Livre vert de la Commission européenne du 24 octobre 2006 sur l’amélioration de l’exécution des décisions de justice au sein de l’Union européenne: la saisie des avoirs bancaires
COM/2006/0618 final
L’objectif du présent livre vert est de lancer une vaste consultation des parties intéressées sur les façons d’améliorer l’exécution des créances pécuniaires en Europe. Le livre vert décrit les problèmes inhérents à la situation actuelle et propose, à titre de solution éventuelle, la création d’une saisie européenne des avoirs bancaires.
La Commission invite les parties intéressées à présenter leurs observations avant le 31 mars 2007 à l’adresse suivante:
Commission européenneDirection générale «Justice, liberté et sécurité»Unité C1 – Justice civileB-1049 BruxellesFax: +32-2/299 64 57E-mail: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Les parties intéressées sont priées d’indiquer expressément si elles ne souhaitent pas que leurs observations soient publiées sur le site web de la Commission.
La Commission envisage d’organiser une audition publique sur les thèmes abordés par le livre vert. Toutes les parties lui ayant adressé des observations seront invitées à y participer.
1. INTRODUCTION
1.1 . La situation actuelle et ses limites
La législation en matière d’exécution est souvent considérée comme le «talon d’Achille» de l’espace judiciaire civil européen. Bien que plusieurs instruments communautaires définissent les compétences des juridictions, la procédure à suivre pour faire reconnaître les décisions et les rendre exécutoires ainsi que les mécanismes de coopération entre les tribunaux dans les procédures civiles, aucune proposition législative relative à des mesures d’exécution n’a été présentée à ce jour. Actuellement, l’exécution d’une décision judiciaire après qu’elle a été déclarée exécutoire dans un autre État membre relève exclusivement du droit national.
Les disparités actuelles des législations nationales en matière d’exécution constituent une sérieux obstacle au recouvrement transfrontalier des créances. Les créanciers qui entendent faire exécuter une décision dans un autre État membre se trouvent confrontés à différents régimes juridiques, à diverses exigences procédurales et à des barrières linguistiques entraînant des coûts supplémentaires et des retards dans l’application de la procédure. Dans la pratique, un créancier qui cherche à recouvrer une créance pécuniaire en Europe essaiera le plus souvent d’obtenir la saisie[1] des avoirs bancaires de son débiteur. De telles procédures existent dans la plupart des États membres. Appliquées efficacement, elles peuvent constituer une arme puissante contre les débiteurs récalcitrants ou fraudeurs.
Cependant, si les débiteurs sont aujourd’hui capables de transférer presque instantanément des fonds depuis des comptes connus de leurs créanciers vers d’autres comptes dans le même État membre ou dans un autre, les créanciers eux ne sont pas en mesure de bloquer ces mouvements de fonds aussi rapidement. Dans le cadre des instruments communautaires actuels, il n’est pas possible d’obtenir une saisie bancaire qui soit exécutoire dans l’ensemble de l’Union européenne. En particulier, le règlement (CE) n° 44/2001 (Bruxelles I)[2] ne garantit pas la reconnaissance et l’exécution d'une mesure conservatoire, telle qu’une saisie bancaire, obtenue d'une manière non contradictoire dans un État membre autre que celui où elle a été ordonnée[3].
La Commission a déjà souligné les difficultés inhérentes au recouvrement transfrontalier des créances dans sa communication de 1998 intitulée «Vers une efficacité accrue dans l’obtention et l’exécution de décisions au sein de l'Union européenne[4]». Étant donné la diversité des législations nationales des États membres et la complexité de la matière, elle proposait de limiter initialement la réflexion au problème des saisies bancaires[5]. Deux ans plus tard, le Programme de reconnaissance mutuelle invitait la Commission à améliorer les saisies bancaires[6]. En 2002, la Commission a publié un appel d’offres concernant une étude sur l’amélioration de l’exécution des décisions judiciaires dans l’Union européenne . Celle-ci analyse la situation dans les 15 États membres de l’époque et propose plusieurs mesures visant à améliorer l’exécution des décisions judiciaires dans l’Union européenne, notamment la création d’une ordonnance européenne de saisie des avoirs bancaires, une ordonnance conservatoire européenne aux mêmes fins et un certain nombre de mesures destinées à améliorer la transparence du patrimoine du débiteur[7]. Ce dernier point sera traité dans un livre vert qui sera publié en 2007.
Les problèmes liés au recouvrement transfrontalier de créances risquent de constituer un obstacle à la libre circulation des injonctions de payer au sein de l’Union européenne et au bon fonctionnement du marché intérieur. Les paiements tardifs et les impayés menacent les intérêts des entreprises et des consommateurs. L’efficacité variable du recouvrement des créances au sein de l’Union européenne risque également de fausser la concurrence entre les entreprises, selon qu’elles sont actives dans des États membres dont le système d’exécution des injonctions de payer est efficace ou dans d’autres où ce n’est pas le cas. Il convient donc d’envisager une action communautaire dans ce domaine.
2. SOLUTION PROPOSÉE: LA SAISIE EUROPÉENNE DES AVOIRS BANCAIRES
Une solution éventuelle consisterait à créer une ordonnance européenne de saisie des avoirs bancaires. Celle-ci permettrait au créancier de mettre en sûreté une somme d’argent qui lui est due ou qu’il réclame, en empêchant le retrait ou le transfert de fonds détenus par son débiteur sur un ou plusieurs compte(s) bancaires ouverts sur le territoire de l’Union européenne[8]. Cette ordonnance serait strictement conservatoire puisqu’elle bloquerait les fonds du débiteur sur le compte bancaire sans entraîner leur transfert sur le compte d'un créancier. La procédure envisagée prévoirait des conditions pour la délivrance de l’ordonnance de manière, entre autres, à assurer au débiteur un niveau de protection suffisant. Une ordonnance de saisie rendue dans un État membre serait reconnue et exécutoire dans toute l’Union européenne sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire ne soit requise.
Un tel instrument pourrait être mis en place par la création d’une nouvelle procédure européenne autonome qui viendrait compléter les mesures de droit national, ou encore par l’harmonisation, par voie de directive, des législations nationales des États membres relatives à la saisie d'avoirs bancaires. Dans ce dernier cas, des dispositions supplémentaires devraient être arrêtées pour garantir la reconnaissance et l’exécution dans l’ensemble de l’Union européenne d’une ordonnance de saisie délivrée dans un État membre.
La décision de présenter ou non une proposition législative dans ce domaine dépendra d’une analyse d'impact qui appréciera l’ampleur des problèmes liés au recouvrement transfrontalier des créances et l’efficacité des solutions envisageables en lieu et place d’une réglementation européenne. Les propositions formulées dans le présent document ne préjugent pas du résultat de cette analyse d'impact.
Question 1: Estimez-vous nécessaire de créer un instrument communautaire de saisie des avoirs bancaires afin d’améliorer le recouvrement des créances au sein de l’UE? Si tel est le cas, faudrait-il instituer une procédure européenne autonome ou harmoniser les législations nationales des États membres en matière de saisie d'avoirs bancaires?
Question 2: Êtes-vous d'avis que l’instrument communautaire devrait se limiter à des ordonnances conservatoires empêchant le retrait et le transfert de sommes détenues sur des comptes bancaires?
3. PROCÉDURE D’OBTENTION D’UNE ORDONNANCE DE SAISIE
3.1. Circonstances dans lesquelles un créancier peut solliciter une ordonnance de saisie
Il convient de s’interroger sur les stades auxquels le créancier, au cours du recouvrement d’une créance pécuniaire, devrait être en mesure de solliciter une ordonnance de saisie dans le cadre de l'instrument européen proposé. Le créancier pourrait demander une telle mesure conservatoire pour faire préserver ses droits à quatre différents stades:
- avant l’ouverture d’une procédure judiciaire devant examiner le bien-fondé de la créance;
- simultanément à l’introduction du recours principal;
- à tout stade ultérieur de la procédure judiciaire;
- pendant la période comprise entre la délivrance de l'ordonnance dans un État membre et l’adoption de la déclaration lui reconnaissant force exécutoire dans l’État membre où est ouvert le compte du débiteur.
Il convient d’accorder la plus grande latitude au créancier en lui permettant de solliciter une ordonnance de saisie à n’importe quelle étape de la procédure. Dans ce contexte, il y a lieu d’examiner avec soin la manière adéquate de protéger les intérêts du débiteur, en particulier s’agissant d’une demande de mesures provisoires antérieure au recours principal. Dans le cadre de l'instrument européen envisagé, l’ordonnance de saisie viendrait compléter les instruments européens en vigueur dans le domaine de la justice civile et serait compatible avec ceux-ci.
Question 3: Faudrait-il donner la possibilité d'obtenir une ordonnance de saisie à chacun des quatre stades décrits au point 3.1 ci-dessus ou uniquement à certains d’entre eux?
3.2. Conditions de délivrance
L'ordonnance de saisie pourrait être délivrée par un tribunal siégeant en référé, sur requête du créancier, au moyen d’un formulaire disponible dans toutes les langues communautaires. Le créancier devrait tout d’abord convaincre le tribunal qu’il a une créance fondée à l’encontre du débiteur («fumus boni iuris»). Un titre exécutoire – une décision de justice ou un acte authentique – devrait suffire à établir la créance. Le créancier qui sollicite une ordonnance de saisie avant d’obtenir un titre exécutoire devrait produire des preuves à l’appui de sa créance.
Par ailleurs, le créancier serait tenu d’établir l’existence d’une urgence telle que le recouvrement de la créance est réellement menacé si la mesure n’est pas accordée («periculum in mora»). Les disparités entre les systèmes juridiques des États membres commandent d’examiner avec attention la nature exacte de cette obligation, en gardant à l’esprit la nécessité de mettre en balance les intérêts du créancier et ceux du débiteur.
Enfin, le tribunal devrait pouvoir demander au créancier de constituer une garantie ou une caution , afin de protéger le débiteur contre des pertes et dommages éventuels dans l’hypothèse où la mesure serait annulée à l’issue du recours principal. À cet égard, la question se pose de savoir si le montant de la garantie doit être laissé à l’appréciation du juge ou être régi par la législation nationale, et si l’obligation de constituer une garantie peut être instituée sans harmoniser la responsabilité du créancier en ce qui concerne les pertes que le débiteur est susceptible d’essuyer par suite d’une utilisation indue de la saisie, dans l’hypothèse où le créancier ne parvient finalement pas à établir sa créance.
Question 4: Dans quelle mesure incombe-t-il au créancier de convaincre le tribunal que sa créance à l’encontre du débiteur suffit à justifier une ordonnance de saisie?
Question 5: L’urgence devrait-elle conditionner la prise d’une ordonnance de saisie avant l’obtention d’un titre exécutoire? Dans l'affirmative, comment définir cette condition?
Question 6: L’obligation faite au créancier de constituer un dépôt ou une garantie bancaire devrait-elle être laissée à l’appréciation du tribunal lorsqu’il rend une ordonnance de saisie? Comment calculer le montant de cette garantie ou de ce dépôt?
3.3. Audition du débiteur
On pourrait arguer, conformément à la pratique actuelle de certains États membres, qu’il ne devrait y avoir aucune audition du débiteur ni notification adressée à celui-ci avant l’exécution de la saisie bancaire. Ceci irait en effet à l’encontre de l’objectif poursuivi, c’est-à-dire empêcher les mouvements de fonds au détriment éventuel du créancier, et ne préserverait pas l’effet de surprise. Dans ce cas, le débiteur serait averti de la saisie au moment de son exécution et il aurait alors la possibilité de la contester.
Question 7: Le débiteur devrait-il être entendu ou recevoir une notification avant la délivrance d’une ordonnance de saisie?
3.4. Détail des informations requises concernant le compte
Se pose la question de la nature et de l’étendue des informations relatives au(x) compte(s) du débiteur que le créancier serait tenu de fournir lorsqu’il sollicite une ordonnance de saisie. S’il est clair qu’il devrait indiquer le nom exact du débiteur, le niveau de détail nécessaire concernant le compte est plus difficile à définir. La question de savoir si le créancier doit être tenu de communiquer le(s) numéro(s) de compte(s) exact(s) est particulièrement controversée. Étant donné que certains États membres autorisent la délivrance d’ordonnances de saisie bancaire en l’absence de ces informations et que le créancier éprouve souvent les pires difficultés à les rassembler, on pourrait arguer que l’indication de numéros de compte exacts ne doit pas être une condition indispensable. Néanmoins, les données fournies par le créancier doivent être suffisamment détaillées pour permettre à la banque d’identifier son client et pour limiter les risques de saisies pratiquées à tort suite à des erreurs d’identité. Il convient d’examiner si, en plus du nom exact du débiteur, il pourrait être suffisant de demander les coordonnées de la succursale bancaire qui gère le(s) compte(s).
Question 8: Quelles informations minimales devraient être fournies aux fins d’une ordonnance de saisie?
3.5. Questions juridictionnelles
Puisque dans la plupart des États membres, les juridictions statuant dans le recours principal sont compétentes pour ordonner des mesures conservatoires, on pourrait avancer qu’un tribunal compétent pour connaître du fond en vertu de la réglementation européenne pertinente devrait aussi être compétent pour prononcer une ordonnance conservatoire dans le cadre de l'instrument européen proposé.
Outre la juridiction compétente pour statuer dans l'affaire principale, les tribunaux de l’État membre où le défendeur a son domicile, si celui-ci est différent, et/ou les tribunaux de tout État membre où se trouve un compte bancaire devant faire l’objet d’une saisie, pourraient rendre l’ordonnance de saisie.
Étant donné que le but de l’instrument européen serait de remédier à la situation actuelle dans laquelle le créancier doit s’adresser à l’État membre où se trouve le compte, on pourrait envisager de permettre au créancier de choisir entre les différentes instances mentionnées ci-dessus.
Question 9: Êtes-vous d’avis que les juridictions compétentes pour connaître du fond de l’affaire en vertu du droit communautaire applicable et/ou les tribunaux du lieu où se trouve le compte devraient être compétents pour rendre l’ordonnance de saisie? Est-ce que le tribunal du domicile du défendeur devrait toujours être compétent pour ordonner une saisie, même s’il n’est pas compétent en vertu du règlement (CE) n° 44/2001?
4. MONTANTS ET LIMITES DE L’ORDONNANCE DE SAISIE EUROPÉENNE
4.1. Montant à mettre en sûreté
Limiter la saisie à un montant spécifique, plutôt que de permettre la saisie de l’intégralité du solde créditeur du débiteur sur le(s) compte(s) saisi(s), serait une mesure qui éviterait les abus et serait proportionnée. Ce montant devrait dépendre de la somme réclamée par le créancier (y compris les intérêts et frais judiciaires éventuellement dus au créancier). Il conviendrait d’examiner dans quelle mesure des montants complémentaires, notamment les paiements d’intérêts futurs et les frais encourus par le créancier pour demander et faire exécuter la saisie (coûts à l'intervention des avocats, des agents d’exécution et de la (des) banque(s)) devraient être mis en sûreté par la saisie.
Question 10: Êtes-vous d’avis que la saisie devrait être limitée à une certaine somme? Si tel est le cas, comment déterminer cette somme?
4.2. Coûts supportés par les banques
On peut faire valoir que l’exécution d’une saisie bancaire et la surveillance des soldes créditeurs sur le compte du débiteur occasionnent certains frais aux banques. On pourrait également soutenir que les banques devraient exécuter les saisies à titre de service public et supporter tous les coûts éventuels dans le cadre de leurs charges d'exploitation. Les banques elles-mêmes sont parfois créancières, ou ont des créanciers pour clients. Elles ont donc tout intérêt à ce que le recouvrement des créances aboutisse. La question se pose donc de savoir si les banques devraient être rémunérées pour le rôle qu'elles assument en matière de saisies et, dans l’affirmative, si le montant auquel elles auraient droit devrait être plafonné au niveau national ou européen. Il conviendra de déterminer si le créancier devrait être tenu de payer ce montant à la banque avant l’exécution de la saisie ou si la banque devrait déduire ce dernier du compte saisi.
Question 11: Estimez-vous que les banques devraient être rémunérées pour l'exécution d'une ordonnance de saisie? Si tel est le cas, devrait-on plafonner le montant auquel elles auraient droit? Le créancier devrait-il payer la banque à l’avance, ou bien le montant dû devrait-il être déduit du solde créditeur du compte saisi?
4.3. Saisie de plusieurs comptes, de comptes joints et de comptes de mandataire
Si le créancier souhaite bloquer simultanément plusieurs comptes ouverts dans un ou plusieurs États membres parce que le solde créditeur d’un compte risque d’être insuffisant pour couvrir la créance, la question se pose de savoir si et comment les montants saisis sur chacun de ces comptes peuvent être limités pour éviter la saisie d’un montant égal à deux ou trois fois la somme due. Ce problème s’apparente à la situation que connaissent déjà certains États membres dans lesquels une ordonnance de saisie notifiée au siège central d’une banque bloque tous les comptes détenus dans les succursales de celle-ci. Une solution possible à ce problème consisterait à prévoir le virement de la somme due sur un compte distinct et à débloquer ensuite les comptes saisis. Il conviendrait d’analyser comment un tel système pourrait fonctionner en présence de banques différentes et entre différents États membres.Des questions se posent également concernant la saisie de comptes joints, c’est-à-dire de comptes ouverts aux noms de deux époux, et de comptes de mandataire, c’est-à-dire de comptes ouverts au nom du titulaire pour le compte du débiteur.
Question 12: Si l'ordonnance de saisie porte sur plusieurs comptes, comment la somme à saisir devrait-elle être répartie entre ces comptes?
Question 13: Comment procéder à la saisie de comptes joints et de comptes de mandataire?
4.4. Montants exemptés d’exécution
Pour protéger la dignité et la vie de famille du débiteur, certaines sommes doivent être exemptées d’exécution. C’est le cas notamment des sommes que le débiteur a le droit de conserver pour subvenir à ses besoins alimentaires et à ceux de sa famille. Il conviendra donc de déterminer à quel moment ces montants devront être définis et de quelle façon, que ce soit par le juge ordonnant la saisie, l’autorité d’exécution ou la banque qui gère le compte. Cette question devrait-elle être réglée d’office ou uniquement sur requête du débiteur? Enfin, comment cette somme devrait-elle être définie et calculée – conformément au droit de l’État membre dans lequel l’ordonnance a été rendue, à celui de l’État membre où le compte est ouvert, ou encore conformément à un régime européen harmonisé, les montants devant être définis de façon adéquate, par exemple suivant une règle générale ou d’indexation?
Question 14: La question de savoir si certaines sommes doivent être exclues de l’exécution devrait-elle être examinée d’office au moment de la délivrance/de l’exécution de la saisie, ou devrait-il incomber au débiteur de former opposition en ce sens? Comment et par qui le montant exempté d’exécution devrait-il être calculé, et sur quelle base?
5. EFFETS D’UNE ORDONNANCE DE SAISIE
5.1. Mise en œuvre
Dès qu’un tribunal d’un État membre a rendu une ordonnance de saisie, la question de sa mise en œuvre se pose. Étant donné la nécessité d’agir vite et la nature strictement conservatoire de l'instrument, il est proposé que la saisie prenne effet immédiatement dans toute l’Union européenne sans passer par une procédure intermédiaire (telle qu’une déclaration lui reconnaissant force exécutoire) dans l’État membre requis.
Il conviendra de déterminer les moyens de transmission de l’ordonnance de saisie entre le tribunal qui la délivre et la banque qui gère le compte à saisir. La procédure envisagée doit assurer un équilibre entre l’intérêt du créancier, à savoir une transmission rapide, et celui du débiteur et de la banque, qui est de réduire les saisies injustifiées. La transmission transfrontalière d’actes est régie par le règlement (CE) n° 1348/2000[9], qui prévoit la transmission directe par la poste de l'ordonnance de saisie, du tribunal à la banque. Si cette méthode permet déjà une notification relativement rapide des décisions judiciaires, il convient d’approfondir la question de savoir si le recours aux moyens de communication électroniques accélérerait encore le processus de transmission. Pour réaliser l’objectif d’amélioration du gel des avoirs bancaires, il est proposé de procéder à la saisie bancaire par voie électronique à toutes les étapes de la procédure ou presque, c’est-à-dire dès qu’elle est rendue par la juridiction jusqu’à ce qu’elle parvienne à la banque gestionnaire du compte. Il conviendra d’analyser quels mécanismes devront être conçus pour garantir un niveau adéquat de sécurité durant le processus de transmission, et de déterminer si l’utilisation d’une signature électronique serait suffisante pour certifier l’identité et la compétence de l’autorité de délivrance et pour garantir l’exactitude des données transmises.
Il conviendrait également de fixer le délai imparti à la banque pour exécuter la saisie, c’est-à-dire d’examiner la question de savoir si le compte serait bloqué immédiatement dès réception de l’ordonnance par la banque ou dans un certain délai à compter de la réception, mais aussi le traitement à accorder aux transactions qui ont débuté avant la notification à la banque de l’ordonnance de saisie.
Les banques devraient être tenues de révéler aux autorités d’exécution compétentes si la saisie a bien été pratiquée sur les fonds inscrits au crédit du (des) compte(s) saisi(s) du débiteur. Idéalement, cette information serait également transmise par voie électronique. Dans ce contexte, il conviendra de considérer les moyens à mettre en œuvre pour garantir un niveau suffisant de protection des données et de secret bancaire au cours de la procédure.
Question 15: Êtes-vous d’avis que la procédure d’exequatur devrait être supprimée pour les ordonnances de saisie?
Question 16: Comment l’ordonnance de saisie devrait-elle être transmise entre le tribunal qui la délivre et la banque qui gère le compte? Quel délai la banque devrait-elle être tenue de respecter pour exécuter la saisie? Quel devrait être l’effet de l’ordonnance de saisie sur les opérations en cours?
Question 17: Êtes-vous d’avis qu’à la réception de l’ordonnance de saisie, les banques devraient être tenues de révéler aux autorités d’exécution si et dans quelle mesure la saisie a permis de mettre en sûreté des fonds susceptibles d’être versés par le débiteur au créancier?
5.2. Protection du débiteur
Dès que l’ordonnance de saisie a pris effet, le débiteur devra être informé que son compte a été bloqué et être mis en mesure de contester cette saisie ou d’en limiter le montant. Il conviendra de déterminer qui sera chargé de communiquer cette information au débiteur. Il est proposé que le débiteur soit averti formellement par le tribunal ou l’autorité d’exécution responsable de la mise en œuvre de l’ordonnance. En outre, dans le contexte des relations commerciales entre les banques et leurs clients, celles-ci informeront le débiteur dès l’exécution de la saisie.
Il est clair que le débiteur doit avoir le droit de contester une ordonnance de saisie, mais il conviendra de déterminer quelle autorité serait compétente pour connaître de son opposition: le tribunal ayant prononcé l’ordonnance ou le tribunal du lieu où est ouvert le compte. Il conviendra également de considérer si les motifs d’opposition (par exemple, l'acquittement de la dette ou la prescription de la créance) devraient être harmonisés au niveau européen pour garantir l’efficacité de l’instrument envisagé. Les motifs d’opposition admissibles pour contester une ordonnance devraient varier selon que l’ordonnance a été rendue sur la base d’un titre exécutoire ou sans considération de celui-ci. Il est en outre proposé, dans les cas où l'ordonnance de saisie est rendue avant l’ouverture de la procédure judiciaire principale, que celle-ci devienne caduque si le créancier ne forme pas le recours principal dans un délai déterminé (par exemple, un mois).
Enfin, il convient d’examiner dans quelle mesure la responsabilité du créancier devrait être engagée lorsqu’une saisie se révèle injustifiée, et si cette responsabilité devrait être harmonisée au niveau européen ou laissée à l’appréciation du droit national.
Question 18: Quand et par qui le débiteur devrait-il être informé formellement qu’une ordonnance de saisie a été rendue et exécutée?
Question 19: Est-ce que la saisie devrait être révocable ou devenir automatiquement caduque si le créancier n’intente pas l’action principale dans un certain délai?
Question 20: Sur quelle base et dans quelle mesure le débiteur devrait-il avoir la possibilité de contester l’ordonnance de saisie? Quel devrait être le tribunal compétent pour connaître de l’opposition d’un débiteur à une saisie?
Question 21: Est-ce que la responsabilité du débiteur devrait être harmonisée au niveau européen dans l’hypothèse où une saisie s’avère injustifiée, et si oui, comment?
5.3. Ordre de priorité des créanciers en concurrence
Si plusieurs créanciers font valoir leurs droits concurrents sur le solde créditeur d'un compte bancaire du débiteur, la question se pose de savoir comment déterminer, en dehors d’une procédure d’insolvabilité, l’ordre de priorité des différents créanciers. Si certains États membres accordent la priorité au premier créancier qui notifie une mesure conservatoire à la banque, d’autres appliquent un principe de groupes semblable à celui qui régit la répartition de fonds au cours des procédures d’insolvabilité. Il conviendra donc de déterminer si cette question doit être harmonisée au niveau européen ou laissée à l’appréciation du droit national de l’État membre où l’exécution a lieu. Une question similaire se pose en ce qui concerne le rang de l'ordonnance de saisie dans le cadre de procédures pénales ou administratives.
Question 22: Devrait-il exister des règles européennes régissant l’ordre de priorité des créanciers en concurrence? Dans l'affirmative, quel serait le principe à appliquer?
5.4. «Conversion» en mesure exécutoire
Il est possible qu’un créancier qui a fait bloquer le compte de son débiteur par une ordonnance de saisie obtienne finalement une décision dans le recours principal, qui sera exécutoire dans l’État membre où est ouvert le compte, soit en application d’une déclaration lui reconnaissant force exécutoire en vertu du règlement (CE) n° 44/2001, soit que le créancier produise un certificat émis selon les règles des nouvelles procédures européennes pour les créances de faible importance ou incontestées. Ce créancier souhaitera voir les fonds saisis transférés sur son propre compte ou recevoir l’argent par tout autre moyen. Il conviendra de déterminer comment, dans ce cas, l’ordonnance de saisie peut être convertie en mesure exécutoire pour permettre le versement du montant saisi au créancier.
Question 23: Comment convertir l’ordonnance de saisie en mesure exécutoire dès que le créancier a obtenu un titre exécutoire dans l’État membre où est ouvert le compte?
[1] Note terminologique: dans le livre vert, le terme «saisie» désigne une procédure qui bloque ou gèle un bien meuble du débiteur se trouvant entre les mains d’un tiers et qui empêche ce dernier de céder ce bien.
[2] Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, JO L 12 du 16.1.2001, p. 1.
[3] Arrêt de la Cour de justice du 21.5.1980 dans l’affaire C-125/79 ( Denilauler ).
[4] Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, JO C 33 du 31.1.1998, p. 3.
[5] Cf. Communication (note 1), p. 14.
[6] Programme des mesures sur la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale, JO C 12 du 15.1.2001, p. 1, 5.
[7] Étude n° JAI/A3/2002/02. Le rapport final est disponible à l’adressehttp://ec.europa.eu/justice_home/doc_centre/civil/studies/doc_civil_studies_en.htm.
[8] Une ordonnance européenne pourrait également être utilisée dans le cadre d’une action civile relative à une activité frauduleuse ou criminelle.
[9] Règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale; JO L 160 du 30.6.2000, p. 37.