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CJUE, 9 septembre 2015, aff. C-240/14, Eleonore Prüller-Frey c/ Norbert Brodnig et Axa Versicherung AG

 

 

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

9 septembre 2015 (*)

 

 

«Renvoi préjudiciel – Responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident – Action en indemnisation – Convention de Montréal – Règlement (CE) n° 2027/97 – Vol effectué à titre gratuit par le propriétaire d’un immeuble dans le but de présenter cet immeuble à un possible acheteur – Règlement (CE) n° 864/2007 – Action directe prévue par le droit national contre l’assureur de responsabilité civile»

Dans l’affaire C‑240/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesgericht Korneuburg (Autriche), par décision du 12 mai 2014, parvenue à la Cour le 12 mai 2014, dans la procédure

Eleonore Prüller-Frey

contre

Norbert Brodnig,

Axa Versicherung AG,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. S. Rodin (rapporteur), A. Borg Barthet, E. Levits et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 mars 2015,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Prüller-Frey, par Me A. Weinzierl, Rechtsanwalt,

–        pour M. Brodnig et Axa Versicherung AG, par Me F. Hörlsberger, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement français, par Mme M. Hours, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Braun, M. Wilderspin, F. Wilman et K.-P. Wojcik, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 mai 2015,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, paragraphe 1, 17, 29 et 33 de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999 et approuvée au nom de l’Union européenne par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001 (JO L 194, p. 38, ci-après la «convention de Montréal»), de l’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement (CE) n° 2027/97 du Conseil, du 9 octobre 1997, relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en ce qui concerne le transport aérien de passagers et de leurs bagages (JO L 285, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 889/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 13 mai 2002 (JO L 140, p. 2, ci-après le «règlement n° 2027/97»), de l’article 3, sous c) et g), du règlement (CE) n° 785/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, relatif aux exigences en matière d’assurance applicables aux transporteurs aériens et aux exploitants d’aéronefs (JO L 138, p. 1), de l’article 67 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001 L 12, p. 1), de l’article 18 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles («Rome II») (JO L 199, p. 40), ainsi que de l’article 7, paragraphe 1, sous f), de la deuxième directive 88/357/CEE du Conseil, du 22 juin 1988, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 73/239/CEE (JO L 172, p. 1), telle que modifiée par la directive 92/49/CEE du Conseil, du 18 juin 1992 (JO L 228, p. 1, ci-après la «directive 88/357»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Prüller-Frey à M. Brodnig et à Axa Versicherung AG (ci-après «Axa»), société d’assurances allemande, au sujet de l’indemnisation des dommages actuels et futurs subis par Mme Prüller-Frey du fait d’un accident aérien.

Le cadre juridique

Le droit international

3        L’article 1er, paragraphe 1, de la convention de Montréal se lit comme suit:

«La présente convention s’applique à tout transport international de personnes, bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. Elle s’applique également aux transports gratuits effectués par aéronef par une entreprise de transport aérien.»

Le droit de l’Union

4        Selon l’article 1er du règlement n° 2027/97:

«Le présent règlement met en œuvre les dispositions pertinentes de la convention de Montréal relatives au transport aérien de passagers et de leurs bagages, et fixe certaines dispositions supplémentaires. Il étend également l’application de ces dispositions aux transports aériens effectués sur le territoire d’un seul État membre.»

5        L’article 2, paragraphe 1, dudit règlement dispose:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

a)      ‘transporteur aérien’: une entreprise de transport aérien titulaire d’une licence d’exploitation valable;

b)      ‘transporteur aérien communautaire’: un transporteur aérien titulaire d’une licence d’exploitation valable délivrée par un État membre conformément aux dispositions du règlement (CEE) n° 2407/92 [du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant les licences des transporteurs aériens (JO L 240, p. 1)];

c)      ‘personne ayant droit à indemnisation’: le passager ou toute personne pouvant prétendre à réparation au titre dudit passager conformément au droit applicable;

[...]»

6        Le règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (refonte) (JO L 293, p. 3), a abrogé, avec effet au 1er novembre 2008, le règlement n° 2407/92.

7        L’article 2 du règlement n° 1008/2008 est ainsi libellé:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[...]

4)      ‘service aérien’: un vol ou une série de vols transportant, à titre onéreux et/ou en vertu d’une location, des passagers, du fret et/ou du courrier;

5)      ‘vol’: un départ d’un aéroport déterminé vers un aéroport de destination déterminé;

6)      ‘vol local’: un vol n’impliquant pas de transport de passagers, de courrier et/ou de fret entre différents aéroports ou autres points d’atterrissage agréés;

[...]»

8        L’article 3 dudit règlement dispose:

«1.      Aucune entreprise établie dans la Communauté n’est autorisée à effectuer, à titre onéreux et/ou en vertu d’une location, des transports aériens de passagers, de courrier et/ou de fret, à moins que la licence d’exploitation appropriée ne lui ait été délivrée.

Toute entreprise satisfaisant aux exigences fixées dans le présent chapitre peut obtenir une licence d’exploitation.

[...]

3.      Sans préjudice de toute autre disposition applicable du droit communautaire, national ou international, les catégories suivantes de services aériens ne sont pas soumises à l’obligation de détenir une licence d’exploitation en cours de validité:

a)      les services aériens assurés par des aéronefs non entraînés par un organe moteur et/ou par des ultralégers motorisés; et

b)      les vols locaux.»

9        L’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 785/2004 énonce: 

«Le présent règlement ne s’applique pas:

[...]

g)      aux aéronefs, y compris les planeurs, d’une MMD inférieure à 500 kg et les ULM, qui:

–        sont utilisés pour des opérations non commerciales ou

–        sont utilisés pour l’enseignement du pilotage au niveau local sans franchissement de frontières internationales,

dans la mesure où cela concerne les exigences en matière d’assurance prévues par le présent règlement applicables aux risques liés aux actes de guerre et au terrorisme.»

10      L’article 4 du règlement n° 864/2007 prévoit:

«1.      Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.

2.      Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s’applique.

3.      S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s’applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu’un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question.»

11      L’article 18 dudit règlement dispose:

«La personne lésée peut agir directement contre l’assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l’obligation non contractuelle ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoit.»

12      Aux termes de l’article 1er de la première directive 73/239/CEE du Conseil, du 24 juillet 1973, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’accès à l’activité de l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie, et son exercice (JO L 228, p. 3), telle que modifiée par la directive 88/357 (ci-après la «directive 73/239»):

«1.      La présente directive concerne l’accès à l’activité non salariée de l’assurance directe, y compris l’activité d’assistance visée au paragraphe 2, pratiquée par les entreprises qui sont établies sur le territoire d’un État membre ou qui désirent s’y établir, ainsi que l’exercice de cette activité.

[...]

3.      La classification par branche des activités visées au présent article est indiquée à l’annexe.»

13      L’article 5 de la directive 73/239 prévoit:

«Au sens de cette directive, il faut entendre par:

[...]

d)      grands risques:

i)      les risques classés sous les branches 4, 5, 6, 7, 11 et 12 du point A de l’annexe;

[...]»

14      L’annexe de ladite directive précise:

«A.      Classification des risques par branches

[...]

5.      Corps de véhicules aériens

Tout dommage subi par les véhicules aériens

[...]

11.      R.C. véhicules aériens

Toute responsabilité résultant de l’emploi de véhicules aériens (y compris la responsabilité du transporteur).

[...]»

15      L’article 7, paragraphe 1, de la directive 88/357 énonce:

«La loi applicable aux contrats d’assurance visés par la présente directive et couvrant des risques situés dans les États membres est déterminée conformément aux dispositions suivantes:

[...]

f)      Pour les risques visés à l’article 5 point d) de la directive 73/239/CEE, les parties ont le libre choix de la loi applicable.

[...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16      Le 30 août 2010, Mme Prüller-Frey, alors domiciliée et résidant à titre habituel en Autriche, a survolé, à bord d’un autogire, modèle «Calidus», d’une masse maximale au décollage (MMD) de 450 kilogrammes, piloté par M. Preiss, une plantation d’aloe vera, en vue de l’éventuelle acquisition de cette plantation.

17      Avant ce vol, M. Preiss, qui était propriétaire de cet autogire, avait sollicité l’assistance de M. Brodnig afin que celui-ci l’aide à conclure un contrat d’assurance à un prix attractif. Étant donné que M. Brodnig avait effectué un nombre d’heures de vol plus important que M. Preiss et que le montant de la prime d’assurance est calculé en fonction du nombre d’heures de vol, M. Brodnig, qui avait déclaré à la fois une résidence en Espagne, où il vivait depuis 2007, et une résidence en Autriche, a accepté de conclure, le 6 mai 2009, en qualité de détenteur de l’autogire en cause au principal, un contrat d’assurance avec Axa, ayant pour objet la couverture multirisque de la responsabilité civile du détenteur de cet autogire et des passagers de celui-ci.

18      Cette police d’assurance définissait ainsi l’affectation de l’autogire en cause au principal: «vols d’affaires, vols privés, vols de démonstration en vue d’une vente». Le libellé de ladite police d’assurance précisait que celle-ci était soumise au droit allemand et que les juridictions compétentes pour statuer sur les recours fondés sur cette dernière étaient «celles de la République fédérale d’Allemagne». Cette même police d’assurance n’excluait toutefois pas, ainsi que le précisait également son libellé, «d’autres chefs de compétence juridictionnelle obligatoires en vertu du droit allemand».

19      L’autogire en cause au principal a décollé de Medina Sidonia (Espagne) et a été impliqué dans un accident à proximité de Jerez de la Frontera (Espagne).

20      Mme Prüller-Frey, qui avait subi des lésions corporelles lors de cet accident, a saisi le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg) aux fins de voir condamner les parties défenderesses à lui payer la somme de 142 946,40 euros, majorée des intérêts au taux de 4 % à compter du 2 octobre 2012, ainsi que de voir constater la responsabilité solidaire de ces dernières pour l’ensemble des dommages futurs ayant un rapport causal avec ledit accident, les responsabilités devant toutefois être plafonnées pour M. Brodnig à la limite légale de la responsabilité et pour Axa au montant assuré par le contrat d’assurance en cause au principal.

21      Dans le cadre de la procédure devant le Landesgericht Korneuburg, les parties défenderesses contestent la compétence des juridictions autrichiennes pour connaître du litige au principal et ajoutent que le droit espagnol, et non le droit autrichien, est applicable à celui-ci. Ils considèrent que la possibilité pour Mme Prüller-Frey d’intenter une action directe contre Axa dépend de la police d’assurance en cause au principal. Or, étant donné que celle-ci est soumise au droit allemand, lequel interdit d’engager une telle action, et que la situation au principal est régie par le droit espagnol, lequel ignore la procédure de l’action directe, le recours de Mme Prüller-Frey devrait être rejeté. Les parties au principal conviennent néanmoins que l’assurance en cause est obligatoire et que la convention de Montréal n’est pas applicable aux faits au principal.

22      La juridiction de renvoi émet des doutes en ce qui concerne l’inapplicabilité de la convention de Montréal aux faits au principal, en raison de l’extension de l’application de celle-ci aux vols internes en vertu du règlement n° 2027/97. À cet égard, cette juridiction cherche à déterminer le régime de responsabilité auquel doivent être soumis ces faits ainsi que, dans l’hypothèse où cette convention ne serait pas applicable, s’il convient d’interpréter l’article 18 du règlement n° 864/2007 comme autorisant Mme Prüller-Frey à introduire une action directe contre Axa en vertu de la loi applicable à l’obligation non contractuelle, indépendamment de la loi applicable au contrat d’assurance en cause au principal choisie par M. Brodnig et Axa.

23      Dans ces conditions, le Landesgericht Korneuburg a décidé, compte tenu des doutes qu’il nourrit sur l’interprétation du droit de l’Union, de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement n° 2027/97, l’article 3, sous c) et g), du règlement n° 785/2004 ainsi que l’article 1er, paragraphe 1, de la convention de Montréal doivent-ils être interprétés en ce sens que la demande d’indemnisation de la personne lésée

–        qui se trouvait à bord d’un aéronef ayant pour lieux de décollage et d’atterrissage un même lieu situé dans un État membre,

–        qui a été transportée à titre gratuit par le pilote,

–        pour un vol d’observation aérienne d’un bien immobilier, dans le cadre d’un projet de transaction immobilière avec le pilote, et

–        ayant subi des lésions corporelles en raison de la chute de l’aéronef,

doit être examinée uniquement sur le fondement de l’article 17 de la convention de Montréal et que le droit national n’est pas applicable?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 33 de la convention de Montréal et l’article 67 du règlement n° 44/2001 doivent-ils être interprétés en ce sens que la compétence pour instruire et juger la demande d’indemnisation visée à la première question doit être examinée uniquement sur le fondement de l’article 33 de la convention de Montréal?

3)      En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 29 de la convention de Montréal et l’article 18 du règlement n° 864/2007 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des dispositions nationales qui prévoient l’action directe de la personne lésée visée à la première question contre l’assureur en responsabilité civile de l’auteur du dommage?

4)      En cas de réponse négative à la première question, l’article 7, paragraphe 1, sous f), de la directive 88/357 et l’article 18 du règlement n° 864/2007 doivent-ils être interprétés en ce sens que les conditions de l’action directe de la personne lésée visée à la première question contre l’assurance en responsabilité civile de l’auteur du dommage doivent être examinées sur le fondement du droit d’un troisième État, lorsque

–        la lex loci delicti prévoit l’action directe dans sa loi sur le contrat d’assurance,

–        les parties au contrat d’assurance font le choix du droit applicable, en désignant l’ordre juridique d’un troisième État,

–        le choix dont il ressort que le droit applicable est celui de l’État du siège de l’assureur, et que

–        l’ordre juridique de cet État prévoit également l’action directe dans sa loi sur le contrat d’assurance?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

24      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, s’il convient d’interpréter l’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement n° 2027/97 ainsi que l’article 1er, paragraphe 1, de la convention de Montréal en ce sens qu’une demande d’indemnisation introduite par une personne qui, alors qu’elle se trouvait à bord d’un aéronef ayant pour lieux de décollage et d’atterrissage un même lieu situé dans un État membre, et était transportée à titre gratuit pour un vol d’observation aérienne d’un bien immobilier dans le cadre d’un projet de transaction immobilière avec le pilote de cet aéronef, a subi des lésions corporelles en raison de la chute dudit aéronef doit être examinée uniquement sur le fondement de l’article 17 de la convention de Montréal, l’application du droit national étant alors exclue.

25      Pour répondre à cette question, il y a lieu de déterminer, à titre liminaire, si la convention de Montréal est applicable à l’affaire au principal.

26      À cet égard, il importe de souligner que, selon l’article 1er du règlement n° 2027/97, celui-ci met en œuvre les dispositions pertinentes de la convention de Montréal relatives au transport aérien de passagers et de leurs bagages, et fixe certaines dispositions supplémentaires.

27      Dès lors, afin de déterminer si la convention de Montréal est applicable à l’affaire au principal, il y a lieu de rechercher si celle-ci relève du champ d’application du règlement n° 2027/97.

28      À ces fins, il y a lieu de rappeler que l’article 1er de ce règlement a rendu ladite convention applicable aux transports aériens effectués sur le territoire d’un seul État membre.

29      Cependant, ledit règlement ne s’applique qu’aux «transporteurs aériens», au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de celui-ci, à savoir aux entreprises de transport aérien, titulaires d’une licence d’exploitation valable, ainsi qu’aux «transporteurs aériens communautaires», au sens de son article 2, paragraphe 1, sous b), à savoir aux transporteurs aériens titulaires d’une licence d’exploitation valable délivrée par un État membre conformément aux dispositions du règlement n° 2407/92.

30      À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que les parties défenderesses ne relèvent pas de la notion de «transporteur aérien» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 2027/97, puisqu’elles ne sont pas des entreprises de transport aérien, titulaires d’une licence d’exploitation valable.

31      De surcroît, les parties défenderesses en cause au principal ne relèvent pas non plus de la notion de «transporteur aérien communautaire» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2027/97, étant donné qu’elles ne sont pas des transporteurs aériens titulaires d’une licence d’exploitation valable délivrée par un État membre conformément aux dispositions du règlement n° 2407/92.

32      Ce constat est, par ailleurs, corroboré par les circonstances que le vol en cause au principal, qui, effectué à titre gratuit à l’intérieur d’un État membre, avait pour objectif la conclusion éventuelle d’une transaction immobilière et n’impliquait pas le transport de passagers entre différents aéroports ou autres points d’atterrissage agréés, constituait un «vol local» au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 6, du règlement n° 1008/2008 et que, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, sous b), de ce règlement, un vol de cette nature n’est pas soumis à l’obligation de détenir une licence d’exploitation.

33      Dans ces conditions, étant donné que les parties défenderesses au principal ne sauraient être considérées comme des «transporteurs aériens» ni a fortiori comme des «transporteurs aériens communautaires», au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 2027/97, l’affaire au principal ne relève pas du champ d’application de ce règlement.

34      Par conséquent, la convention de Montréal, laquelle n’est applicable aux vols à l’intérieur d’un seul État membre qu’à la condition que ceux-ci relèvent du champ d’application du règlement n° 2027/97, n’est pas applicable à l’affaire au principal.

35      Il résulte de tout ce qui précède que l’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement n° 2027/97 et l’article 1er, paragraphe 1, de la convention de Montréal doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que soit examinée sur le fondement de l’article 17 de cette convention la demande d’indemnisation introduite par une personne qui, alors qu’elle se trouvait à bord d’un aéronef ayant pour lieux de décollage et d’atterrissage un même lieu situé dans un État membre, et était transportée à titre gratuit pour un vol d’observation aérienne d’un bien immobilier dans le cadre d’un projet de transaction immobilière avec le pilote de cet aéronef, a subi des lésions corporelles en raison de la chute dudit aéronef.

36      Eu égard à la réponse négative donnée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.

Sur la quatrième question

37      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, s’il convient d’interpréter l’article 18 du règlement n° 864/2007 comme permettant, dans une situation telle que celle au principal, l’exercice, par une personne lésée, d’une action directe contre l’assureur de la personne devant réparation, lorsqu’une telle action est prévue par la loi applicable à l’obligation non contractuelle, qui sert de base à la demande d’indemnisation, indépendamment de ce qui est prévu par la loi applicable au contrat d’assurance choisie par les parties à ce contrat.

38      Pour répondre à cette question, il convient de rappeler qu’il ne saurait être exclu que, dans certaines circonstances, la responsabilité pour le dommage causé par la chute d’un aéronef relève de la catégorie des obligations non contractuelles au sens de l’article 2 du règlement n° 864/2007.

39      Dans un tel cas, une personne lésée dispose de la possibilité d’agir contre l’assureur de la personne devant réparation lorsque, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 18 du règlement n° 864/2007, la loi applicable à l’obligation non contractuelle ou la loi applicable au contrat d’assurance concerné le prévoit.

40      Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 75 de ses conclusions, l’article 18 du règlement n° 864/2007 ne constitue pas une règle de conflit de lois au regard du droit matériel applicable à la détermination de l’obligation incombant à l’assureur ou à la personne assurée en vertu d’un contrat d’assurance.

41      Cet article se borne à permettre l’introduction d’une action directe dans le cas où l’une des lois qu’il énumère autorise une telle possibilité.

42      Or, le droit pour la personne lésée d’agir directement contre l’assureur de la personne devant réparation est dépourvu d’incidence sur les obligations contractuelles des parties au contrat d’assurance concerné. De même, le choix, effectué par ces parties, de la loi applicable à ce contrat n’a pas non plus d’incidence sur le droit de cette personne lésée d’introduire une action directe en vertu de la loi applicable à l’obligation non contractuelle.

43      Par conséquent, aux fins de déterminer si, en l’occurrence, Mme Prüller-Frey peut agir directement contre Axa, il incombe à la juridiction de renvoi de rechercher si la loi applicable à l’obligation non contractuelle en cause au principal, déterminée conformément à l’article 4 du règlement n° 864/2007, ou la loi applicable au contrat d’assurance conclu entre Axa et M. Brodnig permet l’introduction d’une telle action.

44      À cet égard, la loi applicable au contrat d’assurance concerné ne saurait faire obstacle à ce qu’une action directe soit intentée, le cas échéant, sur la base de la loi applicable à l’obligation non contractuelle.

45      Il ressort de tout ce qui précède que l’article 18 du règlement n° 864/2007 doit être interprété en ce sens qu’il permet, dans une situation telle que celle au principal, l’exercice, par une personne lésée, d’une action directe contre l’assureur de la personne devant réparation, lorsqu’une telle action est prévue par la loi applicable à l’obligation non contractuelle, indépendamment de ce qui est prévu par la loi applicable au contrat d’assurance choisie par les parties à ce contrat.

 Sur les dépens

46      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      L’article 2, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement (CE) n° 2027/97 du Conseil, du 9 octobre 1997, relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en ce qui concerne le transport aérien de passagers et de leurs bagages, tel que modifié par le règlement (CE) n° 889/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 13 mai 2002, et l’article 1er, paragraphe 1, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999 et approuvée au nom de l’Union européenne par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que soit examinée sur le fondement de l’article 17 de cette convention la demande d’indemnisation introduite par une personne qui, alors qu’elle se trouvait à bord d’un aéronef ayant pour lieux de décollage et d’atterrissage un même lieu situé dans un État membre, et était transportée à titre gratuit pour un vol d’observation aérienne d’un bien immobilier dans le cadre d’un projet de transaction immobilière avec le pilote de cet aéronef, a subi des lésions corporelles en raison de la chute dudit aéronef.

2)      L’article 18 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles («Rome II»), doit être interprété en ce sens qu’il permet, dans une situation telle que celle au principal, l’exercice, par une personne lésée, d’une action directe contre l’assureur de la personne devant réparation, lorsqu’une telle action est prévue par la loi applicable à l’obligation non contractuelle, indépendamment de ce qui est prévu par la loi applicable au contrat d’assurance choisie par les parties à ce contrat.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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