Arrêt de la Cour (grande chambre) du 3 octobre 2006
Affaire C-241/05
Nicolae Bot
contre
Préfet du Val-de-Marne
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (France))
«Convention d'application de l'accord de Schengen — Article 20, paragraphe 1 — Conditions de circulation des ressortissants d'un État tiers non soumis à l'obligation de visa — Séjour maximal d'une durée de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de première entrée dans l'espace Schengen — Séjours successifs — Notion de 'première entrée'»
Conclusions de l'avocat général M. A. Tizzano, présentées le 27 avril 2006
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 3 octobre 2006
Sommaire de l'arrêt
Visas, asile, immigration — Convention d'application de l'accord de Schengen — Conditions de circulation des ressortissants d'un État tiers non soumis à l'obligation de visa
(Convention d'application de l'accord de Schengen, art. 20, § 1)
L'article 20, paragraphe 1, de la convention d'application de l'accord de Schengen doit être interprété en ce sens que la notion de «première entrée» figurant à cette disposition vise, outre la toute première entrée sur les territoires des États contractants audit accord, la première entrée sur ces territoires intervenant après l'expiration d'une période de six mois à compter de cette toute première entrée ainsi que toute autre première entrée intervenant après l'expiration de toute nouvelle période de six mois à compter d'une précédente date de première entrée. Cette disposition permet ainsi aux ressortissants d'un État tiers non soumis à l'obligation de visa de séjourner dans l'espace Schengen pendant une durée maximale de trois mois au cours de périodes successives de six mois, à la condition que chacune de ces périodes débute par une telle première entrée.
Par ailleurs, la notion de «première entrée», telle qu'ainsi interprétée, ne prive nullement les autorités nationales compétentes de la possibilité de sanctionner, dans le respect du droit communautaire, un ressortissant d'un État tiers dont le séjour dans l'espace Schengen a excédé la durée maximale de trois mois au cours d'une précédente période de six mois, même si, à la date du contrôle dont celui-ci a fait l'objet, son séjour dans cet espace n'excède pas trois mois depuis la date de première entrée la plus récente.
(cf. points 29, 31, 43 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
3 octobre 2006
«Convention d’application de l’accord de Schengen – Article 20, paragraphe 1 – Conditions de circulation des ressortissants d’un État tiers non soumis à l’obligation de visa – Séjour maximal d’une durée de trois mois au cours d’une période de six mois à compter de la date de première entrée dans l’espace Schengen – Séjours successifs – Notion de ‘première entrée’»
Dans l’affaire C‑241/05,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre des articles 68 CE et 234 CE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 9 mai 2005, parvenue à la Cour le 2 juin 2005, dans la procédure
Nicolae Bot
contre
Préfet du Val-de-Marne,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans et A. Rosas, présidents de chambre, MM. J.‑P. Puissochet, R. Schintgen, Mme N. Colneric, MM. P. Kūris, E. Juhász, U. Lõhmus, E. Levits, A. Ó Caoimh (rapporteur) et L. Bay Larsen, juges,
avocat général: M. A. Tizzano,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et J.‑C. Niollet, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement tchèque, par M. T. Boček, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement slovaque, par M. R. Procházka, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement finlandais, par Mme T. Pynnä, en qualité d’agent,
– pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes C. O’Reilly et A.‑M. Rouchaud‑Joët, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 avril 2006,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 20, paragraphe 1, de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19, ci‑après la «CAAS»), signée le 19 juin 1990 à Schengen (Luxembourg).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours introduit par M. Bot, ressortissant roumain, tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet du Val‑de‑Marne (France) ordonnant sa reconduite à la frontière.
Le cadre juridique
L’acquis de Schengen
Les accords de Schengen
3 L’accord entre les Gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signé à Schengen le 14 juin 1985 (JO 2000, L 239, p. 13, ci‑après «l’accord de Schengen»), a été concrétisé par la signature de la CAAS.
4 L’article 1er de la CAAS définit la notion d’«étranger» comme «toute personne autre que les ressortissants des États membres des Communautés européennes».
5 Inscrit sous le titre II de la CAAS, intitulé «Suppression des contrôles aux frontières intérieures et circulation des personnes», l’article 5, paragraphe 1, prévoit les conditions d’entrée des étrangers sur les territoires des États contractants à l’accord de Schengen (ci‑après l’«espace Schengen») pour un séjour n’excédant pas trois mois.
6 Le chapitre 3 du même titre II contient les règles relatives aux visas.
7 L’article 11, paragraphe 1, de la CAAS, qui fait partie de la section 1 de ce chapitre, intitulée «Visas pour les séjours d’une courte durée», est libellé comme suit:
«Le visa institué à l’article 10 peut être:
a) un visa de voyage valable pour une ou plusieurs entrées, sans que ni la durée d’un séjour ininterrompu, ni la durée totale des séjours successifs puissent excéder trois mois par semestre, à compter de la date de la première entrée;
[…]»
8 L’article 18 de la CAAS, lequel fait partie de la section 2 du même chapitre, intitulée «Visas pour des séjours de longue durée», dispose:
«Les visas pour un séjour de plus de trois mois sont des visas nationaux délivrés par l’une des Parties Contractantes selon sa propre législation. […]»
9 Le chapitre 4 du titre II de la CAAS énonce, en ses articles 19 à 24, les conditions de circulation des étrangers. Il prévoit notamment ce qui suit:
«Article 19
1. Les étrangers titulaires d’un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l’une des Parties Contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l’ensemble des Parties Contractantes pendant la durée de validité du visa, pour autant qu’ils remplissent les conditions d’entrée visées à l’article 5, paragraphe 1, points a), c), d) et e).
[…]
Article 20
1. Les étrangers non soumis à l’obligation de visa peuvent circuler librement sur les territoires des Parties Contractantes pendant une durée maximale de trois mois au cours d’une période de six mois à compter de la date de première entrée, pour autant qu’ils remplissent les conditions d’entrée visées à l’article 5, paragraphe 1, points a), c), d) et e).
[…]
Article 23
1. L’étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions de court séjour applicables sur le territoire de l’une des Parties Contractantes doit en principe quitter sans délai les territoires des Parties Contractantes.
[…]»
Le protocole de Schengen
10 Aux termes de l’article 1er du protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne par le traité d’Amsterdam (ci‑après le «protocole de Schengen»), treize États membres de l’Union européenne, dont la République française, ont été autorisés à instaurer entre eux une coopération renforcée dans le domaine relevant du champ d’application de l’acquis de Schengen, tel que défini à l’annexe dudit protocole. Cette coopération doit être conduite dans le cadre juridique et institutionnel de l’Union ainsi que des traités UE et CE.
11 Conformément à l’annexe du protocole de Schengen, font notamment partie de l’acquis de Schengen ainsi défini l’accord de Schengen et la CAAS.
12 En vertu de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du protocole de Schengen, à compter de la date d’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, soit à partir du 1er mai 1999, l’acquis de Schengen s’applique immédiatement aux treize États membres visés à l’article 1er dudit protocole.
13 En application de l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, seconde phrase, du protocole de Schengen, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 1999/436/CE, du 20 mai 1999, déterminant, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l’Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions ou décisions constituant l’acquis de Schengen (JO L 176, p. 17). Il résulte de l’article 2 de cette décision, en liaison avec l’annexe A de celle‑ci, que le Conseil a désigné comme base juridique de l’article 20 de la CAAS l’article 62, point 3, CE, lequel fait partie du titre IV du traité CE, intitulé «Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes».
Le règlement (CE) n° 539/2001
14 En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil, du 15 mars 2001, fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (JO L 81, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 2414/2001 du Conseil, du 7 décembre 2001 (JO L 327, p. 1), les ressortissants roumains sont exemptés de l’obligation d’être munis d’un visa lors du franchissement des frontières extérieures des États membres pour des séjours dont la durée totale n’excède pas trois mois.
La réglementation nationale
15 L’ordonnance n° 45‑2658, du 2 novembre 1945, relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France (JORF du 4 novembre 1945, p. 7225), telle que modifiée, notamment, par la loi n° 2003‑1119, du 26 novembre 2003, relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité (JORF du 27 novembre 2003, p. 20136, ci-après l’«ordonnance n° 45‑2658») prévoyait ce qui suit en son article 22:
«I.– Le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants:
1° Si l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité;
[…]
II.– Les dispositions du 1° du I sont applicables à l’étranger qui n’est pas ressortissant d’un État membre de la Communauté européenne:
a) S’il ne remplit pas les conditions d’entrée prévues à l’article 5 de la [CAAS];
b) Ou si, en provenance directe du territoire d’un État partie à cette convention, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, 21, paragraphe 1 ou 2, de la [CAAS].»
Le litige au principal et la question préjudicielle
16 Il ressort de la décision de renvoi que M. Bot, ressortissant roumain, a séjourné dans l’espace Schengen, et notamment en France, du 15 août au 2 novembre 2002, puis de la fin du mois de novembre 2002 à la fin du mois de janvier 2003. Ensuite, transitant par la Hongrie le 23 février 2003 puis, selon ses dires, par l’Autriche et l’Allemagne, il est revenu en France où il a été interpellé le 25 mars 2003.
17 Le 26 mars 2003, un arrêté de reconduite à la frontière a été pris à son égard par le préfet du Val‑de‑Marne sur le fondement de l’article 22, II, sous b), de l’ordonnance n° 45‑2658.
18 La demande d’annulation de cet arrêté introduite par M. Bot a été rejetée par jugement du tribunal administratif de Melun du 1er avril 2003, au motif, en substance, que, en revenant en France alors même que la période de six mois prévue à l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS n’était pas encore écoulée, M. Bot a méconnu à plusieurs reprises cette disposition et ne peut dès lors être regardé comme justifiant être entré régulièrement en France au sens de ladite ordonnance.
19 Le 5 mai 2003, M. Bot a demandé l’annulation de ce jugement au Conseil d’État.
20 Estimant que la réponse à la question de savoir si, à la date de l’arrêté de reconduite à la frontière, M. Bot se trouvait en situation régulière au regard de l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS dépend de ce qu’il convient d’entendre par «date de première entrée» au sens de cette disposition, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«[Que convient-il] d’entendre par ‘date de première entrée’ au sens des stipulations du […] paragraphe [1] de l’article 20 de la [CAAS] et, notamment, [y a-t‑il lieu de regarder] comme ‘première entrée’ sur le territoire des États parties à cette convention toute entrée intervenant à l’issue d’une période de six mois n’ayant donné lieu à aucune autre entrée sur ce territoire ainsi que, dans le cas d’un étranger qui effectue des entrées multiples pour des séjours de courte durée, toute entrée suivant immédiatement l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de la précédente ‘première entrée’ connue [?]»
Sur la question préjudicielle
21 Par sa question, la juridiction de renvoi vise à obtenir l’interprétation de la notion de «première entrée» figurant à l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS en vue de déterminer si le droit d’un ressortissant d’un État tiers non soumis à l’obligation de visa de circuler librement dans l’espace Schengen, conformément à cette disposition, pendant une durée maximale de trois mois au cours d’une période de six mois a été épuisé dans le cas du requérant au principal.
22 Il ressort de la décision de renvoi que ce dernier, après avoir effectué, dans l’espace Schengen, des séjours successifs d’une durée totale supérieure à trois mois au cours d’une période de six mois à compter de sa toute première entrée dans cet espace, est entré de nouveau dans celui-ci après l’écoulement de cette période initiale de six mois et y a fait l’objet d’un contrôle moins de trois mois après cette nouvelle entrée.
23 Dans une telle situation, la juridiction de renvoi se demande si la notion de «première entrée» vise toute nouvelle entrée dans l’espace Schengen ou uniquement, outre la toute première entrée dans ce territoire, l’entrée ultérieure effectuée après l’expiration d’une période de six mois à compter de cette toute première entrée.
24 Ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS, la date de première entrée dans l’espace Schengen d’un ressortissant d’un État tiers non soumis à l’obligation de visa constitue le point de départ d’une période de six mois au cours de laquelle un tel ressortissant dispose du droit, conformément à cette disposition, de circuler librement dans cet espace pendant une durée maximale de trois mois.
25 Il en résulte que, comme l’a relevé la juridiction de renvoi, la toute première entrée de ce ressortissant dans l’espace Schengen constitue une première entrée au sens de l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS, à partir de laquelle doit être déterminé son droit de séjour d’une durée maximale de trois mois au cours d’une période de six mois.
26 Ainsi que tous les intéressés ayant déposé des observations écrites devant la Cour l’ont admis, cette disposition autorise à cet égard, à l’instar de ce que prévoit de manière explicite l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la CAAS en ce qui concerne les ressortissants d’un État tiers soumis à l’obligation de visa pour les séjours de courte durée, tant le séjour ininterrompu d’une durée de trois mois que les séjours successifs de moindre durée qui, cumulés, n’excèdent pas une durée totale de trois mois.
27 Il résulte toutefois du libellé de l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS, lu en combinaison avec l’article 23, paragraphe 1, de celle-ci, que, lorsque ce droit de séjour d’une durée maximale de trois mois a été épuisé au cours de la période de six mois s’étant écoulée depuis la date de la toute première entrée dans l’espace Schengen, le ressortissant concerné doit, en principe, sous peine que son séjour dans cet espace excède cette durée maximale, quitter celui-ci sans délai.
28 Partant, si rien dans le libellé de l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS n’interdit à ce même ressortissant de circuler de nouveau par la suite dans l’espace Schengen, ce qu’aucun des intéressés ayant déposé des observations devant la Cour n’a d’ailleurs contesté, c’est à la condition qu’il procède à une nouvelle entrée dans cet espace et que celle‑ci ait lieu après l’expiration d’une période de six mois à compter de la date de sa toute première entrée dans ledit espace.
29 Ainsi que l’ont soutenu les gouvernements français, tchèque et slovaque, une telle nouvelle entrée doit dès lors également être considérée comme une première entrée au sens de l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS, au même titre que la toute première entrée dans l’espace Schengen. Cette disposition permet ainsi aux ressortissants d’un État tiers non soumis à l’obligation de visa de séjourner dans cet espace pendant une durée maximale de trois mois au cours de périodes successives de six mois, à la condition que chacune de ces périodes débute par une telle première entrée.
30 Cette interprétation est corroborée par les dispositions de la CAAS applicables aux visas pour les séjours d’une courte durée. En effet, en vertu des articles 11, paragraphe 1, sous a), et 19 de cette convention, les ressortissants d’un État tiers titulaires d’un visa de voyage qui sont entrés régulièrement dans l’espace Schengen peuvent y circuler librement pour une durée n’excédant pas trois mois par semestre à compter de la première entrée, permettant ainsi explicitement des séjours de trois mois au cours de périodes successives de six mois.
31 Il y a lieu, par ailleurs, de préciser que, comme l’ont fait valoir à bon droit les gouvernements français et tchèque de même que la Commission des Communautés européennes, telle qu’ainsi interprétée, la notion de «première entrée» inscrite à l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS ne prive nullement les autorités nationales compétentes de la possibilité de sanctionner, dans le respect du droit communautaire, un ressortissant d’un État tiers dont le séjour dans l’espace Schengen a excédé la durée maximale de trois mois au cours d’une précédente période de six mois, même si, à la date du contrôle dont celui‑ci a fait l’objet, son séjour dans cet espace, à l’instar de celui de M. Bot dans l’affaire au principal, n’excède pas trois mois depuis la date de première entrée la plus récente.
32 La Commission soutient toutefois que cette interprétation littérale de l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS est susceptible de conduire à des comportements abusifs destinés à contourner les règles applicables aux longs séjours, alors que tant les articles 62 CE et 63 CE que les dispositions de la CAAS, notamment ses articles 5 et 18, établissent une nette distinction entre, d’une part, les séjours d’une durée supérieure à trois mois, qui relèvent des règles relatives à la politique d’immigration, et, d’autre part, les séjours d’une durée inférieure à trois mois, qui relèvent des règles relatives à la libre circulation des personnes.
33 Ainsi, la Commission, de même que le gouvernement finlandais, relève qu’un ressortissant d’un État tiers non soumis à l’obligation de visa qui, après avoir pris soin de quitter l’espace Schengen le jour même de sa première entrée, aurait effectué un séjour de trois mois moins un jour à la fin d’une première période de six mois, pourrait, en sortant un seul jour de cet espace à l’issue de cette première période et en y entrant de nouveau le lendemain, séjourner dans ledit espace pendant trois mois supplémentaires au cours d’une seconde période de six mois, lui permettant ainsi de circuler librement dans ledit territoire pendant une période de six mois, moins un jour, consécutifs.
34 Dans ces conditions, la Commission et le gouvernement finlandais estiment que l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS devrait, en conformité avec les objectifs poursuivis par cette convention, être interprété de manière à assurer que tout ressortissant d’un État tiers envisageant un ou plusieurs séjours successifs d’une durée totale dépassant la durée maximale de trois mois au cours d’une quelconque période de six mois soit soumis au régime prévu par le droit communautaire pour les longs séjours.
35 Selon la Commission, la notion de «première entrée» doit dès lors être interprétée comme visant toute première entrée dans l’espace Schengen ainsi que toute nouvelle entrée à la condition qu’une période de plus de trois mois sans séjour dans cet espace se soit écoulée entre la dernière sortie et cette nouvelle entrée. Si tel n’est pas le cas, il conviendrait de distinguer selon que la durée du séjour au cours de la période de six mois qui précède cette nouvelle entrée est supérieure ou inférieure à trois mois. Dans le premier cas, le droit de séjour serait épuisé. Dans le second cas, le droit de séjour devrait être calculé par référence aux durées de séjour cumulées au cours de cette période de six mois.
36 Quant au gouvernement finlandais, il estime que la notion de «première entrée» doit être interprétée comme visant la première entrée dans l’espace Schengen survenue au cours de la période de six mois précédant une nouvelle entrée dans cet espace, tout séjour déjà effectué dans celui-ci au cours de cette période réduisant d’autant la durée de séjour de trois mois autorisée.
37 Certes, il ressort des termes mêmes de l’article 62, point 3, CE, qui, conformément à la décision 1999/436, constitue la base juridique de l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS, que le Conseil peut uniquement adopter, sur la base de cette disposition du traité CE, des mesures fixant les conditions dans lesquelles les ressortissants d’un État tiers peuvent circuler librement dans l’espace Schengen pendant une durée maximale de trois mois.
38 Il en résulte que, indépendamment du respect de l’exigence relative à la période de six mois à compter de la date de première entrée inscrite à l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS, le séjour des ressortissants d’un État tiers dans l’espace Schengen au titre de cette disposition ne saurait en aucun cas excéder une durée totale de trois mois consécutifs. S’agissant des ressortissants d’un État tiers non soumis à l’obligation de visa, une telle limite maximale absolue ressort clairement de l’article 5, paragraphe 1, de la CAAS et de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 539/2001.
39 Cela étant, contrairement à ce que suggèrent la Commission et le gouvernement finlandais, l’interprétation de la notion de «première entrée» inscrite à l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS telle qu’elle ressort des points 28 et 29 du présent arrêt n’aboutit nullement à permettre aux ressortissants d’un État tiers non soumis à l’obligation de visa de circuler librement dans l’espace Schengen pendant une durée de plus de trois mois consécutifs, puisque, ainsi qu’il a été constaté à ces points, toute «première entrée» au sens de cette disposition exige nécessairement une nouvelle entrée dans ledit espace après l’écoulement d’une période antérieure de six mois.
40 En outre, s’il est vrai que, selon les interprétations prônées par la Commission et le gouvernement finlandais, la notion de «première entrée» est, en substance, de nature à assurer qu’un ressortissant d’un État tiers non soumis à l’obligation de visa ne séjourne pas plus de trois mois dans l’espace Schengen au cours d’une quelconque période de six mois, force est de constater que telle n’est pas la règle édictée par l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS, laquelle se borne à interdire les séjours excédant trois mois au cours d’une période de six mois prenant naissance à une date correspondant à la première entrée dans cet espace. Or, en retenant des dates mouvantes de première entrée évoluant en fonction de la date de dernière entrée, lesdites interprétations reviennent à ignorer le fait que l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS est articulé autour de la notion même de «première entrée», pour lui substituer celle de date de dernière entrée, qui n’y figure pas.
41 Dans ces conditions, ne trouvant aucun fondement dans le libellé de cette disposition, ces interprétations, dont la relative complexité pourrait, au demeurant, affecter l’application uniforme de l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS et, partant, nuire à la sécurité juridique des particuliers, ne sauraient être acceptées.
42 Quant au risque de contournement des règles applicables aux longs séjours allégué par la Commission, il suffit d’observer que, si l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS permet en effet, en l’état actuel de son libellé, à un ressortissant d’un État tiers non soumis à l’obligation de visa, en cumulant deux séjours successifs non consécutifs, de séjourner dans l’espace Schengen pendant une durée de près de six mois, il appartient au législateur communautaire de modifier, le cas échéant, cette disposition s’il estime qu’un tel cumul est susceptible de porter atteinte aux règles applicables aux séjours d’une durée supérieure à trois mois.
43 En conséquence, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que l’article 20, paragraphe 1, de la CAAS doit être interprété en ce sens que la notion de «première entrée» figurant à cette disposition vise, outre la toute première entrée dans l’espace Schengen, la première entrée dans cet espace intervenant après l’expiration d’une période de six mois à compter de cette toute première entrée ainsi que toute autre première entrée intervenant après l’expiration de toute nouvelle période de six mois à compter d’une précédente date de première entrée.
Sur les dépens
44 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit:
L’article 20, paragraphe 1, de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée le 19 juin 1990 à Schengen, doit être interprété en ce sens que la notion de «première entrée» figurant à cette disposition vise, outre la toute première entrée sur les territoires des États contractants audit accord, la première entrée sur ces territoires intervenant après l’expiration d’une période de six mois à compter de cette toute première entrée ainsi que toute autre première entrée intervenant après l’expiration de toute nouvelle période de six mois à compter d’une précédente date de première entrée.
Signatures
Langue de procédure: le français.