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CJUE, 12 août 2008, aff. C-296/08 PPU, Ignacio Pedro Santesteban Goicoechea

 

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 12 août 2008

Affaire C-296/08 PPU

Procédure d’extradition

contre

Ignacio Pedro Santesteban Goicoechea

 

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier)

«Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décision-cadre 2002/584/JAI — Articles 31 et 32 — Mandat d’arrêt européen et procédures de remise entre États membres — Possibilité, pour l’État d’exécution d’une demande d’extradition, d’appliquer une convention adoptée antérieurement au 1er janvier 2004, mais applicable, dans cet État, depuis une date postérieure»

 

Sommaire de l'arrêt

1.        Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Compétences de la Cour — Questions préjudicielles — Question portant sur l'interprétation d'une décision-cadre adoptée sur le fondement du titre VI du traité UE

(Art. 234 CE; art. 35 UE et 46, b), UE)

2.        Questions préjudicielles — Saisine de la Cour — Détermination des questions à soumettre — Compétence exclusive du juge national

(Art. 35 UE)

3.        Union européenne — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres

(Décision-cadre du Conseil 2002/584, art. 31)

4.        Union européenne — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres

(Décision-cadre du Conseil 2002/584, art. 32)

1.        Le fait qu'une décision de renvoi portant sur l'interprétation d'une décision-cadre adoptée sur le fondement du titre VI du traité UE ne mentionne pas l'article 35 UE, mais se réfère à l'article 234 CE, ne saurait, à lui seul, entraîner l'irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle. Il en est d'autant plus ainsi que le traité UE ne prévoit ni explicitement ni implicitement la forme dans laquelle la juridiction nationale doit présenter sa demande de décision préjudicielle.

(cf. point 38)

2.        Dès lors que, aux termes de l'article 35 UE, il appartient au juge national et non aux parties au litige au principal de saisir la Cour, la faculté de déterminer les questions à soumettre à celle-ci est dévolue au seul juge national et les parties ne sauraient en changer la teneur. Répondre aux demandes formulées par les parties au principal serait, par ailleurs, incompatible avec le rôle dévolu à la Cour par la disposition précitée ainsi qu'avec son obligation d'assurer la possibilité aux gouvernements des États membres et aux parties intéressées de présenter des observations conformément à l'article 23 du statut de la Cour de justice, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées.

(cf. points 46-47)

3.        L'article 31 de la décision-cadre 2002/584, relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, doit être interprété en ce sens qu'il ne vise que l'hypothèse selon laquelle le régime du mandat d'arrêt européen est applicable, ce qui n'est pas le cas lorsqu'une demande d'extradition porte sur des faits commis avant une date indiquée par un État membre dans une déclaration effectuée conformément à l'article 32 de la décision-cadre.

(cf. point 63, disp. 1)

4.        L'article 32 de la décision-cadre 2002/584, relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à l'application, par un État membre d'exécution, de la convention relative à l'extradition entre les États membres de l'Union européenne, établie par acte du Conseil le 27 septembre 1996 et signée à la même date par tous les États membres, même lorsque celle-ci n'est devenue applicable dans cet État membre que postérieurement au 1er janvier 2004.

En effet, la mise en application de conventions telles que ladite convention relative à l'extradition entre les États membres de l'Union européenne ne porte pas atteinte au régime du mandat d'arrêt européen prévu par ladite décision-cadre, puisque, conformément à l'article 31, paragraphe 1, de cette dernière, une telle convention ne peut être utilisée que lorsque le régime du mandat d’arrêt européen ne s’applique pas. Une mise en application de conventions dans le domaine de l’extradition postérieurement au 1er janvier 2004 ne peut, dès lors, avoir pour objet que l’amélioration du système d’extradition dans des circonstances dans lesquelles le régime du mandat d’arrêt européen n’est pas applicable.

(cf. points 74-75, 81, disp. 2)

 

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

12 août 2008

 

«Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Articles 31 et 32 – Mandat d’arrêt européen et procédures de remise entre États membres – Possibilité, pour l’État d’exécution d’une demande d’extradition, d’appliquer une convention adoptée antérieurement au 1er janvier 2004, mais applicable, dans cet État, depuis une date postérieure»

Dans l’affaire C‑296/08 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle introduite au titre de l’article 234 CE par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Montpellier (France), par décision du 3 juillet 2008, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure d’extradition contre

Ignacio Pedro Santesteban Goicoechea,

 

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, MM. U. Lõhmus, J. N. Cunha Rodrigues, A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la demande de la juridiction de renvoi du 3 juillet 2008, parvenue à la Cour le même jour, de soumettre le renvoi préjudiciel à une procédure d’urgence conformément à l’article 104 ter du règlement de procédure,

vu la décision du 7 juillet 2008 de la troisième chambre de faire droit à ladite demande,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 août 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Santesteban Goicoechea, par Me Y. Molina Ugarte, avocat,

–        pour le gouvernement français, par Mme E. Belliard, M. G. de Bergues et Mme A.-L. During, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par l’Abogacía del Estado,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par Mme S. Grünheid et M. R. Troosters, en qualité d’agents,

l’avocat général entendu,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 31 et 32 de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO L 190, p. 1, ci-après la «décision-cadre»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure dont a été saisie la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Montpellier, à la suite d’une demande d’extradition formée le 2 juin 2008 par les autorités espagnoles.

 

 Le cadre juridique

 

 Le droit international

3        La convention européenne d’extradition a été signée à Paris le 13 décembre 1957. L’article 10 de celle-ci, intitulé «Prescription», dispose:

«L’extradition ne sera pas accordée si la prescription de l’action ou de la peine est acquise d’après la législation soit de la Partie requérante, soit de la Partie requise.»

4        La convention européenne pour la répression du terrorisme a été signée à Strasbourg le 27 janvier 1977.

 Le droit de l’Union européenne

5        La convention relative à la procédure simplifiée d’extradition entre les États membres de l’Union européenne a été établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne par acte du Conseil du 10 mars 1995 et signée à la même date par tous les États membres (JO C 78, p. 1, ci-après la «convention de 1995»).

6        Selon l’article 1er, paragraphe 1, de ladite convention:

«La présente convention vise à faciliter l’application entre les États membres de l’Union européenne de la convention européenne d’extradition [du 13 décembre 1957], en complétant les dispositions de celle-ci.»

7        La convention relative à l’extradition entre les États membres de l’Union européenne, dite «convention de Dublin», a été établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne par acte du Conseil du 27 septembre 1996 et signée à la même date par tous les États membres (JO C 313, p. 11, ci-après la «convention de 1996»).

8        Son article 1er dispose notamment:

«1.      La présente convention a pour objet de compléter les dispositions et de faciliter l’application entre les États membres de l’Union européenne:

–      de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 [...],

–      de la convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977 [...],

–      de la convention du 19 juin 1990 d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, [entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française] relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes [JO 2000, L 239, p. 19], dans le cadre des relations entre les États membres qui sont parties à cette convention […]»

9        L’article 8, paragraphe 1, de la convention de 1996 est libellé comme suit:

«L’extradition ne peut être refusée au motif qu’il y a prescription de l’action ou de la peine selon la législation de l’État membre requis.»

10      Il résulte de l’article 18, paragraphes 2 et 3, de la convention de 1996 que celle-ci entre en vigueur 90 jours après la notification, par le dernier État membre procédant à l’adoption de cette convention, de l’accomplissement des procédures requises par ses règles constitutionnelles pour cette adoption. Tous les États membres n’ayant pas procédé à l’adoption de la convention, celle-ci n’est donc pas entrée en vigueur conformément à cette disposition.

11      L’article 18, paragraphe 4, de la convention de 1996 énonce:

«Jusqu’à l’entrée en vigueur de la présente convention, chaque État membre peut, lorsqu’il procède à la notification visée au paragraphe 2 ou à tout autre moment, déclarer que cette convention est applicable, en ce qui le concerne, dans ses rapports avec les États membres qui ont fait la même déclaration. Ces déclarations prennent effet quatre-vingt-dix jours après la date de leur dépôt.»

12      L’article 18, paragraphe 5, de la convention de 1996 précise que celle-ci ne s’applique qu’aux demandes présentées postérieurement à la date de son entrée en vigueur ou de sa mise en application dans les relations entre l’État membre requis et l’État membre requérant.

13      Les troisième à cinquième considérants de la décision-cadre sont rédigés comme suit:

«(3)  La totalité ou certains des États membres sont parties à diverses conventions dans le domaine de l’extradition, parmi lesquelles la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 et la convention européenne du 27 janvier 1977 pour la répression du terrorisme. Les pays nordiques ont des lois d’extradition de contenu identique.

(4)       De surcroît, les trois conventions suivantes, portant en totalité ou en partie sur l’extradition, ont été approuvées par les États membres et font partie de l’acquis de l’Union: la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes du 19 juin 1990 (pour ce qui est des États membres qui sont parties à ladite convention), la convention [de 1995] et la convention [de 1996].

(5)       L’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant pré-sentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.»

14      Le onzième considérant de la décision-cadre est libellé comme suit:

«Le mandat d’arrêt européen devrait remplacer, dans les relations entre États membres, tous les instruments antérieurs relatifs à l’extradition, y compris les dispositions du titre III de la convention d’application de l’accord de Schengen ayant trait à cette matière.»

15      L’article 31 de la décision-cadre, intitulé «Relation avec d’autres instruments légaux», est rédigé comme suit:

«1.      Sans préjudice de leur application dans les relations entre États membres et États tiers, la présente décision-cadre remplace, à partir du 1er janvier 2004, les dispositions correspondantes des conventions suivantes, applicables en matière d’extradition dans les relations entre les États membres:

a)      la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, son protocole additionnel du 15 octobre 1975, son deuxième protocole additionnel du 17 mars 1978 et la convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977 pour autant qu’elle concerne l’extradition;

b)      l’accord du 26 mai 1989 entre les douze États membres des Communautés européennes relatif à la simplification et à la modernisation des modes de transmission des demandes d’extradition;

c)      la convention [de] 1995 [...];

d)      la convention [de] 1996 [...];

e)      le titre III, chapitre 4, de la convention d’application du 19 juin 1990 de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes.

2.      Les États membres peuvent continuer d’appliquer les accords ou arrangements bilatéraux ou multilatéraux en vigueur au moment de l’adoption de la présente décision-cadre dans la mesure où ceux-ci permettent d’approfondir ou d’élargir les objectifs de celle-ci et contribuent à simplifier ou faciliter davantage les procédures de remise des personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen.

Les États membres peuvent conclure des accords ou des arrangements bilatéraux ou multilatéraux après l’entrée en vigueur de la présente décision-cadre, dans la mesure où ceux-ci permettent d’approfondir ou d’élargir le contenu de celle-ci et contribuent à simplifier ou faciliter davantage les procédures de remise des personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, notamment en fixant des délais plus courts que ceux fixés à l’article 17, en étendant la liste des infractions prévues à l’article 2, paragraphe 2, en limitant davantage les motifs de refus prévus aux articles 3 et 4, ou en abaissant le seuil prévu à l’article 2, paragraphe 1 ou 2.

Les accords et arrangements visés au deuxième alinéa ne peuvent en aucun cas affecter les relations avec les États membres qui n’en sont pas parties.

Les États membres notifient au Conseil et à la Commission, dans les trois mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente décision-cadre, les accords ou arrangements existants visés au premier alinéa qu’ils souhaitent continuer d’appliquer.

Les États membres notifient également au Conseil et à la Commission, dans les trois mois de leur signature, tout nouvel accord ou arrangement tel que prévu au deuxième alinéa.

3.      Dans la mesure où les conventions ou accords visées au paragraphe 1 s’appliquent à des territoires des États membres, ou à des territoires dont un État membre assume les relations extérieures, auxquels la présente décision-cadre ne s’applique pas, ces instruments continuent de régir les relations existantes entre ces territoires et les autres États membres.»

16      L’article 32 de la décision-cadre, intitulé «Disposition transitoire», prévoit:

«Les demandes d’extradition reçues avant le 1er janvier 2004 continueront d’être régies par les instruments existants dans le domaine de l’extradition. Les demandes reçues à partir de cette date seront régies par les règles adoptées par les États membres en exécution de la présente décision-cadre. Cependant, tout État membre peut faire, au moment de l’adoption de la présente décision-cadre, une déclaration indiquant que, en tant qu’État membre d’exécution, il continuera de traiter selon le système d’extradition applicable avant le 1er janvier 2004 les demandes relatives à des faits commis avant une date qu’il indique. Cette date ne peut être postérieure au 7 août 2002. Ladite déclaration sera publiée au Journal officiel [des Communautés européennes]. Elle peut être retirée à tout moment.»

17      Conformément à l’article 32 de la décision-cadre, la République française a fait la déclaration suivante (JO 2002, L 190, p. 19):

«La France déclare, conformément à l’article 32 de la décision-cadre [...] que, en tant qu’État d’exécution, elle continuera de traiter selon le système d’extradition applicable avant le 1er janvier 2004 les demandes relatives à des faits commis avant le 1er novembre 1993, date d’entrée en vigueur du traité sur l’Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992.»

 La réglementation nationale

18      La loi n° 2004-204, du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (JORF du 10 mars 2004, p. 4567), a mis en œuvre la décision-cadre, introduisant à cet effet les articles 695‑11 à 695‑51 du code de procédure pénale.

19      Cette loi a, par ailleurs, prévu les dispositions de mise en œuvre des conventions de 1995 et de 1996.

20      La loi n° 2004-1345, du 9 décembre 2004, a autorisé la ratification de la convention de 1996 (JORF du 10 décembre 2004, p. 20876).

21      Le décret n° 2005-770, du 8 juillet 2005, porte publication de cette convention (JORF du 10 juillet 2005, p. 11358). Il est précisé qu’elle est applicable depuis le 1er juillet 2005.

 

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

 

22      Le 11 octobre 2000, le gouvernement espagnol avait formé, sur le fondement de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, une demande d’extradition à l’encontre de M. Santesteban Goicoechea pour des faits prétendument commis sur le territoire espagnol au cours des mois de février et de mars 1992 et qualifiés de dépôt d’armes de guerre, de détention illicite d’explosifs, de délit d’usage illégitime de véhicule à moteur d’autrui, de délit de remplacement de plaques minéralogiques et de délit d’appartenance à une organisation terroriste. Cette demande a fait l’objet d’un avis défavorable par arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles en date du 19 juin 2001, au motif que les faits pour lesquels l’extradition était demandée étaient prescrits selon le droit français.

23      Le 31 mars 2004, un mandat d’arrêt européen visant les mêmes faits que ceux visés par la demande d’extradition du 11 octobre 2000 a été délivré par les autorités judiciaires espagnoles à l’encontre de M. Santesteban Goicoechea. Dans ses observations écrites, le gouvernement français a indiqué qu’il n’a pas été donné suite à ce mandat. En effet, eu égard à la date des faits et à la déclaration faite conformément à l’article 32 de la décision-cadre, ledit mandat ne pouvait être considéré que comme une simple demande d’arrestation provisoire, à traiter selon le système d’extradition applicable avant le 1er janvier 2004, c’est-à-dire la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957. Or, les faits auraient été prescrits selon le droit français. En tout état de cause, M. Santesteban Goicoechea purgeait en France une peine d’emprisonnement, si bien qu’une éventuelle remise à l’État membre requérant n’aurait pu être effectuée qu’après que cette peine eut été exécutée.

24      M. Santesteban Goicoechea devait être libéré le 6 juin 2008. Ainsi qu’il a été précisé à l’audience par le gouvernement espagnol, l’impossibilité d’utiliser un mandat d’arrêt européen eu égard à la date des faits et à la déclaration faite conformément à l’article 32 de la décision-cadre ayant été rappelée par les autorités judiciaires françaises, une demande d’arrestation provisoire a été effectuée le 27 mai 2008 par le Juzgado Central de Instrucción de la Audiencia Nacional (Espagne) pour les mêmes faits, en vue d’une demande d’extradition fondée sur la convention de 1996. Le 28 mai 2008, M. Santesteban Goicoechea a été placé sous écrou extraditionnel par le procureur de la République.

25      Le 2 juin 2008, les autorités espagnoles ont sollicité l’extradition de M. Santesteban Goicoechea sur le fondement de la convention de 1996.

26      Le procureur général requiert qu’il plaise à la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Montpellier émettre un avis favorable à la demande des autorités espagnoles.

27      M. Santesteban Goicoechea refuse d’être remis aux autorités espagnoles, estimant notamment que le Royaume d’Espagne ne peut utiliser les dispositions de la convention de 1996.

28      La juridiction de renvoi relève que la décision-cadre prévoit, à son article 31, que cette décision-cadre remplace à partir du 1er janvier 2004 les dispositions correspondantes des conventions, ensuite visées, applicables en matière d’extradition entre les États membres. La convention de 1996 serait visée à l’article 31, paragraphe 1, sous d), de la décision-cadre.

29      L’article 31, paragraphe 2, de la décision-cadre prévoirait la possibilité, pour certains États membres, de continuer d’appliquer certains accords bilatéraux ou multilatéraux en vigueur au moment de l’adoption de la décision-cadre. Toutefois, ils devaient notifier ces accords dans les trois mois à compter de l’entrée en vigueur de la décision-cadre. Or, le Royaume d’Espagne n’aurait effectué aucune notification en ce sens.

30      La juridiction de renvoi s’interroge également sur l’interprétation de l’article 32 de la décision-cadre, dès lors qu’est demandée, dans l’affaire au principal, l’application d’une convention applicable en France depuis le 1er juillet 2005.

31      C’est dans ces conditions que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Montpellier a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le défaut de notification, en vertu de l’article 31, paragraphe 2, de la décision-cadre [...], par un État membre, en l’espèce [le Royaume d’]Espagne, de son intention de continuer à appliquer des accords bilatéraux ou multilatéraux entraîne-t-il, par application du terme ‘remplace’ de l’article 31 de cette décision-cadre, l’impossibilité, pour cet État membre, d’utiliser avec un autre État membre, en l’occurrence la [République française], qui a fait une déclaration en vertu de l’article 32 de la décision-cadre, d’autres procédures que celle du mandat d’arrêt européen?

En cas de réponse négative à la question précédente, il est sollicité une réponse à la question suivante:

2)      Les réserves faites par l’État d’exécution permettent-elles pour cet État l’application [de la convention de 1996], donc antérieure au 1er janvier 2004, mais entrée en vigueur dans cet État d’exécution postérieurement à cette date du 1er janvier 2004 visée à l’article 32 de la décision-cadre?»

 

 Sur la procédure d’urgence

 

32      Par une lettre du 3 juillet 2008, déposée au greffe de la Cour le même jour, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Montpellier a demandé que le renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure d’urgence prévue à l’article 104 ter du règlement de procédure.

33      La juridiction de renvoi a motivé cette demande en indiquant que M. Santesteban Goicoechea était détenu, après exécution d’une peine d’emprisonnement, sur le seul titre d’écrou extraditionnel décerné dans le cadre de la procédure d’extradition dans laquelle est posée la question préjudicielle.

34      La troisième chambre de la Cour, l’avocat général entendu, a décidé, le 7 juillet 2008, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure d’urgence.

 Sur la compétence de la Cour

35      Il ressort de la décision de renvoi que la demande de décision préjudicielle est fondée sur l’article 234 CE, alors que l’interprétation sollicitée concerne la décision-cadre, à savoir un acte adopté en vertu du titre VI du traité UE.

36      Il convient cependant de relever d’emblée que, conformément à l’article 46, sous b), UE, les dispositions des traités CE et CEEA relatives à la compétence de la Cour et à l’exercice de cette compétence, parmi lesquelles figure l’article 234 CE, sont applicables à celles du titre VI du traité UE, dans les conditions prévues à l’article 35 UE. Il en résulte que le régime prévu à l’article 234 CE a vocation à s’appliquer à la compétence préjudicielle de la Cour au titre de l’article 35 UE, sous réserve des conditions prévues à cette disposition (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2005, Pupino, C‑105/03, Rec. p. I‑5285, points 19 et 28, ainsi que du 28 juin 2007, Dell’Orto, C‑467/05, Rec. p. I‑5557, point 34).

37      La République française a indiqué, par une déclaration du 14 mars 2000 prenant effet le 11 juillet 2000, qu’elle acceptait la compétence de la Cour pour statuer sur la validité et l’interprétation des actes visés à l’article 35 UE selon les modalités prévues au paragraphe 3, sous b), de cet article (JO 2005, L 327, p. 19).

38      Dans ces conditions, le fait que la décision de renvoi ne mentionne pas l’article 35 UE, mais se réfère à l’article 234 CE, ne saurait, à lui seul, entraîner l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle. Il en est d’autant plus ainsi que le traité UE ne prévoit ni explicitement ni implicitement la forme dans laquelle la juridiction nationale doit présenter sa demande de décision préjudicielle (voir arrêt Dell’Orto, précité, point 36).

39      Par ailleurs, ainsi que le gouvernement français l’expose dans ses observations, s’il ressort de la jurisprudence du Conseil d’État français que les chambres de l’instruction des cours d’appel exercent, lorsqu’elles se prononcent pour avis sur une demande d’extradition, une attribution administrative, il ne saurait en être conclu que ces organismes ne possèdent pas le caractère d’une juridiction au sens de l’article 234 CE.

40      Selon une jurisprudence constante, en effet, pour apprécier si l’organisme de renvoi possède un tel caractère, question qui relève uniquement du droit communautaire, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit, ainsi que son indépendance (voir, notamment, arrêt du 31 mai 2005, Syfait e.a., C‑53/03, Rec. p. I‑4609, point 29 et jurisprudence citée). En outre, les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (voir, notamment, arrêts Syfait e.a., précité, point 29, ainsi que du 27 avril 2006, Standesamt Stadt Niebüll, C‑96/04, Rec. p. I‑3561, point 13).

41      Il n’est pas contesté que les chambres de l’instruction des cours d’appel remplissent les conditions susmentionnées d’origine légale, de permanence et d’indépendance. Leur intervention est obligatoire en matière d’extradition et elles statuent selon une procédure présentant un caractère juridictionnel au cours de laquelle la personne concernée est entendue, de même que le ministère public, lors d’un débat contradictoire. Elles contrôlent les conditions de la légalité de l’extradition et rendent un avis motivé. Si celui-ci est défavorable, il met fin, une fois devenu définitif, à la procédure d’extradition et entraîne d’office la mise en liberté d’une personne réclamée placée sous écrou extraditionnel. En outre, ainsi que l’a exposé le gouvernement français dans ses observations, la Cour de cassation accepte, depuis 1984, que l’avis d’une chambre de l’instruction fasse l’objet d’un pourvoi en cassation fondé sur les vices de forme et de procédure. Cette possibilité de pourvoi est désormais consacrée à l’article 696-15 du code de procédure pénale. Enfin, lorsque la Cour de cassation est saisie d’un pourvoi dans l’intérêt de la loi contre un avis d’une chambre de l’instruction, elle se prononce sur les conditions de fond de l’extradition.

42      Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la Cour est compétente pour répondre aux questions posées.

 

 Sur les questions préjudicielles

 

43      À titre liminaire, M. Santesteban Goicoechea demande à la Cour de dire pour droit qu’il serait contraire aux principes généraux du droit applicables au sein de l’Union et, notamment, aux principes de sécurité juridique, de légalité et de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère de lui appliquer la convention de 1996 pour des faits au sujet desquels la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles a, par arrêt du 19 juin 2001, déclaré la prescription acquise en droit français et rendu un avis défavorable à l’extradition.

44      Il fait valoir que, si les conventions d’extradition s’appliquent à des faits antérieurs à leur entrée en vigueur, il ne saurait être admis qu’une nouvelle convention d’extradition ait pour effet de remettre en cause des situations définitivement tranchées.

45      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la mesure où l’argumentation liminaire du défendeur au principal a trait aux problèmes résultant de l’application successive, dans le temps, de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 et de la convention de 1996, il ne se situe pas dans le contexte de la réponse aux questions préjudicielles et de l’interprétation des articles 31 et 32 de la décision-cadre.

46      Or, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 35 UE, il appartient au juge national et non aux parties au litige au principal de saisir la Cour. La faculté de déterminer les questions à soumettre à la Cour est donc dévolue au seul juge national et les parties ne sauraient en changer la teneur (voir, notamment, à propos de l’article 234 CE, arrêts du 9 décembre 1965, Singer, 44/65, Rec. p. 1191, 1198, ainsi que du 17 septembre 1998, Kainuun Liikenne et Pohjolan Liikenne, C‑412/96, Rec. p. I‑5141, point 23).

47      Par ailleurs, répondre à la demande formulée par le défendeur au principal visée au point 43 du présent arrêt serait incompatible avec le rôle dévolu à la Cour par l’article 35 UE ainsi qu’avec l’obligation de la Cour d’assurer la possibilité aux gouvernements des États membres et aux parties intéressées de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées (voir, notamment, à propos de l’article 234 CE, arrêts du 20 mars 1997, Phytheron International, C-352/95, Rec. p. I-1729, point 14, ainsi que Kainuun Liikenne et Pohjolan Liikenne, précité, point 24).

 Sur la première question

48      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 31 de la décision-cadre doit être interprété en ce sens que, eu égard au terme «remplace» figurant au paragraphe 1 de cet article, l’absence de notification, par un État membre tel le Royaume d’Espagne, de son intention d’appliquer des accords bilatéraux ou multilatéraux, conformément à l’article 31, paragraphe 2, de cette décision, entraîne l’impossibilité, pour cet État membre, d’utiliser d’autres procédures d’extradition que celle du mandat d’arrêt européen avec un autre État membre, telle la République française, qui a fait une déclaration en vertu de l’article 32 de la décision-cadre.

49      M. Santesteban Goicoechea soutient que le terme «remplace» est dépourvu de toute ambiguïté et que, à défaut de notification, par le Royaume d’Espagne, du souhait de maintenir l’application de la convention de 1996, celle-ci ne peut être appliquée entre le Royaume d’Espagne et la République française. Les interprétations proposées par le gouvernement français et la Commission dans leurs observations écrites ne seraient que des extrapolations.

50      Les gouvernements français et espagnol ainsi que la Commission, en revanche, estiment que l’article 31 de la décision-cadre n’a pas vocation à s’appliquer à l’affaire au principal.

51      À cet égard, il ressort des cinquième, septième et onzième considérants de la décision-cadre que, afin de supprimer la complexité et les risques de retards inhérents aux procédures d’extradition alors applicables, celle-ci a pour objectif de remplacer le système d’extradition multilatéral entre les États membres fondé sur la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 par un système de remise entre les autorités judiciaires. Ledit onzième considérant précise ainsi que «[l]e mandat d’arrêt européen devrait remplacer, dans les relations entre les États membres, tous les instruments antérieurs relatifs à l’extradition».

52      Les troisième et quatrième considérants de la décision-cadre mentionnent les conventions applicables entre la totalité ou certains des États membres, ainsi que les conventions approuvées par les États membres et qui font partie de l’acquis de l’Union, parmi lesquelles figure la convention de 1996.

53      Conformément à l’objectif indiqué dans les considérants de la décision-cadre, l’article 31, paragraphe 1, de celle-ci prévoit, entre les États membres, le remplacement des conventions qu’il cite par le régime du mandat d’arrêt européen instauré par la décision-cadre. Parmi ces conventions figurent celles visées aux troisième et quatrième considérants de la décision-cadre et donc la convention de 1996.

54      L’article 31, paragraphe 2, de la décision-cadre permet aux États membres de continuer d’appliquer des accords ou des arrangements bilatéraux ou multilatéraux en vigueur au moment de l’adoption de la décision-cadre ou de conclure de tels accords ou arrangements bilatéraux ou multilatéraux après l’entrée en vigueur de cette décision dans la mesure où ceux-ci permettent d’approfondir ou d’élargir les objectifs de la décision-cadre et contribuent à simplifier ou à faciliter davantage les procédures de remise des personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen.

55      Cette disposition ne saurait cependant viser les conventions citées à l’article 31, paragraphe 1, de la décision-cadre, dès lors que cette dernière a précisément pour objectif de remplacer celles-ci par un régime plus simple et plus efficace. Ainsi que la Commission l’a indiqué dans ses observations et que le gouvernement espagnol l’a souligné à l’audience, l’article 31, paragraphe 2, de la décision-cadre vise d’autres conventions par lesquelles les États membres vont plus loin que la décision-cadre dans le sens de la facilitation et de la simplification des procédures de remise, tout en restant dans le cadre du mandat d’arrêt européen.

56      Il s’ensuit que la convention de 1996 ne fait pas partie des accords ou des arrangements bilatéraux ou multilatéraux visés à l’article 31, paragraphe 2, de la décision-cadre, pour lesquels une notification serait envisageable.

57      Par ailleurs, le régime du mandat d’arrêt européen ne s’applique que dans les conditions prévues par la décision-cadre et, en particulier, conformément à l’article 32 de celle-ci, pour les demandes reçues après le 1er janvier 2004 et pour autant que l’État membre d’exécution n’ait pas fait une déclaration conformément à cette disposition afin d’introduire une limitation dans le temps de l’application dudit régime.

58      C’est ainsi que, comme l’a précisé la Commission, le remplacement, prévu à l’article 31, paragraphe 1, de la décision-cadre, des conventions visées à cette disposition n’entraîne pas la disparition de ces conventions qui restent pertinentes pour les cas couverts par une déclaration d’un État membre faite conformément à l’article 32 de la décision-cadre, mais également dans d’autres situations où le régime du mandat d’arrêt européen ne serait pas applicable.

59      Il s’ensuit que les articles 31 et 32 de la décision-cadre visent des situations distinctes qui s’excluent l’une l’autre. En effet, tandis que ledit article 31, intitulé «Relation avec d’autres instruments légaux», traite des conséquences de l’application du régime du mandat d’arrêt européen pour les conventions internationales dans le domaine de l’extradition, ledit article 32, intitulé «Disposition transitoire», envisage la circonstance dans laquelle ce régime ne s’applique pas.

60      En l’occurrence, la République française a fait une déclaration, conformément à l’article 32 de la décision-cadre, précisant que, en tant qu’État d’exécution, elle continuera de traiter selon le système d’extradition applicable avant le 1er janvier 2004 les demandes relatives à des faits commis avant le 1er novembre 1993, date d’entrée en vigueur du traité de Maastricht.

61      Tel est le cas d’une demande telle que celle formée par les autorités espagnoles relative à M. Santesteban Goicoechea, dès lors que les faits reprochés à ce dernier auraient été commis au cours des mois de février et de mars 1992.

62      Le régime du mandat d’arrêt européen prévu par la décision-cadre n’étant pas applicable à cette demande, l’article 31 de la décision-cadre n’est pas pertinent.

63      Il y a, dès lors, lieu de répondre à la première question que l’article 31 de la décision-cadre doit être interprété en ce sens qu’il ne vise que l’hypothèse selon laquelle le régime du mandat d’arrêt européen est applicable, ce qui n’est pas le cas lorsqu’une demande d’extradition porte sur des faits commis avant une date indiquée par un État membre dans une déclaration effectuée conformément à l’article 32 de la décision-cadre.

 Sur la seconde question

64      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 32 de la décision-cadre doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application, par un État membre d’exécution, de la convention de 1996 lorsque celle-ci n’est devenue applicable dans cet État membre que postérieurement au 1er janvier 2004.

65      M. Santesteban Goicoechea soutient qu’admettre que l’expression «système d’extradition applicable avant le 1er janvier 2004», utilisée à l’article 32 de la décision-cadre, couvre ladite convention, applicable entre le Royaume d’Espagne et la République française seulement depuis le 1er juillet 2005, serait contraire à la lettre et à l’esprit de la déclaration faite par la République française conformément audit article 32.

66      Les gouvernements français et espagnol ainsi que la Commission considèrent que l’expression «système d’extradition applicable avant le 1er janvier 2004» est utilisée dans la décision-cadre pour établir une distinction entre, d’une part, le système d’extradition constitué par les conventions existantes au moment de l’adoption de la décision-cadre et visées aux considérants et à l’article 31, paragraphe 1, de celle-ci et, d’autre part, le régime du mandat d’arrêt européen élaboré par la décision-cadre et dont celle-ci prévoit qu’il devrait être appliqué aux demandes formées après le 1er janvier 2004. L’utilisation de cette expression n’aurait pas pour objectif de «figer» l’état des conventions visées audit article 31, paragraphe 1, ni d’empêcher l’amélioration du système d’extradition fondé sur la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957.

67      Les gouvernements français et espagnol ainsi que la Commission font valoir, en outre, que les conventions de 1995 et de 1996 n’étaient pas encore en vigueur au 1er janvier 2004, qu’elles ne le sont toujours pas à l’heure actuelle et qu’elles perdraient tout effet utile si les États membres ne pouvaient continuer d’adopter les procédures requises par leur droit national pour leur application. Or, ces conventions constitueraient un acquis de l’Union que les États membres seraient tenus d’intégrer et celles-ci resteraient utiles dans les cas où le régime du mandat d’arrêt européen ne s’applique pas ainsi que dans les rapports d’extradition avec les États tiers associés dans le cadre de l’accord de Schengen du 14 juin 1985. Les États membres auraient d’ailleurs été encouragés au sein du Conseil à continuer de les ratifier malgré l’existence de la décision-cadre.

68      La Commission remarque enfin que la République française pourrait à tout moment retirer sa déclaration effectuée conformément à l’article 32 de la décision-cadre, ce qui aurait pour conséquence que le régime du mandat d’arrêt européen serait immédiatement applicable. Il serait dès lors difficile de percevoir en quoi il serait interdit de progresser partiellement dans le sens du mandat d’arrêt européen par la mise en application de la convention de 1996, postérieurement à la mise en application du régime prévu par la décision-cadre.

69      À cet égard, il résulte tant des considérants de la décision-cadre que des articles 31 et 32 de celle-ci que, par l’expression «système d’extradition applicable avant le 1er janvier 2004», l’article 32 de la décision-cadre vise notamment l’ensemble des conventions citées aux troisième et quatrième considérants ainsi qu’à l’article 31, paragraphe 1, de la décision-cadre. Ces conventions sont basées sur la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, en ce qu’elles modifient ou complètent celle-ci. Ainsi, la convention de 1996 indique, à son article 1er, qu’elle a pour objet de compléter les dispositions et de faciliter l’application entre les États membres de l’Union, notamment, de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957.

70      Toutefois, ainsi que l’a précisé la Commission à l’audience, l’utilisation du terme «applicable» ne saurait avoir pour conséquence que les conventions citées deviendraient applicables en raison uniquement de l’entrée en vigueur de la décision-cadre. En effet, pour qu’une convention soit applicable entre deux États membres, ces derniers doivent être liés par ladite convention.

71      Ce terme ne peut être entendu comme désignant uniquement les conventions qui auraient été effectivement applicables entre les États membres au 1er janvier 2004.

72      En effet, le système de déclaration prévu aux troisième et quatrième phrases de l’article 32 de la décision-cadre vise à permettre, à titre d’exception, d’étendre le régime prévu à la première phrase du même article à certaines demandes reçues après le 1er janvier 2004. De même que rien n’interdit de rendre applicables dans certains États membres, entre la date d’adoption de la décision-cadre et le 1er janvier 2004, des instruments existants dans le domaine de l’extradition, aucun motif ne s’oppose à ce qu’un État membre rende applicable, après le 1er janvier 2004, une convention faisant partie du système d’extradition remplacé par le régime du mandat d’arrêt européen pour les situations où ledit régime n’est pas applicable.

73      Comme l’ont soutenu à juste titre les gouvernements français et espagnol ainsi que la Commission, l’indication de la date du 1er janvier 2004 sert essentiellement à établir la limite entre le champ d’application du système d’extradition prévu par les conventions et celui du régime du mandat d’arrêt européen élaboré dans la décision-cadre, ce dernier régime ayant vocation à s’appliquer, en règle générale, à toutes les demandes présentées après le 1er janvier 2004.

74      La mise en application de conventions telles que celle de 1996 ne porte pas atteinte au régime du mandat d’arrêt européen prévu par la décision-cadre, puisque, conformément à l’article 31, paragraphe 1, de cette dernière, une telle convention ne peut être utilisée que lorsque le régime du mandat d’arrêt européen ne s’applique pas.

75      Une mise en application de conventions dans le domaine de l’extradition postérieurement au 1er janvier 2004 ne peut, dès lors, avoir pour objet que l’amélioration du système d’extradition dans des circonstances dans lesquelles le régime du mandat d’arrêt européen n’est pas applicable. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 58 du présent arrêt, les conventions dans le domaine de l’extradition restent pertinentes pour les cas couverts par une déclaration d’un État membre faite conformément à l’article 32 de la décision-cadre, mais également dans d’autres situations où le régime du mandat d’arrêt européen ne serait pas applicable.

76      Un tel objet n’est assurément pas contraire aux objectifs de la décision-cadre, puisque, ainsi qu’il ressort de son cinquième considérant, celle-ci vise, par l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, à supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition existantes au moment de l’adoption de la décision-cadre.

77      L’application, entre deux États membres, de la convention de 1996 est, en outre, conforme aux objectifs de l’Union. Il convient, à cet égard, de rappeler que cette convention fait partie de l’acquis de l’Union et que, par acte du 27 septembre 1996, le Conseil a recommandé son adoption par les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

78      Enfin, ainsi que l’a rappelé la Commission, l’article 32 de la décision-cadre prévoit expressément qu’une déclaration faite par un État membre conformément à cette disposition peut être retirée à tout moment, ce qui entraînerait, à défaut de précision à cet égard, l’application immédiate du régime du mandat d’arrêt européen même pour des faits antérieurs à la date qui était indiquée dans la déclaration ainsi retirée.

79      Eu égard au pouvoir ainsi reconnu de retirer une déclaration faite conformément à l’article 32 de la décision-cadre, il ne saurait être soutenu avec succès qu’un État membre qui a fait une telle déclaration ne serait pas en droit de rendre applicable la convention de 1996 après le 1er janvier 2004, afin que cette convention couvre, notamment, les situations dans lesquelles le régime du mandat d’arrêt européen ne s’applique pas, alors que, ainsi que l’a souligné la Commission, cette convention est un progrès dans le sens du mandat d’arrêt européen en vue de faciliter les extraditions entre les États membres.

80      Selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants à la date à laquelle elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant pas des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur (arrêt Dell’Orto, précité, point 48). L’article 18, paragraphe 5, de la convention de 1996 prévoit que celle-ci s’applique aux demandes présentées postérieurement à la date de sa mise en application dans les relations entre l’État membre requis et l’État membre requérant. S’agissant de l’article 32 de la décision-cadre, il prévoit que les demandes reçues à partir du 1er janvier 2004 seront régies par les règles du mandat d’arrêt européen. Si, dans les deux cas, les règles nouvelles s’appliquent non pas aux demandes en cours mais à celles formées après une date déterminée, elles ont en commun de s’appliquer aux demandes relatives à des faits antérieurs à la date de mise en application de la nouvelle réglementation.

81      Eu égard à ces éléments, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 32 de la décision-cadre doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application, par un État membre d’exécution, de la convention de 1996, même lorsque celle-ci n’est devenue applicable dans cet État membre que postérieurement au 1er janvier 2004.

 

 Sur les dépens

 

82      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 31 de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, doit être interprété en ce sens qu’il ne vise que l’hypothèse selon laquelle le régime du mandat d’arrêt européen est applicable, ce qui n’est pas le cas lorsqu’une demande d’extradition porte sur des faits commis avant une date indiquée par un État membre dans une déclaration effectuée conformément à l’article 32 de cette décision-cadre.

2)      L’article 32 de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application, par un État membre d’exécution, de la convention relative à l’extradition entre les États membres de l’Union européenne, établie par acte du Conseil le 27 septembre 1996 et signée à la même date par tous les États membres, même lorsque celle-ci n’est devenue applicable dans cet État membre que postérieurement au 1er janvier 2004.

Signatures


Langue de procédure: le français.

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