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CJUE, 19 décembre 2013, aff. C‑9/12, Corman-Collins SA c/ La Maison du Whisky SA.

 

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

19 décembre 2013

Arrêt de la Cour du 19 décembre 2013, Corman-Collins SA contre La Maison du Whisky SA

 

«Compétence judiciaire en matière civile et commerciale – Règlement (CE) no 44/2001 – Article 2 – Article 5, point 1, sous a) et b) – Compétence spéciale en matière contractuelle – Notions de ‘vente de marchandises’ et de ‘fourniture de services’ – Contrat de concession de vente de marchandises»

Dans l’affaire C‑9/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de commerce de Verviers (Belgique), par décision du 20 décembre 2011, parvenue à la Cour le 6 janvier 2012, dans la procédure

Corman-Collins SA

contre

La Maison du Whisky SA,

 

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, M. A. Borg Barthet et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 31 janvier 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour Corman-Collins SA, par Mes P. Henry et F. Frederick, avocats,

–        pour La Maison du Whisky SA, par Mes B. Noels et C. Héry, avocats,

–        pour le gouvernement belge, par MM. T. Materne et J.‑C. Halleux ainsi que par Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement suisse, par M. O. Kjelsen, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 avril 2013,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2 et 5, point 1, sous a) et b), du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1, ci-après le «règlement»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Corman-Collins SA (ci-après «Corman-Collins»), établie en Belgique, à La Maison du Whisky SA (ci-après «La Maison du Whisky»), établie en France, au sujet d’une demande d’indemnisation en raison de la résiliation d’un contrat de concession de vente de marchandises qui aurait lié ces sociétés.

 

 Le cadre juridique

 

 Le droit de l’Union

3        L’article 2 du règlement, qui figure à la section 1, intitulée «Dispositions générales», du chapitre II de ce dernier, relatif aux règles de compétence, énonce, à son paragraphe 1, le principe selon lequel, «[s]ous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre».

4        L’article 3 du règlement, qui fait également partie de la section 1 du chapitre II de ce dernier, précise:

«1.      Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre.

2.      Ne peuvent être invoquées contre elles notamment les règles de compétence nationales figurant à l’annexe I.»

5        Aux termes de l’article 5 du règlement, qui figure à la section 2, intitulée «Compétences spéciales», du chapitre II de ce dernier:

«Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:

1)      a)     en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;

      b)      aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est:

–        pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

–        pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis;

      c)      le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas;

[...]»

 Le droit belge

6        La loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée (Moniteur belge du 5 octobre 1961, p. 7518), telle que modifiée par la loi du 13 avril 1971 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente (Moniteur belge du 21 avril 1971, p. 4996, ci‑après la «loi belge du 27 juillet 1961»), définit la «concession de vente», à son article 1er, paragraphe 2, comme étant «toute convention en vertu de laquelle un concédant réserve, à un ou plusieurs concessionnaires, le droit de vendre, en leur propre nom et pour leur propre compte, des produits qu’il fabrique ou distribue.»

7        L’article 4 de cette loi prévoit:

«Le concessionnaire lésé, lors d’une résiliation d’une concession de vente produisant ses effets dans tout ou partie du territoire belge, peut en tout cas assigner le concédant, en Belgique, soit devant le juge de son propre domicile, soit devant le juge du domicile ou du siège du concédant.

Dans le cas où le litige est porté devant un tribunal belge, celui‑ci appliquera exclusivement la loi belge.»

 

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

 

8        Corman-Collins et La Maison du Whisky ont entretenu pendant une dizaine d’années des relations commerciales dans le cadre desquelles la première achetait auprès de la seconde des whiskys de diverses marques, dont elle prenait livraison en France, pour les revendre en Belgique.

9        Pendant toute cette période, Corman-Collins a fait usage de l’appellation «Maison du Whisky Belgique» et d’un site Internet dénommé «www.whisky.be», sans que cette utilisation suscite de réaction de la part de La Maison du Whisky. En outre, les coordonnées de Corman-Collins étaient mentionnées dans la revue Whisky Magazine, éditée par une filiale de La Maison du Whisky.

10      Au mois de décembre 2010, La Maison du Whisky a interdit à Corman-Collins d’utiliser l’appellation «Maison du Whisky Belgique» et a fermé le site www.whisky.be. Au mois de février 2011, elle a informé Corman-Collins que, à partir respectivement du 1er avril et du 1er septembre 2011, elle confierait la distribution exclusive de deux marques de ses produits à une autre société, par l’intermédiaire de laquelle Corman-Collins était désormais invitée à passer ses commandes.

11      Corman-Collins a attrait La Maison du Whisky devant le tribunal de commerce de Verviers aux fins, à titre principal, de la faire condamner, sur le fondement de la loi belge du 27 juillet 1961, au paiement d’une indemnité compensatoire de préavis et d’une indemnité complémentaire.

12      La Maison du Whisky a contesté la compétence territoriale du tribunal saisi, au motif que les tribunaux français seraient compétents en application de l’article 2 du règlement. Corman-Collins a répliqué à cette objection en invoquant l’article 4 de ladite loi belge.

13      À cet égard, les parties au principal s’opposent au sujet de la qualification à donner à leurs relations commerciales. Corman-Collins soutient qu’il s’agissait d’un contrat de concession, tandis que La Maison du Whisky fait valoir qu’il s’agissait de simples contrats d’achat et de vente, conclus sur la base de commandes hebdomadaires, en fonction des souhaits émis par Corman-Collins.

14      Dans la décision de renvoi, le tribunal de commerce de Verviers constate, de façon expresse, que Corman-Collins et La Maison du Whisky «étaient liées par un contrat oral» et que, «en vertu de [...] la loi belge du 27 juillet 1961, la relation juridique entre les parties peut s’analyser comme un contrat de concession de vente, dans la mesure où la demanderesse était autorisée à revendre sur le territoire belge les produits achetés auprès de la défenderesse».

15      En revanche, cette juridiction éprouve des doutes quant à la possibilité de fonder sa compétence sur la règle prévue à l’article 4 de la loi belge du 27 juillet 1961. Elle relève que, en vertu de l’article 2 du règlement, qui, selon elle, est applicable aux faits de l’espèce, les juridictions françaises devraient être compétentes, mais qu’il pourrait aussi être fait application de l’article 5, point 1, de ce même règlement. À cet égard, elle s’interroge, au vu de la jurisprudence de la Cour, sur le point de savoir si un contrat de concession de vente doit être qualifié de contrat de vente de marchandises et/ou de contrat de prestation de services, au sens de l’article 5, point 1, sous b), du règlement. Elle ajoute que, si aucune de ces qualifications ne pouvait être retenue pour un tel type de contrat, il conviendrait alors de déterminer quelle est, dans le litige au principal, l’obligation litigieuse servant de base à la demande, au sens de l’article 5, point 1, sous a), du règlement.

16      Compte tenu de ces considérations, le tribunal de commerce de Verviers a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 2 du règlement [...], éventuellement combiné avec l’article 5, paragraphe 1, sous a) ou b), doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle de compétence, telle que celle contenue à l’article 4 de la loi belge du 27 juillet 1961, qui prévoit la compétence des juridictions belges, lorsque le concessionnaire est établi sur le territoire belge et lorsque la concession de vente produit tout ou partie de ses effets sur ce même territoire, indépendamment du lieu d’établissement du concédant, lorsque ce dernier est défendeur?

2)      L’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement [...] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’applique à un contrat de concession de vente de marchandises, en vertu duquel une partie achète des produits à une autre, en vue de leur revente sur le territoire d’un autre État membre?

3)      En cas de réponse négative à cette question, l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement [...] doit-il être interprété en ce sens qu’il vise un contrat de concession de vente, tel que celui en cause entre les parties?

4)      En cas de réponse négative aux deux questions précédentes, l’obligation litigieuse en cas de rupture d’un contrat de concession de vente est-elle celle du vendeur-concédant ou celle de l’acheteur-concessionnaire?»

 

 Sur les questions préjudicielles

 

 Sur la première question

17      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions du règlement s’opposent à l’application, dans l’hypothèse où le concédant défendeur au litige a son domicile dans un État membre autre que celui dans lequel siège la juridiction saisie, d’une règle de compétence nationale telle que celle figurant à l’article 4 de la loi belge du 27 juillet 1961, qui confère compétence aux juridictions nationales pour connaître d’un litige relatif à la résiliation d’une concession de vente dès lors que le concessionnaire est établi sur le territoire national.

18      S’agissant, en premier lieu, du champ d’application du règlement, il ressort du considérant 2 de ce dernier qu’il vise, notamment, à unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale, étant précisé que, selon une jurisprudence établie de la Cour, l’application de ces règles requiert que le litige présente un élément d’extranéité (voir, notamment, arrêt du 17 novembre 2011, Hypoteční banka, C‑327/10, Rec. p. I‑11543, point 29).

19      Conformément au considérant 8 du règlement, les règles communes qu’il édicte doivent s’appliquer, en principe, lorsque le défendeur est domicilié dans un État membre.

20      En ce qui concerne, en second lieu, les règles de compétence prévues par le règlement, la règle de compétence générale posée par l’article 2 de celui-ci prévoit que, lorsque le défendeur est domicilié sur le territoire d’un État membre, ce sont les juridictions de cet État qui sont compétentes.

21      L’article 3, paragraphe 1, du règlement précise que les seules dérogations admises à cette règle de principe sont celles prévues par les règles de compétence énoncées aux sections 2 à 7 du chapitre I de ce règlement. Ledit article 3, paragraphe 1, exclut ainsi, implicitement, mais nécessairement, l’application des règles nationales de compétence. Cette exclusion est confirmée par le paragraphe 2 de cet article 3, qui renvoie à une liste non limitative de règles de compétence nationales qui ne peuvent être invoquées.

22      Il s’ensuit que, dès lors qu’un litige présentant un élément d’extranéité entre dans le champ d’application matériel du règlement, ce qui n’est pas contesté en l’espèce, et que le défendeur a son domicile sur le territoire d’un État membre, ce qui est le cas dans le litige au principal, les règles de compétence prévues par le règlement doivent, en principe, recevoir application et prévaloir sur les règles nationales de compétence.

23      Il y a lieu, par conséquent, de répondre à la première question que l’article 2 du règlement doit être interprété en ce sens que, lorsque le défendeur a son domicile dans un État membre autre que celui dans lequel siège la juridiction saisie du litige, il s’oppose à l’application d’une règle de compétence nationale telle que celle prévue à l’article 4 de la loi belge du 27 juillet 1961.

 Sur les deuxième et troisième questions

24      Par ces questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, point 1, sous b), du règlement, qui vise les contrats de vente de marchandises et les contrats de fourniture de services, est applicable à un contrat de concession de vente ou bien si, dans le cas d’un contrat de ce type, c’est en application de l’article 5, point 1, sous a), du règlement que doit être déterminée la juridiction compétente pour connaître d’une action fondée sur un tel contrat.

25      Afin de répondre aux questions posées, il convient, en premier lieu, de préciser la notion de contrat de concession.

26      Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 40 de ses conclusions, la notion de «contrat de concession de vente», utilisée par la juridiction de renvoi dans ses questions préjudicielles, n’est pas définie dans le droit de l’Union et est susceptible de renvoyer à des réalités différentes dans le droit des États membres.

27      Cependant, quelle que soit la variété des contrats de concession dans la pratique commerciale, les obligations qu’ils prévoient s’articulent autour de la finalité de ce type de contrats, qui est d’assurer la distribution des produits du concédant. À cet effet, le concédant s’engage à vendre au concessionnaire, qu’il a sélectionné à cet effet, les marchandises dont ce dernier passera commande pour satisfaire la demande de sa clientèle, tandis que le concessionnaire s’engage à acheter au concédant les marchandises dont il aura besoin.

28      Selon une analyse largement admise dans le droit des États membres, le contrat de concession se présente sous la forme d’un accord-cadre, qui établit les règles générales applicables à l’avenir aux rapports entre le concédant et le concessionnaire quant à leurs obligations de fourniture et/ou d’approvisionnement et prépare les contrats de vente subséquents. Comme l’a relevé M. l’avocat général au point 41 de ses conclusions, il est fréquent que les parties prévoient également des stipulations particulières concernant la distribution par le concessionnaire des marchandises vendues par le concédant.

29      C’est en se référant à un contrat type comportant de tels engagements qu’il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions en tant qu’elles portent sur l’application à un contrat de concession de l’article 5, point 1, du règlement, étant précisé à cet égard que, selon la séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour sur laquelle est fondée la procédure visée à l’article 267 TFUE, toute appréciation des faits relève de la compétence du juge national (voir, notamment, ordonnance du 14 novembre 2013, Krejci Lager & Umschlagbetrieb, C‑469/12, point 29 et jurisprudence citée).

30      En ce qui concerne, en second lieu, la détermination de la juridiction compétente pour connaître d’un litige fondé sur un contrat de concession au sens précisé ci‑dessus, il convient de rappeler, à titre liminaire, que les notions employées par le règlement doivent, en principe, être interprétées de façon autonome, en se référant principalement au système et aux objectifs de celui-ci, en vue d’en assurer l’application uniforme dans tous les États membres (voir, notamment, arrêt du 14 mars 2013, Česká spořitelna, C‑419/11, point 25).

31      S’agissant de la règle de compétence spéciale prévue à l’article 5, point 1, du règlement en matière contractuelle, qui complète la règle de compétence de principe du for du domicile du défendeur, la Cour a jugé qu’elle répond à un objectif de proximité et est motivée par le lien de rattachement étroit entre le contrat et le tribunal appelé à en connaître (arrêt du 11 mars 2010, Wood Floor Solutions Andreas Domberger, C‑19/09, Rec. p. I‑2121, point 22 et jurisprudence citée).

32      La Cour a également relevé, en ce qui concerne le lieu d’exécution des obligations découlant de contrats de vente de marchandises, que le règlement définit, à son article 5, point 1, sous b), premier tiret, de manière autonome ce critère de rattachement, afin de renforcer les objectifs d’unification des règles de compétence judiciaire et de prévisibilité (arrêt Wood Floor Solutions Andreas Domberger, précité, point 23 et jurisprudence citée). Ces objectifs sont également ceux de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement, dès lors que les règles de compétence spéciale prévues par ce dernier en matière de contrats de vente de marchandises et de fourniture de services ont la même genèse, poursuivent la même finalité et occupent la même place dans le système établi par ce règlement (arrêt précité Wood Floor Solutions Andreas Domberger, point 26 et jurisprudence citée).

33      C’est en tenant compte de ces objectifs qu’il convient de rechercher si un contrat de concession entre dans l’une des deux catégories de contrats visées à l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement.

34      À cet égard, la Cour a indiqué que, aux fins de qualifier un contrat au regard de cette disposition, il y a lieu de se fonder sur l’obligation caractéristique du contrat en cause (arrêt du 25 février 2010, Car Trim, C‑381/08, Rec. p. I‑1255, points 31 et 32).

35      La Cour a ainsi considéré qu’un contrat dont l’obligation caractéristique est la livraison d’un bien doit être qualifié de «vente de marchandises» au sens de l’article 5, point 1, sous b), premier tiret, du règlement (arrêt Car Trim, précité, point 32).

36      Une telle qualification peut trouver à s’appliquer à une relation commerciale durable entre deux opérateurs économiques, lorsque cette relation se limite à des accords successifs ayant chacun pour objet la livraison et l’enlèvement de marchandises. En revanche, elle ne correspond pas à l’économie d’un contrat de concession typique, caractérisé par un accord-cadre ayant pour objet un engagement de fourniture et d’approvisionnement conclu pour l’avenir par deux opérateurs économiques, comportant des stipulations contractuelles spécifiques quant à la distribution par le concessionnaire des marchandises vendues par le concédant.

37      Quant au point de savoir si un contrat de concession peut être qualifié de contrat de «fourniture de services» au sens de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement, il convient de rappeler que, selon la définition donnée par la Cour, la notion de «services» au sens de cette disposition implique, pour le moins, que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d’une rémunération (arrêt du 23 avril 2009, Falco Privatstiftung et Rabitsch, C‑533/07, Rec. p. I‑3327, point 29).

38      En ce qui concerne le premier critère figurant dans cette définition, à savoir l’existence d’une activité, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il requiert l’accomplissement d’actes positifs, à l’exclusion de simples abstentions (voir, en ce sens, arrêt Falco Privatstiftung et Rabitsch, précité, points 29 à 31). Ce critère correspond, dans le cas d’un contrat de concession, à la prestation caractéristique fournie par le concessionnaire qui, en assurant la distribution des produits du concédant, participe au développement de leur diffusion. Grâce à la garantie d’approvisionnement dont il bénéficie en vertu du contrat de concession et, le cas échéant, à sa participation à la stratégie commerciale du concédant, notamment aux opérations promotionnelles, éléments dont la constatation relève de la compétence du juge national, le concessionnaire est en mesure d’offrir aux clients des services et des avantages que ne peut offrir un simple revendeur et, ainsi, de conquérir, au profit des produits du concédant, une plus grande part du marché local.

39      Quant au second critère, à savoir la rémunération accordée en contrepartie d’une activité, il convient de souligner qu’il ne saurait être entendu au sens strict du versement d’une somme d’argent. Une telle restriction n’est en effet ni commandée par le libellé très général de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement ni en harmonie avec les objectifs de proximité et d’uniformisation, rappelés aux points 30 à 32 du présent arrêt, que poursuit cette disposition.

40      À cet égard, il convient de prendre en considération le fait que le contrat de concession repose sur une sélection du concessionnaire par le concédant. Cette sélection, élément caractéristique de ce type de contrat, confère au concessionnaire un avantage concurrentiel en ce que celui‑ci aura seul le droit de vendre les produits du concédant sur un territoire déterminé ou, à tout le moins, en ce qu’un nombre limité de concessionnaires bénéficieront de ce droit. En outre, le contrat de concession prévoit souvent une aide au concessionnaire en matière d’accès aux supports de publicité, de transmission d’un savoir-faire au moyen d’actions de formation, ou encore de facilités de paiements. L’ensemble de ces avantages, dont il incombe au juge du fond de vérifier l’existence, représente, pour le concessionnaire, une valeur économique qui peut être considérée comme étant constitutive d’une rémunération.

41      Il s’ensuit qu’un contrat de concession comportant les obligations typiques précisées aux points 27 et 28 du présent arrêt peut être qualifié de contrat de fourniture de services aux fins de l’application de la règle de compétence figurant à l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement.

42      Cette qualification exclut l’application à un contrat de concession de la règle de compétence prévue au point a) dudit article 5, point 1. En effet, compte tenu de la hiérarchie établie entre le point a) et le point b) par le point c) de cette disposition, la règle de compétence prévue à l’article 5, point 1, sous a), du règlement n’a vocation à intervenir que de façon alternative et par défaut par rapport aux règles de compétence figurant à l’article 5, point 1, sous b), de celui-ci.

43      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 5, point 1, sous b), du règlement doit être interprété en ce sens que la règle de compétence édictée au second tiret de cette disposition pour les litiges relatifs aux contrats de fourniture de services trouve à s’appliquer dans le cas d’une action judiciaire par laquelle un demandeur établi dans un État membre fait valoir, à l’encontre d’un défendeur établi dans un autre État membre, des droits tirés d’un contrat de concession, ce qui requiert que le contrat liant les parties comporte des stipulations particulières concernant la distribution par le concessionnaire des marchandises vendues par le concédant. Il incombe au juge national de vérifier si tel est le cas dans le litige dont il est saisi.

 Sur la quatrième question

44      Par cette question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir quelle est, en cas de litige fondé sur la rupture d’un contrat de concession de vente, l’obligation litigieuse qui sert de base à la demande.

45      Lue à la lumière de la motivation de la décision de renvoi, cette question porte ainsi sur l’interprétation de l’article 5, point 1, sous a), du règlement.

46      Compte tenu de la réponse apportée aux deuxième et troisième questions, il n’y a pas lieu de répondre à cette question.

 

 Sur les dépens

 

47      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      L’article 2 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, lorsque le défendeur a son domicile dans un État membre autre que celui dans lequel siège la juridiction saisie du litige, il s’oppose à l’application d’une règle de compétence nationale telle que celle prévue à l’article 4 de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée, telle que modifiée par la loi du 13 avril 1971 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente.

2)      L’article 5, point 1, sous b), du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que la règle de compétence édictée au second tiret de cette disposition pour les litiges relatifs aux contrats de fourniture de services trouve à s’appliquer dans le cas d’une action judiciaire par laquelle un demandeur établi dans un État membre fait valoir, à l’encontre d’un défendeur établi dans un autre État membre, des droits tirés d’un contrat de concession, ce qui requiert que le contrat liant les parties comporte des stipulations particulières concernant la distribution par le concessionnaire des marchandises vendues par le concédant. Il incombe au juge national de vérifier si tel est le cas dans le litige dont il est saisi.

Signatures


Langue de procédure: le français.

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