ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
21 mars 2013
Szabolcs-Szatmár-Bereg Megyei Rendőrkapitányság Záhony Határrendészeti Kirendeltsége contre Oskar Shomodi
«Espace de liberté, de sécurité et de justice – Petit trafic frontalier aux frontières terrestres extérieures des États membres – Règlement (CE) no 1931/2006 – Règlement (CE) no 562/2006 – Durée maximale du séjour – Règles de calcul»
Dans l’affaire C-254/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Magyar Köztársaság Legfelsőbb Bírósága (Hongrie), par décision du 3 mai 2011, parvenue à la Cour le 25 mai 2011, dans la procédure
Szabolcs-Szatmár-Bereg Megyei Rendőrkapitányság Záhony Határrendészeti Kirendeltsége
contre
Oskar Shomodi,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot (rapporteur), faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mmes C. Toader, M. Berger, A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juin 2012,
considérant les observations présentées:
– pour la Szabolcs-Szatmár-Bereg Megyei Rendőrkapitányság Záhony Határrendészeti Kirendeltsége, par Mme É. Tasnádi, jogtanácsos,
– pour M. Shomodi, par Me L. Isaák, ügyvéd,
– pour le gouvernement hongrois, par M. M. Fehér ainsi que par Mmes K. Szíjjártó et Z. Tóth, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement polonais, par M. M. Szpunar, en qualité d’agent
– pour le gouvernement roumain, par M. H. R. Radu ainsi que par Mmes F. Abrudan et A. Crişan, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par MM. V. Bottka et G. Wils, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 décembre 2012,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, sous a), 3, point 3, et 5 du règlement (CE) no 1931/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, fixant des règles relatives au petit trafic frontalier aux frontières terrestres extérieures des États membres et modifiant les dispositions de la convention de Schengen (JO L 405, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 29, p. 3).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Szabolcs-Szatmár-Bereg Megyei Rendőrkapitányság Záhony Határrendészeti-Kirendeltsége (direction départementale de la police de Szabolcs-Szatmár-Bereg – commissariat de la police des frontières de Záhony) à M. Shomodi, ressortissant ukrainien, au sujet du refus d’entrer sur le territoire hongrois qui a été opposé à ce dernier au motif qu’il avait dépassé la durée maximale de séjour autorisée sur le territoire hongrois au titre du petit trafic frontalier.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Dispositions générales relatives aux ressortissants de pays tiers non soumis à l’obligation de visa
3 L’article 20, paragraphe 1, de la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 (JO 2000, L 239, p. 19, ci-après la «convention d’application de l’accord de Schengen»), stipule:
«Les étrangers non soumis à l’obligation de visa peuvent circuler librement sur les territoires des Parties Contractantes pendant une durée maximale de trois mois au cours d’une période de six mois à compter de la date de première entrée [...]»
4 Le règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO L 105, p. 1), prévoit à son considérant 3:
«L’adoption de mesures communes ayant trait au franchissement des frontières intérieures par les personnes, ainsi qu’au contrôle aux frontières extérieures, devrait refléter l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne et, notamment, les dispositions pertinentes de la convention d’application de l’accord de Schengen [...] et du manuel commun [(JO 2002, C 313, p. 97)].»
5 L’article 5, paragraphe 1, dudit règlement énonce les conditions d’entrée posées aux ressortissants de pays tiers pour les séjours «n’excédant pas trois mois sur une période de six mois».
6 L’article 35 du même règlement précise que ce texte est «sans préjudice des règles communautaires applicables au petit trafic frontalier et des accords bilatéraux existants en la matière».
Dispositions spéciales relatives au petit trafic frontalier
7 Les considérants 2 et 3 du règlement no 1931/2006 énoncent:
«(2) Il est de l’intérêt de la Communauté élargie de faire en sorte que les frontières avec ses voisins ne soient pas une barrière aux échanges commerciaux, sociaux et culturels, ni à la coopération régionale. C’est pourquoi il convient de mettre en place un régime efficace pour le petit trafic frontalier.
(3) Le régime propre au petit trafic frontalier constitue une dérogation aux règles générales régissant le contrôle des personnes aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne qui sont fixées dans le règlement [...] no 562/2006 [...]»
8 Le considérant 4 du règlement no 1931/2006 pose notamment le principe d’un «franchissement facilité de la frontière par les frontaliers de bonne foi qui ont des raisons légitimes de franchir fréquemment une frontière terrestre extérieure».
9 L’article 3 dudit règlement définit ce qu’il faut entendre par:
«[…]
2) ‘zone frontalière’, une zone qui ne s’étend pas à plus de trente kilomètres de la frontière. Les communes qui doivent être considérées comme la zone frontalière sont précisées par les États concernés dans leurs accords bilatéraux visés à l’article 13. Toute partie d’une de ces communes située à plus de trente kilomètres mais à moins de cinquante kilomètres de la ligne frontalière est néanmoins considérée comme appartenant à la zone frontalière;
3) ‘petit trafic frontalier’, le franchissement régulier d’une frontière terrestre extérieure par des frontaliers, en vue d’effectuer un séjour dans une zone frontalière, par exemple pour des raisons sociales, culturelles ou pour des raisons économiques justifiées, ou pour des raisons d’ordre familial, d’une durée ne dépassant pas la durée fixée par le présent règlement;
[...]»
10 La mise en œuvre du régime propre au petit trafic frontalier est, en vertu de l’article 13 du règlement no 1931/2006, confiée aux États membres par la voie d’accords bilatéraux conclus avec leurs voisins pays tiers, sous le contrôle de la Commission européenne. Ces accords précisent, aux termes de l’article 5 du même règlement, «la durée maximale autorisée dans le cadre du régime propre au petit trafic frontalier pour chaque séjour non interrompu effectué, celle-ci ne pouvant dépasser trois mois».
11 Un permis de franchissement local de la frontière est instauré par l’article 7 du règlement no 1931/2006, qui précise les caractéristiques et les mentions dont doit être revêtu ce permis, notamment celle prescrivant que «le titulaire n’est pas autorisé à se déplacer en dehors de la zone frontalière et que tout usage abusif est passible des sanctions prévues à l’article 17». Cet article prévoit le principe de sanctions «efficaces, proportionnées et dissuasives», incluant «la possibilité de supprimer et de révoquer les permis délivrés en vue du franchissement local de la frontière».
12 Par ailleurs, le considérant 5 du même règlement énonce:
«En règle générale, afin d’éviter toute utilisation abusive, un permis de franchissement local de la frontière ne devrait être délivré qu’aux personnes qui résident légalement dans la zone frontalière d’un pays voisin d’un État membre depuis au moins un an. Par ailleurs, des accords bilatéraux conclus entre les États membres et les pays tiers voisins peuvent prévoir une plus longue période de résidence [...]»
13 Enfin, en vertu de l’article 9 du règlement no 1931/2006, le permis de franchissement local de la frontière ne peut être accordé qu’au vu de la présentation par le frontalier des documents justifiant notamment des raisons légitimes qui le conduisent à franchir fréquemment une frontière terrestre extérieure.
Le droit hongrois
14 S’agissant des règles générales relatives à l’entrée et au séjour des ressortissants de pays tiers, l’article 40, paragraphe 1, de la loi no II de 2007 relative à l’entrée et au séjour des ressortissants de pays tiers (2007. évi II. törvény a harmadik országbeli állampolgárok beutazásáról és tartózkodásáról), dispose:
«Sur le fondement des dispositions du [règlement no 562/2006], l’autorité compétente en matière de contrôle du trafic frontalier refuse l’entrée sur son territoire d’un ressortissant d’un pays tiers souhaitant séjourner sur son territoire pour une durée inférieure ou égale à trois mois, et – tout en tenant compte de ses intérêts – le refoule [...]»
15 S’agissant du petit trafic frontalier, l’accord conclu entre le gouvernement hongrois et le cabinet des ministres de l’Ukraine aux fins de la réglementation du petit trafic frontalier stipule, à son article 1er, paragraphe 5, que le permis de franchissement local de la frontière «autorise son titulaire à des entrées multiples et à un séjour non interrompu d’une durée maximale de trois mois au cours d’une période de six mois dans la zone frontalière de l’État de l’autre partie contractante, en particulier pour des raisons sociales, culturelles ou familiales, ou pour des raisons économiques justifiées qui ne sont pas qualifiables d’activités professionnelles au sens de la législation nationale». L’article 3, paragraphe 2, de cet accord prévoit que «toute utilisation abusive du permis donne lieu à des sanctions définies par le droit national des parties contractantes».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
16 M. Shomodi, ressortissant ukrainien, est titulaire d’un permis de franchissement local de la frontière accordé au titre du petit trafic frontalier qui l’autorise à se rendre dans la zone frontalière de la Hongrie. Le 2 février 2010, il s’est présenté au poste frontière de Záhony. La police hongroise a alors constaté que, entre le 3 septembre 2009 et le 2 février 2010, il avait séjourné 105 jours sur le territoire hongrois, s’y rendant presque quotidiennement pour quelques heures. M. Shomodi s’étant ainsi maintenu plus de trois mois dans l’espace Schengen au cours d’une période de six mois, la Szabolcs-Szatmár-Bereg Megyei Rendőrkapitányság Záhony Határrendészeti Kirendeltsége par décision du 2 février 2010, lui a refusé l’entrée sur le territoire hongrois en application de l’article 40, paragraphe 1, de la loi no II de 2007.
17 L’intéressé a formé un recours contre cette décision devant la Szabolcs-Szatmár-Bereg megyei bíróság (cour départementale de Szabolcs-Szatmár-Bereg), qui l’a annulée par un jugement du 26 mai 2010. Cette juridiction a d’abord écarté l’applicabilité du règlement no 562/2006 et de l’article 40 paragraphe 1, de la loi no II de 2007 qui en assure la transposition. Elle a ensuite fait application des règles spéciales relatives au petit trafic frontalier, et estimé, d’une part, que le nombre d’entrées dont dispose le titulaire d’un permis de franchissement local de la frontière était illimité et, d’autre part, que le plafond de trois mois instauré par l’accord mentionné au point 15 du présent arrêt s’appliquait aux seuls séjours ininterrompus. La Szabolcs-Szatmár-Bereg megyei bíróság en a déduit que les motifs invoqués par la Szabolcs-Szatmár-Bereg Megyei Rendõrkapitányság Záhony Határrendészeti Kirendeltsége n’étaient pas de nature à justifier le refoulement de M. Shomodi.
18 Saisie d’un pourvoi en cassation contre ce jugement présenté par ladite administration, la Magyar Köztársaság Legfelsőbb Bírósága (Cour suprême de la République de Hongrie), considérant que la solution du litige dont elle est saisie dépend de l’interprétation de dispositions du règlement no 1931/2006, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) La disposition de l’article 5 du règlement [...] no 1931/2006 [...], autorisant un séjour non interrompu d’une durée maximale de trois mois, doit-elle être interprétée – compte tenu notamment de l’article 2, sous a), et de l’article 3, point 3, de ce règlement – en ce sens que ledit règlement permet, sur le fondement des accords bilatéraux entre les États membres et les pays tiers voisins visés à l’article 13 de ce même règlement, des entrées et des sorties multiples et un séjour non interrompu d’au maximum trois mois de telle sorte que, avant l’expiration du délai de séjour de trois mois, un frontalier disposant d’un permis de franchissement local de la frontière peut interrompre le séjour non interrompu puis, après avoir de nouveau franchi la frontière, a de nouveau un droit de séjour non interrompu de trois mois?
2) Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la première question, le séjour non interrompu au sens de l’article 5 du règlement no 1931/2006 peut-il être considéré comme étant interrompu lorsque l’entrée et la sortie ont lieu le même jour, ou lors de deux jours consécutifs?
3) Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la première question, mais d’une réponse négative à la deuxième question, quel intervalle ou quel autre critère d’appréciation est-il alors nécessaire de prendre en considération pour constater une interruption du séjour non interrompu aux fins de l’application de l’article 5 du règlement no 1931/2006?
4) Dans l’hypothèse d’une réponse négative à la première question, la disposition autorisant un séjour non interrompu d’une durée maximale de trois mois en application de l’article 5 du règlement no 1931/2006 peut-elle être interprétée en ce sens qu’il convient d’additionner le temps passé pendant les sorties et entrées multiples et que, eu égard à l’article 20, paragraphe 1, de la convention d’application de l’accord de Schengen [...] – ou à toute autre règle concernant le droit de l’espace Schengen – dès lors que le total des jours ainsi décomptés atteint 93 jours, soit trois mois, il convient de considérer que le permis de franchissement local de la frontière ne confère plus de droit de séjour pour la période de six mois à compter de la date de la première entrée?
5) Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la quatrième question, convient-il de prendre également en compte, aux fins de cette addition, des entrées et des sorties multiples au cours d’une même journée, ou une entrée et sortie unique au cours d’une même journée, et quelle méthode de calcul convient-il de retenir à cette fin?»
Sur les questions préjudicielles
Sur les première et quatrième questions
19 La juridiction de renvoi cherche, en substance, à connaître la portée exacte de la limitation à trois mois de chaque «séjour non interrompu» auquel a droit le titulaire d’un permis de franchissement local de la frontière accordé au titre du règlement no 1931/2006, au regard de la limitation de séjour à trois mois sur un total de six mois prévue pour les ressortissants de pays tiers non soumis à l’obligation de visa par la convention d’application de l’accord de Schengen et le règlement no 562/2006.
20 Cette question revient à se demander s’il convient d’interpréter le règlement no 1931/2006 à la lumière de l’acquis de Schengen, ou s’il faut à l’inverse en retenir une interprétation autonome.
21 La première branche de cette alternative, qui a la préférence des gouvernements hongrois et polonais, consiste à regarder le règlement no 1931/2006 comme étant partie intégrante de l’acquis de Schengen. En ce cas, la règle, propre à cette dernière législation, qui limite les séjours de courte durée des ressortissants de pays tiers exemptés de visas à un total de trois mois sur une période de six mois, devrait primer toute autre disposition. Les titulaires d’un permis de franchissement local de la frontière, exemptés de visas en application du règlement no 1931/2006, n’y feraient donc pas exception. Les tenants de cette thèse font valoir que, faute d’un tel plafonnement du total des séjours successifs autorisés, ces titulaires bénéficieraient de facto d’un droit de séjour potentiellement illimité, puisqu’il leur suffirait de quitter le territoire de l’État membre concerné au bout de trois mois et d’y revenir le lendemain pour bénéficier d’un nouveau droit de séjour trimestriel.
22 Toutefois, une telle approche n’est conforme ni à la lettre ni à l’esprit du règlement no 1931/2006.
23 L’article 5 de ce règlement renvoie aux accords bilatéraux le soin de fixer la durée maximale de séjour autorisée, dans la limite de trois mois «pour chaque séjour non interrompu effectué». Cette précision, comme les termes dans lesquels elle est formulée, dissocie clairement la limitation dans le temps du petit trafic frontalier de la «limitation Schengen», laquelle ne se rapporte aucunement à des séjours ininterrompus. Une telle interprétation est confirmée par les travaux préparatoires du règlement no 1931/2006 dont il résulte que, si la Commission proposait initialement un alignement sur le séjour maximal, prévu par l’acquis de Schengen, de trois mois par semestre, le législateur de l’Union a retenu une limitation particulière relative à des séjours ininterrompus. À cet égard, la circonstance que cette limitation soit, comme dans l’acquis de Schengen, plafonnée à trois mois ne saurait faire douter de son caractère spécial par rapport au droit commun des ressortissants de pays tiers non soumis à l’obligation de visa, dès lors qu’il ne résulte d’aucune disposition du règlement no 1931/2006 que ces trois mois seraient enserrés dans une même période de six mois.
24 Par ailleurs, l’esprit du règlement no 1931/2006 incite, s’il en était besoin, à en donner une interprétation autonome. Tant ses objectifs que ses dispositions indiquent l’intention du législateur de l’Union d’aménager pour le petit trafic frontalier des règles dérogatoires au règlement no 562/2006. L’objet de ces règles est, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 52 de ses conclusions, de permettre aux populations des zones frontalières concernées, et afin de tenir compte des réalités locales, actuelles ou héritées de l’histoire, de franchir les frontières terrestres extérieures de l’Union pour des raisons légitimes d’ordre économique, social, culturel ou familial, et ce facilement, c’est-à-dire sans contraintes administratives excessives, de manière fréquente mais aussi régulière.
25 Les inquiétudes exprimées par les gouvernements hongrois et polonais face aux prétendues conséquences négatives d’une telle interprétation sur l’ordre public frontalier ne sauraient convaincre, dès lors que le droit ainsi ouvert au titulaire d’un permis de franchissement local de la frontière n’est ni inconditionnel ni absolu. En effet, l’obtention de ce permis est soumise à une condition de résidence minimale d’un an dans la zone frontalière du pays voisin, qu’un accord bilatéral peut porter à une durée plus longue. De plus, rien ne s’oppose à ce qu’un tel accord retienne une durée maximale de séjour ininterrompu plus courte que les trois mois prévus par le règlement no 1931/2006, qui ne sont qu’un maximum. En outre, le franchissement facilité de la frontière est destiné, comme cela résulte des termes mêmes du considérant 4 et de l’article 9, sous b), de ce règlement, aux frontaliers de bonne foi ayant des raisons légitimes, dûment justifiées, de franchir fréquemment une frontière terrestre extérieure. À cet égard, les autorités compétentes demeurent libres d’infliger les sanctions auxquelles fait référence l'article 7 du règlement no 1931/2006 à ceux des frontaliers qui se livreraient à un usage abusif ou frauduleux de leur permis de franchissement local de la frontière.
26 Il y a lieu, dès lors, de répondre aux première et quatrième questions que le règlement no 1931/2006 doit être interprété en ce sens que le titulaire d’un permis de franchissement local de la frontière accordé au titre du régime spécifique du petit trafic frontalier mis en place par ce règlement doit pouvoir, dans les limites prévues par ledit règlement et l’accord bilatéral pris pour son application conclu entre le pays tiers dont il est ressortissant et l’État membre voisin, d’une part, circuler librement dans la zone frontalière pendant trois mois si son séjour n’y est pas interrompu et, d’autre part, bénéficier d’un nouveau droit de séjour de trois mois après chaque interruption de son séjour.
Sur la deuxième question
27 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi pose, en substance, la question de la fréquence acceptable des interruptions du séjour d’un titulaire de permis de franchissement local de la frontière au sens de l’article 5 du règlement no 1931/2006.
28 À cet égard, il se déduit, par voie de conséquence de ce qui a été dit ci-dessus, que le séjour du titulaire d’un permis de franchissement local de la frontière accordé au titre du petit trafic frontalier doit être considéré comme interrompu dès l’instant où l’intéressé franchit la frontière pour regagner son État de résidence conformément à l’autorisation qui lui a été donnée, et ce sans qu’il soit besoin de tenir compte du nombre de passages effectués chaque jour.
29 Ainsi, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 5 du règlement no 1931/2006 doit être interprété en ce sens que l’interruption du séjour mentionnée à cet article s’entend du passage, quelle que soit sa fréquence, fût-elle multiquotidienne, de la frontière entre l’État membre frontalier et le pays tiers où réside le titulaire du permis de franchissement local de la frontière, conformément aux conditions fixées par ce permis.
Sur les autres questions
30 Compte tenu des réponses apportées aux première, deuxième et quatrième questions, il n’y a pas lieu de répondre aux troisième et cinquième questions.
Sur les dépens
31 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
1) Le règlement (CE) no 1931/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, fixant des règles relatives au petit trafic frontalier aux frontières terrestres extérieures des États membres et modifiant les dispositions de la convention de Schengen, doit être interprété en ce sens que le titulaire d’un permis de franchissement local de la frontière accordé au titre du régime spécifique du petit trafic frontalier mis en place par ce règlement doit pouvoir, dans les limites prévues par ledit règlement et l’accord bilatéral pris pour son application conclu entre le pays tiers dont il est ressortissant et l’État membre voisin, d’une part, circuler librement dans la zone frontalière pendant trois mois si son séjour n’y est pas interrompu et, d’autre part, bénéficier d’un nouveau droit de séjour de trois mois après chaque interruption de son séjour.
2) L’article 5 du règlement no 1931/2006 doit être interprété en ce sens que l’interruption du séjour mentionnée à cet article s’entend du passage, quelle que soit sa fréquence, fût-elle multiquotidienne, de la frontière entre l’État membre frontalier et le pays tiers où réside le titulaire du permis de franchissement local de la frontière, conformément aux conditions fixées par ce permis.
Signatures
Langue de procédure: le hongrois.