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CJUE, 4 décembre 2014, aff. C‑295/13, H c/ H. K..

 

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

4 décembre 2014

H contre H. K..

 

«Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence des juridictions de l’État membre d’ouverture de la procédure d’insolvabilité pour une action au titre de l’insolvabilité contre un défendeur domicilié dans un État tiers – Action à l’encontre du gérant d’une société tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de cette société ou après la constatation du surendettement de celle-ci»

Dans l’affaire C‑295/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landgericht Darmstadt (Allemagne), par décision du 15 mai 2013, parvenue à la Cour le 28 mai 2013, dans la procédure

H, agissant en qualité de curateur à la faillite de G.T. GmbH,

contre

H. K.,

 

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Borg Barthet, faisant fonction de président de la sixième chambre, M. E. Levits et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour H, agissant en qualité de curateur à la faillite de G.T. GmbH, par Me U. Hassinger, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement suisse, par Mme M. Jametti, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin, en qualité d’agent,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1) et des articles 1er, paragraphe 2, sous b), 5, points 1, sous a) et b), et 3, de la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée le 30 octobre 2007, dont la conclusion a été approuvée au nom de la Communauté par la décision 2009/430/CE du Conseil, du 27 novembre 2008 (JO 2009, L 147, p. 1, ci‑après la «convention de Lugano II»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant H, agissant en qualité de curateur à la faillite de G.T. GmbH (ci-après «G.T.»), à H. K. au sujet d’une action en remboursement de paiements que ce dernier aurait effectués en tant que gérant de G.T. après la survenance de l’insolvabilité ou après la constatation du surendettement de celle-ci.

 

 Le cadre juridique

 

 Le droit international

3        L’article 1er de la convention de Lugano II, intitulé «Champ d’application», prévoit:

«1.      La présente convention s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. [...]

2.      Sont exclus de son application:

[...]

b)      les faillites, concordats et autres procédures analogues;

[...]»

4        L’article 5 de cette convention, intitulé «Compétences spéciales», dispose:

«Une personne domiciliée sur le territoire d’un État lié par la présente convention peut être attraite, dans un autre État lié par la présente convention:

1.      a)     en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;

b)      aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est:

–        pour la vente de marchandises, le lieu d’un État lié par la présente convention où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

–        pour la fourniture de services, le lieu d’un État lié par la présente convention où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis;

[...]

3.      en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire;

[...]»

 Le droit de l’Union

5        L’article 3 du règlement n° 1346/2000, intitulé «Compétence internationale», dispose à son paragraphe 1:

«Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire».

6        Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), «les faillites, concordats et autres procédures analogues» sont exclus de l’application de ce règlement.

 Le droit allemand

7        L’article 64, première et deuxième phrases, de la loi concernant les sociétés à responsabilité limitée (Gesetz betreffend die Gesellschaften mit beschränkter Haftung), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le «GmbHG»), disposait:

«Les gérants sont tenus de rembourser à la société les paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la société ou après la constatation de son surendettement. Cette règle ne s’applique pas aux paiements qui, même effectués après cette date, l’ont été de manière conforme à la diligence que l’on est en droit d’attendre de tout administrateur avisé.»

 

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

 

8        Le requérant au principal est le curateur à la faillite dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité qui a été ouverte le 1er novembre 2009 et porte sur les actifs de G.T., une société allemande établie à Offenbach-sur-le-Main (Allemagne). Le défendeur au principal est le gérant de G.T. Il est domicilié en Suisse.

9        Le 1er juillet 2009, G.T. a viré une somme de 115 000 euros ainsi que, le 8 juillet 2009, une somme de 100 000 euros, dont elle a recouvré 50 000 euros, à l’une de ses filiales. Le requérant au principal réclame au défendeur au principal, en sa qualité de gérant de G.T., le remboursement des 165 000 euros restants. Il se fonde sur l’article 64, première et deuxième phrases, du GmbHG et fait valoir que les virements effectués par le défendeur au principal le 1er et le 8 juillet 2009 en faveur de la filiale en cause l’ont été après la survenance de l’insolvabilité et du surendettement de G.T.

10      La juridiction de renvoi se demande si le litige entre dans le champ d’application matériel de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000. En effet, selon les arrêts Seagon (C‑339/07, EU:C:2009:83) et F-Tex (C‑213/10, EU:C:2012:215), une action révocatoire entrerait dans le champ d’application de cette disposition, puisque cette action se rattacherait à une procédure de faillite au sens de ce règlement, qu’elle dériverait directement de cette dernière et qu’elle s’insérerait étroitement dans le cadre d’une procédure de liquidation des biens ou de règlement judiciaire. Or, cette juridiction nourrit des doutes en ce qui concerne la qualification juridique qu’il convient de donner à une action telle que celle exercée au principal et fondée sur l’article 64 du GmbHG.

11      Selon la juridiction de renvoi, dans l’hypothèse où l’action litigieuse entre dans le champ d’application matériel de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, il convient de répondre à la question de savoir si cette disposition s’applique également au cas où la procédure d’insolvabilité aurait été ouverte dans un État membre alors que le domicile ou le siège statutaire du défendeur serait situé dans un État tiers, comme en l’espèce la Confédération suisse. En effet, la Confédération suisse, tout en étant partie contractante à la convention de Lugano II, ne serait pas liée par ce règlement.

12      Dans l’hypothèse où la Cour parviendrait à la conclusion selon laquelle l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 n’est pas applicable dans un cas tel que celui en cause au principal, la juridiction de renvoi se pose la question de savoir si le litige au principal entre dans le champ d’application matériel de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la convention de Lugano II. En effet, aux termes de cette disposition, seraient exclus de l’application de cette convention les «faillites, concordats et autres procédures analogues».

13      Dans ces conditions, le Landgericht Darmstadt a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure d’insolvabilité portant sur le patrimoine de la débitrice sont-elles compétentes pour connaître d’une action du curateur à la faillite dirigée contre le gérant de la débitrice en remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la société ou après la constatation du surendettement de celle-ci?

2)      La juridiction de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure d’insolvabilité portant sur le patrimoine de la débitrice est-elle compétente pour connaître d’une action du curateur à la faillite dirigée contre le gérant de la débitrice en remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la société ou après la constatation du surendettement de celle-ci, lorsque le gérant a son domicile non pas dans un autre État membre[...], mais dans un État partie à la convention de Lugano II?

3)      L’action mentionnée dans la première question relève-t-elle de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000?

4)      Si l’action mentionnée dans la première question n’entre pas dans le champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 ou si la compétence de la juridiction ne s’étend pas à cet égard à un gérant domicilié dans un État partie à la convention de Lugano II: s’agit-il alors d’une affaire de faillite au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la convention de Lugano II?

5)      En cas de réponse affirmative à la quatrième question:

a)      La juridiction de l’État membre dans lequel la débitrice a son siège est‑elle compétente pour connaître d’une action telle que celle mentionnée dans la première question en vertu de l’article 5, point 1, sous a), de la convention de Lugano II?

i)      L’action mentionnée dans la première question relève-t-elle de la matière contractuelle au sens de l’article 5, point 1, sous a), de la convention de Lugano II?

ii)      L’action mentionnée dans la première question est-elle fondée sur un contrat de fourniture de services au sens de l’article 5, point 1, sous b), de la convention de Lugano II?

b)      L’action mentionnée dans la première question relève-t-elle de la matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens de l’article 5, point 3, de la convention de Lugano II?»

 

 Sur les questions préjudicielles

 

 Sur les première et troisième questions

14      Par ses première et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte une procédure d’insolvabilité portant sur le patrimoine d’une société sont compétentes, sur le fondement de cette disposition, pour connaître d’une action, telle que celle en cause au principal, du curateur à la faillite de cette société dirigée contre le gérant de ladite société et tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la même société ou après la constatation du surendettement de celle-ci.

15      Le requérant au principal considère que l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 n’est pas applicable. En effet, le recours au principal ne constituerait pas un recours découlant directement d’une procédure d’insolvabilité et qui y serait étroitement lié. L’article 64 du GmbHG se limiterait à la réglementation de la responsabilité des dirigeants d’une société, et l’action en responsabilité contre le gérant de celle-ci pourrait être intentée non seulement dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, mais également en dehors de celle-ci, notamment lorsque la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité est rejetée en raison de l’insuffisance de l’actif de la société concernée.

16      La Commission européenne, en revanche, considère que, même si tous les critères, établis par la Cour dans les arrêts Gourdain (133/78, EU:C:1979:49) et Seagon (EU:C:2009:83) n’étaient pas remplis pour pouvoir considérer l’action au principal comme une action qui dérive directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insère étroitement, l’article 64 du GmbHG poursuivrait un objectif relevant du droit de l’insolvabilité. L’action fondée sur cette disposition viserait à préserver l’actif distribuable d’une société à responsabilité limitée en état de cessation de paiements, dans l’intérêt de l’ensemble de ses créanciers. Dans ces conditions, la jonction de cette action et de la procédure d’insolvabilité répondrait à l’objectif de l’amélioration de l’efficacité et de la rapidité de la procédure d’insolvabilité, étant donné que la juridiction saisie de la procédure d’insolvabilité devrait pouvoir répondre plus rapidement qu’une autre juridiction à la question de savoir quand la société en cause était surendettée.

17      À cet égard, il convient de rappeler que, compte tenu notamment de l’effet utile du règlement n° 1346/2000, l’article 3, paragraphe 1, de ce dernier doit être interprété en ce sens qu’il attribue une compétence internationale à l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure d’insolvabilité pour connaître des actions qui dérivent directement de cette procédure et qui s’y insèrent étroitement (arrêt Seagon, EU:C:2009:83, point 21).

18      Par ailleurs, il convient de préciser que la Cour, dans sa jurisprudence concernant l’appréciation de la question de savoir si une procédure dérive directement d’une procédure d’insolvabilité et s’y insère étroitement, a pris en considération, d’une part, le fait que les divers types d’actions dont elle avait eu à connaître étaient exercés à l’occasion d’une procédure d’insolvabilité. D’autre part, la Cour s’est surtout attachée à déterminer à chaque fois si l’action en cause trouvait son origine dans le droit des procédures d’insolvabilité ou dans d’autres règles (voir, en ce sens, arrêt Nickel & Goeldner Spedition, C‑157/13, EU:C:2014:2145, point 26).

19      Ainsi, en ce qui concerne l’action en cause au principal, fondée sur l’article 64 du GmbHG, il y a lieu de constater, premièrement, que celle-ci est exercée à l’occasion d’une procédure d’insolvabilité.

20      Deuxièmement, s’agissant du fait que le libellé de l’article 64 du GmbHG permet en principe d’introduire une action même dans l’hypothèse où aucune procédure d’insolvabilité portant sur les biens de la société débitrice concernée ne serait ouverte, il convient de constater que ce fait, par lui-même, ne saurait s’opposer à la qualification d’une telle action comme une action dérivant directement d’une procédure d’insolvabilité et s’y insérant étroitement, à supposer que cette action soit effectivement introduite dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, comme c’est le cas dans l’affaire au principal.

21      En effet, la Cour a certes déjà jugé que, pour identifier le domaine dont relève une action, il convient de rechercher si le droit ou l’obligation qui sert de base à l’action trouve sa source dans les règles communes du droit civil et commercial ou dans des règles dérogatoires, spécifiques aux procédures d’insolvabilité (arrêt Nickel & Goeldner Spedition, EU:C:2014:2145, point 27).

22      Toutefois, ces considérations ne sauraient être interprétées en ce sens que ne dérive pas directement d’une procédure d’insolvabilité, ou ne s’y insère pas étroitement, une action fondée sur une disposition dont l’application requiert non pas l’ouverture formelle d’une procédure d’insolvabilité, mais bien l’insolvabilité matérielle du débiteur, et donc sur une disposition qui, contrairement aux dispositions en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Nickel & Goeldner Spedition (EU:C:2014:2145), déroge aux règles communes du droit civil et commercial.

23      Or, en vertu de l’article 64 du GmbHG, le gérant d’une société débitrice doit rembourser des paiements qu’il a effectués pour le compte de cette société après la survenance de l’insolvabilité de celle-ci ou après la constatation de son surendettement. Cette disposition déroge donc clairement aux règles communes du droit civil et commercial, et ce précisément en raison de l’insolvabilité de la société débitrice.

24      Une interprétation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 en ce sens que ne relèverait pas des actions dérivant directement d’une procédure d’insolvabilité et s’y insérant étroitement une action fondée sur l’article 64 du GmbHG, introduite dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, créerait donc une différenciation artificielle entre cette dernière action et des actions comparables, telles que les actions en révocation en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Seagon (EU:C:2009:83) et F-Tex (EU:C:2012:215), au seul motif que l’action fondée sur ledit article 64 pourrait théoriquement être introduite même en absence d’une procédure d’insolvabilité. Or, une telle interprétation, qui ne trouverait aucun fondement dans les dispositions pertinentes du règlement n° 1346/2000, ne saurait être retenue.

25      Il convient de préciser, en revanche, qu’une action fondée sur l’article 64 du GmbHG et introduite en dehors d’une procédure d’insolvabilité est susceptible d’entrer dans le champ d’application de la convention de Lugano II ou, le cas échéant, de celui du règlement n° 44/2001. Toutefois, tel n’est pas le cas dans l’affaire au principal.

26      Dans ces conditions, il convient de répondre aux première et troisième questions que l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte une procédure d’insolvabilité portant sur le patrimoine d’une société sont compétentes, sur le fondement de cette disposition, pour connaître d’une action, telle que celle en cause au principal, du curateur à la faillite de cette société dirigée contre le gérant de ladite société et tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la même société ou après la constatation du surendettement de celle-ci.

 Sur la deuxième question

27      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte une procédure d’insolvabilité portant sur le patrimoine d’une société sont compétentes pour connaître d’une action, telle que celle en cause au principal, du curateur à la faillite de cette société dirigée contre le gérant de ladite société et tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la même société ou après la constatation du surendettement de celle-ci, lorsque ce gérant a son domicile non pas dans un autre État membre, mais, comme c’est le cas dans l’affaire au principal, dans un État partie à la convention de Lugano II.

28      Le requérant au principal observe que la Cour, pour les actions relevant du champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, a admis la compétence de la juridiction d’ouverture de la procédure d’insolvabilité également au cas où le défendeur est établi dans un État tiers dans son arrêt Schmid (C‑328/12, EU:C:2014:6). Or, ladite disposition ne serait pas applicable au litige au principal, celui-ci relevant de la convention de Lugano II.

29      En revanche, la Commission souligne que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Schmid (EU:C:2014:6), la défenderesse avait son domicile, comme le défendeur au principal, en Suisse. En outre, le fait que le défendeur soit domicilié dans un État partie à la convention de Lugano II ne serait pas pertinent pour l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000.

30      À cet égard, premièrement, il ressort du point 26 du présent arrêt que l’action en cause au principal, fondée sur l’article 64 du GmbHG et introduite dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, relève du champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000.

31      Deuxièmement, il convient de rappeler que la Cour, dans une affaire portant, notamment, sur l’exclusion des «faillites, concordats et autres procédures analogues» du champ d’application du règlement n° 44/2001, prévue, dans des termes identiques à ceux de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la convention de Lugano II, à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), dudit règlement, a déjà jugé que cette exclusion, d’une part, et le champ d’application du règlement n° 1346/2000, d’autre part, doivent être interprétés de façon à éviter tout chevauchement entre les règles de droit que ces textes énoncent. Par conséquent, dans la mesure où une action entre dans le champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, elle ne relève pas du champ d’application du règlement n° 44/2001 (voir, en ce sens, arrêt Nickel & Goeldner Spedition, EU:C:2014:2145, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

32      Or, eu égard notamment au libellé identique des dispositions concernées, les considérations rappelées au point précédent sont transposables à l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la convention de Lugano II. Partant, l’action au principal entrant dans le champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, elle est exclue du champ d’application de cette convention. Dans ces conditions, le fait que la Confédération suisse est partie à la convention de Lugano II est sans pertinence pour la solution du litige au principal, cette convention n’étant pas applicable à ce litige.

33      Troisièmement, la Cour a déjà dit pour droit que l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure d’insolvabilité sont compétentes pour connaître d’une action qui dérive directement de cette procédure et qui s’y insère étroitement, contre un défendeur n’ayant pas son domicile sur le territoire d’un État membre (voir arrêt Schmid, EU:C:2014:6, points 30 et 39 ainsi que jurisprudence citée).

34      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte une procédure d’insolvabilité portant sur le patrimoine d’une société sont compétentes pour connaître d’une action, telle que celle en cause au principal, du curateur à la faillite de cette société dirigée contre le gérant de ladite société et tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la même société ou après la constatation du surendettement de celle-ci, lorsque ce gérant a son domicile non pas dans un autre État membre, mais, comme c’est le cas dans l’affaire au principal, dans un État partie à la convention de Lugano II.

 Sur les quatrième et cinquième questions

35      Les quatrième et cinquième questions n’ayant été posées que dans l’hypothèse où la Cour apporterait une réponse négative à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à ces questions.

 

 Sur les dépens

 

36      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte une procédure d’insolvabilité portant sur le patrimoine d’une société sont compétentes, sur le fondement de cette disposition, pour connaître d’une action, telle que celle en cause au principal, du curateur à la faillite de cette société dirigée contre le gérant de ladite société et tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la même société ou après la constatation du surendettement de celle-ci.

2)      L’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte une procédure d’insolvabilité portant sur le patrimoine d’une société sont compétentes pour connaître d’une action, telle que celle en cause au principal, du curateur à la faillite de cette société dirigée contre le gérant de ladite société et tendant au remboursement de paiements effectués après la survenance de l’insolvabilité de la même société ou après la constatation du surendettement de celle-ci, lorsque ce gérant a son domicile non pas dans un autre État membre, mais, comme c’est le cas dans l’affaire au principal, dans un État partie à la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée le 30 octobre 2007, dont la conclusion a été approuvée au nom de la Communauté par la décision 2009/430/CE du Conseil, du 27 novembre 2008.

Signatures


Langue de procédure: l’allemand.

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