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CJUE, 11 juillet 2008, aff. C-195/08 PPU, Inga Rinau

 

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 11 juillet 2008

Affaire C-195/08 PPU

Procédure engagée par

Inga Rinau

 

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas)

«Coopération judiciaire en matière civile — Compétence judiciaire et exécution des décisions — Exécution en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale — Règlement (CE) nº 2201/2003 — Demande de non-reconnaissance d’une décision de retour d’un enfant illicitement retenu dans un autre État membre — Procédure préjudicielle d’urgence»

 

Sommaire de l'arrêt

1.        Questions préjudicielles — Procédure préjudicielle d'urgence — Conditions

(Règlement de procédure de la Cour, art. 104 ter)

2.        Coopération judiciaire en matière civile — Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale — Règlement nº 2201/2003 — Force exécutoire d'une décision certifiée ordonnant le retour d’un enfant consécutive à une décision de non-retour

(Règlement du Conseil nº 2201/2003, art. 11, § 8, 40 et 42, et annexe IV)

3.        Coopération judiciaire en matière civile — Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale — Règlement nº 2201/2003 — Demande de non-reconnaissance d'une décision juridictionnelle en l'absence d'introduction préalable d'une demande de reconnaissance

(Règlement du Conseil nº 2201/2003, art. 11, § 8, 21, § 3 et 4, 40 à 42)

4.        Coopération judiciaire en matière civile — Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale — Règlement nº 2201/2003 — Demande de non-reconnaissance d'une décision juridictionnelle en l'absence d'introduction préalable d'une demande de reconnaissance

(Règlement du Conseil nº 2201/2003, art. 31, § 1)

1.        La demande d’une juridiction de renvoi visant à soumettre à la procédure d’urgence prévue à l’article 104 ter du règlement de procédure de la Cour un renvoi préjudiciel portant sur l’interprétation du règlement nº 2201/2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement nº 1347/2000, est justifiée dès lors qu’elle est fondée sur un besoin d’agir en urgence. Tel est le cas lorsque tout délai serait très défavorable aux relations entre l’enfant et le parent avec lequel il n’habite pas et que la dégradation de ces relations pourrait être irréparable. Un tel besoin ressort tant du dix-septième considérant du règlement, qui vise le retour sans délai d’un enfant enlevé que de l’article 11, paragraphe 3, du même règlement, qui fixe un délai de six semaines à la juridiction saisie d’une demande de retour pour rendre son jugement. Le besoin de protéger l’enfant contre un éventuel dommage possible et la nécessité d’assurer un juste équilibre entre les intérêts de l’enfant et ceux des parents sont également de nature à justifier le recours à la procédure préjudicielle d’urgence.

(cf. points 44-45)

2.        Une fois une décision de non-retour d’un enfant prise et portée à la connaissance de la juridiction d’origine, il est sans incidence, aux fins de la délivrance du certificat prévu à l’article 42 du règlement nº 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement nº 1347/2000, que cette décision ait été suspendue, réformée, annulée ou, en tout état de cause, ne soit pas passée en force de chose jugée ou ait été remplacée par une décision de retour, pour autant que le retour de l’enfant n’a pas effectivement eu lieu. Lorsqu'aucun doute n’a été émis en ce qui concerne l’authenticité de ce certificat et que celui-ci a été établi conformément au formulaire dont le modèle figure à l’annexe IV du règlement, l’opposition à la reconnaissance de la décision de retour est interdite et il n’incombe à la juridiction requise que de constater la force exécutoire de la décision certifiée et de faire droit au retour immédiat de l’enfant.

En effet, la force exécutoire d’une décision ordonnant le retour d’un enfant consécutive à une décision de non-retour jouit de l’autonomie procédurale, afin de ne pas retarder le retour d’un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement dans un autre État membre que celui dans lequel il avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites. Les incidents procéduraux qui, après qu’une décision de non-retour a été prise, se produisent ou se reproduisent dans l’État membre d’exécution ne sont pas déterminants et peuvent être considérés comme sans incidence aux fins de la mise en oeuvre du règlement. En effet, s’il n’en était pas ainsi, le règlement risquerait d’être vidé de son effet utile, puisque l’objectif du retour immédiat de l’enfant resterait subordonné à la condition de l’épuisement des voies procédurales admises par le droit national de l’État membre dans lequel l’enfant est illicitement retenu. Ainsi, même si le règlement nº 2201/2003 n’a pas pour objet d’unifier les règles de droit matériel et de procédure des différents États membres, il importe cependant que l’application de ces règles nationales ne porte pas atteinte à son effet utile. Cette interprétation du règlement, qui est conforme aux exigences et à la finalité de celui-ci, est la seule qui assure au mieux l’effectivité du droit communautaire.

(cf. points 63, 80-83, 89, disp. 1)

3.        Hormis les cas où la procédure vise une décision certifiée en application des articles 11, paragraphe 8, et 40 à 42 du règlement nº 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement nº 1347/2000, la possibilité que toute partie intéressée puisse demander la non-reconnaissance d’une décision juridictionnelle, même si une demande de reconnaissance de la décision n’a pas été déposée préalablement, ne saurait être écartée de manière générale.

En effet, d'une part, le paragraphe 3 de l'article 21 du règlement confirme une telle possibilité, sous réserve des dispositions relevant de la section 4 du chapitre III, et, d'autre part, il n'est pas exclu qu’une demande de non-reconnaissance d’une décision entraîne la reconnaissance de celle-ci de façon incidente, hypothèse dans laquelle trouverait à s’appliquer le paragraphe 4 dudit article 21. La possibilité de présenter une demande de non-reconnaissance d’une décision juridictionnelle, sans qu'une demande de reconnaissance de la décision ait été préalablement introduite, est susceptible de répondre à des objectifs divers, soit d’ordre matériel, notamment ceux visant l’intérêt supérieur de l’enfant ou la stabilité et la tranquillité de la famille, soit de nature procédurale, en permettant d’anticiper la production de moyens de preuve qui pourraient n’être plus disponibles à l’avenir. Une telle demande doit cependant respecter la procédure prévue au chapitre III, section 2, du règlement et, en particulier, elle ne saurait être poursuivie selon les dispositions du droit interne que si celles-ci ne limitent pas la portée et les effets du règlement.

(cf. points 92-96, disp. 2)

4.        L’article 31, paragraphe 1, du règlement nº 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement nº 1347/2000, en ce qu’il prévoit que ni la personne contre laquelle l’exécution est demandée ni l’enfant ne peuvent, à ce stade de la procédure, présenter d’observations, n’est pas applicable à une procédure de non-reconnaissance d’une décision juridictionnelle, formée sans qu’une demande de reconnaissance ait été préalablement introduite à l’égard de la même décision. Dans une telle situation, la partie défenderesse, prétendant à la reconnaissance, peut présenter des observations.

En effet, la situation envisagée dans le cas d’une demande de non-reconnaissance est différente de celle visée par l’article 31, paragraphe 1. Ainsi, la procédure prévue à l’article 31 du règlement, ayant un caractère exécutoire et unilatéral, ne saurait faire acception des observations de la partie contre laquelle l’exécution est demandée, sans revêtir une nature déclaratoire et contradictoire, ce qui irait à l’encontre de sa logique même, d’après laquelle les droits de la défense sont garantis au moyen du recours prévu à l’article 33 du règlement. Au contraire, dans le cas d’une demande de non-reconnaissance d’une décision juridictionnelle où le demandeur est la personne contre laquelle la requête en déclaration de la force exécutoire aurait pu être introduite et où les conditions justifiant l'exclusion, pour la partie contre laquelle l'exécution est demandée, de la possibilité de présenter des observations ne sont pas remplies, l'objet de la procédure vise une appréciation négative qui réclame, par sa nature, le contradictoire. Il s'ensuit que la partie contre laquelle est introduite la demande de non-reconnaissance ne saurait, dans le cas d'une demande de non-reconnaissance, être privée de la possibilité de présenter des observations.

(cf. points 101-107, disp. 3)

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

11 juillet 2008

 

«Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire et exécution des décisions – Exécution en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale – Règlement (CE) n° 2201/2003 – Demande de non-reconnaissance d’une décision de retour d’un enfant illicitement retenu dans un autre État membre – Procédure préjudicielle d’urgence»

Dans l’affaire C‑195/08 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Lituanie), par décision du 30 avril 2008, parvenue à la Cour le 14 mai 2008, dans la procédure engagée par

Inga Rinau,

 

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), J. Klučka, Mme P. Lindh et M. A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffiers: Mme C. Strömholm, administrateur, et M. M. A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la demande de la juridiction de renvoi, du 21 mai 2008, parvenue à la Cour le 22 mai suivant, de soumettre le renvoi préjudiciel à une procédure d’urgence conformément à l’article 104 ter du règlement de procédure,

vu la décision du 23 mai 2008 de la troisième chambre de faire droit à ladite demande,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience des 26 et 27 juin 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Rinau, par Mes G. Balčiūnas et G. Kaminskas, advokatai,

–        pour M. Rinau, par Me D. Foigt, advokatė,

–        pour le gouvernement lituanien, par M. D. Kriaučiūnas et Mme R. Mackevičienė, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par Mme J. Kemper, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement français, par Mme A.-L. During, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement letton, par Mmes E. Balode-Buraka et E. Eihmane, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. ten Dam, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme E. Jenkinson, en qualité d’agent, assistée de M. C. Howard, QC,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes A.‑M. Rouchaud-Joët et A. Steiblytė, en qualité d’agents,

l’avocat général entendu,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (JO L 338, p. 1, ci-après le «règlement»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Rinau à M. Rinau au sujet du retour en Allemagne de leur fille Luisa, retenue en Lituanie par Mme Rinau.

 

 Le cadre juridique

 

 La convention de La Haye de 1980

3        L’article 3 de la convention de La Haye, du 25 octobre 1980, sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (ci-après la «convention de La Haye de 1980»), dispose:

«Le déplacement ou le non-retour d’un enfant est considéré comme illicite:

a)      lorsqu’il a eu lieu en violation d’un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l’État dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non‑retour, et

b)      que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l’eût été si de tels événements n’étaient survenus.

Le droit de garde visé en a) peut notamment résulter d’une attribution de plein droit, d’une décision judiciaire ou administrative ou d’un accord en vigueur selon le droit de cet État.»

4        Aux termes de l’article 12 de la convention de La Haye de 1980:

«Lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l’article 3 et qu’une période de moins d’un an s’est écoulée à partir du déplacement ou du non-retour au moment de l’introduction de la demande devant l’autorité judiciaire ou administrative de l’État contractant où se trouve l’enfant, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat.

L’autorité judiciaire ou administrative, même saisie après l’expiration de la période d’un an prévue à l’alinéa précédent, doit aussi ordonner le retour de l’enfant, à moins qu’il ne soit établi que l’enfant s’est intégré dans son nouveau milieu.

Lorsque l’autorité judiciaire ou administrative de l’État requis a des raisons de croire que l’enfant a été emmené dans un autre État, elle peut suspendre la procédure ou rejeter la demande de retour de l’enfant.»

5        L’article 13 de la convention de La Haye de 1980 prévoit:

«Nonobstant les dispositions de l’article précédent, l’autorité judiciaire ou administrative de l’État requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant, lorsque la personne, l’institution ou l’organisme qui s’oppose à son retour établit:

a)      que la personne, l’institution ou l’organisme qui avait le soin de la personne de l’enfant n’exerçait pas effectivement le droit de garde à l’époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour, ou

b)      qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

L’autorité judiciaire ou administrative peut aussi refuser d’ordonner le retour de l’enfant si elle constate que celui-ci s’oppose à son retour et qu’il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion.

Dans l’appréciation des circonstances visées dans cet article, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l’autorité centrale ou toute autre autorité compétente de l’État de la résidence habituelle de l’enfant sur sa situation sociale.»

6        La convention de La Haye de 1980 est entrée en vigueur le 1er décembre 1983. Tous les États membres de l’Union européenne sont parties contractantes à celle-ci.

 La réglementation communautaire

7        Le dix-septième considérant du règlement précise:

«En cas de déplacement ou de non-retour illicites d’un enfant, son retour devrait être obtenu sans délai et à ces fins la convention de La Haye [de 1980] devrait continuer à s’appliquer telle que complétée par les dispositions de ce règlement et en particulier de l’article 11. Les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a été déplacé ou retenu illicitement devraient être en mesure de s’opposer à son retour dans des cas précis, dûment justifiés. Toutefois, une telle décision devrait pouvoir être remplacée par une décision ultérieure de la juridiction de l’État membre de la résidence habituelle de l’enfant avant son déplacement ou non-retour illicites. Si cette décision implique le retour de l’enfant, le retour devrait être effectué sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure pour la reconnaissance et l’exécution de ladite décision dans l’État membre où se trouve l’enfant enlevé.»

8        Le vingt et unième considérant du règlement énonce:

«La reconnaissance et l’exécution des décisions rendues dans un État membre devraient reposer sur le principe de la confiance mutuelle et les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire.»

9        L’article 2 du règlement prévoit:

«Aux fins du présent règlement en entend par:

[…]

4)      ‘décision’ toute décision de divorce, de séparation de corps ou d’annulation d’un mariage, ainsi que toute décision concernant la responsabilité parentale rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination de la décision, y compris les termes ‘arrêt’, ‘jugement’ ou ‘ordonnance’;

5)      ‘État membre d’origine’ l’État membre dans lequel a été rendue la décision à exécuter;

6)      ‘État membre d’exécution’ l’État membre dans lequel est demandée l’exécution de la décision;

7)      ‘responsabilité parentale’ l’ensemble des droits et obligations conférés à une personne physique ou une personne morale sur la base d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur, à l’égard de la personne ou des biens d’un enfant. Il comprend notamment le droit de garde et le droit de visite;

8)      ‘titulaire de la responsabilité parentale’ toute personne exerçant la responsabilité parentale à l’égard d’un enfant;

[…]

11)      ‘déplacement ou non-retour illicites d’un enfant’ le déplacement ou le non-retour d’un enfant lorsque:

a)      il a eu lieu en violation d’un droit de garde résultant d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur en vertu du droit de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour

et

b)      sous réserve que le droit de garde était exercé effectivement, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l’eût été si de tels événements n’étaient survenus. La garde est considérée comme étant exercée conjointement lorsque l’un des titulaires de la responsabilité parentale ne peut, conformément à une décision ou par attribution de plein droit, décider du lieu de résidence de l’enfant sans le consentement d’un autre titulaire de la responsabilité parentale.»

10      L’article 8 du règlement énonce:

«1.      Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

2.      Le paragraphe 1 s’applique sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 12.»

11      L’article 10 du règlement dispose:

«En cas de déplacement ou de non-retour illicites d’un enfant, les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites conservent leur compétence jusqu’au moment où l’enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État membre […]»

12      Aux termes de l’article 11 du règlement:

«1.      Lorsqu’une personne, institution ou tout autre organisme ayant le droit de garde demande aux autorités compétentes d’un État membre de rendre une décision sur la base de la [convention de La Haye de 1980] en vue d’obtenir le retour d’un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement dans un État membre autre que l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites, les paragraphes 2 à 8 sont d’application.

2.      Lors de l’application des articles 12 et 13 de la convention de La Haye de 1980, il y a lieu de veiller à ce que l’enfant ait la possibilité d’être entendu au cours de la procédure, à moins que cela n’apparaisse inapproprié eu égard à son âge ou à son degré de maturité.

3.      Une juridiction saisie d’une demande de retour d’un enfant visée au paragraphe 1 agit rapidement dans le cadre de la procédure relative à la demande, en utilisant les procédures les plus rapides prévues par le droit national.

Sans préjudice du premier alinéa, la juridiction rend sa décision, sauf si cela s’avère impossible en raison de circonstances exceptionnelles, six semaines au plus tard après sa saisine.

4.      Une juridiction ne peut pas refuser le retour de l’enfant en vertu de l’article 13, point b), de la convention de La Haye de 1980 s’il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l’enfant après son retour.

5.      Une juridiction ne peut refuser le retour de l’enfant si la personne qui a demandé le retour de l’enfant n’a pas eu la possibilité d’être entendue.

6.      Si une juridiction a rendu une décision de non-retour en vertu de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980, cette juridiction doit immédiatement, soit directement soit par l’intermédiaire de son autorité centrale, transmettre une copie de la décision judiciaire de non-retour et des documents pertinents, en particulier un compte rendu des audiences, à la juridiction compétente ou à l’autorité centrale de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites, conformément à ce que prévoit le droit national. La juridiction doit recevoir tous les documents mentionnés dans un délai d’un mois à compter de la date de la décision de non-retour.

7.      À moins que les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites aient déjà été saisies par l’une des parties, la juridiction ou l’autorité centrale qui reçoit l’information visée au paragraphe 6 doit la notifier aux parties et les inviter à présenter des observations à la juridiction, conformément aux dispositions du droit national, dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification, afin que la juridiction examine la question de la garde de l’enfant.

Sans préjudice des règles en matière de compétence prévues dans le présent règlement, la juridiction clôt l’affaire si elle n’a reçu dans le délai prévu aucune observation.

8.      Nonobstant une décision de non-retour rendue en application de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980, toute décision ultérieure ordonnant le retour de l’enfant rendue par une juridiction compétente en vertu du présent règlement est exécutoire conformément au chapitre III, section 4, en vue d’assurer le retour de l’enfant.»

13      Le chapitre III du règlement, intitulé «Reconnaissance et exécution», comprend les articles 21 à 52 de celui-ci. La section 4 de ce chapitre III, intitulée «Force exécutoire de certaines décisions relatives au droit de visite et de certaines décisions ordonnant le retour de l’enfant», comporte les articles 40 à 45 du même règlement.

14      L’article 21, paragraphes 1 et 3, du règlement prévoit:

«1.      Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

[…]

3.      Sans préjudice de la section 4, toute partie intéressée peut demander, selon les procédures prévues à la section 2, que soit prise une décision de reconnaissance ou de non-reconnaissance de la décision.»

15      L’article 23 du règlement énonce:

«Une décision rendue en matière de responsabilité parentale n’est pas reconnue:

a)      si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis eu égard aux intérêts supérieurs de l’enfant;

[…]»

16      Aux termes de l’article 24 du règlement:

«Il ne peut être procédé au contrôle de la compétence de la juridiction de l’État membre d’origine. Le critère d’ordre public visé à l’article 22, point a), et à l’article 23, point a), ne peut être appliqué aux règles de compétence visées aux articles 3 à 14.»

17      L’article 28, paragraphe 1, du règlement est libellé comme suit:

«Les décisions rendues dans un État membre sur l’exercice de la responsabilité parentale à l’égard d’un enfant, qui y sont exécutoires et qui ont été signifiées ou notifiées, sont mises en exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.»

18      L’article 31 du règlement dispose:

«1.      La juridiction saisie de la requête [en déclaration de la force exécutoire] statue à bref délai, sans que ni la personne contre laquelle l’exécution est demandée ni l’enfant ne puissent, à ce stade de la procédure, présenter d’observations.

2.      La requête ne peut être rejetée que pour l’un des motifs prévus aux articles 22, 23 et 24.

3.      En aucun cas, la décision ne peut faire l’objet d’une révision au fond.»

19      L’article 40 du règlement prévoit:

«1.      La présente section s’applique:

[…]

b)      au retour d’un enfant consécutif à une décision ordonnant le retour de l’enfant visée à l’article 11, paragraphe 8.

2.      Les dispositions de la présente section n’empêchent pas un titulaire de la responsabilité parentale d’invoquer la reconnaissance et l’exécution d’une décision, conformément aux dispositions contenues dans les sections 1 et 2 du présent chapitre.»

20      Aux termes de l’article 42 du règlement, intitulé «Retour de l’enfant»:

«1.      Le retour de l’enfant visé à l’article 40, paragraphe 1, point b), résultant d’une décision exécutoire rendue dans un État membre est reconnu et jouit de la force exécutoire dans un autre État membre sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire ne soit requise et sans qu’il ne soit possible de s’opposer à sa reconnaissance si la décision a été certifiée dans l’État membre d’origine conformément au paragraphe 2.

Même si le droit national ne prévoit pas la force exécutoire de plein droit, nonobstant un éventuel recours, d’une décision ordonnant le retour de l’enfant visée à l’article 11, paragraphe 8, la juridiction d’origine peut déclarer la décision exécutoire.

2.      Le juge d’origine qui a rendu la décision visée à l’article 40, paragraphe 1, point b), ne délivre le certificat visé au paragraphe 1 que si:

a)      l’enfant a eu la possibilité d’être entendu, à moins qu’une audition n’ait été jugée inappropriée eu égard à son âge ou à son degré de maturité,

b)      les parties ont eu la possibilité d’être entendues, et que

c)      la juridiction a rendu sa décision en tenant compte des motifs et des éléments de preuve sur la base desquels avait été rendue la décision prise en application de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980.

Au cas où la juridiction ou toute autre autorité prend des mesures en vue d’assurer la protection de l’enfant après son retour dans l’État de sa résidence habituelle, le certificat précise les modalités de ces mesures.

Le juge d’origine délivre de sa propre initiative ledit certificat, en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l’annexe IV (certificat concernant le retour de l’enfant).

Le certificat est rempli dans la langue de la décision.»

21      L’article 43 du règlement est libellé comme suit:

«1.      Le droit de l’État membre d’origine est applicable à toute rectification du certificat.

2.      La délivrance d’un certificat au titre de l’article 41, paragraphe 1, ou de l’article 42, paragraphe 1, n’est par ailleurs susceptible d’aucun recours.»

22      Aux termes de l’article 44 du règlement, «[l]e certificat ne produit ses effets que dans les limites du caractère exécutoire du jugement».

23      L’article 60 du règlement dispose:

«Dans les relations entre les États membres, le présent règlement prévaut sur les conventions suivantes dans la mesure où elles concernent des matières réglées par le présent règlement:

[…]

e)      [convention de La Haye de 1980]».

24      L’article 68 du règlement prévoit:

«Les États membres communiquent à la Commission les listes des juridictions et des voies de recours visées aux articles 21, 29, 33 et 34, ainsi que les modifications qui y sont apportées.

La Commission met ces informations à jour et les met à la disposition du public par voie de publication au Journal officiel de l’Union européenne et par tout autre moyen approprié.»

25      Il ressort des informations relatives aux juridictions et aux voies de recours communiquées conformément à l’article 68 du règlement n° 2201/2003 (JO 2005, C 40, p. 2) que, en application de l’article 68, premier alinéa, de celui-ci, la République de Lituanie a informé la Commission que les requêtes visées aux articles 21 et 29 de ce règlement ainsi que le recours prévu à l’article 33 de celui-ci sont présentés devant le Lietuvos apeliacinis teismas (cour d’appel) et que la décision rendue sur le recours, visé à l’article 34 du même règlement, ne peut faire l’objet que d’un pourvoi en cassation devant le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême).

26      Il ressort desdites informations qu’une requête en vue d’une déclaration de la force exécutoire d’une décision rendue par une juridiction d’un État membre autre que la République de Lituanie, en application de l’article 28, paragraphe 1, du règlement, doit être formée devant le Lietuvos apeliacinis teismas.

27      En vertu de son article 72, le règlement s’applique pour l’essentiel à compter du 1er mars 2005. Le règlement ne s’applique pas en ce qui concerne le Royaume de Danemark.

 

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

 

28      Mme Rinau, de nationalité lituanienne, et M. Rinau, de nationalité allemande, se sont mariés le 27 juillet 2003 et ont résidé à Bergfelde (Allemagne). Leur fille, Luisa, est née le 11 janvier 2005. Au cours du mois de mars de l’année 2005, les époux Rinau ont commencé à habiter séparément, Luisa étant restée avec sa mère. C’est alors que, selon la décision de renvoi, une procédure de divorce a été entamée devant l’Amtsgericht Oranienburg (Allemagne).

29      Le 21 juillet 2006, Mme Rinau, après avoir obtenu de M. Rinau la permission de quitter le territoire allemand avec leur fille pour des vacances de deux semaines, est entrée avec cette dernière et un fils issu d’une première union en Lituanie, où elle est restée jusqu’à présent.

30      Le 14 août 2006, l’Amtsgericht Oranienburg a confié provisoirement la garde de Luisa à son père. Le 11 octobre 2006, le Brandenburgisches Oberlandesgericht (Allemagne) a rejeté l’appel de Mme Rinau et a confirmé la décision de l’Amtsgericht Oranienburg.

31      Le 30 octobre 2006, M. Rinau s’est adressé au Klaipėdos apygardos teismas (tribunal régional de Klaipėda) (Lituanie) afin d’obtenir le retour de sa fille en Allemagne, en invoquant la convention de La Haye de 1980 et le règlement. Par une décision du 22 décembre 2006, ce tribunal a rejeté cette demande.

32      Selon des informations fournies à la Cour lors de l’audience, la décision du 22 décembre 2006 a été transmise à l’autorité centrale allemande par l’avocat de M. Rinau, cette autorité l’ayant communiquée elle-même à l’Amtsgericht Oranienburg. Postérieurement à cette transmission, l’autorité centrale lituanienne a envoyé une traduction en allemand de ladite décision.

33      Par une décision du 15 mars 2007, le Lietuvos apeliacinis teismas a réformé la décision du Klaipėdos apygardos teismas et a ordonné le retour de l’enfant en Allemagne.

34      Au cours du mois d’avril de l’année 2007, le Klaipėdos apygardos teismas a rendu une ordonnance de suspension de l’exécution de la décision du Lietuvos apeliacinis teismas du 15 mars 2007. Cette dernière juridiction a annulé ladite ordonnance par une décision du 4 juin 2007. Ainsi qu’il a été précisé lors de l’audience, l’exécution de la décision du 15 mars 2007 a été suspendue à plusieurs reprises.

35      Mme Rinau, le 4 juin 2007, et le procureur général de la République de Lituanie, le 13 juin 2007, ont demandé au Klaipėdos apygardos teismas la réouverture de la procédure en invoquant des circonstances nouvelles et l’intérêt de l’enfant au sens de l’article 13, premier alinéa, de la convention de La Haye de 1980. Le 19 juin 2007, ce tribunal a rejeté ces demandes au motif que la compétence pour statuer sur celles-ci ne lui appartenait pas, mais incombait aux juridictions allemandes. Mme Rinau ayant interjeté appel de cette décision de rejet, le Lietuvos apeliacinis teismas l’a confirmée par une décision du 27 août 2007. Ces deux dernières décisions ont été cassées par le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas par un arrêt du 7 janvier 2008, lequel a renvoyé lesdites demandes au Klaipėdos apygardos teismas.

36      Par une décision du 21 mars 2008, le Klaipėdos apygardos teismas a rejeté une nouvelle fois ces demandes. Cette décision a été confirmée par le Lietuvos apeliacinis teismas par une décision du 30 avril 2008. Sur demande de Mme Rinau, le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas a décidé, le 26 mai 2008, de statuer en cassation sur ces décisions et a suspendu l’exécution de la décision du 15 mars 2007 ordonnant le retour de Luisa en Allemagne jusqu’à ce qu’elle rende sa décision sur le fond.

37      Entre-temps, par un jugement du 20 juin 2007, l’Amtsgericht Oranienburg a prononcé le divorce des époux Rinau. Il a confié la garde définitive de Luisa à M. Rinau. Prenant notamment en considération la décision du 22 décembre 2006 du Klaipėdos apygardos teismas refusant le retour de l’enfant, l’Amtsgericht a tenu compte du contenu de cette décision ainsi que des arguments présentés et a ordonné à Mme Rinau de renvoyer l’enfant en Allemagne et de la confier à la garde de M. Rinau. Mme Rinau n’était pas présente lors de l’audience de cette dernière juridiction, mais elle y a été représentée et a présenté des observations. Le même jour, l’Amtsgericht Oranienburg a joint à sa décision un certificat délivré en vertu de l’article 42 du règlement.

38      Le 20 février 2008, le Brandenburgisches Oberlandesgericht a rejeté l’appel interjeté par Mme Rinau à l’encontre dudit jugement, a confirmé celui-ci en ce qui concerne la garde de Luisa et a constaté que Mme Rinau était déjà tenue de ramener l’enfant en Allemagne. Mme Rinau était présente lors l’audience et a produit des observations.

39      Mme Rinau a introduit une demande devant le Lietuvos apeliacinis teismas tendant à la non-reconnaissance du jugement de l’Amtsgericht Oranienburg du 20 juin 2007, dans la mesure où il avait confié la garde de Luisa à M. Rinau et obligeait la mère de cette dernière à remettre l’enfant à son père et à lui en confier la garde.

40      Le 14 septembre 2007, le Lietuvos apeliacinis teismas a rendu une ordonnance par laquelle il a jugé irrecevable cette demande de Mme Rinau. Selon cette juridiction, le certificat délivré par l’Amtsgericht Oranienburg en vertu de l’article 42 du règlement indiquait que toutes les conditions nécessaires à la délivrance d’un tel certificat, énumérées au paragraphe 2 dudit article, étaient réunies. Considérant que ledit jugement, en tant qu’il ordonnait le retour de l’enfant en Allemagne, aurait dû être directement exécuté au titre des dispositions du chapitre III, section 4, du règlement, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la procédure spéciale d’exequatur de la reconnaissance et de l’exécution des décisions juridictionnelles, le Lietuvos apeliacinis teismas a jugé qu’il convenait de déclarer irrecevable la demande de Mme Rinau tendant à la non-reconnaissance de la partie dudit jugement l’obligeant à remettre l’enfant au père de Luisa et à lui en laisser la garde.

41      Mme Rinau a alors formé un pourvoi en cassation devant le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas tendant à l’annulation de ladite ordonnance et à l’adoption d’une nouvelle décision faisant droit à sa demande de non-reconnaissance du jugement de l’Amtsgericht Oranienburg du 20 juin 2007, dans la mesure où celui-ci confiait la garde de Luisa à M. Rinau et obligeait Mme Rinau à remettre l’enfant à son père et à lui en laisser la garde.

42      C’est dans ces conditions que le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Une partie intéressée au sens de l’article 21 du règlement […] peut-elle demander la non-reconnaissance d’une décision judiciaire, sans qu’une demande de reconnaissance de la décision ait été présentée?

2)      Si la réponse à la première question est affirmative, comment la juridiction nationale, lorsqu’elle examine la demande de non‑reconnaissance de la décision présentée par la personne à l’égard de laquelle la décision est exécutoire, doit-elle alors appliquer l’article 31, paragraphe 1, du règlement […], qui dispose que ‘[…] ni la personne contre laquelle l’exécution est demandée ni l’enfant ne [peuvent], à ce stade de la procédure, présenter d’observations’?

3)      La juridiction nationale devant laquelle le titulaire de la responsabilité parentale a présenté la demande de non‑reconnaissance de la décision de la juridiction de l’État membre d’origine ordonnant le retour de l’enfant résidant chez lui vers l’État d’origine, pour laquelle un certificat a été délivré en vertu de l’article 42 du règlement […], doit-elle l’examiner sur le fondement des dispositions du chapitre III, sections 1 et 2, du règlement […], ainsi que le prévoit l’article 40, paragraphe 2, de ce règlement?

4)      Que signifie la condition définie à l’article 21, paragraphe 3, du règlement […] ‘sans préjudice de la section 4’?

5)      L’adoption d’une décision de retour de l’enfant et la délivrance du certificat visé à l’article 42 du règlement […] par la juridiction de l’État membre d’origine après que la juridiction de l’État membre où est retenu l’enfant de manière illicite a pris une décision de retour de l’enfant vers l’État d’origine sont-elles conformes aux objectifs et aux procédures du règlement […]?

6)      L’interdiction du contrôle de la compétence de la juridiction d’origine prévue à l’article 24 du règlement […] signifie‑t-elle que la juridiction nationale devant laquelle a été présentée la demande de reconnaissance ou de non‑reconnaissance de la décision d’une juridiction étrangère, qui ne saurait contrôler la compétence de la juridiction de l’État membre d’origine et qui n’a pas constaté d’autres motifs de non-reconnaissance des décisions définis à l’article 23 du règlement […], doit reconnaître la décision de retour de l’enfant de la juridiction de l’État membre d’origine si la juridiction de l’État membre d’origine n’a pas respecté la procédure définie par le règlement aux fins de résoudre la question du retour de l’enfant?»

 

 Sur la procédure d’urgence

 

43      Par une ordonnance du 21 mai 2008, déposée au greffe de la Cour le 22 mai 2008, le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas a demandé que le renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure d’urgence prévue à l’article 104 ter du règlement de procédure.

44      La juridiction de renvoi a motivé cette demande en faisant référence au dix-septième considérant du règlement, qui vise le retour sans délai d’un enfant enlevé, et à l’article 11, paragraphe 3, du même règlement, qui fixe un délai de six semaines à la juridiction saisie d’une demande de retour pour rendre son jugement. La juridiction nationale constate le besoin d’agir en urgence, au motif que tout délai serait très défavorable aux relations entre l’enfant et le parent avec lequel il n’habite pas. La dégradation de ces relations pourrait être irréparable.

45      La juridiction de renvoi se fonde également sur le besoin de protéger l’enfant contre un éventuel dommage possible et la nécessité d’assurer un juste équilibre entre les intérêts de l’enfant et ceux de ses parents, ce qui exigerait également le recours à la procédure d’urgence.

46      Sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, la troisième chambre de la Cour a décidé de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure d’urgence.

 

 Sur les questions préjudicielles

 

 Observations liminaires

47      La convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), qui a été modifiée ultérieurement à plusieurs reprises, visait à faciliter entre les États contractants la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. À cette fin, elle a introduit des règles de compétence et des procédures de reconnaissance et d’exécution des décisions en cette matière. Ces règles étaient fondées sur le principe de la confiance des juridictions d’un État contractant dans les décisions prises par les juridictions d’un autre État contractant et réciproquement. Selon son article 1er, cette convention ne s’applique pas en ce qui concerne l’état et la capacité des personnes physiques et les régimes matrimoniaux.

48      Considérant que l’intérêt de l’enfant est d’une importance primordiale pour toute question relative à la garde de ce dernier et qu’il convient de le protéger, sur le plan international, contre les effets nuisibles d’un déplacement ou d’un non-retour illicites et d’établir des procédures en vue de garantir le retour immédiat de l’enfant dans l’État de sa résidence habituelle, ainsi que d’assurer la protection du droit de visite, la convention de La Haye de 1980 a été adoptée.

49      L’orientation des conventions mentionnées aux deux points précédents a été reprise, en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, par le règlement. Celui-ci est applicable aux matières civiles relatives, d’une part, au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage et, d’autre part, à l’attribution, à l’exercice, à la délégation et au retrait total ou partiel de la responsabilité parentale.

50      Conformément au vingt et unième considérant du règlement, celui-ci est fondé sur la conception selon laquelle la reconnaissance et l’exécution des décisions rendues dans un État membre doivent reposer sur le principe de la confiance mutuelle et les motifs de non-reconnaissance doivent être réduits au minimum nécessaire.

51      Selon les douzième et treizième considérants du règlement, ce dernier procède de la conception selon laquelle l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer et, en vertu de son trente-troisième considérant, le règlement veille à assurer le respect des droits fondamentaux de l’enfant, tels qu’énoncés à l’article 24 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

52      Le règlement vise, en particulier, à dissuader les enlèvements d’enfants entre États membres et, en cas d’enlèvement, à obtenir que le retour de l’enfant soit effectué sans délai.

53      Conformément au dix-septième considérant du règlement, celui-ci complète les dispositions de la convention de La Haye de 1980 qui demeure, néanmoins, applicable.

54      En vertu de son article 60, le règlement prévaut sur la convention de La Haye de 1980.

55      C’est à la lumière des observations et des principes rappelés aux points 47 à 54 du présent arrêt qu’il convient de répondre aux questions préjudicielles.

 Sur les quatrième à sixième questions

56      Par ses quatrième à sixième questions, qu’il convient d’examiner ensemble et en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’adoption, par une juridiction de l’État membre d’origine, d’une décision de retour de l’enfant et la délivrance du certificat visé à l’article 42 du règlement sont conformes aux objectifs et aux procédures de celui-ci dans le cas où une juridiction de l’État membre où l’enfant est illicitement retenu a pris une décision de retour de l’enfant vers l’État membre d’origine. La juridiction nationale cherche également à savoir s’il convient d’interpréter l’article 24 du règlement en ce sens que la juridiction de l’État membre dans lequel a lieu la rétention illicite de l’enfant doit reconnaître la décision exigeant le retour de celui-ci rendue par la juridiction de l’État membre d’origine si cette dernière n’a pas respecté la procédure définie par le règlement.

57      L’article 11, paragraphe 8, du règlement dispose que, «[n]onobstant une décision de non-retour rendue en application de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980, toute décision ultérieure ordonnant le retour de l’enfant rendue par une juridiction compétente en vertu du présent règlement est exécutoire conformément au chapitre III, section 4, en vue d’assurer le retour de l’enfant».

58      Selon certaines des observations soumises à la Cour, cette disposition a pour effet qu’un certificat ne peut être délivré en vertu de l’article 42 du règlement que si une décision de non-retour a préalablement été rendue en application de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980. Il s’ensuivrait, dans l’affaire au principal, que le fait que le Lietuvos apeliacinis teismas a ordonné le retour de l’enfant, par sa décision du 15 mars 2007, aurait empêché les juridictions de l’État membre d’origine de délivrer un certificat en application dudit article 42, comme l’a fait l’Amtsgericht Oranienburg par sa décision du 20 juin 2007, laquelle a été confirmée par la décision du 20 février 2008 du Brandenburgisches Oberlandesgericht.

59      L’interprétation selon laquelle un certificat ne peut être délivré au titre de l’article 42 du règlement sans qu’une décision de non-retour ait été préalablement rendue doit être retenue.

60      En effet, c’est l’interprétation qui résulte du règlement dans son ensemble et, en particulier, de l’article 11, paragraphe 8, de celui-ci.

61      Après avoir prévu que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues, dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure, le règlement organise la reconnaissance et la déclaration de la force exécutoire des décisions dans deux volets (articles 21, paragraphes 1 et 3, 11, paragraphe 8, 40, paragraphe 1, et 42, paragraphe 1). Selon le premier volet, l’adoption d’une décision de reconnaissance et la déclaration de la force exécutoire peuvent être demandées selon les procédures prévues au chapitre III, section 2, du règlement. Par le second volet, la force exécutoire de certaines décisions relatives au droit de visite ou ordonnant le retour de l’enfant est soumise aux dispositions de la section 4 du même chapitre.

62      Ce dernier volet s’articule strictement avec les dispositions de la convention de La Haye de 1980 et vise, certaines conditions étant remplies, au retour immédiat de l’enfant.

63      Bien qu’intrinsèquement liée à d’autres matières régies par le règlement, notamment le droit de garde, la force exécutoire d’une décision ordonnant le retour d’un enfant consécutive à une décision de non-retour jouit de l’autonomie procédurale, afin de ne pas retarder le retour d’un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement dans un État membre autre que celui dans lequel cet enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites.

64      L’autonomie procédurale des dispositions figurant aux articles 11, paragraphe 8, 40 et 42 du règlement et la priorité donnée à la compétence de la juridiction d’origine, dans le cadre du chapitre III, section 4, du règlement, sont traduites aux articles 43 et 44 du règlement, dont les dispositions prévoient que le droit de l’État membre d’origine est applicable à toute rectification du certificat, que la délivrance de celui-ci n’est susceptible d’aucun recours et que ce certificat ne produit ses effets que dans les limites du caractère exécutoire du jugement.

65      La réserve faite à l’article 21, paragraphe 3, du règlement, par l’emploi des termes «sans préjudice de la section 4», qui fait l’objet de la quatrième question posée par la juridiction de renvoi, a pour finalité de préciser que la faculté accordée par cette disposition à toute partie intéressée de demander que soit prise une décision de reconnaissance ou de non-reconnaissance de la décision rendue dans un État membre n’exclut pas la possibilité, lorsque les conditions sont remplies, de recourir au régime prévu aux articles 11, paragraphe 8, 40 et 42, du règlement pour le cas d’un retour d’un enfant consécutif à une décision de non-retour, ce régime primant celui prévu aux sections 1 et 2 dudit chapitre III.

66      Il convient de souligner que la procédure prévue pour le cas d’un retour d’un enfant consécutif à une décision de non-retour reprend et renforce les dispositions des articles 12 et 13 de la convention de La Haye de 1980. Notamment, le délai pour statuer sur une demande de non-retour est très bref. Par ailleurs, une décision définitive ordonnant le retour peut être adoptée par une juridiction compétente en vertu du règlement. Enfin, la procédure culmine avec la certification de la décision qui lui donne une force exécutoire spéciale, les conditions d’octroi et les effets du certificat étant expressément définis dans le règlement.

67      Ainsi, en ce qui concerne les conditions d’octroi, il ressort de l’article 42, paragraphe 2, du règlement que le juge d’origine qui a rendu la décision visée à l’article 40, paragraphe 1, sous b), du règlement ne délivre le certificat que si:

«a)      l’enfant a eu la possibilité d’être entendu, à moins qu’une audition n’ait été jugée inappropriée eu égard à son âge ou à son degré de maturité,

b)      les parties ont eu la possibilité d’être entendues, et que

c)      la juridiction a rendu sa décision en tenant compte des motifs et des éléments de preuve sur la base desquels avait été rendue la décision prise en application de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980.»

68      Quant aux effets de la certification, dès lors que le certificat a été délivré, la décision de retour de l’enfant visée audit article 40, paragraphe 1, sous b), est reconnue et jouit de la force exécutoire dans un autre État membre, sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire soit requise et sans qu’il soit possible de s’opposer à sa reconnaissance.

69      Il convient de rappeler que ce régime ne s’applique qu’en cas de retour d’un enfant consécutif à une décision ordonnant le non-retour visée à l’article 11, paragraphe 8, du règlement.

70      Milite en ce sens ledit article 11, paragraphe 8, disposition qui énonce que, «[n]onobstant une décision de non‑retour rendue en application de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980, toute décision ultérieure ordonnant le retour de l’enfant rendue par une juridiction compétente en vertu du présent règlement est exécutoire conformément au chapitre III, section 4, en vue d’assurer le retour de l’enfant».

71      Si l’expression «[n]onobstant une décision de non-retour» comporte une certaine ambiguïté, son articulation avec les termes «toute décision ultérieure» indique une relation chronologique entre une décision, à savoir celle de non-retour, et la décision ultérieure, une telle formulation ne laissant place à aucun doute en ce qui concerne le caractère préalable de la première décision.

72      Le dix-septième considérant du règlement confirme cette interprétation, en précisant qu’une décision de non-retour «devrait pouvoir être remplacée par une décision ultérieure de la juridiction de l’État membre de la résidence habituelle de l’enfant avant son déplacement ou non-retour illicites».

73      Il ressort également de l’article 42, paragraphe 2, sous c), du règlement, qui impose à la juridiction de prendre en considération les motifs et les éléments de preuve sur la base desquels a été rendue la décision prise en application de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980, que cette juridiction ne peut statuer qu’après l’adoption d’une décision de non-retour dans l’État membre d’exécution.

74      Il en découle que l’article 40, paragraphe 1, sous b), du règlement est une disposition qui ne trouve à s’appliquer que lorsqu’une décision de non-retour a été prise au préalable dans l’État membre d’exécution.

75      Les conséquences que les observations mentionnées au point 58 du présent arrêt déduisent de cette interprétation ne sauraient pourtant être accueillies.

76      En effet, l’article 11, paragraphe 3, du règlement exige que les juridictions saisies d’une demande de retour agissent rapidement, en utilisant les procédures les plus rapides prévues par le droit national. Le second alinéa de la même disposition prescrit, en outre, que, sans préjudice de cet objectif de célérité, la décision doit être rendue, sauf si cela s’avère impossible en raison de circonstances exceptionnelles, six semaines au plus tard après la saisine.

77      Plus précisément, le paragraphe 6 dudit article 11 prévoit que, lorsqu’une décision de non-retour a été rendue par une juridiction, celle-ci doit immédiatement, soit directement, soit par l’intermédiaire de son autorité centrale, transmettre une copie de cette décision judiciaire et des documents pertinents, en particulier un compte rendu des audiences, à la juridiction compétente ou à l’autorité centrale de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites. Le caractère d’urgence de ces démarches est également révélé par la dernière phrase du même paragraphe qui dispose que la juridiction d’origine «doit recevoir tous les documents mentionnés dans un délai d’un mois à compter de la date de la décision de non‑retour».

78      Ces dispositions visent non seulement à assurer le retour immédiat de l’enfant dans l’État membre où il avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites, mais aussi à permettre à la juridiction d’origine d’évaluer les motifs et les éléments de preuve sur la base desquels la décision de non-retour a été rendue.

79      En particulier, la juridiction d’origine est tenue d’examiner si les conditions indiquées au point 67 du présent arrêt sont remplies.

80      Cette appréciation incombant, en dernière analyse, à la juridiction d’origine, en application des articles 10 et 40, paragraphe 1, sous b), du règlement, les incidents procéduraux qui, après qu’une décision de non‑retour a été prise, se produisent ou se reproduisent dans l’État membre d’exécution ne sont pas déterminants et peuvent être considérés comme sans incidence aux fins de la mise en œuvre du règlement.

81      S’il n’en était pas ainsi, le règlement risquerait d’être vidé de son effet utile, puisque l’objectif du retour immédiat de l’enfant resterait subordonné à la condition de l’épuisement des voies procédurales admises par le droit national de l’État membre dans lequel l’enfant est illicitement retenu. Ce risque est d’autant plus à pondérer que, en ce qui concerne les enfants en bas âge, le temps biologique ne peut être mesuré selon des critères généraux, vu la structure intellectuelle et psychologique de tels enfants et la rapidité avec laquelle celle-ci évolue.

82      Même si le règlement n’a pas pour objet d’unifier les règles de droit matériel et de procédure des différents États membres, il importe cependant que l’application de ces règles nationales ne porte pas atteinte à son effet utile (voir par analogie, s’agissant de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, arrêts du 15 mai 1990, Hagen, C-365/88, Rec. p. I-1845, points 19 et 20; du 7 mars 1995, Shevill e.a., C-68/93, Rec. p. I‑415, point 36, et du 27 avril 2004, Turner, C‑159/02, Rec. p. I‑3565, point 29).

83      Il y a lieu d’ajouter que cette interprétation du règlement est conforme aux exigences et à la finalité de celui-ci et qu’elle est la seule qui assure au mieux l’effectivité du droit communautaire.

84      Elle est, par ailleurs, confortée par deux éléments. Le premier est fondé sur les termes «toute décision ultérieure ordonnant le retour de l’enfant», figurant à l’article 11, paragraphe 8, du règlement, termes qui expriment l’idée que la juridiction d’origine, dès lors que la décision de non-retour a été prise, peut se voir tenue de prendre une ou plusieurs décisions en vue d’obtenir le retour de l’enfant, y compris en cas de situations d’impasse procédurale ou factuelle. Le second élément est d’ordre systémique et repose sur le fait que, contrairement à la procédure prévue aux articles 33 à 35 du règlement pour la requête en déclaration de la force exécutoire, des décisions rendues conformément au chapitre III, section 4, de celui-ci (droit de visite et retour de l’enfant) peuvent être déclarées exécutoires par la juridiction d’origine indépendamment de toute possibilité de recours, que ce soit dans l’État membre d’origine ou dans celui d’exécution.

85      En excluant, contre la délivrance d’un certificat au titre de l’article 42, paragraphe 1, tout recours autre qu’une action en rectification au sens de l’article 43, paragraphe 1, du règlement, celui-ci vise à éviter que l’efficacité de ses dispositions soit mise en cause par une utilisation abusive de la procédure. Par ailleurs, l’article 68 ne mentionne, parmi les voies de recours, aucun recours formé contre des décisions prises en application du chapitre III, section 4, du règlement.

86      Ces considérations répondent aux spécificités du litige au principal.

87      D’une part, la séquence des décisions prises par les juridictions lituaniennes, concernant tant la demande de retour que celle de non-reconnaissance de la décision certifiée conformément à l’article 42 du règlement, ne semble pas avoir respecté l’autonomie de la procédure prévue par cette dernière disposition. D’autre part, le nombre de décisions et leur diversité (annulations, réformations, réouvertures, suspensions) sont la preuve que, même en ayant éventuellement adopté les procédures internes les plus rapides, les délais écoulés étaient déjà, à la date de la délivrance du certificat, en contradiction manifeste avec les exigences du règlement.

88      Il reste à préciser que, aucun doute n’ayant été émis en ce qui concerne l’authenticité du certificat délivré par l’Amtsgericht Oranienburg, et celui‑ci contenant tous les éléments exigés à l’article 42 du règlement, un recours contre la délivrance du certificat ou une opposition à sa reconnaissance ne pouvaient, conformément à l’article 43, paragraphe 2, du règlement, qu’être rejetés, la juridiction requise ne pouvant que constater la force exécutoire de la décision certifiée.

89      Au regard des observations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux quatrième à sixième questions que, une fois une décision de non-retour prise et portée à la connaissance de la juridiction d’origine, il est sans incidence, aux fins de la délivrance du certificat prévu à l’article 42 du règlement, que cette décision ait été suspendue, réformée, annulée ou, en tout état de cause, ne soit pas passée en force de chose jugée ou ait été remplacée par une décision de retour, pour autant que le retour de l’enfant n’a pas effectivement eu lieu. Aucun doute n’ayant été émis en ce qui concerne l’authenticité de ce certificat et celui-ci ayant été établi conformément au formulaire dont le modèle figure à l’annexe IV du règlement, l’opposition à la reconnaissance de la décision de retour est interdite et il n’incombe à la juridiction requise que de constater la force exécutoire de la décision certifiée et de faire droit au retour immédiat de l’enfant.

 Sur la première question

90      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une partie intéressée au sens de l’article 21 du règlement peut demander la non‑reconnaissance d’une décision juridictionnelle sans qu’une demande de reconnaissance de cette même décision ait été présentée.

91      La réponse donnée aux quatrième à sixième questions exclut la possibilité d’une demande de non-reconnaissance au cas où une décision de retour de l’enfant a été adoptée et certifiée conformément aux dispositions des articles 11, paragraphe 8, et 42 du règlement.

92      Néanmoins, cette possibilité ne saurait être écartée de manière générale.

93      En effet, l’article 21, paragraphe 3, du règlement prévoit que, «[s]ans préjudice de la section 4, toute partie intéressée peut demander, selon les procédures prévues à la section 2, que soit prise une décision de reconnaissance ou de non-reconnaissance de la décision». Le second alinéa du même paragraphe fixe, à cette fin, les règles de compétence territoriale.

94      Il n’est pas non plus exclu qu’une demande de non-reconnaissance d’une décision entraîne la reconnaissance de celle-ci de façon incidente, hypothèse dans laquelle trouverait à s’appliquer le paragraphe 4 dudit article 21.

95      La possibilité de présenter une demande de non-reconnaissance sans qu’une demande de reconnaissance ait été préalablement introduite est susceptible de répondre à des objectifs divers, soit d’ordre matériel, notamment ceux visant l’intérêt supérieur de l’enfant ou la stabilité et la tranquillité de la famille, soit de nature procédurale, en permettant d’anticiper la production de moyens de preuve qui pourraient n’être plus disponibles à l’avenir.

96      La demande de non-reconnaissance doit cependant respecter la procédure prévue au chapitre III, section 2, du règlement et, en particulier, elle ne saurait être poursuivie selon les dispositions du droit interne que si celles-ci ne limitent pas la portée et les effets du règlement.

97      Dès lors, il convient de répondre à la première question que, hormis les cas où la procédure vise une décision certifiée en application des articles 11, paragraphe 8, et 40 à 42 du règlement, toute partie intéressée peut demander la non-reconnaissance d’une décision juridictionnelle, même si une demande de reconnaissance de la décision n’a pas été déposée préalablement.

 Sur la deuxième question

98      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, dans le cas où il convient d’examiner la demande de non-reconnaissance de la décision présentée par la personne à l’égard de laquelle cette décision est exécutoire et alors qu’aucune demande de reconnaissance n’a été préalablement formée, la manière dont il convient d’appliquer l’article 31, paragraphe 1, du règlement, notamment le membre de phrase aux termes duquel «ni la personne contre laquelle l’exécution est demandée ni l’enfant ne [peuvent], à ce stade de la procédure, présenter d’observations».

99      La réserve émise au point 91 du présent arrêt s’applique également dans le cadre de la présente question.

100    Sous cette réserve, il convient de constater que, au cas où une demande de non-reconnaissance d’une décision juridictionnelle est introduite sans qu’une demande de reconnaissance de cette décision ait été présentée, l’article 31, paragraphe 1, du règlement doit être interprété au regard de l’économie spécifique du chapitre III, section 2, du règlement. Partant, cette disposition doit rester sans application.

101    En effet, l’article 31 du règlement vise la déclaration de la force exécutoire. Il dispose que, dans ce cas, la partie contre laquelle l’exécution est demandée ne peut pas présenter d’observations. Une telle procédure doit être comprise en fonction du fait que, ayant un caractère exécutoire et unilatéral, elle ne saurait faire acception des observations de ladite partie sans revêtir une nature déclaratoire et contradictoire, ce qui irait à l’encontre de sa logique même d’après laquelle les droits de la défense sont garantis au moyen du recours prévu à l’article 33 du règlement.

102    La situation envisagée dans le cas d’une demande de non-reconnaissance est différente.

103    La raison de cette différence réside dans le fait que le demandeur, dans une telle situation, est la personne contre laquelle la requête en déclaration de la force exécutoire aurait pu être introduite.

104    Les exigences mentionnées au point 101 du présent arrêt n’étant plus justifiées, la partie contre laquelle est introduite la demande de non-reconnaissance ne saurait être privée de la possibilité de présenter des observations.

105    Toute autre solution tendrait à limiter l’efficacité de l’action du demandeur, dès lors que l’objet de la procédure de non-reconnaissance vise une appréciation négative qui réclame, par sa nature, le contradictoire.

106    Il en résulte que, ainsi que la Commission l’a fait valoir, la partie défenderesse, qui prétend à la reconnaissance, peut soumettre des observations.

107    Il convient dès lors de répondre à la deuxième question que l’article 31, paragraphe 1, du règlement, en ce qu’il prévoit que ni la personne contre laquelle l’exécution est demandée ni l’enfant ne peuvent, à ce stade de la procédure, présenter d’observations, n’est pas applicable à une procédure de non-reconnaissance d’une décision juridictionnelle, formée sans qu’une demande de reconnaissance ait été préalablement introduite à l’égard de la même décision. Dans une telle situation, la partie défenderesse, prétendant à la reconnaissance, peut présenter des observations.

 Sur la troisième question

108    Par sa troisième question la juridiction de renvoi demande si la juridiction nationale devant laquelle le titulaire de la responsabilité parentale a présenté la demande de non-reconnaissance de la décision de la juridiction de l’État membre d’origine ordonnant le retour de l’enfant vers l’État membre d’origine, décision pour laquelle un certificat a été délivré en vertu de l’article 42 du règlement, doit examiner cette demande sur le fondement des dispositions du chapitre III, sections 1 et 2, du règlement, ainsi que le prévoit l’article 40, paragraphe 2, de celui-ci.

109    Ainsi qu’il découle des réponses aux questions précédentes, une demande de non-reconnaissance d’une décision judiciaire n’est pas admise si un certificat a été délivré en vertu de l’article 42 du règlement. Dans une telle situation, la décision qui a été certifiée jouit de la force exécutoire, aucune opposition à sa reconnaissance ne pouvant être formée.

110    Il n’y a donc pas lieu de répondre à la troisième question.

 

 Sur les dépens

 

111    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      Une fois une décision de non-retour prise et portée à la connaissance de la juridiction d’origine, il est sans incidence, aux fins de la délivrance du certificat prévu à l’article 42 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000, que cette décision ait été suspendue, réformée, annulée ou, en tout état de cause, ne soit pas passée en force de chose jugée ou ait été remplacée par une décision de retour, pour autant que le retour de l’enfant n’a pas effectivement eu lieu. Aucun doute n’ayant été émis en ce qui concerne l’authenticité de ce certificat et celui-ci ayant été établi conformément au formulaire dont le modèle figure à l’annexe IV dudit règlement, l’opposition à la reconnaissance de la décision de retour est interdite et il n’incombe à la juridiction requise que de constater la force exécutoire de la décision certifiée et de faire droit au retour immédiat de l’enfant.

2)      Hormis les cas où la procédure vise une décision certifiée en application des articles 11, paragraphe 8, et 40 à 42 du règlement n° 2201/2003, toute partie intéressée peut demander la non‑reconnaissance d’une décision juridictionnelle, même si une demande de reconnaissance de la décision n’a pas été déposée préalablement.

3)      L’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 2201/2003, en ce qu’il prévoit que ni la personne contre laquelle l’exécution est demandée ni l’enfant ne peuvent, à ce stade de la procédure, présenter d’observations, n’est pas applicable à une procédure de non‑reconnaissance d’une décision juridictionnelle, formée sans qu’une demande de reconnaissance ait été préalablement introduite à l’égard de la même décision. Dans une telle situation, la partie défenderesse, prétendant à la reconnaissance, peut présenter des observations.

Signatures


Langue de procédure: le lituanien.

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