Master 2 Etudes Européennes et Internationales

Découvrez nos formations

 

CJUE, 17 février 2011, aff. C-283/09, Artur Weryński c/ Mediatel 4B spółka z o.o.

 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 17 février 2011

Affaire C-283/09

Artur Weryński

contre

Mediatel 4B spółka z o.o.

 

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Sąd Rejonowy dla Warszawy Śródmieścia)

«Coopération judiciaire en matière civile — Obtention des preuves — Audition d’un témoin par la juridiction requise à la demande de la juridiction requérante — Indemnité allouée aux témoins»

Sommaire de l'arrêt

1.        Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Acte pris sur le fondement du titre IV de la troisième partie du traité CE — Saisine par une juridiction rendant des décisions susceptibles d'un recours de droit interne — Saisine durant la période transitoire ayant précédé l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne — Inclusion

(Art. 267 TFUE)

2.        Questions préjudicielles — Saisine de la Cour — Nécessité, pour la juridiction nationale, d'une décision préjudicielle pour rendre son jugement — Notion

(Art. 267, al. 2, TFUE)

3.        Questions préjudicielles — Saisine de la Cour — Juridiction nationale au sens de l'article 267 TFUE — Notion — Juridiction agissant au titre de la coopération entre les juridictions des États membres pour l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale

(Art. 267, al. 2, TFUE; règlement du Conseil nº 1206/2001)

4.        Coopération judiciaire en matière civile — Obtention de preuves en matière civile ou commerciale — Règlement nº 1206/2001 — Notion de frais

(Règlement du Conseil nº 1206/2001, art. 14 et 18, § 1 et 2)

1.        Eu égard à l’élargissement du droit de saisine à titre préjudiciel opéré par le traité de Lisbonne, les juridictions de première instance disposent désormais également de ce droit lorsque sont en cause des actes adoptés dans le domaine du titre IV du traité CE, intitulé «Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes».

Or, l’objectif poursuivi par l’article 267 TFUE de fonder une coopération efficace entre la Cour et les juridictions nationales ainsi que le principe de l’économie de la procédure plaident en faveur de la recevabilité des demandes de décision préjudicielle présentées par des juridictions inférieures durant la période transitoire qui a précédé de peu l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et qui n’ont été examinées par la Cour qu’après l’entrée en vigueur de ce traité. En effet, un rejet pour irrecevabilité conduirait dans cette hypothèse simplement à la présentation par la juridiction de renvoi, laquelle aurait entre-temps acquis le droit de saisir la Cour, d’une nouvelle demande préjudicielle portant sur la même question, ce qui produirait un excès de formalités procédurales et un allongement inutile de la durée de la procédure dans l’affaire au principal. Il y a donc lieu de considérer que la Cour a, depuis le 1er décembre 2009, compétence pour connaître d’une demande de décision préjudicielle émanant d’une juridiction dont les décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, et ce même si la demande a été déposée avant cette date.

(cf. points 28-31)

2.        Dans nombre de cas où se posent des questions d'interprétation du règlement nº 1206/2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale, qui concernent l'administration de la preuve, une interprétation par la voie de la procédure préjudicielle serait impossible si la pertinence de la question préjudicielle pour la solution du litige était soumise à des exigences trop contraignantes. En effet, la plupart de ces questions ne peuvent concerner que de manière indirecte les affaires au principal où elles sont posées.

Il s’ensuit que seule une interprétation large de la notion de «rendre son jugement» au sens de l’article 267, deuxième alinéa, TFUE permettrait d’éviter que nombre de questions procédurales, notamment celles qui se posent dans le cadre de l’application du règlement nº 1206/2001, soient considérées comme irrecevables et ne puissent faire l’objet d’une interprétation par la Cour.

Cette notion doit donc être comprise en ce sens qu’elle englobe l’ensemble de la procédure menant au jugement de la juridiction de renvoi, afin que la Cour soit en mesure de connaître de l’interprétation de toutes dispositions procédurales du droit de l’Union que la juridiction de renvoi est tenue d’appliquer pour rendre son jugement. En d’autres termes, ladite notion comprend l’entier processus de création du jugement, y inclus toutes les questions relatives à la charge des frais de procédure.

(cf. points 39, 41-42)

3.        Les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel.

Or, s’il est vrai que la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves n’aboutit pas nécessairement à l’élaboration d’une décision juridictionnelle, il n’en demeure pas moins que l’audition d’un témoin par une juridiction est un acte effectué dans le cadre d’une procédure juridictionnelle destinée à aboutir à une décision à caractère juridictionnel. La question de la charge des frais d’audition s’inscrit dans le cadre de cette procédure. Il existe donc un lien direct entre une question préjudicielle concernant lesdits frais et l’accomplissement par la juridiction de renvoi d’une fonction juridictionnelle.

(cf. points 44-45)

4.        Les articles 14 et 18 du règlement nº 1206/2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale, doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction requérante n’est pas tenue de verser à la juridiction requise une avance à valoir sur l’indemnité ou de rembourser l’indemnité due au témoin interrogé.

En effet, il serait contraire à l’esprit et à la finalité du règlement nº 1206/2001, qui vise une exécution rapide et simple de la demande d’obtention de preuves, de faire dépendre la question des frais d’une définition nationale de cette notion. Ainsi, s’agissant des termes employés par l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement, il convient d’entendre par «taxes» les sommes perçues par la juridiction pour son activité, alors que par «frais» il y a lieu d’entendre les sommes versées par la juridiction à des tiers au cours de la procédure, notamment à des experts ou à des témoins. Il s’ensuit que les indemnités versées à un témoin entendu par la juridiction requise relèvent de la notion de frais au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement nº 1206/2001. Or, pour ce qui concerne ces frais, il ne peut exister d’obligation de remboursement pour la juridiction requérante que si l’une des exceptions prévues à l’article 18, paragraphe 2, de ce règlement a vocation à s’appliquer.

(cf. point 58-59, 61, 63, 69 et disp.)

 

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

17 février 2011

 

«Coopération judiciaire en matière civile – Obtention des preuves – Audition d’un témoin par la juridiction requise à la demande de la juridiction requérante – Indemnité allouée aux témoins»

Dans l’affaire C‑283/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Sąd Rejonowy dla Warszawy Śródmieścia (Pologne), par décision du 17 juillet 2009, parvenue à la Cour le 23 juillet 2009, dans la procédure

Artur Weryński

contre

Mediatel 4B spółka z o.o.,

 

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, A. Borg Barthet, M. Ilešič et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juillet 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement polonais, par MM. M. Dowgielewicz et M. Arciszewski ainsi que Mme A. Siwek, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller, en qualité d’agent,

–        pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de Mme M. Noonan, barrister,

–        pour le gouvernement finlandais, par Mme A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mmes A.-M. Rouchaud-Joët et K. Herrmann, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 septembre 2010,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale (JO L 174, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Weryński à son ancien employeur, Mediatel 4B spółka z o.o., et vise à savoir, en substance, si la juridiction irlandaise requise peut conditionner l’audition d’un témoin au versement, par la juridiction requérante, d’une indemnité allouée à celui-ci.

 

 Le cadre juridique

 

 Le règlement n° 1206/2001

3        Le règlement n° 1206/2001 vise à établir des mesures en matière de coopération judiciaire dans le domaine civil applicables à l’ensemble des États membres, à l’exception du Royaume de Danemark, ainsi que cela est indiqué à l’article 1er, paragraphe 3, dudit règlement. Il remplace, dans cette mesure, la convention sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou commerciale conclue à La Haye le 18 mars 1970 (ci-après la «convention de La Haye»), à laquelle le sixième considérant du règlement n° 1206/2001 fait référence.

4        Selon le vingt et unième considérant du règlement n° 1206/2001, en conformité avec l’article 3 du protocole sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard des politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration, ainsi qu’à l’égard de la coopération judiciaire en matière civile et de la coopération policière, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, l’Irlande a notifié son souhait de participer à l’adoption et à l’application dudit règlement.

5        Les deuxième, septième, huitième, dixième, onzième et seizième considérants du règlement n° 1206/2001 disposent:

«(2)      Le bon fonctionnement du marché intérieur exige d’améliorer, et en particulier de simplifier et d’accélérer, la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention de preuves.

[…]

(7)      Étant donné que, en matière civile et commerciale, pour statuer sur une affaire engagée devant une juridiction d’un État membre, il est souvent nécessaire de procéder à des actes d’instruction dans un autre État membre, l’action de la Communauté ne peut se limiter au domaine de la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires, couvert par le règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale [JO L 160, p. 37]. Il est donc nécessaire de continuer à améliorer la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention de preuves.

(8)      Pour qu’une procédure judiciaire en matière civile ou commerciale soit utile, il faut que la transmission et le traitement des demandes visant à faire procéder à un acte d’instruction se fassent de manière directe et par les moyens les plus rapides entre les juridictions des États membres.

[…]

(10)      Il est nécessaire qu’une demande visant à faire procéder à un acte d’instruction soit exécutée rapidement. Si elle ne peut pas être exécutée dans un délai de quatre-vingt-dix jours après sa réception par la juridiction requise, celle-ci est tenue d’en informer la juridiction requérante en précisant les raisons qui empêchent une exécution rapide de la demande.

(11)      Afin d’assurer l’efficacité du présent règlement, la possibilité de refuser l’exécution d’une demande visant à faire procéder à un acte d’instruction doit être limitée à des situations exceptionnelles étroitement définies.

[…]

(16)      Conformément à l’article 10, l’exécution de la demande ne devrait donner lieu à aucune demande de remboursement des taxes de frais. Toutefois, si la juridiction requise demande le remboursement, il n’y a pas lieu que les honoraires versés aux experts et aux interprètes, tout comme les frais résultant de l’application de l’article 10, paragraphes 3 et 4, soient supportés par cette juridiction. Dans un tel cas, la juridiction requérante doit prendre les mesures nécessaires afin d’assurer le remboursement sans délai. Lorsque l’avis d’un expert est requis, la juridiction requise peut, avant d’exécuter la demande, demander à la juridiction requérante une consignation ou avance adéquate par rapport aux frais nécessaires.»

6        L’article 10 du règlement n° 1206/2001, qui comporte des dispositions générales relatives à l’exécution de la demande, prévoit:

«1.      La juridiction requise exécute la demande sans tarder et, au plus tard, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception de la demande.

2.      La juridiction requise exécute la demande conformément au droit de l’État membre dont cette juridiction relève.

3.      La juridiction requérante peut demander que la demande soit exécutée selon une forme spéciale prévue par le droit de l’État membre dont elle relève, au moyen du formulaire type A figurant en annexe. La juridiction requise défère à cette demande, à moins que la forme demandée ne soit pas compatible avec le droit de l’État membre dont elle relève ou en raison de difficultés pratiques majeures. Si la juridiction requise, pour l’une des raisons susmentionnées, ne défère pas à la demande, elle en informe la juridiction requérante au moyen du formulaire type D figurant en annexe.

4.      La juridiction requérante peut demander à la juridiction requise de recourir aux technologies de communication modernes pour procéder à l’acte d’instruction, en particulier à la vidéoconférence et à la téléconférence.

La juridiction requise défère à cette demande, à moins que cela ne soit incompatible avec le droit de l’État membre dont elle relève ou en raison de difficultés pratiques majeures.

Si la juridiction requise, pour l’une des raisons susmentionnées, ne défère pas à cette demande, elle en informe la juridiction requérante au moyen du formulaire type D figurant en annexe.

Si les moyens techniques visés ci-dessus ne sont pas accessibles dans la juridiction requérante ou dans la juridiction requise, les juridictions peuvent d’un commun accord les rendre disponibles.»

7        L’article 14 du règlement n° 1206/2001 est libellé comme suit:

«1.      Une demande visant à l’audition d’une personne n’est pas exécutée si la personne invoque le droit de refuser de déposer ou une interdiction de déposer:

a)      en vertu du droit de l’État membre dont relève la juridiction requise ou

b)      en vertu du droit de l’État membre dont relève la juridiction requérante, lorsque cela a été indiqué dans la demande ou, le cas échéant, confirmé par la juridiction requérante à la demande de la juridiction requise.

2.      Outre les motifs prévus au paragraphe 1, l’exécution d’une demande ne peut être refusée que si:

[…]

d)      une consignation ou une avance demandée conformément à l’article 18, paragraphe 3, n’a pas été effectuée dans les soixante jours suivant la demande, par la juridiction requise, de consignation ou de versement d’avance.

[…]»

8        L’article 18 du règlement n° 1206/2001 se lit comme suit:

«1.      L’exécution d’une demande conformément à l’article 10 ne peut donner lieu au remboursement de taxes ou de frais.

2.      Toutefois, si la juridiction requise en fait la demande conformément au droit de l’État membre dont elle relève, la juridiction requérante, sous réserve de l’obligation des parties de supporter les frais conformément au droit de l’État membre dont elle relève, s’assure sans délai du remboursement:

–      des honoraires versés aux experts et aux interprètes et

–      des frais résultant de l’application de l’article 10, paragraphes 3 et 4.

L’obligation, pour les parties, de supporter ces honoraires ou frais est régie par le choix de l’État membre de la juridiction requérante.

3.      Lorsque l’avis d’un expert est requis, la juridiction requise peut, avant d’exécuter la demande, demander à la juridiction requérante une consignation ou avance adéquate par rapport aux frais nécessaires. Dans tous les autres cas, la consignation ou l’avance n’est pas une condition de l’exécution de la demande.

La consignation ou l’avance est effectuée par les parties si cela est prévu par la législation de l’État membre de la juridiction requérante.»

 La convention de La Haye

9        La convention de La Haye vise à accroître l’efficacité de la coopération judiciaire mutuelle en matière civile ou commerciale.

10      L’article 14 de la convention de La Haye prévoit:

«L’exécution de la commission rogatoire ne peut donner lieu au remboursement de taxes ou de frais, de quelque nature que ce soit.

Toutefois, l’État requis a le droit d’exiger de l’État requérant le remboursement des indemnités payées aux experts et interprètes et des frais résultant de l’application d’une forme spéciale demandée par l’État requérant, conformément à l’art. 9, alinéa 2.

L’autorité requise, dont la loi laisse aux parties le soin de réunir les preuves et qui n’est pas en mesure d’exécuter elle-même la commission rogatoire, peut en charger une personne habilitée à cet effet, après avoir obtenu le consentement de l’autorité requérante. En demandant celui-ci, l’autorité requise indique le montant approximatif des frais qui résulteraient de cette intervention. Le consentement implique pour l’autorité requérante l’obligation de rembourser ces frais. À défaut de celui-ci, l’autorité requérante n’est pas redevable de ces frais.»

 Le droit national

11      L’article 85 de la loi du 28 juillet 2005 sur les frais de justice dans les affaires civiles (ustawa z dnia 28 lipca 2005 r. o kosztach sądowych w sprawach cywilnych, Dz. U de 2005, n° 167, position 1398), telle que modifiée, permet à un témoin de solliciter le remboursement des frais liés à sa comparution devant un tribunal.

12      L’article 101, paragraphe 4, du règlement du ministre de la Justice du 23 février 2007 sur l’organisation des juridictions de droit commun (rozporządzenie Ministra Sprawiedliwości z dnia 23 lutego 2007 r. Regulamin urzędowania Sądów powszechnych, Dz. U de 2007, n° 38, position 249), qui prévoit les principes de règlement entre la juridiction requise et la juridiction requérante, est libellé dans les termes suivants:

«Au cas où la juridiction requise accorde aux personnes ayant participé à la procédure une indemnité ou un remboursement de frais de voyage, il convient de verser ceux-ci au moyen d’une avance sur les dépenses et, en cas d’absence d’avance, en les imputant sur les ressources budgétaires du Trésor public; dans ce cas, il y a lieu de joindre à l’acte d’instruction une demande de remboursement de ces dépenses par la juridiction requérante, dans le respect des conditions relatives à la définition des dépenses figurant dans les dispositions particulières.»

13      En vertu de l’article 53 du règlement du ministre de la Justice du 28 janvier 2002 concernant certains actes particuliers des juridictions en matière de procédure civile et pénale internationale dans les relations internationales (rozporządzenie Ministra Sprawiedliwości z dnia 28 stycznia 2002 r. w sprawie szczegółowych czynności sądów w sprawach z zakresu międzynarodowego postępowania cywilnego oraz karnego w stosunkach międzynarodowych, Dz. U de 2002, n° 17, position 164), les frais afférents à l’assistance juridique sont fixés en złoty polonais. Ces frais sont supportés par le Trésor public. Après l’exécution de la demande, la juridiction requiert le remboursement des frais en devise polonaise ou dans une devise convertible représentant une somme équivalente au montant exprimé en devise polonaise. Selon la juridiction de renvoi, le remboursement de ces frais n’est pas réclamé si la convention internationale prévoit l’octroi de l’assistance juridique à titre gratuit.

 

 Le litige au principal et la question préjudicielle

 

14      M. Weryński a introduit un recours devant le Sąd Rejonowy dla Warszawy Śródmieścia contre Mediatel 4B spółka z o.o., son ancien employeur, aux fins d’obtenir des dommages et intérêts au titre d’un contrat de non-concurrence.

15      Dans le cadre de cette procédure, la juridiction de renvoi a requis le 6 janvier 2009 l’audition d’un témoin par la Dublin Metropolitan District Court (Irlande) en application du règlement n° 1206/2001. La juridiction requise a toutefois conditionné l’audition du témoin au versement, par la juridiction requérante, d’une indemnité de 40 euros à allouer aux témoins en vertu du droit irlandais. Elle a réclamé à la juridiction polonaise le versement de cette somme par une lettre du 12 janvier 2009.

16      La juridiction de renvoi a contesté le bien-fondé de cette sommation.

17      Le recours aux organismes centraux polonais et irlandais, institués conformément à l’article 3 du règlement n° 1206/2001 et chargés de rechercher des solutions aux difficultés qui se présentent à l’occasion d’une demande visant à faire procéder à un acte d’instruction, n’a donné aucun résultat.

18      Selon la juridiction requise et l’organisme central irlandais, l’interdiction de percevoir des taxes quelconques, telle que figurant à l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1206/2001, ne vise pas les indemnités dues aux témoins. En vertu du droit irlandais, les témoins auraient droit à un remboursement de frais. Ce droit s’appliquerait en l’espèce, car, conformément à l’article 10, paragraphe 2, dudit règlement, l’obtention du témoignage serait régie par le droit de la juridiction requise. Dès lors que l’article 18, paragraphes 2 et 3, dudit règlement ne contiendrait aucune disposition relative au remboursement de l’indemnité due au témoin, la juridiction requise pourrait demander à la juridiction requérante le remboursement de cette indemnité. L’organisme central irlandais se fonde également sur une pratique similaire en Angleterre et au pays de Galles.

19      La juridiction de renvoi estime que la position de la juridiction requise et de l’organisme central irlandais n’est pas fondée.

20      Selon la juridiction de renvoi, une analyse littérale de l’article 18, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1206/2001 permet de constater que seules trois exceptions sont autorisées à l’interdiction générale de toute demande de «remboursement de taxes ou de frais». L’article 10, paragraphe 2, de ce règlement, en tant que règle de nature générale, ne s’appliquerait pas aux rapports entre la juridiction requise et la juridiction requérante. Eu égard à cet état de choses, même si le droit irlandais prévoit l’obligation de demander le remboursement de l’indemnité due au témoin à la juridiction requérante, cette disposition ne s’appliquerait pas en l’espèce compte tenu du principe de la primauté du droit communautaire. En effet, sous réserve des honoraires dus aux experts et aux interprètes et des frais découlant de l’application, à la demande de la juridiction requérante, de la procédure spéciale (article 10, paragraphe 3, dudit règlement) ou des technologies de communication (article 10, paragraphe 4, du même règlement), il ne serait pas possible de demander à la juridiction requérante de rembourser des taxes ou des frais.

21      C’est dans ces conditions que le Sąd Rejonowy dla Warszawy Śródmieścia a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Au titre du [règlement n° 1206/2001], la juridiction requise a-t-elle le droit de demander à la juridiction requérante une avance à valoir sur l’indemnité ou le remboursement de l’indemnité due au témoin interrogé, ou bien cette indemnité doit-elle être couverte par des ressources financières propres?»

 

 Sur la compétence de la Cour et la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

 

22      La Commission européenne émet des doutes quant à la compétence de la Cour et à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle.

23      Elle attire l’attention de la Cour sur le fait que, d’une part, les jugements rendus par la juridiction de renvoi sont susceptibles de recours et que, en vertu de l’article 68, paragraphe 1, CE, seules les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne peuvent saisir la Cour à titre préjudiciel aux fins d’obtenir une interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté sur le fondement du titre IV du traité CE, intitulé «Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes».

24      Elle estime, d’autre part, que la question relative à l’interprétation du règlement n° 1206/2001 n’apparaît pas nécessaire à la solution du litige au principal et a trait, par ailleurs, au fonctionnement administratif des juridictions. Partant, elle méconnaîtrait les exigences posées par la jurisprudence en matière de recevabilité des demandes de décision préjudicielle.

25      Tout en ne constituant pas de véritables exceptions, la Cour considère opportun d’examiner d’office ces questions.

26      S’agissant de l’éventuelle incompétence de la Cour, il y a lieu de rappeler que la demande de décision préjudicielle concerne le règlement n° 1206/2001, adopté sur le fondement des articles 61, sous c), CE et 67, paragraphe 1, CE, qui relèvent du titre IV du traité CE.

27      Ladite demande a été présentée le 23 juillet 2009, soit avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Selon l’article 68 CE, en vigueur à cette date, il y aurait donc eu lieu de déterminer si la juridiction de renvoi pouvait être considérée, dans l’affaire au principal, comme agissant en tant que juridiction de dernière instance.

28      Il convient toutefois de relever que, à compter du 1er décembre 2009, l’article 68 CE a été abrogé. Le traité de Lisbonne a ainsi rendu caduque l’ancienne limitation du droit de saisine prévue à l’article 68, paragraphe 1, CE, qui n’a pas été remplacée. Ce sont désormais les règles générales gouvernant la demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE qui s’appliquent aux demandes préjudicielles d’interprétation des actes adoptés dans le domaine des visas, de l’asile, de l’immigration et des autres politiques liées à la libre circulation des personnes. Par voie de conséquence, cet article 267 TFUE s’applique également dans le cadre de demandes relatives au règlement n° 1206/2001.

29      Partant, eu égard à l’élargissement du droit de saisine à titre préjudiciel opéré par le traité de Lisbonne, les juridictions de première instance disposent désormais également de ce droit lorsque sont en cause des actes adoptés dans le domaine du titre IV du traité CE.

30      L’objectif poursuivi par l’article 267 TFUE de fonder une coopération efficace entre la Cour et les juridictions nationales, ainsi que le principe de l’économie de la procédure, plaident en faveur de la recevabilité des demandes de décision préjudicielle présentées par des juridictions inférieures durant la période transitoire qui a précédé de peu l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et qui n’ont été examinées par la Cour qu’après l’entrée en vigueur de ce traité. En effet, un rejet pour irrecevabilité conduirait dans cette hypothèse simplement à la présentation par la juridiction de renvoi, laquelle aurait entre-temps acquis le droit de saisir la Cour, d’une nouvelle demande préjudicielle portant sur la même question, ce qui produirait un excès de formalités procédurales et un allongement inutile de la durée de la procédure dans l’affaire au principal.

31      Il y a donc lieu de considérer que la Cour a, depuis le 1er décembre 2009, compétence pour connaître d’une demande de décision préjudicielle émanant d’une juridiction dont les décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, et ce même si la demande a été déposée avant cette date.

32      Par conséquent, force est de constater que, même dans l’hypothèse où la présente demande de décision préjudicielle était, au moment de son introduction, de nature à manquer aux exigences de l’article 68, paragraphe 1, CE, ce vice aurait été pallié par l’abrogation de cette disposition et l’extension correspondante des compétences de la Cour.

33      Dans ces conditions, il y a lieu de relever que la Cour est compétente pour traiter la demande de décision préjudicielle.

34      S’agissant de la première question relative à l’irrecevabilité évoquée par la Commission, tirée du fait que l’interprétation du règlement n° 1206/2001 n’apparaît pas nécessaire à la solution du litige au principal, il y a lieu de rappeler que la présomption de pertinence qui s’attache aux questions posées à titre préjudiciel par les juridictions nationales ne peut être écartée que dans des cas exceptionnels, lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée des dispositions du droit de l’Union visées dans ces questions n’a aucun rapport avec l’objet du litige (voir, notamment, arrêts du 16 juin 2005, Pupino, C‑105/03, Rec. p. I-5285, point 30, et du 28 juin 2007, Dell’Orto, C‑467/05, Rec. p. I-5557, point 40).

35      Par conséquent, il y a lieu de rechercher si la question posée à la Cour est nécessaire pour permettre à la juridiction de renvoi de «rendre son jugement» au sens de l’article 267, paragraphe 2, TFUE.

36      À cet égard, il convient, premièrement, de remarquer que la question posée vise à savoir si la juridiction requérante est tenue de supporter certains coûts liés à l’audition d’un témoin par la juridiction requise.

37      Deuxièmement, il importe de relever que le gouvernement polonais, lors de l’audience, a précisé que le témoin a été entendu, conformément à la demande de la juridiction requérante, mais seulement après que cette juridiction, le 28 avril 2009, a versé le montant de 40 euros demandé par la juridiction requise. Le versement de cette somme a par ailleurs été confirmé par l’Irlande dans ses observations écrites.

38      Or, s’il est vrai que, nonobstant ce versement et l’audition du témoin, la question posée reste pertinente quant à la base juridique de ladite avance et, notamment, quant à une restitution éventuelle dudit versement pour le cas où celui-ci s’avère indu, il n’en demeure pas moins que la réponse à cette question n’a pas d’incidence directe sur l’issue du litige entre M. Weryński et Mediatel 4B spółka z o.o., lequel concerne l’octroi d’indemnités au titre d’une clause de non-concurrence.

39      Toutefois, ainsi que l’a remarqué Mme l’avocat général au point 36 de ses conclusions, il convient de relever que la plupart des questions d’interprétation du règlement n° 1206/2001 qui concernent l’administration de la preuve ne concerneront l’affaire au principal que de manière indirecte. Dans nombre de cas, une interprétation par la voie de la procédure préjudicielle serait impossible si la pertinence de la question préjudicielle pour la solution du litige était soumise à des exigences trop contraignantes.

40      À cet égard, il y a lieu de prendre en considération la nécessité de clarifier une question qui a freiné la coopération entre des juridictions et qui restera un obstacle tant qu’elle n’est pas résolue. Dans l’affaire au principal, ni les juridictions des États membres concernés ni les organismes centraux polonais et irlandais n’ont été en mesure de trouver une solution. Dans une telle situation, seule une décision de la Cour permettra au règlement n° 1206/2001 de remplir efficacement sa fonction qui est celle de contribuer à simplifier et à accélérer des procédures judiciaires en matière civile ou commerciale.

41      Il s’ensuit que seule une interprétation large de la notion de «rendre son jugement» au sens de l’article 267, paragraphe 2, TFUE permettrait d’éviter que nombre de questions procédurales, notamment celles qui se posent dans le cadre de l’application du règlement n° 1206/2001, soient considérées comme irrecevables et ne puissent faire l’objet d’une interprétation par la Cour.

42      Cette notion doit donc être comprise en ce sens qu’elle englobe l’ensemble de la procédure menant au jugement de la juridiction de renvoi, afin que la Cour soit en mesure de connaître de l’interprétation de toutes dispositions procédurales du droit de l’Union que la juridiction de renvoi est tenue d’appliquer pour rendre son jugement. En d’autres termes, ladite notion comprend l’entier processus de création du jugement, y inclus toutes les questions relatives à la charge des frais de procédure.

43      S’agissant de la deuxième cause de l’éventuelle irrecevabilité de la demande préjudicielle, la Commission observe que la question posée par la juridiction de renvoi concerne son fonctionnement administratif, à savoir la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale. Cette question ne relèverait donc pas de l’accomplissement, par cette juridiction, de sa fonction juridictionnelle. La Commission a insisté sur le fait que, dans le cas d’espèce, la juridiction de renvoi agit en qualité d’organe de l’administration publique en ce qui concerne la question des frais d’exécution de la demande de preuve par la juridiction d’un autre État membre.

44      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (voir, notamment, ordonnance du 22 janvier 2002, Holto, C‑447/00, Rec. p. I‑735, point 17, et arrêt du 12 août 2008, Santesteban Goicoechea, C‑296/08 PPU, Rec. p. I‑6307, point 40).

45      Or, s’il est vrai que la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves n’aboutit pas nécessairement à l’élaboration d’une décision juridictionnelle, il n’en demeure pas moins que l’audition d’un témoin par une juridiction, dont il est question en l’espèce, est un acte effectué dans le cadre d’une procédure juridictionnelle destinée à aboutir à une décision à caractère juridictionnel. La question de la charge des frais d’audition s’inscrit dans le cadre de cette procédure. Il existe donc un lien direct entre la question préjudicielle et l’accomplissement par la juridiction de renvoi d’une fonction juridictionnelle.

46      Aucune des éventuelles causes d’irrecevabilité n’ayant été retenue, il y a lieu de considérer la demande de décision préjudicielle comme étant recevable.

 

 Sur la question préjudicielle

 

47      La juridiction de renvoi demande, en substance, si elle était tenue de supporter les frais exposés par le témoin entendu par la juridiction requise, que ce soit sous la forme d’une avance ou d’un remboursement des frais.

48      Il convient d’observer que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1206/2001, les faits de l’affaire au principal relèvent du domaine d’application de ce règlement où une juridiction d’un État membre demande à la juridiction compétente d’un autre État membre de procéder à un acte d’instruction. L’audition d’un témoin est explicitement mentionnée comme objet d’une demande à l’article 4, paragraphe 1, sous e), dudit règlement.

49      Selon l’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 1206/2001, la juridiction requise exécute la demande conformément au droit de l’État membre dont cette juridiction relève. En vertu du droit irlandais, un témoin n’est tenu de se présenter devant le tribunal que s’il a perçu au préalable une indemnisation de ses frais de transport («viaticum»). La question porte sur le point de savoir si l’obligation de supporter ladite indemnité incombait à la juridiction requise ou à la juridiction requérante.

50      En premier lieu, il convient de clarifier la question de savoir si la juridiction requérante était obligée de verser à la juridiction requise une avance au titre des indemnités allouées au témoin et, par conséquent, si la juridiction requise était en droit de refuser de procéder à l’audition dudit témoin aussi longtemps que la juridiction requérante n’avait pas versé ladite avance.

51      L’article 14 du règlement n° 1206/2001 indique les motifs de refus d’une telle demande. Le paragraphe 2, sous d), de celui-ci concerne le cas dans lequel une consignation ou une avance demandée conformément à l’article 18, paragraphe 3, dudit règlement n’a pas été effectuée par la juridiction requérante. Selon cette dernière disposition, la juridiction requise peut exiger, avant d’exécuter la demande, une avance relative aux frais d’expertise. Cette norme, toutefois, ne prévoit pas l’exigence d’une avance pour l’audition d’un témoin.

52      Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 45 de ses conclusions, il ne pourrait être conforme à l’article 14 du règlement n° 1206/2001 de conditionner l’exécution d’une demande au paiement d’une indemnité allouée aux témoins que si les cas mentionnés à cette disposition étaient énumérés non pas de manière exhaustive, mais uniquement à titre d’exemples.

53      À cet égard, il convient de relever que le libellé de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1206/2001 plaide contre une telle interprétation. Cette disposition prévoit en effet que, outre les motifs prévus au paragraphe 1 dudit article, l’exécution d’une demande visant à l’audition d’une personne «ne peut être refusée que» dans certains cas. En outre, le onzième considérant du règlement n° 1206/2001 souligne que, afin d’assurer l’efficacité de ce règlement, la possibilité de refuser l’exécution d’une demande visant à faire procéder à un acte d’instruction doit être limitée à des situations exceptionnelles étroitement définies. Il en résulte que les raisons pour lesquelles l’exécution d’une telle demande peut être refusée sont celles énumérées de manière exhaustive à l’article 14 dudit règlement.

54      La juridiction requise n’était donc pas en droit de soumettre l’audition d’un témoin à la condition du paiement préalable d’une avance au titre de l’indemnité due à ce dernier. Par conséquent, la juridiction requérante n’était pas tenue de verser une telle avance.

55      En second lieu, il importe de vérifier si la juridiction requise était autorisée à exiger le remboursement par la juridiction requérante des indemnités allouées aux témoins.

56      L’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1206/2001 dispose que l’exécution d’une demande visant à faire procéder à un acte d’instruction ne peut donner lieu au remboursement de taxes ou de frais. Il est donc déterminant de savoir si les indemnités allouées aux témoins peuvent être qualifiées de taxes ou de frais au sens de ladite disposition.

57      La juridiction requise a fait observer que, en vertu du droit irlandais, les témoins ne sont tenus de se présenter pour déposer devant le tribunal que s’ils ont perçu au préalable une indemnisation de leur frais, dont le versement incombe à la partie qui cite les témoins et non à la juridiction. Il ne s’agit donc pas, selon la juridiction requise, de frais judiciaires. Ce mécanisme correspondrait au caractère contradictoire de la procédure civile irlandaise.

58      À cet égard, il convient, toutefois, de préciser que la notion de frais doit être définie de manière autonome selon le droit de l’Union et ne saurait dépendre de la qualification donnée en droit national. En effet, il serait contraire à l’esprit et à la finalité du règlement n° 1206/2001, qui vise une exécution rapide et simple de la demande d’obtention de preuves, de faire dépendre la question des frais d’une définition nationale de cette notion.

59      S’agissant des termes employés par l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement, il convient d’entendre par «taxes» les sommes perçues par la juridiction pour son activité, alors que par «frais» il y a lieu d’entendre les sommes versées par la juridiction à des tiers au cours de la procédure, notamment à des experts ou à des témoins.

60      Ainsi que l’a fait remarquer Mme l’avocat général au point 54 de ses conclusions, une telle interprétation est étayée par un argument systématique. Si l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1206/2001 ne concernait que les seuls frais institutionnels, il ne serait alors pas nécessaire de prévoir, au paragraphe 2 dudit article 18, en tant qu’exception de l’interdiction énoncée audit paragraphe 1, un remboursement des frais d’expertise. En effet, dans la mesure où les frais d’expertise ne sauraient être qualifiés de frais institutionnels, ils seraient d’emblée exclus de ladite interdiction.

61      Il s’ensuit que les indemnités versées à un témoin entendu par la juridiction requise relèvent de la notion de frais au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1206/2001.

62      Quant à l’obligation de rembourser ces frais, il y a lieu de rappeler que, selon les deuxième, septième, huitième, dixième et onzième considérants du règlement n° 1206/2001, celui-ci a pour finalité l’obtention simple, efficace et rapide des preuves dans un contexte transfrontalier. L’obtention, par une juridiction d’un État membre, de preuves dans un autre État membre ne doit pas conduire à un allongement des procédures nationales. C’est pourquoi le règlement n° 1206/2001 a instauré un régime qui s’impose à tous les États membres – à l’exception du Royaume de Danemark – pour écarter les obstacles susceptibles d’apparaître dans ce domaine.

63      Il ne peut donc exister d’obligation de remboursement pour la juridiction requérante que si l’une des exceptions prévues à l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1206/2001 a vocation à s’appliquer.

64      Cette disposition prévoit le remboursement des honoraires versés aux experts et aux interprètes, ainsi que des frais résultant de l’application de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 1206/2001. L’article 10, paragraphe 3, de ce règlement concerne le cas dans lequel la juridiction requérante sollicite que la demande soit exécutée selon une forme spéciale et l’article 10, paragraphe 4, de celui-ci réglemente le recours aux technologies de communication modernes pour procéder à l’acte d’instruction. En revanche, les indemnités allouées aux témoins ne sont pas mentionnées.

65      En outre, comme l’ont fait valoir la Commission ainsi que Mme l’avocat général aux points 60 à 61 de ses conclusions, la genèse du règlement n° 1206/2001 plaide également contre le caractère remboursable des indemnités allouées aux témoins. Ainsi, il ressort du sixième considérant de ce règlement et de l’article 21, paragraphe 1, de celui-ci que ce dernier remplace la convention de La Haye. Par conséquent, les dispositions pertinentes de la convention de La Haye peuvent être invoquées pour interpréter ledit règlement.

66      Or, le contenu de l’article 18 du règlement n° 1206/2001 correspond à celui de l’article 14 de la convention de La Haye, dont le paragraphe 2 prévoit que l’État requis a le droit d’exiger de l’État requérant le remboursement des indemnités payées aux experts et aux interprètes, et des frais résultant de l’application d’une forme spéciale demandée par l’État requérant, conformément à l’article 9, deuxième alinéa, de cette convention.

67      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la convention de La Haye a modifié le libellé de l’article 16 de la convention de La Haye du 1er mars 1954 relative à la procédure civile, lequel prévoyait encore explicitement le principe du remboursement des indemnités allouées aux témoins. Il résulte du rapport explicatif de la convention de La Haye que les cas dans lesquels les frais sont remboursables devaient être volontairement réduits par rapport à ceux prévus par la convention de La Haye du 1er mars 1954. C’est pourquoi le remboursement des indemnités allouées aux témoins, précisément en raison de leur montant généralement faible, a été sciemment supprimé.

68      Le fait que le règlement n° 1206/2001 ait repris le libellé de l’article 14 de la convention de La Haye plaide ainsi contre le principe de remboursement des indemnités allouées aux témoins. En vertu de l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement, il n’y a donc pas lieu de rembourser ces frais.

69      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 14 et 18 du règlement n° 1206/2001 doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction requérante n’est pas tenue de verser à la juridiction requise une avance à valoir sur l’indemnité ou de rembourser l’indemnité due au témoin interrogé.

 

 Sur les dépens

 

70      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Les articles 14 et 18 du règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale, doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction requérante n’est pas tenue de verser à la juridiction requise une avance à valoir sur l’indemnité ou de rembourser l’indemnité due au témoin interrogé.

Signatures


Langue de procédure: le polonais.

Back to top