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CJUE, 27 avril 2016, aff. C-528/14, X contre Staatssecretaris van Financiën

 

 

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

27 avril 2016 (*)

 

 

«Renvoi préjudiciel – Tarif douanier commun – Règlement (CE) n° 1186/2009 – Article 3 – Franchise de droits à l’importation – Biens personnels – Transfert de résidence d’un pays tiers à un État membre – Notion de ‘résidence normale’ – Impossibilité de cumuler une résidence normale dans un État membre et dans un pays tiers – Critères de détermination du lieu de la résidence normale»

Dans l’affaire C‑528/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas, Pays-Bas), par décision du 14 novembre 2014, parvenue à la Cour le 21 novembre 2014, dans la procédure

X

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Lycourgos, E. Juhász, C. Vajda et Mme K. Jürimäe (rapporteur), juges,

avocat général: M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour X, par Me B. J. B. Boersma, adviseur,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman et M. Noort, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme L. Grønfeldt et M. H. Kranenborg, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 décembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3 du règlement (CE) n° 1186/2009 du Conseil, du 16 novembre 2009, relatif à l’établissement du régime communautaire des franchises douanières (JO L 324, p. 23).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant X au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) au sujet du refus de ce dernier d’admettre le transfert des biens personnels de X, entre le Qatar et les Pays-Bas, en franchise de droits à l’importation.

 Le cadre juridique

 La directive 83/182

3        L’article 7, paragraphe 1, de la directive 83/182/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables à l’intérieur de la Communauté en matière d’importation temporaire de certains moyens de transport (JO L 105, p. 59), telle que modifiée par la directive 2006/98/CE du Conseil, du 20 novembre 2006 (JO L 363, p. 129, ci-après la «directive 83/182»), dispose:

«Pour l’application de la présente directive, on entend par ‘résidence normale’ le lieu où une personne demeure habituellement, c’est-à-dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d’attaches personnelles et professionnelles, ou, dans le cas d’une personne sans attaches professionnelles, en raison d’attaches personnelles, révélant des liens étroits entre elle-même et l’endroit où elle habite.

Toutefois, la résidence normale d’une personne dont les attaches professionnelles sont situées dans un lieu différent de celui de ses attaches personnelles, et qui, de ce fait, est amenée à séjourner alternativement dans des lieux différents situés dans deux ou plusieurs États membres, est censée se situer au lieu de ses attaches personnelles, à condition qu’elle y retourne régulièrement. [...]»

 La directive 83/183/CEE

4        L’article 6, paragraphe 1, de la directive 83/183/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables aux importations définitives de biens personnels des particuliers en provenance d’un État membre (JO L 105, p. 64), qui a été abrogée par la directive 2009/55/CE du Conseil, du 25 mai 2009, relative aux exonérations fiscales applicables aux introductions définitives de biens personnels des particuliers en provenance d’un État membre (JO L 145, p. 36), avait un contenu identique à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 83/182.

 Le règlement n° 1186/2009

5        Le règlement n° 1186/2009 a abrogé le règlement (CEE) n° 918/83 du Conseil, du 28 mars 1983, relatif à l’établissement du régime communautaire des franchises douanières (JO L 105, p. 1).

6        Les considérants 3 et 4 du règlement n° 1186/2009 énoncent:

«(3)      [...] une [...] taxation ne se justifie pas dans certaines circonstances bien définies, lorsque les conditions particulières de l’importation des marchandises n’exigent pas l’application des mesures habituelles de protection de l’économie.

(4)      Il convient de prévoir, comme il en est ainsi traditionnellement dans la plupart des législations en matière douanière, que dans de tels cas, l’importation puisse s’effectuer au bénéfice d’un régime de franchise exonérant les marchandises de l’application des droits à l’importation dont elles seraient normalement passibles.»

7        L’article 2, paragraphe 1, sous c), de ce règlement est libellé comme suit:

«[...] Les biens personnels ne doivent traduire, par leur nature ou leur quantité, aucune préoccupation d’ordre commercial».

8        L’article 3 dudit règlement dispose:

«Sont admis en franchise de droits à l’importation, sous réserve des dispositions des articles 4 à 11, les biens personnels importés par des personnes physiques qui transfèrent leur résidence normale dans le territoire douanier de la Communauté.»

9        L’article 4 du même règlement prévoit:

«La franchise est limitée aux biens personnels qui:

a)      sauf cas particuliers justifiés par les circonstances, ont été en possession de l’intéressé et, s’agissant de biens non consomptibles, ont été utilisés par lui au lieu de son ancienne résidence normale pendant au moins six mois avant la date à laquelle il a cessé d’avoir sa résidence normale dans le pays tiers de provenance;

b)      sont destinés à être utilisés aux mêmes usages au lieu de sa nouvelle résidence normale.

[...]»

10      L’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 1186/2009 est libellé comme suit:

«Ne peuvent bénéficier de la franchise que les personnes qui ont eu leur résidence normale hors du territoire douanier de la Communauté depuis au moins douze mois consécutifs.»

11      En vertu de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, la franchise n’est accordée que pour les biens personnels déclarés pour la libre pratique avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date de l’établissement par l’intéressé de sa résidence normale dans le territoire douanier de l’Union européenne.

12      L’article 9 dudit règlement prévoit la possibilité que la franchise soit accordée pour les biens personnels déclarés pour la libre pratique avant l’établissement par l’intéressé de sa résidence normale dans le territoire douanier de l’Union, moyennant l’engagement de cet intéressé de l’y établir effectivement dans un délai de six mois.

13      En vertu de l’article 10 du même règlement, lorsque, en raison de ses obligations professionnelles, l’intéressé quitte le pays tiers où il avait sa résidence normale sans établir simultanément cette résidence normale dans le territoire douanier de l’Union, mais avec l’intention de l’y établir ultérieurement, les autorités compétentes peuvent autoriser l’admission en franchise des biens personnels qu’il transfère à cette fin.

14      L’article 11 du règlement n° 1186/2009 offre aux autorités compétentes la possibilité de déroger à certaines conditions d’application de la franchise des droits à l’importation visée à l’article 3 du même règlement.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      Jusqu’au 1er mars 2008, le requérant au principal a résidé et travaillé aux Pays-Bas. Du 1er mars 2008 au 1er août 2011, il a travaillé au Qatar, où un logement a été mis à sa disposition par son employeur. Le requérant au principal avait des attaches tant professionnelles que personnelles dans ce pays tiers. Son épouse a continué à habiter et à travailler aux Pays-Bas. Elle lui a rendu visite six fois pour des séjours d’une durée totale de 83 jours. Au cours de la période considérée, le requérant au principal a passé 281 jours en dehors du Qatar, pendant lesquels il a rendu visite à son épouse, à ses enfants majeurs et à sa famille aux Pays-Bas et est parti en vacances dans d’autres États.

16      En vue de son retour aux Pays-Bas, le requérant au principal a demandé que lui soit octroyée une autorisation d’importer ses biens personnels depuis le Qatar dans l’Union en franchise de droits à l’importation, en application de l’article 3 du règlement n° 1186/2009. Cette demande lui a été refusée, par décision de l’inspecteur des impôts, au motif qu’il n’y avait pas de transfert de sa résidence normale aux Pays-Bas, au sens de cet article. En effet, il aurait conservé sa résidence normale dans cet État membre pendant la durée de son séjour au Qatar, de sorte que sa résidence normale ne se serait jamais située dans ce pays tiers.

17      Le requérant au principal a formé un recours contre ladite décision de refus devant le Rechtbank te Haarlem (tribunal d’Haarlem), lequel y a fait droit. L’inspecteur des impôts a interjeté appel du jugement de cette juridiction devant le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam). Cette dernière juridiction a rappelé que, selon la jurisprudence de la Cour, la résidence normale est le lieu où l’intéressé a le centre permanent de ses intérêts. Elle a ensuite affirmé que, eu égard aux attaches personnelles et professionnelles du requérant au principal, il n’était pas possible de déterminer où se situait le centre permanent de ses intérêts. Dans ces conditions, selon cette juridiction, la primauté devait être accordée aux attaches personnelles de sorte que, pendant la période concernée, la résidence normale du requérant au principal se situait non pas au Qatar, mais aux Pays-Bas.

18      Le requérant au principal a formé un pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi. Cette juridiction, après avoir indiqué que le règlement n° 1186/2009 ne prévoyait pas de définition de la notion de «résidence normale», a observé que l’approche du Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam) conduisait à se demander si le requérant au principal avait eu, pendant la période concernée, une résidence normale tant aux Pays-Bas qu’au Qatar. Elle a souligné que les objectifs de ce règlement ne semblaient s’opposer, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, ni à l’existence d’une résidence normale tant aux Pays-Bas qu’au Qatar ni à l’application de la franchise de droits à l’importation, visée à l’article 3 dudit règlement, dès lors que le requérant au principal a renoncé à sa résidence au Qatar et transféré ses biens personnels aux Pays-Bas.

19      Dans l’hypothèse où le règlement n° 1186/2009 devrait être interprété comme excluant la possibilité qu’il y ait une double résidence normale, la juridiction de renvoi souhaite connaître, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, les critères à prendre en compte pour déterminer laquelle des deux résidences doit être considérée comme la résidence normale, aux fins de l’application de ce règlement. À cet égard, cette juridiction s’interroge sur la pertinence des critères posés par la Cour dans les arrêts Louloudakis (C‑262/99, EU:C:2001:407) et Alevizos (C‑392/05, EU:C:2007:251) afin de déterminer le lieu de la «résidence normale», au sens des articles 7, paragraphe 1, de la directive 83/182 et 6, paragraphe 1, de la directive 83/183, en particulier la primauté accordée, dans le cadre de cette détermination, aux attaches personnelles.

20      Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le règlement n° 1186/2009 comporte-il la possibilité qu’une personne physique ait, en même temps, sa résidence normale tant dans un État membre que dans un pays tiers et, si tel est le cas, la franchise à l’importation prévue à l’article 3 de ce règlement s’applique-t-elle aux biens personnels qui sont transférés dans l’Union lorsque cette personne physique cesse d’avoir sa résidence normale dans le pays tiers?

2)      Si le règlement n° 1186/2009 exclut qu’il y ait une double résidence normale et qu’une appréciation de toutes les circonstances ne suffit pas pour déterminer la résidence normale, sur la base de quelle règle ou de quels critères y a-t-il lieu de déterminer, aux fins de l’application de ce règlement, dans quel pays l’intéressé a sa résidence normale dans un cas tel que celui en cause au principal dans lequel celui-ci a, dans le pays tiers, tant des attaches personnelles que des attaches professionnelles et, dans l’État membre, des attaches personnelles?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

21      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3 du règlement n° 1186/2009 doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de cet article, une personne physique peut disposer, de façon concomitante, d’une résidence normale à la fois dans un État membre et dans un pays tiers. En cas de réponse affirmative, cette juridiction demande également si la franchise de droits à l’importation prévue audit article est applicable aux biens personnels importés dans l’Union par cette personne physique lorsqu’elle cesse d’avoir sa résidence normale dans le pays tiers.

22      Dans la mesure où le règlement n° 1186/2009 ne prévoit pas de définition de la notion de «résidence normale» figurant à l’article 3 de celui-ci, il y a lieu, afin de déterminer la portée de cet article, de tenir compte à la fois de ses termes, de son contexte et de ses finalités (arrêt Angerer, C‑477/13, EU:C:2015:239, point 26 et jurisprudence citée).

23      S’agissant du libellé de l’article 3 du règlement n° 1186/2009, il importe, d’une part, de relever que les termes «résidence normale» y sont employés au singulier, ce qui tend à confirmer qu’une personne physique ne peut avoir, au même moment, qu’une seule résidence normale. D’autre part, cet article conditionne l’octroi de la franchise de droits à l’importation au transfert de la résidence normale depuis un pays tiers vers le territoire douanier de l’Union. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 37 de ses conclusions, l’usage du verbe «transférer» suppose nécessairement un déplacement de la résidence normale d’un lieu situé en dehors de ce territoire à un lieu situé à l’intérieur de celui-ci et s’oppose donc au cumul, durant une même période, d’une résidence normale dans un État membre et d’une autre dans un pays tiers.

24      S’agissant du contexte de l’article 3 du règlement n° 1186/2009, les articles 4, 5, 7 et 9 à 11 de ce règlement, qui concernent spécifiquement les conditions d’application de la franchise douanière prévue à l’article 3 dudit règlement, font également usage des termes «résidence normale» au singulier. Il en va de même des autres articles du même règlement où figure la notion de «résidence normale».

25      En outre, la formulation des articles 4, 7 et 9 à 11 du règlement n° 1186/2009 corrobore une interprétation de la notion de «résidence normale» selon laquelle une personne physique ne peut avoir, au même moment, qu’une seule résidence normale. Ainsi, tout d’abord, l’article 4 de ce règlement dispose que la franchise est limitée aux biens personnels qui, d’une part, ont été utilisés par l’intéressé «au lieu de son ancienne résidence normale» pendant au moins six mois avant la date à laquelle «il a cessé d’avoir sa résidence normale» dans le pays tiers de provenance et, d’autre part, sont destinés à être utilisés «au lieu de sa nouvelle résidence normale». Ensuite, les articles 7, 9 et 10 dudit règlement font tous référence à une même séquence d’événements, au cours de laquelle l’intéressé quitte, dans un premier temps, sa résidence normale dans un pays tiers puis établit, dans un second temps, cette résidence dans le territoire douanier de l’Union. Enfin, l’article 11 du règlement n° 1186/2009 reprend le verbe «transférer», également utilisé à l’article 3 de ce règlement, pour désigner le déplacement de la résidence normale d’un pays tiers vers un État membre.

26      S’agissant des objectifs du règlement n° 1186/2009, le considérant 3 de ce règlement précise que des franchises douanières ont été prévues par ledit règlement dès lors qu’«une [...] taxation ne se justifie pas dans certaines circonstances bien définies, lorsque les conditions particulières de l’importation des marchandises n’exigent pas l’application des mesures habituelles de protection de l’économie».

27      Il ressort de la jurisprudence relative au deuxième considérant du règlement n° 918/83, dont le contenu est identique à celui du considérant 3 du règlement n° 1186/2009, que les objectifs poursuivis par le législateur de l’Union, lors de l’adoption de ce premier règlement, consistaient à faciliter, d’une part, l’établissement de la nouvelle résidence d’une personne physique dans l’État membre concerné et, d’autre part, le travail des autorités douanières des États membres (arrêt Treimanis, C‑487/11, EU:C:2012:556, point 24). Ces considérations sont applicables au règlement n° 1186/2009 dès lors que, par celui-ci, le législateur de l’Union a codifié les différentes dispositions du régime des franchises douanières, y compris les dispositions du règlement n° 918/83.

28      Or, une interprétation selon laquelle une personne physique est susceptible de cumuler deux résidences normales, au sens de l’article 3 du règlement n° 1186/2009, une dans un pays tiers et une autre dans un État membre, ne saurait être considérée comme conforme à l’objectif consistant à faciliter l’établissement de la nouvelle résidence dans un État membre.

29      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 3 du règlement n° 1186/2009 doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de cet article, une personne physique ne saurait disposer, de façon concomitante, d’une résidence normale à la fois dans un État membre et dans un pays tiers. Compte tenu de cette réponse, il n’y a plus lieu de répondre à la seconde partie de la première question.

 Sur la seconde question

30      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, quels sont les critères à retenir pour déterminer le lieu de la résidence normale, au sens de l’article 3 du règlement n° 1186/2009, dans des circonstances telles que celles en cause au principal où l’intéressé a, dans un pays tiers, tant des attaches personnelles que des attaches professionnelles et, dans un État membre, des attaches personnelles.

31      À titre liminaire, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante développée dans différents domaines du droit de l’Union, la résidence normale doit être considérée comme étant le lieu où l’intéressé a établi le centre permanent de ses intérêts (voir, par analogie, arrêts Schäflein/Commission, 284/87, EU:C:1988:414, point 9; Ryborg, C‑297/89, EU:C:1991:160, point 19; Louloudakis, C‑262/99, EU:C:2001:407, point 51; Alevizos, C‑392/05, EU:C:2007:251, point 55; I, C‑255/13, EU:C:2014:1291, point 44, et B., C‑394/13, EU:C:2014:2199, point 26).

32      Il a encore été jugé que, aux fins de déterminer la résidence normale en tant que centre permanent des intérêts de la personne concernée, tous les éléments de fait pertinents doivent être pris en compte (voir, par analogie, arrêts Schäflein/Commission, 284/87, EU:C:1988:414, point 10; Ryborg, C‑297/89, EU:C:1991:160, point 20; Louloudakis, C‑262/99, EU:C:2001:407, point 55; Alevizos, C‑392/05, EU:C:2007:251, point 57, ainsi que I, C‑255/13, EU:C:2014:1291, points 45 et 46).

33      Dans les arrêts Louloudakis (C‑262/99, EU:C:2001:407) et Alevizos (C‑392/05, EU:C:2007:251), sur la pertinence desquels la juridiction de renvoi s’interroge, dans le cadre de sa seconde question, aux fins de la détermination du lieu de la résidence normale au sens de l’article 3 du règlement n° 1186/2009, la Cour a indiqué, en ce qui concerne les articles 7, paragraphe 1, de la directive 83/182 et 6, paragraphe 1, de la directive 83/183, que les éléments de fait pertinents à prendre en considération aux fins de déterminer la résidence normale en tant que centre permanent des intérêts de la personne concernée comprenaient, notamment, la présence physique de celle-ci, celle des membres de la famille, la disposition d’un lieu d’habitation, le lieu de scolarité effective des enfants, le lieu d’exercice des activités professionnelles, le lieu de situation des intérêts patrimoniaux, celui des liens administratifs avec les autorités publiques et les organismes sociaux, dans la mesure où lesdits éléments traduisent la volonté de cette personne de conférer une certaine stabilité au lieu de rattachement, en raison d’une continuité résultant d’une habitude de vie et du déroulement de rapports sociaux et professionnels normaux (arrêts Louloudakis, C‑262/99, EU:C:2001:407, point 55, et Alevizos, C‑392/05, EU:C:2007:251, point 57).

34      En outre, la Cour a précisé, dans ces arrêts, que lorsqu’une appréciation globale de tous les éléments de fait pertinents ne permet pas de localiser le centre permanent des intérêts de la personne concernée, la primauté doit être accordée, aux fins de cette localisation, aux attaches personnelles (arrêts Louloudakis, C‑262/99, EU:C:2001:407, point 53, et Alevizos, C‑392/05, EU:C:2007:251, point 61).

35      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi se demande, en particulier, si cette dernière considération, selon laquelle la primauté doit être accordée aux attaches personnelles, est transposable à l’interprétation de la notion de «résidence normale», au sens de l’article 3 du règlement n° 1186/2009, étant entendu que le Gerechtshof Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam), dont l’arrêt fait l’objet de la procédure devant cette juridiction, a considéré qu’il y avait lieu, dans les circonstances en cause au principal, d’accorder la primauté auxdites attaches personnelles.

36      À cet égard, il importe de relever qu’il découle des arrêts Louloudakis (C‑262/99, EU:C:2001:407, point 53) et Alevizos (C‑392/05, EU:C:2007:251, point 61) que cette primauté se fonde sur l’interprétation des termes des articles 7, paragraphe 1, de la directive 83/182 et 6, paragraphe 1, de la directive 83/183. Or, le règlement n° 1186/2009 ne contient pas de disposition équivalente à ces dispositions.

37      De plus, il convient d’observer que ces directives concernent les franchises fiscales applicables à l’intérieur de l’Union tandis que ce règlement est relatif aux franchises douanières applicables aux biens en provenance de pays tiers importés dans l’Union. Ainsi, l’objectif desdites directives diffère de celui du règlement n° 1186/2009. En effet, il découle du préambule de ces mêmes directives qu’elles ont pour objectif de favoriser l’exercice de la libre circulation des personnes à l’intérieur de l’Union, en supprimant les entraves fiscales à l’importation dans un État membre de biens personnels et de moyens de transport en provenance d’un autre État membre. En revanche, ainsi qu’il découle du considérant 3 de ce règlement, celui-ci vise à accorder aux importations dans l’Union de marchandises en provenance de pays tiers, qui selon l’article 2, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, ne traduisent, par leur nature ou leur quantité, aucune préoccupation d’ordre commercial, le bénéfice d’une franchise de droits de douane, lorsque les conditions de ces importations «n’exigent pas l’application des mesures habituelles de protection de l’économie».

38      Dans ces conditions, l’interprétation de la notion de «résidence normale», au sens des articles 7, paragraphe 1, de la directive 83/182 et 6, paragraphe 1, de la directive 83/183, selon laquelle, lorsqu’il est impossible de localiser le centre permanent des intérêts de la personne concernée, la primauté doit être accordée aux attaches personnelles, n’est pas transposable à la notion de «résidence normale», au sens de l’article 3 du règlement n° 1186/2009.

39      Il s’ensuit que la résidence normale, au sens de l’article 3 du règlement n° 1186/2009, doit être considérée comme étant le lieu où l’intéressé a établi le centre permanent de ses intérêts. Pour déterminer si cette résidence normale se situe dans un pays tiers, aux fins de l’application de la franchise douanière prévue à cet article 3, tous les éléments de fait pertinents doivent être pris en considération, y compris ceux cités par la Cour, de manière non exhaustive, dans les arrêts Louloudakis (C‑262/99, EU:C:2001:407) ainsi qu’Alevizos (C‑392/05, EU:C:2007:251) et mentionnés au point 33 du présent arrêt, sans qu’il y ait lieu d’accorder la primauté aux attaches personnelles.

40      Dans le cadre de cette analyse, il convient de relever que le règlement n° 1186/2009 accorde une importance particulière à la durée du séjour de la personne concernée dans le pays tiers en cause. Ainsi, selon l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, seules peuvent bénéficier de la franchise douanière prévue à l’article 3 dudit règlement les personnes qui ont eu leur résidence normale hors du territoire douanier de l’Union depuis au moins douze mois consécutifs. De même, le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes (OMD), à laquelle l’Union a demandé à adhérer et dont la demande a été acceptée au cours de l’année 2007, a indiqué, dans sa recommandation du 5 décembre 1962 relative à l’admission en franchise des objets mobiliers importés à l’occasion d’un transfert de domicile, que l’admission en franchise peut notamment être subordonnée à la condition que la durée du séjour à l’étranger paraisse suffisante.

41      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, où l’intéressé a, dans un pays tiers, tant des attaches personnelles que des attaches professionnelles et, dans un État membre, des attaches personnelles, il convient, afin de déterminer si la résidence normale de l’intéressé, au sens de l’article 3 du règlement n° 1186/2009, se situe dans le pays tiers, d’accorder, lors de l’appréciation globale des éléments de fait pertinents, une importance particulière à la durée du séjour de la personne concernée dans ce pays tiers.

 Sur les dépens

42      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 3 du règlement (CE) n° 1186/2009 du Conseil, du 16 novembre 2009, relatif à l’établissement du régime communautaire des franchises douanières, doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’application de cet article, une personne physique ne saurait disposer, de façon concomitante, d’une résidence normale à la fois dans un État membre et dans un pays tiers.

2)      Dans des circonstances telles que celles en cause au principal, où l’intéressé a, dans un pays tiers, tant des attaches personnelles que des attaches professionnelles et, dans un État membre, des attaches personnelles, il convient, afin de déterminer si la résidence normale de l’intéressé, au sens de l’article 3 du règlement n° 1186/2009, se situe dans le pays tiers, d’accorder, lors de l’appréciation globale des éléments de fait pertinents, une importance particulière à la durée du séjour de la personne concernée dans ce pays tiers.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.

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