit être gelé intégralement ou bien seulement à concurrence de la part détenue par l’acheteur visé par les mesures restrictives, il convient de constater qu’il s’agit également d’une question relative à la mise en œuvre, au regard du droit national, de l’interdiction qu’impose l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002.

72      Or, ainsi qu’il a déjà été jugé au point 69 du présent arrêt, une telle question, qui concerne la portée de règles de droit national relatives aux conséquences attachées à l’application de ladite interdiction, ne saurait avoir d’incidence sur l’interprétation devant être donnée par la Cour audit article 2, paragraphe 3.

73      Sur ce point, il convient de relever que, conformément à l’article 8 du règlement n° 881/2002, la Commission et les États membres s’informent, notamment, des problèmes relatifs à la mise en œuvre de ce règlement.

74      Enfin, les venderesses et le notaire ont fait valoir, lors de l’audience, que l’application, dans le litige dont est saisie la juridiction de renvoi, de l’interdiction édictée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002 serait incompatible avec le droit fondamental des propriétaires de disposer de leurs biens.

75      À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’une atteinte prétendument disproportionnée au droit de propriété d’une personne inscrite sur la liste figurant à l’annexe I du règlement n° 881/2002 en raison de l’édiction par ce règlement de mesures restrictives à l’égard d’une telle personne.

76      L’atteinte alléguée au droit de propriété concerne des effets indirects sur le droit de propriété de personnes autres que celles inscrites sur ladite liste de l’obligation de remboursement qui découlerait, le cas échéant, selon le droit national applicable, de l’impossibilité de procéder à la transcription définitive du transfert de propriété d’un bien immobilier sur le registre foncier en application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002.

77      Partant, la question de savoir si, au vu des particularités de l’affaire au principal, une telle obligation de remboursement constitue une atteinte prétendument disproportionnée au droit de propriété ne saurait avoir une incidence sur celle de l’applicabilité de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002 à une situation telle que celle en cause au principal. Il en découle que cette question relève du droit national et qu’il n’y pas lieu de l’examiner dans le cadre de la présente demande de décision préjudicielle.

78      Toutefois, s’agissant de l’application du règlement n° 881/2002, il convient par ailleurs de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les exigences découlant de la protection des droits fondamentaux dans l’ordre juridique communautaire lient également les &EaEacute;tats membres lorsqu’ils mettent en œuvre des réglementations communautaires et, par suite, ceux-ci sont tenus, dans toute la mesure du possible, d’appliquer ces réglementations dans des conditions qui ne méconnaissent pas lesdites exigences (voir, notamment, arrêt du 10 juillet 2003, Booker Aquaculture et Hydro Seafood, C‑20/00 et C‑64/00, Rec. p. I‑7411, point 88 et jurisprudence citée).

79      Il incombe donc à la juridiction de renvoi d’examiner si, au vu des particularités de l’affaire au principal, un éventuel remboursement des sommes perçues par les venderesses constituerait une atteinte disproportionnée au droit de propriété de ces dernières et, si tel est le cas, d’appliquer la réglementation nationale en cause, dans toute la mesure du possible, dans des conditions qui ne méconnaissent pas lesdites exigences qui découlent du droit communautaire.

80      Eu égard à ce qui précède, il y lieu de répondre aux questions posées que l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002 doit être interprété en ce sens que, dans une situation où tant le contrat de vente d’un bien immobilier que l’accord sur le transfert de la propriété de ce bien ont été conclus avant la date de l’inscription de l’acquéreur sur la liste figurant à l’annexe I dudit règlement et où le prix de vente a également été payé avant cette date, cette disposition interdit la transcription définitive, en exécution dudit contrat, du transfert de propriété sur le registre foncier postérieurement à ladite date.

 Sur les dépens

81      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

L’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) nº 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan, tel que modifié par le règlement (CE) n° 561/2003 du Conseil, du 27 mars 2003, doit être interprété en ce sens que, dans une situation où tant le contrat de vente d’un bien immobilier que l’accord sur le transfert de la propriété de ce bien ont été conclus avant la date de l’inscription de l’acquéreur sur la liste figurant à l’annexe I du règlement n° 881/2002, tel que modifié par le règlement n° 561/2003, et où le prix de vente a également été payé avant cette date, cette disposition interdit la transcription définitive, en exécution dudit contrat, du transfert de la propriété sur le registre foncier postérieurement à ladite date.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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