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Communication de la Commission européenne du 2 juin 2005 : «Elaboration d’un concept stratégique portant sur la lutte contre la criminalité organisée» - COM/2005/0232 final

 

Communication de la Commission européenne du 2 juin 2005 : «Elaboration d’un concept stratégique portant sur la lutte contre la criminalité organisée»

 

COM/2005/0232 final

 

INTRODUCTION

 

1. Dans le programme de La Haye[1], le Conseil européen des 4 et 5 novembre 2004 a demandé au Conseil et à la Commission d’élaborer un concept stratégique portant sur la lutte contre la criminalité organisée au niveau de l’UE en association avec des organes de l’Union comme Europol, Eurojust, le CEPOL et la Task-force des chefs de police. La présente communication constitue la contribution de la Commission à l’élaboration de cette stratégie.

2. Depuis l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, plusieurs plans d’action de l’UE de lutte contre la criminalité organisée ont été adoptés[2], le dernier en date étant la stratégie pour le prochain millénaire relative à la prévention et au contrôle de la criminalité organisée[3]. À l’initiative de la présidence néerlandaise du Conseil, des discussions ont été ouvertes en 2004 et ont conduit à l’adoption le 2 décembre 2004 des conclusions du Conseil sur l'élaboration d'un concept stratégique en ce qui concerne la lutte contre la criminalité organisée[4].

3. Plusieurs initiatives, de nature législative et non législative, contribuant à prévenir la criminalité organisée et à lutter contre ce phénomène ont été approuvées au niveau de l'UE depuis la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice. Il nous faut à présent du temps pour intégrer les différents instruments et mesures (relatifs à la prévention, au droit pénal et au droit procédural) adoptés aux niveaux local, national ou de l’UE et combler les lacunes mises en évidence. L’Union devrait envisager d’élaborer et de mettre en œuvre une politique de lutte contre la criminalité organisée dotée de moyens financiers suffisants.

4. Depuis septembre 2001, la lutte contre le terrorisme est au centre de toutes les préoccupations. Malgré les liens existant entre le terrorisme et la criminalité organisée, cette dernière continue de constituer en soi une menace pour la société. La criminalité organisée sape les économies légitimes et est un facteur de déstabilisation du tissu social et démocratique de la société. Il convient par conséquent de se féliciter que le Conseil européen considère la lutte contre la criminalité organisée comme une priorité. Dans la lutte contre ce fléau, tous les acteurs doivent s'efforcer de trouver un juste équilibre entre efficacité des mesures de répression de la criminalité organisée et des poursuites y afférentes, d’une part, et protection des libertés et des droits fondamentaux, d’autre part.

5. Il n’est pas simple d’élaborer une stratégie pour lutter contre la criminalité organisée, car la notion même de criminalité organisée demeure complexe, en dépit de différentes tentatives faites par le passé pour définir le terme d’«organisation criminelle»[5]. En outre, les thèmes prioritaires recensés par le Conseil le 2 décembre 2004 concernent plusieurs domaines, parmi lesquels l’amélioration de la base de connaissances afin de réduire la criminalité organisée, ainsi que la prévention, la répression, la coopération judiciaire et les relations extérieures (voir section 2). Les mesures proposées dans le présent contexte peuvent donc concerner des infractions qui ne sont pas, ou pas exclusivement, liées à la criminalité organisée. À l’inverse, des initiatives mettant en œuvre, par exemple, le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale ont une incidence sur de nombreuses formes graves de criminalité transfrontalière. Une approche stratégique garantira une coopération effective entre tous les acteurs concernés.

6. En raison de la portée étendue du concept stratégique, il est nécessaire de définir des priorités entre les questions abordées dans le cadre de la présente communication. La section 2 s’attache à définir les objectifs au regard des thèmes prioritaires du concept stratégique portant sur la lutte contre la criminalité organisée. Certains aspects n’y sont traités que brièvement, mais font l’objet d’un exposé détaillé ailleurs[6]. La section 3 résume le suivi donné à l’évaluation à mi-parcours de la stratégie du millénaire[7], alors que la section 4 indique la voie à suivre. L’annexe 1 énumère les mesures de mise en œuvre du concept stratégique portant sur la criminalité organisée, prévoit les instances responsables, indique les dates cibles et fixe les priorités. L’annexe 2 énumère et résume les récentes communications et conclusions du Conseil sur le sujet. L’annexe 3 expose en détail le suivi donné à l’évaluation à mi-parcours de la stratégie du millénaire.

 

THÈMES PRIORITAIRES ET OBJECTIFS

 

Améliorer les connaissances en matière de criminalité organisée et renforcer la collecte et l’analyse d’informations

 

7. L’évolution technologique ainsi que la mondialisation croissante offrent de nouvelles opportunités aux organisations criminelles. Afin de prévenir et de combattre la criminalité organisée, il convient de rassembler et de mettre à jour les connaissances sur la criminalité organisée, les groupes criminels et les vulnérabilités des secteurs licites afin d’élaborer des instruments de meilleure qualité, comme indiqué dans nombre des documents stratégiques susmentionnés, en particulier le programme de La Haye. Le futur système européen de statistiques criminelles devrait recueillir des informations auprès des services répressifs, ainsi que des données quantitatives sur la base de sondages effectués auprès des citoyens et des entreprises, et mesurer le niveau de criminalité et de victimisation au sein de groupes spécifiques afin d’aider à la prise de décisions dans différents domaines politiques. Ce système de statistiques criminelles sera mis au point en collaboration avec les États membres, en recourant, si nécessaire, au programme statistique communautaire. Il convient également d’envisager d’autres initiatives, concernant l’évaluation et la diffusion d’une méthodologie applicable aux études relatives à la vulnérabilité des secteurs économiques par rapport à la criminalité organisée. Sur cette base, la Commission a l’intention de publier à l’avenir un rapport annuel ou biannuel sur la criminalité dans l’UE .

8. Le programme de La Haye a souligné la nécessité d’élaborer un mécanisme de répression fondé sur le renseignement au niveau de l'UE afin de permettre aux décideurs de définir des stratégies européennes de répression fondées sur des évaluations approfondies. Parmi ses éléments essentiels figurent la disponibilité des informations et l’accès à ces informations (cf. section 2.3.3.), la production de renseignements européens de nature criminelle et l’accroissement de la confiance entre les services répressifs aux niveaux européen et international. La Commission présentera en 2005 une communication sur une politique de répression fondée sur le renseignement au niveau de l'UE.

9. Dans le cadre de cette politique, il conviendrait d’élaborer un «modèle européen en matière de renseignements de nature criminelle » pour aborder des questions telles que la définition d’actions, produits et services cohérents en matière de renseignement des organes nationaux et européens exerçant des activités dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité, la synchronisation des évaluations nationales de la menace, fondées sur une méthodologie commune et étayées par des études de vulnérabilité sectorielle, la production de données quantitatives et qualitatives par le secteur privé et d’autres informations utiles à partir de statistiques criminelles européennes en évolution. Comme demandé dans le programme de La Haye, l’élément essentiel de ce modèle sera une évaluation européenne de la menace que constitue la criminalité organisée effectuée par Europol, qui se fondera sur des évaluations nationales synchronisées.

10. La recherche liée à la criminalité organisée est actuellement financée par le sixième programme-cadre de recherche et l’action préparatoire en matière de recherche sur la sécurité. Il est prévu dans le projet de septième programme-cadre de recherche que les travaux de recherche liés à la criminalité organisée relèvent du nouveau programme européen de recherche sur la sécurité et d’autres domaines connexes. Des projets de recherche spécifiques destinés à soutenir l'élaboration de politiques seront également possibles grâce au programme AGIS , au programme qui lui succédera dans le cadre des perspectives financières (2007-2013), et aux ressources consacrées aux études .

 

Renforcer la prévention de la criminalité organisée

 

11. Une politique efficace de prévention de la criminalité dépasse la coopération policière classique et englobe la bonne gouvernance, la transparence, l’obligation de rendre des comptes et les normes en matière de responsabilité sociale pour les secteurs public et privé afin de réduire les possibilités d'infractions. Certains États membres de l’UE ont adopté une démarche novatrice en utilisant une approche administrative pour empêcher les organisations criminelles de pénétrer sur les marchés légaux. Le Conseil a récemment adopté des recommandations[8] selon lesquelles cette approche mérite de faire l’objet de travaux de recherche plus approfondis et d’être diffusée dans toute l’UE. Au niveau de l’Union, la Commission entend développer un modèle d’ évaluation de l’étanchéité à la criminalité des législations et des nouveaux produits et services , qui pourrait être diffusé largement pour éviter de créer par inadvertance de nouvelles possibilités d’infractions relevant de la criminalité organisée.

12. L’un des principaux moyens d'infiltration des marchés licites par la criminalité organisée est la corruption [9]. L’approfondissement et la mise en œuvre d’une politique globale européenne de lutte contre la corruption, comprenant des mesures de droit pénal, la promotion des aspects éthiques et de l’intégrité dans l’administration publique ainsi que l’amélioration du suivi des politiques nationales de lutte contre la corruption dans le cadre des obligations internationales et européennes et d'autres normes sont par conséquent non seulement fondamentales, mais aussi opportunes pour appliquer efficacement la convention des Nations unies contre la corruption[10]. La promotion de la transparence du secteur public constitue l’un des objectifs stratégiques de la Commission pour 2005-2009 et un livre blanc relatif à une initiative européenne en matière de transparence sera bientôt publié.

13. La Déclaration de Dublin[11] a reconnu que les partenariats public-privé constituent un outil efficace pour prévenir la criminalité en général et la criminalité organisée en particulier. La préparation et la mise en œuvre d’un plan d’action de l’UE sur les partenariats public-privé sont une priorité de la Commission en 2006, conformément au programme de La Haye.

14. La prévention de la traite des êtres humains, crime particulièrement grave impliquant de dramatiques violations des droits de l’homme, est un objectif fondamental. La Commission présentera une communication consacrée à la lutte contre la traite des êtres humains en 2005, qui adoptera une approche intégrée, axée sur les droits humains et centrée sur la victime.

15. Dans le cadre des fonds structurels, des ressources financières étaient prévues pour les mesures de prévention, mais elles n’ont été que rarement utilisées par les États membres[12], ce qui a incité la Commission à proposer de créer un programme-cadre «Sécurité et protection des libertés» , distinct, au titre des perspectives financières 2007-2013 pour financer les mesures de ce type.

 

Renforcer les instruments et améliorer la coopération

 

Renforcer les enquêtes relatives à la criminalité organisée

 

16. Des techniques spéciales d’enquête se sont avérées efficaces pour les enquêtes policières, douanières et judiciaires concernant des cas de criminalité organisée transfrontalière. La convention de 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et son protocole de 2001[13] prévoient de telles techniques, mais aucun de ces deux textes n’est encore entré en vigueur, ce qui explique l’existence de la décision-cadre distincte relative aux équipes communes d'enquête [14]. Des travaux complémentaires sont nécessaires pour améliorer l’utilisation de ces équipes et d’autres techniques spéciales d’enquête.

17. Pour accélérer et simplifier l’ obtention d’éléments de preuve au-delà des frontières, la Commission a présenté une proposition de mandat européen d'obtention de preuves, qui, pour certains types d’éléments de preuve, remplace l’entraide judiciaire[15]. À moyen terme, le principe de la reconnaissance mutuelle devrait être étendu à tous les types de preuve. La Commission envisage de présenter plusieurs initiatives relatives à l’ admissibilité des éléments de preuve , comme elle l’a expliqué dans sa communication sur le principe de la reconnaissance mutuelle en matière pénale[16]. Ces initiatives devraient permettre d’accroître la confiance mutuelle en garantissant un juste équilibre entre efficacité des poursuites et droits de la défense. L’ utilisation transfrontalière de renseignements en tant qu’éléments de preuve constitue un autre thème devant faire l'objet d'études plus poussées.

18. Au même titre que la collecte d’éléments de preuve dans le cadre des enquêtes financières (voir section 2.3.2.), la collecte, la protection et l’échange des preuves électroniques est une question présentant de plus en plus d'intérêt et qui devra être abordée sous peu par la Commission, comme le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2004 l’a invitée à le faire[17].

19. La conservation des données pour les services de communication électronique est un élément important dans les enquêtes relatives aux infractions pénales impliquant le recours aux technologies de l'information. Elle exige de préserver un équilibre entre la nécessité de garantir une application efficace du droit, la protection des droits fondamentaux et la charge financière qui pèse sur les fournisseurs de services en raison des obligations en découlant. Pour répondre aux considérations d’ordre juridique, la Commission présentera en 2005 une proposition de directive, qui constitue l’instrument juridique adéquat.

20. Il est souvent essentiel de se fier à des témoins ou à des collaborateurs de justice afin de traduire les principaux responsables des groupes criminels organisés devant les tribunaux. S’appuyant sur deux résolutions du Conseil[18], la stratégie du millénaire a proposé que des travaux complémentaires soient accomplis dans ce domaine. Le Conseil a invité la Commission à présenter une proposition de création d'un programme européen pour la protection des témoins dans les affaires de terrorisme[19]. Europol a élaboré deux documents utiles[20] et la Commission prépare un instrument juridique à ce sujet.

21. Certains États membres de l’UE ont mis en place des services spécialisés d’enquête ou de poursuites pour les infractions liées à la criminalité organisée. Ces services se composent d’équipes d’experts pluridisciplinaires et se consacrent aux enquêtes relatives à des infractions complexes. La Commission encourage l’ensemble des États membres à envisager d’adopter pareille approche.

 

Renforcer les instruments permettant d’aborder les aspects financiers de la criminalité organisée

 

22. C’est l’appât du gain qui est le moteur de la criminalité organisée. L’élimination de toute possibilité de blanchir les produits du crime et de financer des activités criminelles porterait sérieusement atteinte à la motivation et aux moyens des groupes criminels organisés. Il est donc fondamental d'améliorer les possibilités de gel et de confiscation des produits du crime pour combattre et prévenir ce type de criminalité. La Commission encouragera par conséquent la définition de compétences plus importantes en matière d’enquêtes financières , ainsi que l’adoption d’instruments juridiques permettant d’identifier et de dépister rapidement les transferts financiers et autres transactions illicites.

23. Trois décisions-cadre portant sur le gel et la confiscation des avoirs et prévoyant notamment des compétences étendues en matière de confiscation ont été adoptées, l’une d’entre elles faisant toujours l’objet de réserves[21]. La décision-cadre relative à la confiscation des produits du crime prévoit que lorsque les États membres utilisent leurs pouvoirs de confiscation élargis, ils peuvent recourir à des procédures autres que des procédures pénales. Ses considérants font aussi référence à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, aux termes de laquelle les États parties peuvent envisager d’exiger que l’auteur d’une infraction établisse l’origine licite du produit présumé du crime, notamment en renversant la charge de la preuve et/ou en assouplissant les exigences en matière de preuve . La Commission va réexaminer la législation communautaire relative à la confiscation des avoirs criminels sur cette base. Elle étudiera en outre les normes à appliquer à la remise des avoirs confisqués à titre de dédommagement ou de réparation à des victimes identifiables d’infractions ou à des associations caritatives.

24. La proposition de troisième directive relative au blanchiment de capitaux[22] renforce la législation communautaire en vigueur dans le domaine de la lutte contre le blanchiment, par exemple en élargissant la définition des infractions principales et en ajoutant de nouvelles catégories de personnes soumises à des obligations de déclaration. Toutefois, pour garantir l’engagement des institutions financières et autres, il convient de démontrer que les déclarations visant à lutter contre le blanchiment donnent des résultats satisfaisants. À cette fin, des unités de renseignement financier doivent assurer un retour d'information adéquat.

25. Les organisations criminelles utilisent le système financier d’un État membre pour y introduire des fonds provenant d’activités criminelles qui ont été menées dans un autre État membre. Europol cherche à identifier les liens entre de telles activités criminelles et les transactions qui s’y rapportent dans le cadre des dossiers d'analyse, comme le projet « SUSTRANS» . Tous les États membres sont invités à soutenir activement ces travaux en fournissant à Europol des informations d’un niveau de qualité élevé.

26. Le protocole de la convention de 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale vise à faciliter la coopération en matière d’enquêtes financières transfrontalières. En raison du faible nombre de ratifications de ce protocole, la date de son entrée en vigueur est aléatoire. Le principe de la reconnaissance mutuelle étant appelé à remplacer progressivement l’entraide judiciaire, la Commission devra envisager de nouvelles propositions législatives[23].

 

Améliorer l’accès aux informations et au renseignement et renforcer l’échange de ceux-ci entre autorités répressives

 

27. Le Conseil européen a souligné dans le programme de La Haye que le renforcement de la liberté, de la sécurité et de la justice passe par une approche innovante de l' échange transfrontière d'informations en matière répressive . Le plan d’action mettant en œuvre le programme de La Haye continuera de développer les initiatives de la Commission visant à traduire dans les faits le principe de disponibilité pour l’échange d’informations en matière répressive, les normes communes d’accès aux bases de données et l’ interopérabilité des bases de données nationales et européennes. Les bases de données nationales et européennes devraient progressivement appliquer les mêmes normes et utiliser des technologies compatibles afin de garantir l’échange sélectif d’informations en matière répressive en tenant compte des interconnexions appropriées avec les bases de données internationales. Les mesures relatives à la protection des données à caractère personnel et à la sécurité des données , concernant notamment la proportionnalité, l’intégrité et la confidentialité des données et les droits de recours effectifs, doivent prendre ces possibilités élargies en considération. La Commission présentera une proposition législative à ce sujet en 2005.

28. Une coopération intensive des autorités répressives nationales entre elles et avec les organes compétents de l’UE est nécessaire pour instaurer la confiance. Les canaux de diffusion de l’information mis en place, comme le réseau privé virtuel d’Europol ou son système d’information, devraient être utilisés et, le cas échéant, complétés par des réseaux d’experts (cf. section 2.4.).

 

Renforcer la coopération interinstitutionnelle et interjuridictionnelle

 

29. Le programme de La Haye souligne la nécessité de renforcer la coopération sur le terrain entre les autorités policières et douanières des États membres et avec Europol et Eurojust. Les instances judiciaires, notamment les parquets, et Eurojust doivent être impliqués à un stade précoce, par exemple lors de la mise sur écoute téléphonique ou de la délivrance de mandats d'arrêt. Les opérations douanières, policières et/ou judiciaires communes devraient être fréquemment utilisées pour la coopération sur le terrain. Il convient de favoriser les structures communes de coopération dans les régions proches des frontières intérieures de l’Union. La Commission propose en outre de financer à l’avenir systématiquement les opérations communes de l’UE au titre des perspectives financières 2007-2013. Le Comité chargé d'assurer la sécurité intérieure , prévu à l’article III-261 du traité constitutionnel, devrait faciliter la coordination de l’action des autorités compétentes des États membres, en mettant l’accent sur la coopération opérationnelle.

30. Pour donner suite au livre vert consacré à cette question[24], la Commission procédera à une analyse d’impact et présentera un livre blanc relatif à une proposition législative visant à établir le Parquet européen à partir d’Eurojust, compétent pour les enquêtes, poursuites et jugements en matière d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au titre du futur traité constitutionnel[25]. Elle envisagera également la possibilité d’étendre les prérogatives du Parquet européen aux infractions graves ayant une dimension transfrontalière.

 

Améliorer le recours aux organes existants et renforcer ces derniers

 

31. Il importe de ratifier et de mettre en œuvre les instruments juridiques concernant Europol et Eurojust, dont les trois protocoles[26] à la convention Europol. Le rapport de la Commission sur la transposition juridique de la décision instituant Eurojust[27] a mis en évidence certains problèmes, par exemple, les différences entre pouvoirs judiciaires des États membres portant atteinte à l’efficacité de ladite décision.

32. Le potentiel d’Eurojust [28] et d’ Europol en matière de lutte contre la criminalité organisée doit encore être pleinement exploité par les États membres. Il convient de soumettre à Eurojust les affaires multilatérales importantes et de lui signaler les infractions graves transfrontalières. Le flux d’informations vers Europol est encore trop faible et il y a lieu de développer les moyens d'accroître la transmission systématique par les États membres de données de grande qualité relatives aux enquêtes en cours ou récemment clôturées. La mise en œuvre du système d’information Europol dans tous les États membres facilitera l’accès d’Europol aux informations relatives à la criminalité organisée.

33. Europol et Eurojust devraient être plus étroitement associés aux procédures d’enquête concernant des affaires de criminalité organisée transfrontalière et aux équipes communes d’enquête. Il convient de tirer parti des perspectives ouvertes par la législation en vigueur et le traité constitutionnel concernant leurs missions. Plus précisément, il faut envisager d'accroître la coordination par Europol et Eurojust des opérations transfrontalières et enquêtes criminelles complexes concernant des infractions graves et la criminalité organisée, en offrant un appui logistique, une expertise et la connaissance des meilleures pratiques et en recourant davantage à l’ accord Europol/Eurojust.

34. La formation et les programmes d’échanges systématiques devraient être encouragés par l’intermédiaire du CEPOL ainsi que par un financement communautaire. La Commission a proposé d’accroître l’ampleur et les effets de ces activités[29].

35. Bien que chargée essentiellement d’améliorer la mise en œuvre de l’acquis de Schengen relatif au contrôle des personnes aux frontières extérieures, l’ agence de gestion des frontières devrait fournir des renseignements et jouer un rôle dans la coordination d'opérations relatives à la criminalité organisée liée à l’immigration clandestine en collaboration avec les États membres et Europol, et élaborer un modèle intégré d’analyse de risque .

 

Améliorer la législation si nécessaire

 

36. Les infractions liées à la criminalité organisée transfrontière justifient par leur nature et leurs effets potentiels d’envisager une base commune dans l’Union pour lutter contre celles-ci. L’exemple le plus récent est la proposition de décision-cadre relative à la lutte contre la criminalité organisée[30] qui vise à arrêter une définition harmonisée des infractions que constituent les différentes formes de participation à une organisation criminelle et à établir les peines applicables. Selon la Commission, le rapprochement des législations devrait compléter la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaire en matière pénale[31]. Lors de l’adoption de la décision-cadre du Conseil relative au mandat d'arrêt européen[32], le Conseil est convenu «conformément à l'article 31, point e), du traité sur l'UE, de poursuivre les travaux relatifs au rapprochement des infractions énumérées à l'article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre, en vue d'arriver à un accord juridique entre les États membres»[33]. La Commission étudiera par conséquent la portée de nouvelles mesures de rapprochement de la législation en matière pénale, par exemple dans le domaine de la contrefaçon, du trafic d’armes, de la fraude, notamment de la fraude fiscale et de l’usurpation d’identité, de la criminalité environnementale, du racket et de l’extorsion.

 

Améliorer le suivi et l'évaluation

 

37. Plusieurs instruments prévoient actuellement d’évaluer la politique en matière de criminalité organisée ou contribuent à cette évaluation. Il convient de les perfectionner, puisque le programme de La Haye préconise d' évaluer la mise en œuvre ainsi que les effets des politiques de l’Union dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice. La Commission considère que l’évaluation revêt une importance fondamentale et présentera son opinion à ce sujet en 2006, eu égard à l' article III-260 du traité constitutionnel. Dans le contexte de la criminalité organisée, le futur rapport de l’UE sur la criminalité et les évaluations européennes de la menace que constitue la criminalité organisée (cf. section 2.1.) seront des instruments importants pour élaborer un mécanisme d’évaluation des questions liées à la criminalité organisée. En raison de leur incidence horizontale, il convient d’évaluer prioritairement la coopération douanière et les politiques de lutte contre la corruption et contre la criminalité financière, ainsi qu’annoncé dans différentes communications[34].

 

Renforcer la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales

 

38. À une époque de frontières ouvertes, d’intégration mondiale et d’interdépendance, la sécurité intérieure de l’UE est indissociablement liée aux aspects externes de la sécurité. La dimension extérieure de la réponse apportée par l’UE à la criminalité organisée et à d'autres menaces affectant la sécurité a pris une ampleur considérable au cours des dernières années. Il convient d’améliorer encore les initiatives bilatérales, régionales et internationales .

39. La coopération visant à faire face à la criminalité organisée devrait être renforcée avec les pays tiers prioritaires , par l’intermédiaire d’accords et d’autres instruments. Une telle coopération devrait couvrir la promotion des critères de référence européens et des normes internationales dans ce domaine .

40. L’UE devrait encourager et soutenir le développement de stratégies et modes de coopération régionaux pour lutter contre la criminalité organisée, notamment dans les régions limitrophes de l’UE.

41. Elle devrait soutenir sans réserve le développement de stratégies multilatérales pour lutter contre la criminalité organisée, garantir une ratification et une mise en œuvre globales des instruments internationaux, comme les conventions des Nations unies sur la criminalité transnationale organisée et la corruption, et permettre l’élaboration de normes et dispositions internationales dans d’autres enceintes, comme le Conseil de l’Europe, le G8, le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, l’OSCE et l’OCDE.

42. Une coopération directe entre Europol et Eurojust , d’une part, et les pays et/ou organes tiers , d’autre part, est fondamentale pour faire naître une dimension européenne dans le domaine de la coopération policière et judiciaire au-delà des frontières de l’UE. Il convient d’approfondir la stratégie 2004-2006 d’Europol en matière de relations extérieures[35] et Eurojust devrait développer sa propre stratégie dans ce domaine.

 

Fixer des priorités pour aborder certaines formes de criminalité organisée au niveau de l’UE et assurer un suivi

 

43. Un consensus a été trouvé au sein du groupe multidisciplinaire du Conseil en vue d’analyser le rapport d’Europol sur la criminalité organisée, de consulter Eurojust et Europol et de transmettre ensuite les résultats aux organes compétents du Conseil afin de définir un nombre limité de priorités stratégiques annuelles en matière de lutte contre la criminalité organisée[36].

44. Selon le programme de La Haye, à compter de 2006, le Conseil devrait s’appuyer sur les évaluations annuelles de la menace en matière de criminalité organisée, effectuées par Europol, pour définir ses priorités stratégiques. Afin de permettre à Europol de s’acquitter de cette obligation, les travaux relatifs à la répression fondée sur le renseignement doivent être poursuivis sans délai, ce qui nécessitera des efforts importants, non seulement de la part d’Europol, mais aussi des États membres et des organes compétents de l’UE (cf. section 2.1.)

 

Résumé du suivi donné aux conclusions du rapport d’évaluation à mi-parcours de la stratégie du millénaire

 

45. Les conclusions de l’évaluation à mi-parcours de la stratégie du millénaire ont défini six recommandations en vue d’actions ultérieures. Il a été donné suite à celle concernant le trafic de drogue grâce à l’adoption par le Conseil d’une décision-cadre rapprochant les dispositions législatives dans le domaine du trafic de drogue en octobre 2004[37]. Les travaux de suivi relatifs aux cinq autres recommandations sont en cours. La Commission a proposé une mesure législative[38] et a adopté un livre blanc sur l’ échange d’informations relatives aux condamnations pénales [39]; une communication sur les déchéances suivra dans le courant de l’année 2005. La proposition de troisième directive relative au blanchiment de capitaux[40] comporte une disposition visant à empêcher les paiements en espèces de montants importants à des fins de blanchiment de capitaux. L’élaboration de statistiques criminelles comparables est un projet à long terme à l’égard duquel la Commission est engagée avec d’autres parties prenantes. Elle présentera en 2005 un plan d’action sur les statistiques criminelles de l’UE. Une étude a été lancée sur la fraude fiscale et ses résultats sont attendus pour juillet 2005. Dans le respect de leurs cadres juridiques respectifs, la Commission (OLAF) et Europol accorderont une assistance aux États membres sous la forme d’une plate-forme de services pour les opérations douanières conjointes en 2005. Enfin, la Commission travaille actuellement sur une proposition concernant la protection des témoins et des collaborateurs de justice .

 

Les perspectives d'avenir

 

46. La présente communication définit le concept stratégique portant sur la lutte contre la criminalité organisée en termes d'objectifs. L’annexe 1 comporte une liste d’actions de mise en œuvre prévues dans un délai de cinq ans. Après son adoption par le Conseil, le concept stratégique portant sur la lutte contre la criminalité organisée devrait compléter le plan d’action de mise en œuvre du programme de La Haye, puisqu’il contribue à renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union. L’élaboration et l’intégration des différents éléments d’un modèle européen fondé sur le renseignement criminel constituent la tâche la plus importante à l’avenir et elle nécessitera un effort conjoint des États membres et des institutions et organes de l’UE.

47. Le concept stratégique devrait être considéré comme un document évolutif. La Commission est invitée à présenter au Conseil un rapport annuel sur la mise en œuvre du programme de La Haye (tableau de bord) qui comporterait un rapport sur l’état d’avancement des travaux relatifs à ce concept stratégique. Il pourrait sinon faire l’objet d’une évaluation distincte, cadrant avec le processus annuel de définition des priorités stratégiques en matière de lutte contre la criminalité organisée au niveau de l’UE.

48. Une évaluation spécifique du concept stratégique est recommandée à la fin de l’année 2006 afin de fournir un point de référence avant la mise en œuvre des perspectives financières 2007-2013 et en vue de l’entrée en vigueur du traité constitutionnel.

 

[1] JO C 53 du 3.3.2005, p.1

[2] Programme d'action relatif à la criminalité organisée (JO C 251 du 15.8.1997), résolution du Conseil relative à la prévention de la criminalité organisée (JO C 408 du 29.12.1998) et plan d’action de Vienne (JO C 19 du 23.1.1999)

[3] JO C 124 du 3.5.2000.

[4] Doc. 15050/04 CRIMORG 138; doc. 13463/2/04 REV2 CRIMORG 105.

[5] Voir l’action commune relative à l'incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les États membres de l'Union européenne (JO L 333 du 9.12.1998); le document 6204/2/97 ENFOPOL 35 REV 2 et l’article 2 de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (A/RES/55/25).

[6] Notamment les initiatives visées dans le programme de La Haye, p. ex., la stratégie antidrogue de l’Union européenne 2005-2012 (doc. 15074/04).

[7] Doc. 10925/03 CRIMORG 49 dont le Conseil JAI des 2 et 3 octobre 2003 a pris note.

[8] Doc. 12557/04 CRIMORG 79, doc. 14125/2/04 REV2 CRIMORG 123.

[9] Cf. COM (2003) 317; Résolution du Parlement européen n° A5-0367/2003.

[10] A/58/422.

[11] Doc. 16302/04 CRIMORG 96.

[12] Le programme «Mezzogiorno» mis en œuvre par l’Italie constitue une exception notable; cf. aussi la communication de la Commission intitulée «Orientations indicatives complémentaires pour les pays candidats », COM(2003) 110.

[13] JO C 197 du 12.7.2000, p. 1; JO C 326 du 21.11.2001, p. 1.

[14] JO L 162 du 20.6.2002, p.1.

[15] COM(2003) 688.

[16] COM(2005) 195.

[17] Doc. 16238/04 CONCL 4, doc. 16089/04 JAI 566.

[18] JO C 327 du 7.12.1995, p. 5; JO C 10 du 11.1.1996, p. 1.

[19] Déclaration sur la lutte contre le terrorisme du 25 mars 2004.

[20] «Principes de base de la coopération policière dans l'Union européenne dans le domaine de la protection des témoins» et «Critères communs pour admettre un témoin dans un programme de protection»; tous deux «restreints UE».

[21] Décision-cadre 2003/577/JAI du 22.7.2003; Décision-cadre 2005/212/JAI du 24.2.2005; un accord politique a été trouvé en juin 2004 au sujet d’un projet de décision-cadre relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation.

[22] COM(2004) 448.

[23] Voir note de bas de page n° 16.

[24] COM(2001) 715 final du 11.12.2001, «Livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un Procureur européen».

[25] Communication de la Commission - Protection des intérêts financiers des Communautés - Lutte antifraude - Plan d'action 2004-2005, COM(2004) 544 final.

[26] JO C 358 du 13.12.2000, p. 1; JO C 312 du 16.12.2002, p. 1; JO C 2 du 6.1.2004, p. 1.

[27] COM(2004) 457.

[28] Conclusions du Conseil relatives à une meilleure utilisation d'Eurojust, doc. 15285/04, doc. 12561/4/04 REV4.

[29] COM(2004) 623.

[30] COM(2005) 6.

[31] Point 17.

[32] JO L 190 du 18.7.2002, p.1.

[33] Doc. 9958/02 ADD1 REV1 JAI 138.

[34] COM(2003) 317, COM(2004) 262 et COM(2004) 376.

[35] Doc. 12660/04 CRIMORG 44.

[36] Doc. 16183/04 CRIMORG 152.

[37] JO L 335 du 11.11.2004, p. 8.

[38] COM(2004) 664.

[39] COM(2005) 10.

[40] COM(2004) 448.

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