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CJUE, 23 décembre 2015, aff. C-297/14, Rüdiger Hobohm contre Benedikt Kampik Ltd & Co. KG, Benedikt Aloysius Kampik, Mar Mediterraneo Werbe- und Vertriebsgesellschaft für Immobilien SL

 

 

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

23 décembre 2015 (*)

 

«Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile et commerciale – Règlement (CE) n° 44/2001 – Compétence judiciaire en matière de contrats conclus par les consommateurs – Articles 15, paragraphe 1, sous c), et 16, paragraphe 1 – Notion d’activité commerciale ou professionnelle ‘dirigée vers’ l’État membre du domicile du consommateur – Contrat de gestion d’affaires servant à la réalisation de l’objectif économique poursuivi au moyen d’un contrat de courtage conclu auparavant dans l’exercice d’une activité commerciale ou professionnelle ‘dirigée vers’ l’État membre du domicile du consommateur – Lien étroit»

Dans l’affaire C‑297/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 15 mai 2014, parvenue à la Cour le 17 juin 2014, dans la procédure

Rüdiger Hobohm

contre

Benedikt Kampik Ltd & Co. KG,

Benedikt Aloysius Kampik,

Mar Mediterraneo Werbe- und Vertriebsgesellschaft für Immobilien SL,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur), Mmes A. Prechal et K. Jürimäe, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes et Mme A. Fonseca Santos, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement suisse, par Mme M. Jametti, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme A.-M. Rouchaud-Joët et M. W. Bogensberger, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), lu en combinaison avec l’article 16, paragraphe 1, de ce règlement.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Hobohm, domicilié en Allemagne, à Benedikt Kampik Ltd & Co. KG, à M. Kampik et à Mar Mediterraneo Werbe- und Vertriebsgesellschaft für Immobilien SL, établis en Espagne, au sujet du remboursement de sommes d’argent mises à la disposition de M Kampik par M. Hobohm.

 Le cadre juridique

 Le règlement n° 44/2001

3        Il ressort du considérant 2 du règlement n° 44/2001 que celui-ci vise, dans l’intérêt du bon fonctionnement du marché intérieur, à mettre en œuvre «[d]es dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l’exécution rapides et simples des décisions émanant des États membres liés par le présent règlement».

4        Les considérants 11 à 13, 15 et 19 de ce règlement énoncent:

«(11)       Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de juridictions.

(12)      Le for du domicile du défendeur doit être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice.

(13)      S’agissant des contrats d’assurance, de consommation et de travail, il est opportun de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales.

[...]

(15)      Le fonctionnement harmonieux de la justice commande de réduire au maximum la possibilité de procédures concurrentes et d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans deux États membres. [...]

[...]

(19)      Pour assurer la continuité nécessaire entre la convention [du 27 septembre 1968 concernant la compétence juridictionnelle et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32, ci-après la ‘convention de Bruxelles’)] et le présent règlement, il convient de prévoir des dispositions transitoires. La même continuité doit être assurée en ce qui concerne l’interprétation des dispositions de la convention de Bruxelles par la Cour de justice [de l’Union européenne] [...]»

5        Les règles de compétence que ledit règlement établit figurent sous le chapitre II de celui-ci. La section 1 de ce chapitre, intitulée «Dispositions générales», comprend notamment les articles 2 et 3, tandis que la section 4 dudit chapitre concerne la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs et regroupe les articles 15 à 17.

6        L’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 dispose que, sous réserve des autres dispositions que ce règlement prévoit, «les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre».

7        L’article 3, paragraphe 1, dudit règlement est libellé comme suit:

«Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre.»

8        L’article 15, paragraphe 1, sous c), du même règlement prévoit:

«En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, point 5:

[...]

c)      lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.»

9        Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001:

«L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

10      Il ressort de la décision de renvoi que M. Kampik, qui exerce ses activités professionnelles en Espagne, a servi, au cours de l’année 2005, d’intermédiaire entre M. Hobohm et Kampik Immobilien KG pour l’acquisition d’un appartement (ci-après le «contrat de courtage») au sein d’un complexe touristique situé à Denia (Espagne), lequel devait être construit par un promoteur allemand.

11      Les appartements faisant partie de ce complexe touristique ont été commercialisés, notamment en Allemagne, au moyen d’un prospectus rédigé en langue allemande.

12      Le 17 juin 2006, le promoteur dudit complexe touristique, en qualité de vendeur, et M. Hobohm ainsi que son épouse (ci-après les «époux Hobohm»), en qualité d’acheteurs, ont conclu le contrat de vente de l’appartement situé à Denia visé par le contrat de courtage (ci-après le «contrat de vente»).

13      Après l’acquittement par les époux Hobohm des deux premières tranches du prix d’achat de leur appartement pour un montant de 62 490 euros, le promoteur a rencontré, au cours de l’année 2008, des difficultés financières qui ont compromis l’achèvement de la construction du complexe touristique.

14      M. Kampik a alors proposé à M. Hobohm de réaliser des travaux de finition de son appartement. Les époux Hobohm se sont rendus en Espagne où ils ont signé une procuration notariée confiant à M. Kampik le soin de défendre leurs intérêts afférents au contrat de vente (ci-après le «contrat de gestion d’affaires»).

15      M. Hobohm a remis à M. Kampik un chèque au porteur d’un montant de 27 647 euros, somme qui correspondait à une partie de la troisième tranche du prix d’achat de l’appartement. M. Kampik a fait encaisser ce chèque sur le compte de Mar Mediterraneo Werbe- und Vertriebsgesellschaft für Immobilien SL. Au cours de l’année 2009, M. Hobohm a versé à M. Kampik un montant supplémentaire de 1 448,72 euros.

16      Des désaccords étant survenus entre les parties au contrat de gestion d’affaires à la suite de la faillite du promoteur, les époux Hobohm ont révoqué la procuration qu’ils avaient accordée à M. Kampik.

17      Par la suite, M. Hobohm a saisi le Landgericht Stade (tribunal régional de Stade), dans le ressort duquel il est domicilié, d’une demande de remboursement des sommes qu’il avait versées à M. Kampik. Cette juridiction a rejeté, par décision du 21 septembre 2011, son recours comme étant irrecevable pour défaut de compétence territoriale.

18      L’appel introduit devant l’Oberlandesgericht Celle (tribunal régional supérieur de Celle) par M. Hobohm contre la décision du Landgericht Stade (tribunal régional de Stade) a été rejeté par décision du 18 juillet 2012. À cet égard, la juridiction d’appel a écarté l’applicabilité de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001 et, de ce fait, la compétence du for du domicile de M. Hobohm, au motif que le contrat de gestion d’affaires ne pouvait pas être directement rattaché à l’activité d’intermédiaire immobilier «dirigée» par M. Kampik «vers» l’Allemagne, au sens de cette disposition.

19      M. Hobohm a introduit un recours en «Revision» contre cette décision d’appel devant la juridiction de renvoi. Celle-ci estime que l’activité d’intermédiaire immobilier exercée par M. Kampik en Espagne était «dirigée vers» l’Allemagne, au sens de ladite disposition, dès lors que certains indices témoignant d’une activité «dirigée vers» l’État membre du domicile du consommateur, tels que retenus par la Cour dans son arrêt Pammer et Hotel Alpenhof (C‑585/08 et C‑144/09, EU:C:2010:740), sont présents en l’occurrence, notamment la circonstance, premièrement, que M. Kampik offrait ses services sur Internet par l’intermédiaire d’un site enregistré sous un nom de domaine de premier niveau «.com» rédigé en langue allemande, deuxièmement, que ce site indiquait une adresse électronique de contact hébergée sur un serveur utilisant un nom de domaine de premier niveau «.de», troisièmement, que le service d’appui de l’activité professionnelle de M. Kampik était joignable par l’intermédiaire d’un numéro de téléphone berlinois et, quatrièmement, que M. Kampik se servait, aux fins de son activité, de prospectus rédigés en langue allemande. Le contrat de courtage remplirait ainsi les conditions d’application de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001, en tant qu’il a été conclu dans l’exercice de l’activité de M. Kampik «dirigée vers» l’État membre du domicile de M. Hobohm. En revanche, selon la juridiction de renvoi, le contrat de gestion d’affaires, sur lequel M. Hobohm fonde ses revendications, sʼil est examiné de manière isolée, ne réunit pas les conditions d’application de cette disposition, car il n’entre pas dans le cadre d’une telle activité.

20      Toutefois, cette juridiction relève qu’il existe un lien matériel décisif entre l’activité d’intermédiaire immobilier «dirigée» par M. Kampik «vers» l’Allemagne et la conclusion du contrat de gestion d’affaires. Cette activité aurait en effet mené à la conclusion, au cours des années 2005 et 2006, par les époux Hobohm, du contrat de courtage et du contrat de vente. En l’absence de ces contrats, le contrat de gestion d’affaires, qui est à la base des revendications de M. Hobohm et qui devait permettre de résoudre les problèmes d’exécution du contrat de vente, n’aurait pas été conclu. Selon la juridiction de renvoi, même si les obligations incombant aux parties en vertu du contrat de courtage ont été exécutées du fait de la conclusion du contrat de vente, l’objectif économique du contrat de courtage, consistant à obtenir que les époux Hobohm puissent aussi avoir la jouissance effective de l’appartement qu’ils ont acquis grâce à l’activité d’intermédiaire, n’a cependant pas été atteint.

21      Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Un consommateur peut-il, en application des dispositions combinées de l’article 15, paragraphe 1, sous c), seconde alternative, et de l’article 16, paragraphe 1, seconde alternative, du règlement n° 44/2001, former un recours devant un tribunal du lieu où il a son domicile contre son partenaire contractuel exerçant une activité professionnelle ou commerciale dans un autre État membre de l’Union européenne lorsque le contrat à la base du recours ne relève certes pas directement du domaine de l’activité du partenaire contractuel qui est dirigée vers l’État membre du domicile du consommateur, mais que le contrat vise à atteindre l’objectif économique poursuivi par un autre contrat qui est, quant à lui, couvert par le champ d’application des dispositions précitées et qui a été auparavant conclu par les parties et déjà exécuté?»

 Sur la question préjudicielle

22      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001, en tant qu’il vise le contrat conclu dans le cadre d’une activité commerciale ou professionnelle «dirigée» par un professionnel «vers» l’État membre du domicile du consommateur, lu en combinaison avec l’article 16, paragraphe 1, de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il peut trouver à s’appliquer à un contrat, conclu entre un consommateur et un professionnel, qui n’entre pas en tant que tel dans le domaine de l’activité commerciale ou professionnelle «dirigée» par ce professionnel «vers» l’État membre du domicile du consommateur, mais qui présente un lien avec un contrat conclu auparavant entre les mêmes parties dans le cadre d’une telle activité.

23      À titre liminaire, il convient de relever que la compétence du for du domicile du consommateur prévue à l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 exige que les conditions d’application de l’article 15, paragraphe 1, de ce règlement soient réunies.

24      À cet égard, la Cour a jugé que l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 est applicable dans l’hypothèse où trois conditions sont remplies, à savoir, premièrement, qu’une partie contractuelle a la qualité de consommateur qui agit dans un cadre pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, deuxièmement, que le contrat entre un tel consommateur et un professionnel a été effectivement conclu et, troisièmement, qu’un tel contrat relève de l’une des catégories visées au paragraphe 1, sous a) à c), dudit article 15. Ces conditions doivent être remplies de manière cumulative, de sorte que, si l’une des trois conditions fait défaut, la compétence ne saurait être déterminée selon les règles en matière de contrats conclus par les consommateurs (arrêt Kolassa, C‑375/13, EU:C:2015:37, point 23 et jurisprudence citée).

25      Il ressort de la décision de renvoi que la première condition mentionnée au point précédent du présent arrêt est en l’occurrence remplie, les époux Hobohm ayant agi non pas dans un but pouvant être considéré comme relevant de leurs activités commerciales ou professionnelles, mais en qualité de consommateurs finaux privés (voir, en ce sens, arrêt Vapenik, C‑508/12, EU:C:2013:790, point 28).

26      En ce qui concerne la deuxième de ces conditions, il est constant que les époux Hobohm et M. Kampik ont effectivement conclu le contrat de gestion d’affaires au cours de l’année 2008.

27      Quant à la troisième condition, il résulte du libellé de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001 que, afin que le contrat en cause puisse relever, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, de cette disposition, deux éléments doivent être réunis. Il est ainsi nécessaire, d’une part, que le professionnel exerce ses activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre du domicile du consommateur ou que, par tout moyen, il dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et, d’autre part, que le contrat en cause entre dans le cadre de telles activités. Il importe de préciser à cet égard que les interrogations de la juridiction de renvoi s’articulent autour du volet de cette disposition concernant le contrat conclu dans le cadre d’une activité commerciale ou professionnelle «dirigée» par un professionnel «vers» l’État membre du domicile du consommateur.

28      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, dans les circonstances de l’affaire au principal, si le contrat de courtage entrait dans le cadre de l’activité d’intermédiaire immobilier «dirigée vers» l’Allemagne par M. Kampik, il n’en allait pas de même du contrat de gestion d’affaires, considéré isolément. Toutefois, la juridiction de renvoi considère qu’il existe entre le contrat de courtage et le contrat de gestion d’affaires un lien découlant du même objectif économique de ceux-ci, qui justifierait le fait que ce dernier contrat relève néanmoins du champ d’application de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001, à l’instar du contrat de courtage.

29      Par conséquent, il convient d’examiner, au regard de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001 et des objectifs poursuivis par ce règlement, si l’existence d’un lien entre des contrats tels que ceux en cause au principal permet de considérer que le contrat de gestion d’affaires entre dans le cadre de l’activité «dirigée vers» l’Allemagne par M. Kampik et, dans l’affirmative, quelle doit être la nature d’un tel lien.

30      Ainsi qu’il découle des considérants 11, 13 et 15 du règlement n° 44/2001, font partie de ces objectifs, entre autres, la prévisibilité des règles de compétence, la protection du consommateur et la réduction au maximum de la possibilité de procédures concurrentes afin d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans deux États membres.

31      Sʼagissant de la protection du consommateur, il ressort de la jurisprudence de la Cour portant sur le régime particulier institué par les dispositions de la convention de Bruxelles, transposable aux dispositions équivalentes du règlement n° 44/2001, que ce régime a pour fonction d’assurer une protection adéquate du consommateur, en tant que partie au contrat réputée économiquement plus faible et juridiquement moins expérimentée que son cocontractant professionnel (voir, en ce sens, arrêts Česká spořitelna, C‑419/11, EU:C:2013:165, point 33 et jurisprudence citée, ainsi que Kolassa, C‑375/13, EU:C:2015:37, point 21 et jurisprudence citée).

32      Toutefois, il importe également de rappeler que l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 constitue une dérogation tant à la règle générale de compétence édictée à l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, attribuant la compétence aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur est domicilié, qu’à la règle de compétence spéciale en matière de contrats, énoncée à l’article 5, point 1, de ce même règlement, selon laquelle le tribunal compétent est celui du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée. Ainsi, cette disposition doit nécessairement faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêt Kolassa, C‑375/13, EU:C:2015:37, point 28 et jurisprudence citée). Il découle, en outre, de la jurisprudence de la Cour que, même si l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001 vise à protéger les consommateurs, cela n’implique pas que cette protection soit absolue (voir arrêt Mühlleitner, C‑190/11, EU:C:2012:542, point 33).

33      À la lumière des objectifs rappelés au point 30 du présent arrêt et compte tenu du caractère dérogatoire de la compétence dévolue au for du domicile du consommateur prévue à l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001, il y a lieu de considérer que l’article 15, paragraphe 1, sous c), de ce règlement est susceptible de s’appliquer à un contrat tel que le contrat de gestion d’affaires en cause au principal, pour autant que ce dernier présente un lien étroit avec un contrat tel que le contrat de courtage.

34      S’agissant de vérifier l’existence des éléments constitutifs d’un tel lien étroit, il apparaît en l’occurrence, ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi, que, à la suite de la faillite du promoteur, l’objectif économique poursuivi au moyen du contrat de courtage, à savoir la jouissance effective de l’appartement acquis par les époux Hobohm grâce à l’activité d’intermédiaire immobilier «dirigée» par M. Kampik «vers» l’État membre de leur domicile, n’a pas pu être atteint. C’est précisément pour remédier à cette situation de non-accomplissement de l’objectif économique ainsi poursuivi et afin que les époux Hobohm, en tant que consommateurs, obtiennent la prestation visée par cette activité que le professionnel, à savoir M. Kampik, a proposé à ceux-ci la conclusion du contrat de gestion d’affaires. La finalité du contrat de gestion d’affaires consistait donc à atteindre l’objectif économique concret poursuivi au moyen du contrat de courtage.

35      Il s’ensuit que le contrat de gestion d’affaires, même sʼil n’entre pas en tant que tel dans le domaine de l’activité commerciale ou professionnelle «dirigée» par le professionnel «vers» l’État membre du domicile du consommateur, a néanmoins été conclu dans le prolongement direct de cette activité et qu’il est complémentaire au contrat de courtage en ce qu’il vise à permettre que soit atteint l’objectif économique poursuivi au moyen de ce dernier contrat.

36      Partant, même sʼil est vrai qu’il n’existe pas d’interdépendance juridique entre le contrat de courtage et le contrat de gestion d’affaires, force est de constater la présence d’une liaison économique entre le premier et le second contrat. Cette liaison réside dans l’atteinte de l’objectif économique poursuivi au moyen du contrat de courtage, à savoir la jouissance effective de l’appartement dont l’achèvement a été compromis à la suite de la faillite du promoteur. En effet, en l’absence des travaux de finition tels que convenus entre les parties en vertu du contrat de gestion d’affaires, ladite jouissance effective ne serait pas possible.

37      En examinant, dans le cadre de son appréciation globale des circonstances dans lesquelles le contrat de gestion d’affaires a été conclu, sʼil existe un lien étroit entre le contrat de courtage et ledit contrat de gestion d’affaires, la juridiction nationale doit tenir compte des éléments constitutifs de ce lien, notamment de l’identité, de droit ou de fait, des parties à ces deux contrats, de l’identité de l’objectif économique poursuivi au moyen de ceux-ci portant sur le même objet concret et de la complémentarité du contrat de gestion d’affaires au contrat de courtage en ce qu’il vise à permettre que soit atteint l’objectif économique poursuivi au moyen de ce dernier contrat.

38      Ces éléments doivent être pris en compte par la juridiction nationale afin de décider si l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n  44/2001 est applicable au contrat de gestion d’affaires (voir, par analogie, arrêt Emrek, C‑218/12, EU:C:2013:666, point 31).

39      Au demeurant, il convient de relever, en ce qui concerne la garantie de prévisibilité des règles de compétence juridictionnelle exprimée au considérant 11 du règlement n° 44/2001, que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, le for du domicile du consommateur est compétent pour connaître d’un litige relatif à un contrat de courtage relevant de l’activité du professionnel «dirigée vers» l’État membre du domicile de ce consommateur. Si, ensuite, le professionnel propose de conclure et, le cas échéant, conclut avec le même consommateur un contrat qui est censé atteindre l’objectif essentiel poursuivi au moyen du premier contrat, ce professionnel peut raisonnablement s’attendre à ce que les deux contrats soient soumis au même régime de compétence juridictionnelle.

40      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001, en tant qu’il vise le contrat conclu dans le cadre d’une activité commerciale ou professionnelle «dirigée» par un professionnel «vers» l’État membre du domicile du consommateur, lu en combinaison avec l’article 16, paragraphe 1, de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il peut trouver à s’appliquer à un contrat, conclu entre un consommateur et un professionnel, qui n’entre pas en tant que tel dans le domaine de l’activité commerciale ou professionnelle «dirigée» par ce professionnel «vers» l’État membre du domicile du consommateur, mais qui présente un lien étroit avec un contrat conclu auparavant entre les mêmes parties dans le cadre d’une telle activité. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si les éléments constitutifs de ce lien, notamment l’identité, de droit ou de fait, des parties à ces deux contrats, l’identité de l’objectif économique poursuivi au moyen de ceux-ci portant sur le même objet concret et la complémentarité du second contrat au premier contrat en ce qu’il vise à permettre que soit atteint l’objectif économique poursuivi au moyen de ce dernier contrat, sont réunis.

 Sur les dépens

41      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

L’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, en tant qu’il vise le contrat conclu dans le cadre d’une activité commerciale ou professionnelle «dirigée» par le professionnel «vers» l’État membre du domicile du consommateur, lu en combinaison avec l’article 16, paragraphe 1, de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il peut trouver à s’appliquer à un contrat, conclu entre un consommateur et un professionnel, qui n’entre pas en tant que tel dans le domaine de l’activité commerciale ou professionnelle «dirigée» par ce professionnel «vers» l’État membre du domicile du consommateur, mais qui présente un lien étroit avec un contrat conclu auparavant entre les mêmes parties dans le cadre d’une telle activité. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si les éléments constitutifs de ce lien, notamment l’identité, de droit ou de fait, des parties à ces deux contrats, l’identité de l’objectif économique poursuivi au moyen de ceux-ci portant sur le même objet concret et la complémentarité du second contrat au premier contrat en ce qu’il vise à permettre que soit atteint l’objectif économique poursuivi au moyen de ce dernier contrat, sont réunis.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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