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Rapport de la Commission européenne du 23 février 2012 concernant l'application de la directive 2003/8/CE visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires - COM/2012/071 final

 

Rapport de la Commission européenne du 23 février 2012 concernant l'application de la directive 2003/8/CE visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires

 

COM/2012/071 final


 

1. Introduction

 

Dans un véritable espace européen de justice, la complexité des systèmes juridiques et administratifs ne doit pas dissuader les particuliers et les entreprises d'exercer leurs droits. Le citoyen doit pouvoir saisir les juridictions et autorités de tout État membre aussi aisément qu'il le ferait dans son propre pays. Les coûts inhérents au caractère transfrontalier des litiges en matière civile et commerciale ne doivent pas entraver l'accès à la justice.

Dès 1999[1], le Conseil européen a invité le Conseil et la Commission à établir des normes minimales garantissant un niveau approprié d'aide juridique pour les affaires transfrontalières en matière civile dans l'ensemble de l'Union. À la suite de la proposition de la Commission présentée le 18 janvier 2002[2], le Conseil a adopté, le 27 janvier 2003, la directive 2003/8/CE[3] (ci-après «la directive») visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires[4]. Cette directive est entrée en vigueur le 30 novembre 2004[5].

Le programme de Stockholm[6] appelait à évaluer l'efficacité des instruments juridiques adoptés au niveau de l'Union. Après cinq ans d'application de la directive, la Commission a décidé d'engager son évaluation[7].

La Commission a lancé en 2010 une étude[8] en vue de disposer de données lui permettant de juger de manière approfondie de la transposition et de l'application de la directive. L'étude comprend une analyse juridique et une partie empirique fondée sur une enquête réalisée auprès de diverses catégories de parties intéressées issues de tous les États membres[9].

L'application de la directive a également fait l'objet de discussions au sein du Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale lors de ses réunions de 2006 et 2010. La Commission a en outre pris en considération, dans son appréciation, des lettres, des plaintes et des pétitions relatives à la directive.

Le présent rapport présente l'évaluation, par la Commission, de l'application de la directive au cours de la période comprise entre le 30 avril 2004 et le 31 décembre 2010[10]. Bien que la directive soit applicable à diverses procédures européennes telles que la procédure européenne de règlement des petits litiges[11] et contribue à leur bonne mise en œuvre, le présent rapport ne contient pas d'informations relatives, en particulier, à l'utilisation de la directive dans le contexte desdites procédures européennes, en raison du laps de temps très court qui s'est écoulé entre l'entrée en vigueur de ces procédures et la collecte de données réalisée pour les besoins du présent rapport au moyen de l'étude précitée.

 

2. Principaux éléments de la directive

 

L'article 1er de la directive dispose que celle-ci vise à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes en matière d'aide judiciaire dans le cadre de telles affaires. La directive vise à promouvoir l'octroi d'une aide judiciaire pour les litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale à toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes lorsque cette aide est nécessaire pour assurer un accès effectif à la justice. Ainsi que le précise le considérant 5 de la directive, l'accès à la justice est un droit généralement reconnu qui est aussi réaffirmé à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne[12].

La directive prévoit que tout citoyen partie à un litige en matière civile ou commerciale dans un État membre autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle bénéficie d'un droit à l'aide judiciaire identique à celui des citoyens résidant dans cet État.

La notion d'«aide judiciaire» au sens de l'article 3 de la directive recouvre les services suivants:

· les conseils précontentieux;

· l'assistance juridique;

· la représentation en justice;

· l'exonération ou la prise en charge des frais de justice, y compris les frais liés au caractère transfrontalier de la procédure, et

· les honoraires des mandataires que le juge désigne pour accomplir des actes durant la procédure.

La directive régit également les points suivants:

· l'obligation d'accorder une aide judiciaire aux personnes qui sont dans l'incapacité totale ou partielle de faire face aux frais de justice (article 5);

· la possibilité pour les autorités compétentes des États membres de rejeter les demandes d'aide judiciaire relatives à une action paraissant manifestement non fondée (article 6);

· les catégories de dépenses qui doivent être couvertes par l'aide judiciaire, telles que l'interprétation, la traduction des documents exigés par la juridiction ou l'autorité compétente ou les frais de déplacement (article 7);

· les catégories de dépenses à la charge de l'État membre du domicile ou de la résidence habituelle (article 8);

· le principe de la continuité de l'aide judiciaire (article 9);

· le principe de l'application de l'aide judiciaire aux procédures extrajudiciaires (article 10);

· le principe de l'application de l'aide judiciaire à l'exécution des actes authentiques (article 11);

· la désignation des autorités nationales et l'habilitation de celles-ci à accorder ou refuser l'aide judiciaire (article 12 en liaison avec l'article 14), et

· la procédure de demande (article 13 en liaison avec l'article 15).

Conformément à l'article 21, paragraphe 1, de la directive, les États membres «mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 30 novembre 2004, à l'exception de l'article 3, paragraphe 2, point a), pour lequel la transposition de la présente directive en droit national aura lieu au plus tard le 30 mai 2006».

 

3. Transposition et application de la directive

 

3.1. Généralités

 

Avant l'entrée en vigueur de la directive, l'aide judiciaire dans les litiges transfrontaliers en matière civile n'était garantie que dans certains États membres en vertu d'accords internationaux ou du droit interne. Les accords étaient de deux catégories, bilatéraux et multilatéraux[13], mais dans un cas comme dans l'autre, leur portée était limitée. D'une manière générale, l'adoption et la transposition de la directive a apporté clarté et uniformité dans les rapports entre les États membres.

À l'issue de la période sur laquelle porte le présent rapport, un régime transfrontalier d'aide judiciaire en matière civile dont peuvent effectivement bénéficier les personnes domiciliées dans d'autres États membres avait été instauré dans tous les États membres[14] sur le fondement de la directive. Les mesures législatives nationales transposant la directive sont exposées dans le document de travail des services de la Commission[15] accompagnant le présent rapport.

Bien que l'interprétation de diverses dispositions de la directive puisse varier d'un État membre à l'autre, la transposition n'a donné lieu à pratiquement aucun litige ou plainte. L'unique arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne au sujet de la directive date du 22 décembre 2010[16].

 

3.2. Conditions d'octroi de l'aide judiciaire

 

3.2.1. Le principe unanimement reconnu de l'aide judiciaire en faveur des personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes

 

L'article 5, paragraphe 1, qui dispose qu'une aide judiciaire doit être accordée aux personnes qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour supporter les frais de justice visés dans la directive, a été transposé dans tous les États membres. Il en va de même pour l'article 5, paragraphe 2, qui dispose que les ressources des personnes en cause doivent être évaluées au regard de critères objectifs.

La directive tient compte, en outre, du fait qu'il peut exister des différences significatives entre les niveaux de vie dans les États membres et prévoit que, lorsque des seuils sont définis, ils peuvent ne pas être pris en considération si le demandeur apporte la preuve qu'il existe une différence en matière de coût de la vie entre les deux États membres concernés. Cette disposition a été transposée par tous les États membres sauf un[17].

 

3.2.2. La transposition de la notion d'«importance» du litige pour le demandeur

 

La directive permet aux États membres d'opter pour un régime dans lequel les demandes relatives à une action paraissant manifestement non fondée peuvent être rejetées[18]. Cette possibilité est prévue dans de nombreux régimes nationaux d'aide judiciaire et a été retenue par la majorité des États membres, qui se prémunissent ainsi contre d'éventuelles demandes abusives.

L'article 6, paragraphe 3, prévoit cependant que, lorsqu'il s'agit de statuer sur le bien-fondé d'une demande, les États membres tiennent compte de «l'importance de l'affaire en cause pour le demandeur». Il semble que la notion d'«importance de l'affaire en cause pour le demandeur» donne lieu à des interprétations divergentes selon les États membres. Il est en effet malaisé de savoir si cette «importance» a des connotations financières ou doit être considérée d'un point de vue moral, voire si elle se rattache à d'autres critères, par exemple une demande ayant trait aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.

 

4. Procédures prévues par la directive

 

4.1. Procédures contentieuses

 

La mise en œuvre du principe de l'aide judiciaire en matière civile crée très peu de difficultés aux États membres dans les procédures contentieuses. La situation est cependant quelque peu différente en ce qui concerne les procédures extrajudiciaires et l'exécution de décisions de justice et d'actes authentiques.

 

4.2. Procédures extrajudiciaires

 

L'article 10 de la directive dispose que l'aide judiciaire doit s'étendre aux frais relatifs aux procédures extrajudiciaires lorsque la loi fait obligation aux parties d'y recourir ou lorsque les parties en litige y sont renvoyées par le juge. La notion de procédure extrajudiciaire varie selon les États membres, et l'interprétation de l'article 10 peut, dans certains cas, donner lieu à des difficultés et à une application hétérogène. Dans certains États membres, les procédures extrajudiciaires ordonnées par le juge[19] ou rendues obligatoires par la loi[20] peuvent ne pas ouvrir droit à une aide judiciaire.

 

4.3. Exécution de décisions de justice et d'actes authentiques

 

Les articles 9 et 11 de la directive portent sur l'exécution des décisions de justice et des actes authentiques.

Conformément à l'article 9, paragraphe 2, un bénéficiaire qui a reçu une aide judiciaire dans l'État membre du for reçoit l'aide judiciaire prévue par la législation de l'État membre dans lequel la décision doit être reconnue, déclarée exécutoire ou exécutée. Bien que la question de savoir si l'octroi de l'aide judiciaire en pareil cas est automatique ou si le bénéficiaire doit présenter une demande dans l'État membre d'exécution ne fasse pas l'objet d'une interprétation uniforme dans les États membres, il convient de souligner que la majorité d'entre eux n'en ont pas moins transposé correctement cette disposition[21].

L'article 11 dispose que l'aide judiciaire est accordée pour l'exécution des actes authentiques dans un autre État membre. Si la majorité des États membres ont bien transposé cette disposition[22], deux questions ont cependant soulevé des difficultés dans la pratique: premièrement, la notion d'acte authentique n'existe pas dans tous les États membres; deuxièmement, l'article 11 ne précise pas quel État membre doit supporter les frais en cause, bien qu'il apparaisse logique que les articles 7 et 8, relatifs au partage des frais entre l'État membre du for et celui où le candidat à l'aide judiciaire a sa résidence habituelle, s'appliquent mutatis mutandis.

 

5. Frais couverts par l'aide judiciaire conformément à la directive

 

La directive énumère plusieurs catégories de frais que les États membres doivent prendre à leur charge dans le cadre de l'aide judiciaire transfrontalière en matière civile et commerciale.

 

5.1. Frais d'assistance, de représentation, d'interprétation et de traduction

 

Le principe de l'octroi d'une aide judiciaire dans le cadre d'actions en justice est largement reconnu dans les régimes nationaux en la matière.

Aussi les dispositions de la directive selon lesquelles l'aide judiciaire doit couvrir les frais relatifs à l'assistance fournie par un avocat ou à la représentation par un avocat, ainsi que les frais d'interprétation et de traduction, ont-elles été transposées dans tous les États membres[23].

 

5.2. Frais de déplacement

 

L'article 7, point c), de la directive dispose que l'aide judiciaire doit inclure les frais de déplacement lorsque la loi ou le juge de l'État membre du for exige la présence physique du bénéficiaire à l'audience. La majorité des États membres ont transposé cette disposition[24]. La Commission souligne que l'obligation de couvrir ces frais constitue un élément fondamental de la directive, les frais de déplacement figurant, par nécessité, parmi ceux exposés en cas de litige transfrontalier. En outre, la directive limite l'incidence financière pour les États membres, car elle restreint cette obligation aux procédures dans lesquelles la présence physique des personnes concernées est exigée.

 

5.3. Assistance fournie par un avocat local avant que la demande d'aide judiciaire ait été reçue dans l'État membre du for

 

L'article 8 prévoit que l'État membre de la résidence habituelle doit prendre à sa charge les frais liés à l'assistance fournie au demandeur par un avocat local jusqu'à ce que la demande d'aide judiciaire ait été reçue dans l'État membre du for.

La mise en œuvre cohérente de cette disposition pose quelques problèmes. D'une part, c'est à la juridiction de l'État membre de la résidence habituelle qu'il incombe de commettre un avocat. D'autre part, certains frais seulement, à savoir ceux relatifs aux services de l'avocat local et à la traduction de documents, sont régis par l'article 8, tandis que les frais de déplacement exposés par le demandeur pour assister à l'audience qui se tient devant la juridiction compétente en vue de déterminer si une aide judiciaire doit ou non être accordée ne relèvent pas de la directive. De surcroît, la question de savoir s'il peut être statué sur les prétentions avant la commission de l'avocat local et, au-delà, celle de savoir si le demandeur doit remplir les conditions d'obtention de l'aide judiciaire dans l'État membre où il est domicilié ne sont pas tranchées[25].

 

6. Observations relatives à l'application pratique de la directive

 

6.1. Généralités

 

Entre 2004 et 2009, le nombre de personnes ayant bénéficié d'une aide judiciaire transfrontalière n'a que peu augmenté. Il ressort de l'Eurobaromètre n° 351[26] que 12 % des personnes interrogées dans l'UE connaissaient l'existence de l'aide judiciaire transfrontalière en matière civile et commerciale[27].

Cette situation peut s'expliquer par la mauvaise connaissance de cet outil qu'ont également les professionnels du droit. Le petit nombre de demandes peut être dû aussi au champ d'application de la directive et au fait que celui-ci se limite aux matières civiles et commerciales[28].

Selon les chiffres disponibles, le nombre total de demandes d'aide judiciaire transfrontalière traitées par un même État membre n'a atteint la centaine qu’à deux reprises[29].

Légende: nombre moyen de demandes présentées par État membre entre 2005 et 2009; R renvoie au nombre de demandes reçues dans l'État membre et T, au nombre de demandes transmises à un autre État membre[30].

 

6.2. Champ d’application

 

Le principe de l'aide judiciaire transfrontalière en soi a certes été solidement établi dans tous les États membres, mais certaines complications pratiques sont apparues. Des divergences d'interprétation ont été relevées en ce qui concerne la définition du champ d'application de la directive, c'est-à-dire les affaires civiles et commerciales. On a constaté en outre que la définition du litige transfrontalier[31] ne couvrait pas un certain nombre de situations qui semblent présenter des aspects transfrontaliers[32].

 

6.3. La désignation de professionnels du droit

 

Les modalités de désignation des avocats chargés de traiter des dossiers d'aide judiciaire varient d'un État membre à l'autre. Il est arrivé que des justiciables rencontrent des difficultés à se voir adjoindre un avocat capable de comprendre non seulement la langue, mais encore l'ordre juridique dont relève le bénéficiaire de l'aide judiciaire.

 

6.4. Conditions d'octroi de l'aide judiciaire

 

Les différences en matière de coût de la vie entre les États membres ont été prises en considération dans la directive[33], mais aucun critère objectif ne précise comment ces différences doivent être intégrées. En outre, les documents que communique un demandeur domicilié dans un autre État membre pour attester de sa situation économique peuvent être malaisés à interpréter dans l'État censé fournir l'aide judiciaire.

 

6.5. Frais couverts par la directive

 

En ce qui concerne la prise en charge, dans le cadre de l'aide judiciaire, des frais liés aux activités de représentation ou de conseil juridique exercées par un avocat, les modalités de choix et de désignation d'un conseiller varient grandement entre les États membres. Les professionnels du droit de nombreux États membres dénoncent la longueur des délais de paiement et le niveau très faible des honoraires. Cette situation n'est cependant pas propre à la directive: elle concerne également les régimes nationaux d'aide judiciaire applicables aux litiges internes.

 

7. Obligations d'information incombant aux États membres

 

Conformément à l'article 18 de la directive, les autorités nationales compétentes collaborent en vue d'assurer l'information du public et des milieux professionnels quant aux différents systèmes d'aide judiciaire, notamment via le réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale[34].

La Commission constate que la connaissance des dispositions de la directive parmi les citoyens, les professionnels du droit et les commissions d'aide judiciaire dans les États membres est insuffisante, ainsi que le montre l'enquête (voir ci-après).

Citoyens ayant engagé une action judiciaire: 15 % seulement des citoyens ont connaissance de la directive.

Les avocats sont mieux informés du droit à une aide judiciaire transfrontalière en matière civile et commerciale et sont d'ailleurs favorables à ce qu'elle soit étendue aux relations avec les pays tiers: 30 % des avocats connaissent les avantages de la directive.

Les huissiers de justice se distinguent par le fait qu'aucun de ceux qui ont été interrogés n'avait eu recours à la directive.

La Commission en conclut que les États membres doivent consentir des efforts supplémentaires pour se conformer à l'article 18 de la directive, à savoir: informer le public et les professionnels des différents systèmes d'aide judiciaire en matière civile et commerciale.

 

8. Contribution de la Commission à la mise en œuvre de la directive

 

Bien que les États membres demeurent responsables au premier chef de la transposition et de l'application correctes de la directive, la Commission a contribué à sa mise en œuvre comme suit au cours de la période couverte par le présent rapport.

La Commission a institué le comité prévu à l'article 17 de la directive et a adopté, en 2004 et 2005, deux décisions en application de l'article 16: respectivement, une décision établissant un formulaire standard pour les demandes d’aide judiciaire et une décision établissant un formulaire pour la transmission des demandes d'aide judiciaire[35].

Les formulaires créés par lesdites décisions sont disponibles sous forme électronique sur le site internet «Atlas judiciaire européen en matière civile»[36] depuis 2006 et le seront bientôt dans un format dynamique sur le portail européen e-Justice[37]. Les informations relatives aux autorités compétentes requises conformément à l'article 14 ont été publiées dans l'Atlas. Depuis 2007, on trouve en outre des informations sur l'aide judiciaire en matière civile dans l'UE sur le site internet du Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale.

Pendant la période couverte par le présent rapport, la Commission a organisé deux réunions du Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale consacrées à la mise en œuvre de la directive. Elle a aussi réalisé deux enquêtes Eurobaromètre pour déterminer le niveau de connaissance des règles relatives à l'aide judiciaire.

Enfin, la Commission a soumis à un examen de conformité complet les mesures nationales de transposition de tous les États membres; cet examen a été mené à terme en 2010.

 

9. Relations entre les États membres de l'Union européenne et les pays tiers dans le domaine de l'aide judiciaire en matière civile

 

Les relations entre États membres et pays tiers dans le domaine de l'aide judiciaire sont fondées sur des conventions internationales et sur le droit interne, et varient d'un État membre à l'autre. La convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales[38] n'énonce pas de règles particulières sur l'aide judiciaire en matière civile, et l'accord européen de 1977 sur la transmission des demandes d'assistance judiciaire[39] ne concerne que les aspects procéduraux de l'aide judiciaire transfrontalière. La convention de La Haye de 1980 tendant à faciliter l'accès international à la justice[40] ne lie que certains États membres[41] et pays tiers[42]. Conformément à son article 20, la directive, dans les affaires concernant des États membres, prime l'accord européen et la convention de La Haye sur l'accès à la justice.

L'adhésion de l'Union européenne à la convention de La Haye sur l'accès à la justice[43] permettrait d'assurer une application uniforme de ladite convention dans toute l'Union et pourrait inciter d'autres États à y adhérer. Une telle démarche serait également conforme à l'engagement de principe de promouvoir les instruments de La Haye pris par l'UE lorsqu'elle est devenue membre, en 2007, de la conférence de La Haye de droit international privé. L'adhésion pourrait avoir son importance car, selon l'enquête, plus des trois quarts des personnes interrogées se sont déclarées en faveur de l'extension de l'aide judiciaire en matière civile au-delà des frontières de l'UE.

 

10. Réflexions sur les améliorations pouvant éventuellement être apportées à la directive

 

L'évaluation de l'application de la directive par les États membres et les difficultés rencontrées à ce jour permettent de présenter un certain nombre de réflexions quant aux améliorations à envisager pour l'avenir.

 

10.1.1. Critères économiques à remplir pour bénéficier de l'aide judiciaire

 

La nécessité se fait jour de clarifier davantage la question des critères économiques permettant d'accorder une aide judiciaire. Cet aspect est important car dans certains cas, le justiciable obtient de la juridiction de son domicile la confirmation qu'en vertu des dispositions nationales, il peut prétendre à une aide judiciaire, alors que la juridiction compétente la lui refuse.

Deux solutions sont envisageables:

soit, en tenant compte de l'écart en matière de coût de la vie entre les États membres, la possibilité de bénéficier de l'aide judiciaire et le montant de celle-ci pourraient être déterminés sur la base de critères communs et objectifs ou sur la base des critères appliqués là où réside habituellement le candidat à l'aide judiciaire, soit

le niveau économique est harmonisé ou les seuils font l'objet d'une reconnaissance mutuelle.

 

10.1.2. Frais actuellement non pris en charge

 

Une situation intrigante, non prévue par la directive, se présente lorsqu’un candidat à l’aide judiciaire doit exposer des frais de déplacement pour se rendre à l'audience devant le juge chargé de statuer sur l'octroi éventuel de l'aide judiciaire. Si le demandeur ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour assumer ces dépenses, la possibilité d'obtenir l'aide judiciaire de la juridiction compétente peut lui échapper. Cette situation peut se produire, notamment, lorsque le demandeur réside dans un État membre où le coût de la vie est nettement plus élevé que dans l'État membre de la juridiction compétente. Il convient de souligner en outre que, si une telle situation est effectivement étrangère au champ d'application de la directive, le demandeur, dans certains cas, reçoit confirmation de la part de la juridiction de son lieu de résidence qu'il est admis à bénéficier de l'aide judiciaire dans son ressort, mais qu'il doit assumer ses propres frais de déplacement pour se rendre à l'audience devant le juge compétent. S'il ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour payer le voyage, il pourrait se voir effectivement privé d'aide judiciaire[44].

 

10.1.3. Faciliter les échanges entre les professionnels du droit et les bénéficiaires

 

Une deuxième intervention consisterait à faciliter les échanges entre les professionnels du droit et les bénéficiaires d'États membres différents, par des mesures telles que la désignation d'un professionnel parlant la langue du bénéficiaire, l'assistance d'un traducteur, voire la désignation d'un second professionnel de l'État du bénéficiaire de l'aide judiciaire, qui servirait d'intermédiaire et pourrait, par exemple, se charger de la correspondance avec le professionnel du droit établi dans l'autre État membre.

 

10.1.4. Clarté quant aux coordonnées de l'autorité compétente

 

Il apparaît judicieux, pour faciliter la mise en œuvre de la directive, de désigner une autorité réceptrice et expéditrice unique dans chaque État membre. C'est particulièrement important lorsque la demande d'aide judiciaire est présentée directement à l'autorité compétente de l'État membre du for ou de celui dans lequel la décision doit être exécutée. La directive ne prévoyant pas comment procéder si la demande est adressée à la mauvaise autorité réceptrice, des divergences peuvent apparaître dans une telle situation.

 

10.1.5. Examen de la même demande par deux autorités, aboutissant éventuellement à deux résultats différents

 

À son article 13, la directive prévoit une alternative pour présenter une demande d'aide judiciaire: soit à l'autorité compétente de l'État membre dans lequel le demandeur a son domicile, soit à l'autorité compétente de l'État membre du for[45]. La directive prévoit également la possibilité, pour l'autorité expéditrice, de refuser de transmettre la demande si ladite autorité constate qu'elle est non fondée ou se situe hors du champ d'application de la directive. Pareille situation est susceptible de créer une confusion car il est possible que l'autorité réceptrice rejette la demande alors même que l'autorité expéditrice l'aurait jugée fondée. Il se peut aussi que le candidat à l’aide judiciaire dont la demande a été rejetée par l'autorité expéditrice soumette ensuite sa demande directement à l'autorité réceptrice, ce qui créerait une charge superflue, la même demande devant être examinée deux fois, avec, très probablement, une même issue négative.

 

11. Conclusions

 

Tous les États membres liés par la directive ont transposé le droit à l'aide judiciaire dans les affaires transfrontalières en matière civile et commerciale, même si l'on observe que les modalités d'application de la directive n'ont pas toutes été parfaitement mises en œuvre. Ces difficultés s'expliquent essentiellement par la circonstance que les dispositions de la directive diffèrent parfois des dispositions nationales relatives à l'aide judiciaire, et le manque de jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne n'a pas encore permis à celle-ci de favoriser l'application uniforme de cet instrument.

Il convient toutefois de souligner que la Cour de justice n'a été saisie que d'une seule affaire relative à l'aide judiciaire transfrontalière, ce qui tendrait à prouver que l'application pratique de la directive est satisfaisante.

La Commission considère que la mise en œuvre de la directive peut être améliorée, tout d'abord, sur le fondement de ses dispositions actuelles. La principale amélioration que peuvent apporter les États membres consiste à promouvoir efficacement et activement la directive en informant le public et les professionnels des diverses formes d'aide judiciaire que ce texte prévoit.

Par ailleurs, la Commission renforcera les mesures qu'elle met déjà en œuvre pour faire mieux connaître les dispositions de la directive. Elle analysera également le résultat des examens de conformité appliqués aux mesures nationales de transposition et lui donnera les suites requises.

Dans le prolongement des réflexions qu'elle a exposées ci-dessus, la Commission prendra également en considération dans ses projets de mesure, le cas échéant, les réactions que le présent rapport aura suscitées.

Enfin, en ce qui concerne la stratégie en matière d'aide judiciaire vis-à-vis des pays tiers, la Commission examinera l'opportunité pour l'Union européenne d'adhérer à la convention de La Haye de 1980 sur l'accès à la justice, compte tenu, notamment, du fait que l'Union est membre de la conférence de La Haye[46]. Une telle démarche serait souhaitable, car elle permettrait d'assurer une application uniforme de la convention dans toute l'Union et pourrait inciter d'autres États à y adhérer.

 

[1]               Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 - Conclusions de la présidence.

[2]               Proposition de directive du Conseil visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières, par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire et à d'autres aspects financiers des procédures (2002/C 103 E/29), COM(2002) 13 final – 2002/0020(CNS).

[3]               Directive 2002/8/CE du Conseil du 27 janvier 2003 visant à améliorer l’accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l’établissement de règles minimales communes relatives à l’aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires (JO L 26 du 31.1.2003, p. 41). Rectificatif relatif à la modification en «2003/8/CE» du numéro de référence de la directive, JO L 32 du 7.2.2003, p. 15.

[4]               Il convient de souligner que la directive est applicable uniquement à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale. Elle ne couvre pas, notamment, les litiges internes ni les affaires pénales ou administratives.

[5]               À l'exception de son article 3, paragraphe 2, point a), pour lequel le délai de transposition en droit national était fixé au 30 mai 2006.

[6]               Le programme de Stockholm – Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens, 2010/C 115/01 du 4.5.2010.

[7]               Décision de la Commission sur le programme de travail annuel 2010 dans le cadre du programme «Justice civile», C(2009) 10659.

[8]               DBB Law, Study on the application of Council Directive 2003/8/EC of 27 January 2003 on legal aid and on the legal compliance of the national transposition [Étude sur l'application de la directive 2003/8/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à l'aide judiciaire et sur la conformité juridique de sa transposition nationale], rapport final de juin 2011.

[9]               Au total, 545 personnes et entités ont répondu à l'enquête, dont des commissions d'aide judiciaire (53), des instituts de statistique (13), des huissiers de justice (43), des magistrats (60), des avocats (237), des citoyens ayant engagé une action judiciaire (102) et d'autres catégories (37).

[10]             C'est également la période sur laquelle a porté l'enquête.

[11]             Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, JO L 119 du 31.7.2007.

[12]             Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 2000/C 364/01 du 18.12.2000.

[13]             Par exemple, la convention de La Haye du 25 octobre 1980 tendant à faciliter l'accès international à la justice et l'accord européen sur la transmission des demandes d'assistance judiciaire conclu à Strasbourg le 27 janvier 1977.

[14]             Le Danemark est exclu du champ d'application de la directive.

[15]             Document de travail des services de la Commission [AJOUTER NUMÉRO].

[16]             Arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 décembre 2010 dans l'affaire C-279/09, DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH contre République fédérale d'Allemagne.

[17]             La Slovaquie n'a pas intégralement transposé cette disposition.

[18]             Article 6, paragraphe 1.

[19]             En Irlande, en Estonie, à Chypre, en Hongrie, en Finlande et au Royaume-Uni.

[20]             En Irlande, en Estonie, à Chypre, en Hongrie, en Autriche, en Finlande et au Royaume-Uni.

[21]             Ce n'est pas le cas de l'Irlande, de l'Estonie, de la Lituanie, de la Roumanie, de la Slovénie et de la Finlande.

[22]             L'Irlande, la Grèce, l'Estonie, Chypre, la Hongrie et la Slovaquie n'ont pas correctement transposé cette disposition.

[23]             Article 3, paragraphe 2, point b), et article 7, points a) et b).

[24]             La Belgique, la Bulgarie, l'Irlande, la Slovénie et le Royaume-Uni ont imparfaitement transposé cette disposition.

[25]             Malgré les incertitudes qui peuvent subsister quant à l'interprétation de l'article 8, point a), on peut considérer que la République tchèque, la Roumanie et la Slovaquie n'ont pas correctement transposé cette disposition.

[26]             Eurobaromètre spécial 351: Justice civile, octobre 2010, http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_351_fr.pdf

[27]             C'est aux Pays-Bas et en Slovénie que la connaissance de l'aide judiciaire transfrontalière est la plus répandue parmi les personnes interrogées: 28 % en ont entendu parler. À l'inverse, c'est au Portugal (7 %), en Irlande (8 %), en Allemagne (8 %) et en Pologne (8 %) qu'elle est la plus faible.

[28]             Le présent rapport ne contient pas d'observations sur l'application pratique de la directive quant aux actions intentées au titre de la procédure européenne de règlement des petits litiges, le règlement correspondant n'étant entré en vigueur qu'en 2009.

[29]             En France, en 2006 et en 2008.

[30]             Le nombre de demandes transmises ne doit pas forcément correspondre au nombre de demandes reçues étant donné la possibilité de déposer la demande directement auprès de l'autorité compétente de l'État membre du for.

[31]             À l'article 2 de la directive.

[32]             En ce qui concerne, par exemple, les frais d'huissier afférents à la signification, à une personne résidant dans un autre État membre, de la citation à comparaître devant une juridiction nationale.

[33]             Article 5.

[34]             Voir la décision 2001/470/CE du Conseil du 28 mai 2001 relative à la création d'un réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, JO L 174 du 27.6.2001, et la décision n° 568/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 modifiant la décision 2001/470/CE du Conseil relative à la création d’un réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, JO L 168 du 30.6.2009, p. 35, http://ec.europa.eu/civiljustice/legal_aid/legal_aid_ec_fr.htm.

[35]             Décision 2004/844/CE de la Commission du 9 novembre 2004 établissant un formulaire standard pour les demandes d’aide judiciaire en application de la directive 2003/8/CE du Conseil et décision 2005/630/CE de la Commission du 26 août 2005 établissant un formulaire pour la transmission des demandes d'aide judiciaire en application de la directive 2003/8/CE du Conseil.

[36]             http://ec.europa.eu/justice_home/judicialatlascivil/html/la_information_fr.htm

[37]             https://e-justice.europa.eu/home.do?action

[38]             Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Rome, 4 novembre 1950.

[39]             Signé à Strasbourg le 27 janvier 1977 et amendé par un protocole additionnel signé à Moscou en 2011.

[40]             Convention du 25 octobre 1980 tendant à faciliter l'accès international à la justice, http://www.hcch.net/index_fr.php?act=conventions.text&cid=91.

[41]             La Bulgarie, l'Espagne, la République tchèque, l'Estonie, la France, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Finlande et la Suède.

[42]             L'Albanie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, la Biélorussie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, le Maroc, le Monténégro, la Serbie et la Suisse.

[43]             Dans la pratique, une telle démarche prendrait la forme d'une décision du Conseil autorisant les États membres à y adhérer dans l'intérêt de l'UE, la convention ne contenant pas de disposition relative aux organisations d'intégration économique régionale.

[44]             Voir pétition 1667/2009.

[45]             Ou de celui dans lequel la décision doit être exécutée.

[46]             Accession by the European Community to Conventions of The Hague Conference on Private International Law [Adhésion de la Communauté européenne aux conventions de la conférence de La Haye de droit international privé], 15226/08, JUSTCIV 235, 6.11.2008 (en anglais uniquement).

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