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Rapport de la Commission européenne du 20 décembre 2007 sur la mise en œuvre de la décision du Conseil du 17 octobre 2000 relative aux modalités de coopération entre les cellules de renseignement financier des États membres en ce qui concerne l'échange d'informations (2000/642/JAI) - COM/2007/0827 final

 

Rapport de la Commission européenne du 20 décembre 2007 sur la mise en œuvre de la décision du Conseil du 17 octobre 2000 relative aux modalités de coopération entre les cellules de renseignement financier des États membres en ce qui concerne l'échange d'informations (2000/642/JAI)

 

COM/2007/0827 final

 

INTRODUCTION

 

Le présent rapport vise à évaluer si les États membres ont mis en place un cadre de coopération propre à soutenir le travail de leurs cellules de renseignement financier (CRF), comme le prévoit la décision 2000/642/JAI du Conseil (ci-après «la décision»). Les CRF ont un rôle central à jouer dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et il est essentiel de promouvoir une étroite collaboration entre elles.

Fruit d’une initiative de la République de Finlande, la décision a pour objectif de renforcer la coopération entre les CRF de l’Union européenne aux fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux[1]. La décision vise à résoudre les difficultés auxquelles se heurtent la communication et l'échange d'informations entre CRF du fait de l’existence de statuts juridiques différents (administratif, judiciaire ou répressif), en prévoyant une communication directe entre les cellules. Elle tient étroitement compte des normes et principes établis par le groupe d'Egmont[2] ainsi que des recommandations du groupe d'action financière internationale (le «GAFI»)[3].

Au niveau européen, l'importance de la coopération entre les CRF a également été reconnue dans la stratégie européenne de lutte contre le financement du terrorisme, publiée en décembre 2004[4]. Le présent rapport arrive en outre au bon moment, du fait que la troisième directive sur le blanchiment de capitaux[5], qui a confirmé de nombreux aspects des fonctions des CRF et de la coopération entre celles-ci tels que définis dans la décision, doit être transposée dans le droit interne des États membres d'ici le 15 décembre 2007. En complément de cette directive, le règlement relatif aux contrôles de l'argent liquide[6] s'applique depuis le 15 juin 2007. Il prévoit que les autorités compétentes des États membres mettent à la disposition de leurs CRF nationales les informations obtenues en application du règlement. Enfin, la convention n°198 du Conseil de l'Europe[7], de 2005, fait écho aux dispositions de la décision.

Le volume des informations traitées par les CRF ayant augmenté ces dernières années, une coopération renforcée au niveau européen devient de plus en plus nécessaire. Bon nombre d'États membres font état d’une augmentation des cas de coopération européenne et internationale, comme l’illustre la CRF allemande dans son rapport d'activité annuel de 2005[8]: «La CRF a communiqué avec des CRF d’autres pays dans 657 dossiers en 2005, ce qui représente une augmentation de 8,4 % par rapport à 2004. Entre 2003 et 2004, une progression de 25 % avait été enregistrée.»

 

OBJECTIFS DU RAPPORT ET MÉTHODE D'ANALYSE

 

Selon l'article 34, paragraphe 2, point c), du traité sur l'Union européenne («le TUE»), les décisions arrêtées par le Conseil dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale ne concourent pas au rapprochement des dispositions législatives des États membres, mais visent d’autres fins conformes aux objectifs du titre VI du TUE. Le traité précise bien que ces décisions du Conseil sont juridiquement contraignantes, et les États membres peuvent être amenés à modifier leur droit interne pour le mettre en conformité avec lesdites décisions.

Les États membres devaient se conformer à la décision pour le 17 octobre 2003 au plus tard, comme le prévoit son article 9, paragraphe 2, qui dispose: «Les États membres veillent à être en mesure de coopérer pleinement conformément aux dispositions de la présente décision au plus tard trois ans après sa prise d'effet».

Le présent rapport, qui n’est pas requis par la décision, fournit une première évaluation factuelle ayant pour but de déterminer si les États membres ont mis en place un cadre législatif et opérationnel permettant à leurs CRF de coopérer comme le veut la décision du Conseil.

Par lettre datée du 24 mai 2006, suivie d’une lettre de rappel du 23 octobre 2006, les 25 États membres de l'Union européenne d'alors ont été invités par la Commission à communiquer leurs dispositions de mise en œuvre. La même invitation a été envoyée à la Bulgarie et à la Roumanie par lettre du 24 janvier 2007. En juin 2007, 26 États membres avaient répondu à cette demande, l’Irlande ayant envoyé une réponse qui reste provisoire à ce jour. C’est sur la base de ces réponses que le présent rapport a été établi. Certaines réponses étaient partielles, en ce qu’elles n'expliquaient pas en détail les dispositions adoptées aux fins de la mise en œuvre. Certains États membres n’ont pas transmis à la Commission la totalité des textes mettant en œuvre la décision. L’évaluation factuelle et les conclusions qui en sont tirées reposent donc parfois sur des données incomplètes.

Le rapport se concentre sur les aspects juridiques de la coopération entre CRF, mais il aborde aussi dans la mesure du possible les questions opérationnelles sur la base des réponses reçues. Cette double analyse est essentielle, étant donné que la coopération entre CRF est déterminée par des aspects opérationnels qui vont au-delà des dispositions législatives. Ainsi, même lorsque la législation d'un État membre est conforme à la décision du Conseil, des problèmes opérationnels réels peuvent rester cachés. Cette double dimension de la mise en œuvre –législative et opérationnelle - a rendu l'évaluation complexe et difficile, en particulier du fait que la plupart des réponses des États membres se concentrent sur les aspects légaux. Qui plus est, le libellé de la décision laisse nombre d'éléments ouverts à interprétation.

 

VUE D’ENSEMBLE DES RÉPONSES DES ÉTATS MEMBRES

 

Cette partie du rapport analyse la situation pour ce qui concerne certaines dispositions spécifiques de la décision [9] ; elle couvre les articles 1 à 7 et l’article 9, qu'elle aborde sous un angle thématique. Les grands thèmes suivants ont été recensés:

- définition des CRF;

- base de l'échange d'informations;

- modalités de l'échange d'informations;

- protection des données.

Dès l'abord, il faut noter la diversité des statuts des CRF dans l’Union européenne: Douze CRF ont un caractère administratif (FR, SI, BE, CZ, IT, ES, LV, PL, MT, RO, EL, BG), onze relèvent des organes répressifs (DE, HU, UK, SE, SK, EE, AT, FI, LT, PT, IE) et une seule est de nature judiciaire (LU). Trois CRF peuvent être considérées comme hybrides (DK, CY, NL).

 

DEFINITION DE LA CRF

 

L’article 2, paragraphe 1, reprend essentiellement la définition adoptée par le groupe d'Egmont[10]: les États membres sont invités à veiller à ce que leur CRF soit «une unité nationale centrale qui, … , est chargée de recevoir (et, dans la mesure où elle en a le droit, de demander), d'analyser et de transmettre aux autorités compétentes les informations financières communiquées …». Cette définition concorde également avec l’article 21 de la troisième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux. La plupart des États membres, soit 18 au total, ont transmis le texte légal instituant leur CRF.

 

1. Une unité centrale et nationale, chargée de la transmission d’informations – article 2

 

Il s’agit d’un aspect important du point de vue de la coopération entre CRF. Les CRF doivent être des entités distinctes, qu'elles aient une existence autonome ou qu’elles fassent partie d’une organisation, de sorte que chaque CRF de l’Union européenne puisse directement coopérer et échanger des informations avec ses homologues. Les États membres se conforment généralement à cette obligation, et certains d'entre eux (MT, RO, LV) ont indiqué que leur CRF était dotée d’une personnalité juridique propre. Il est noté que la législation grecque mentionne une «autorité nationale chargée de la lutte contre le blanchiment des capitaux» et prévoit que «son lieu de réunion est fixé par une décision du ministre». On note également un relatif manque de clarté dans certains cas (par exemple: CZ, HU), où la législation attribue les fonctions et responsabilités prévues à l'organisation dont la CRF fait partie, plutôt qu’à la cellule même. Sur ce point, UK, DK, EE, FI, BG, IE, IT, AT, ES, LU et SK n’ont fourni aucune indication précise.

Aux fins de la coopération entre les CRF, il est important de confier à celles-ci des compétences claires pour la «diffusion» de l'information[11]. Cette fonction de transmission se situe surtout dans le contexte national, à savoir la communication d’informations aux autorités compétentes de l’État membre de la CRF; néanmoins, les CRF doivent également pouvoir transmettre des informations aux autorités d’autres États membres. Certaines législations (EL, NL, SE, CZ, HU, CY, PL, RO) prévoient une coopération avec les partenaires étrangers, sans mentionner expressément la «transmission» dans la liste des fonctions de base des CRF. Dans d'autres cas - UK, DK, SK, EE, AT, ES, FI, BG, IE, LU, IT - aucune indication précise n'est fournie à ce sujet.

 

2. Informations pertinentes réunies au niveau national – article 1 er , paragraphe 1 et article 2, paragraphe 1

 

La décision reste relativement vague sur la portée des informations qui doivent être accessibles aux CRF, se contentant, dans son article 4, paragraphe 2, de se placer dans une optique «pluridisciplinaire», selon laquelle toutes les informations pertinentes à caractère administratif, policier et financier doivent pouvoir être échangées. C’est pourquoi l'analyse ci-après vise à mieux cerner - sur la seule base des réponses reçues - quelles « informations pertinentes » sont réunies par les CRF conformément à l’article 1er, paragraphe 1, sans cependant évaluer directement le niveau de mise en œuvre dans les États membres. Un élément important à cet égard réside dans les obligations découlant des directives relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux. De même, pour assurer une coopération efficace, il serait très utile que chaque CRF d’un État membre puisse savoir quelles informations sont réunies par ses homologues d’autres États membres.

D’un État membre à l’autre, les dispositions nationales varient largement sur la possibilité donnée aux CRF d’accéder à telle ou telle base de données ou d’obtenir des informations complémentaires d’autres autorités. Certains États membres font état de dispositions donnant accès aux informations des services de police. Dans d'autres, les autorités fiscales ou douanières (SE, DE), ou divers autres organismes (BE, EL, LT, LV, PL, ES, MT, RO, CZ, FI, IT), fournissent également des informations. Dans certains cas, cette couverture plus large crée aussi un manque de clarté en ce qui concerne les organismes expressément tenus de fournir des informations. On trouve ainsi des indications telles que: «autorités publiques» (LV) ou «organes exécutifs compétents» (ES). Certains États membres – HU, UK, LU, DK, SK, EE, AT, FR, NL, PT, IE, BG - n’ont fourni aucune information concrète sur cet aspect.

 

3. Informations pertinentes - obligation pour les autorités répressives de fournir des informations aux CRF – en relation avec l’article 4, paragraphe2

 

Certains États membres font état de dispositions légales obligeant les autorités répressives à fournir des informations à la CRF. DE, BE, MT, LT, PL, SE, CZ, IT et CY ont expressément mentionné cette obligation.

 

4. Informations pertinentes - possibilité pour les CRF de demander des informations financières complémentaires aux organismes nationaux ayant une obligation de déclaration - en relation avec l’article 4, paragraphe 2

 

Étant donné que l'échange d'informations entre CRF porte sur des données financières sensibles, il est important de savoir si une CRF est habilitée à demander aux institutions financières et autres entités déclarantes des informations dépassant le cadre des déclarations de transactions suspectes. Un grand nombre d’États membres (HU, FR, SI, SE, BE, EL, FI, EE, LT, NL, MT, RO, PL, LV, IT, DE) font état d’une législation habilitant leurs CRF à exiger des renseignements complémentaires des institutions financières et autres entités déclarantes. Sur ce point, UK, LU, DK, SK, AT, PT, IE, BG, ES, CZ et CY n’ont fourni aucune indication précise.

 

5. Notification au Secrétariat général du Conseil - article 2, paragraphe 3

 

Les États membres sont tenus de notifier par écrit au Secrétariat général du Conseil l'unité qui fait office de CRF au sens de l’article 2. Quatre États membres seulement (DE, LU, IT, MT) ont indiqué dans leur réponse que cette notification avait été faite ou était en train de se faire.

 

BASE DE L'ÉCHANGE D'INFORMATIONS

 

L'échange d'informations vise à permettre aux CRF d'analyser correctement les déclarations de transactions suspectes (DTS)[12]. Dix-sept États membres ont communiqué des dispositions légales confirmant la légitimité et la nécessité de la coopération avec les CRF d’autres pays. Seule l'Espagne établit une distinction dans sa législation entre le niveau européen et le niveau international de la coopération et de l'échange d'informations entre CRF. Il a été constaté que 18 États membres ont intégré dans leur législation des dispositions spécifiques sur l'échange d'informations. Dans trois États membres (LT, NL, PT), la législation semble prévoir expressément la coopération entre CRF, mais non l'échange d'informations. La loi grecque semble contenir une limitation, en ce qu’elle couvre la coopération internationale en général, mais ne prévoit que le cas où la CRF reçoit des informations. DK, BG, IE et AT n’ont fourni aucune information concrète sur cet aspect.

 

6. «[les États membres veillent à ce que] les CRF échangent, de leur propre chef ou sur demande , ... toute information pouvant leur être utile» - article 1 er , paragraphe 2

 

Quatre États membres (HU, SI, LV, MT) signalent avoir pris des mesures légales dans ce sens, tandis que quatre autres (FR, SE, CZ, CY) déclarent que leurs CRF échangent des informations tant de leur propre chef que sur demande, mais sans indiquer les dispositions légales correspondantes.

 

7. Les autorités policières désignées comme CRF peuvent fournir des informations – article 1 er , paragraphe 3

 

Les CRF de nature répressive sont, en vertu de cette disposition, soumises à un régime moins strict. Les États membres n’ont fourni sur cet article aucune information spécifique portant à conclure que les CRF de nature répressive relèvent d’autres dispositions légales que les autres types de CRF.

 

8. Le statut interne des CRF n'affecte pas l'exécution des tâches qui leur incombent – article 3

 

Il appartient aux États membres de choisir le statut le mieux approprié pour leur CRF, mais celles-ci doivent pouvoir remplir correctement leurs fonctions. Vingt-trois États membres ont prévu, par voie de déclarations ou de mesures légales, que la coopération avec les CRF d’autres pays doit se faire indépendamment de leur statut. On note cependant un manque de clarté dans certains cas, lorsque la coopération repose sur la législation policière applicable (exemple: AT, SK), et il est difficile de juger si les dispositions en question couvrent tous les types de CRF en l’absence d’indication expresse dans le texte. Les Pays-Bas sont le seul État membre dont la loi mentionne expressément «les autorités policières et non policières désignées par les gouvernements étrangers et ayant des missions analogues». UK, DK, BG et IE n’ont fourni aucune information concrète à cet égard.

 

MODALITES DE L'ÉCHANGE D'INFORMATIONS

 

Plusieurs dispositions (articles 4, 6, 7, et 9, paragraphe 1) régissent les modalités de l'échange d'informations aux différents stades du cycle d'échange. À titre de déclaration générale, 11 États membres (FR, UK, SI, CY, EE, AT, EL, LV, PL, PT, RO) soulignent qu'ils appliquent les principes du groupe d'Egmont[13] dans l'échange d’informations et se conforment ainsi aux exigences de la décision dans cette matière. Deux États membres ont indiqué expressément qu'ils fournissaient un bref exposé des faits pertinents (CZ, NL) (article 4, paragraphe 1).

 

9. Lors de la réponse à une demande – article 4, paragraphe 2

 

La CRF qui est saisie d'une demande fournit toutes les informations pertinentes, y compris les informations financières disponibles et les données des services répressifs demandées. Il s’agit d'une des dispositions clés de la décision.

Neuf États membres ont fourni des déclarations et des dispositions légales (HU, FR, SE, ES, NL, BE, CZ, EE, UK) définissant dans une certaine mesure la portée de l’échange d'informations, mais ne précisant pas toujours si les informations financières ou provenant des services répressifs sont incluses. Alors que certains États membres (HU, FR, BE, CZ, EE) soulignent qu'ils transmettent aussi des informations financières et bancaires, on peut supposer que cela pose problème à d’autres. Il semble qu'il y ait des différences considérables entre les informations pouvant être transmises par les CRF. Toutefois, étant donné que la décision ne définit pas ce qu’il y a lieu d’entendre par «toutes les informations pertinentes», il est difficile d'évaluer la mesure dans laquelle les États membres se conforment vraiment à cette obligation essentielle.

Le principe de réciprocité, bien que n’étant pas prévu dans la décision comme une condition préalable à l'échange d'informations, est mentionné dans les lois ou dans la pratique de nombreux États membres (FR, SL, BE, RO, CZ, PL). Pour sa part, EE déclare avoir abandonné ce principe.

 

10. Cas de refus – article 4, paragraphe 3

 

L’article 4, paragraphe 3, définit, en des termes assez larges, les cas dans lesquels une CRF peut refuser de fournir des informations à une contrepartie étrangère. Cinq États membres (HU, FR, ES, MT, NL) signalent des dispositions légales de différents types. Celles-ci font le plus souvent référence à des principes fondamentaux tels que la souveraineté, la sécurité nationale et le risque de compromettre une enquête pénale. Vingt-deux États membres n’ont fourni aucune information concrète sur ce point.

 

11. Échange spontané d'informations (article 6)

 

En général, aucune distinction ne semble être faite entre les informations qui peuvent être transmises en réponse à une demande ou spontanément.

 

12. Circuits protégés – article 7

 

Étant donné la nécessité de sécuriser les échanges d'informations, la décision fait obligation aux États membres de mettre en place des circuits de communication protégés. Les principaux circuits suivants sont mentionnés: Egmont Secure Web (instrument crypté et sécurisé d'échange d’informations via Internet), FIU.NET (système d'échange d'informations informatisé des CRF de l’Union européenne), Europol et Interpol pour les CRF de nature répressive.

Onze États membres (DE, FR, BE, CZ, SK, ES, EL, FI, LV, NL, PT) confirment leur participation au projet FIU.NET, SE et CY souhaitent s'y adjoindre et AT n’y participe pas. En ce qui concerne Egmont Secure Web, 15 États membres (DE, UK, FR, SE, BE, CZ, SK, CY, AT, ES, EL, FI, LV, NL, PT) confirment qu'ils utilisent ce canal.

 

13. Protocoles d'accord («MoU») – article 7

 

Dans certains cas, les protocoles d'accord sont l’instrument essentiel régissant l'échange d'informations entre les CRF. Ils offrent un moyen d’appliquer la décision sans légiférer.

Seize États membres (DE, FR, SE, BE, EE, ES, EL, FI, LV, NL, PT, RO, PL, IT, MT, CZ) déclarent avoir conclu de tels protocoles avec d'autres pays. Certains (DE, FR, SE, CZ, IT, MT, EE) indiquent qu'ils ne sont pas tenus d’utiliser ce type d’accord. La loi polonaise semble contenir une limitation, en ce qu’elle prévoit l'échange d'informations avec l’étranger «sur une base réciproque, sous la forme prévue dans les accords bilatéraux». Certains États membres – HU, UK, SI, LU, DK, SK, CY, AT, LT, BG, IE - n’ont fourni aucune information concrète sur cet aspect.

 

CONFIDENTIALITÉ ET PROTECTION DES DONNÉES

 

De nombreux États membres confirment qu’ils accordent une attention particulière à la confidentialité et qu’ils se conforment à une législation nationale stricte en matière de protection des données, ce qui signifie que les dispositions générales régissant la protection des données s'appliquent aux CRF. Certains États membres font également référence à la directive sur la protection des données à caractère personnel[14].

 

14. L'utilisation des informations obtenues – article 5, paragraphes 1 à 3

 

Certains États membres (LU, MT, PL, CZ, HU, FR, ES, SI, FI, RO, LV) signalent une disposition générale prévoyant que les informations reçues de l’intérieur comme de l’étranger doivent être utilisées aux fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux ou de la lutte contre le financement du terrorisme. Un petit nombre d’États membres (DE, SE, NL) déclarent que les informations ne peuvent être utilisées qu'aux fins convenues d’un commun accord, dans le respect des limites fixées par les contreparties. Treize États membres n’ont fourni aucune information concrète sur ce point.

Afin que les informations obtenues puissent vraiment servir à des enquêtes ou à des poursuites judiciaires dans le cadre de la lutte anti-blanchiment, l’article 5, paragraphe 3, exige que, dans ce cas, l'État membre effectuant la transmission ne puisse refuser son accord pour une telle utilisation, à moins qu'il ne soit autorisé à le faire sur la base de restrictions prévues par son droit national ou au titre des conditions visées à l'article 4, paragraphe 3. Un nombre réduit d’États membres (par exemple: NL, DK) abordent cet aspect, en indiquant que la transmission des informations est subordonnée à l'appréciation de certaines autorités.

 

15. Accès interdit à d’autres autorités, organismes ou services – article 5, paragraphe 4

 

LT, RO, CZ, BE, DE, NL, AT, LV, CY et EL font état de déclarations ou de dispositions légales interdisant l’accès des tiers aux informations détenues par les CRF. On note un certain manque de clarté en ce qui concerne les termes «aucune autre autorité, organisme ou service», utilisés dans la décision. On ne voit pas bien la cohérence entre cette disposition et les déclarations de certains États membres (SE, FI) indiquant que la CRF est autorisée à transmettre des informations à d'autres autorités répressives ou que les données détenues par la CRF sont (partiellement) accessibles aux forces de police. De plus, dans certains cas (HU, RU), les règles relatives à la protection des données semblent s'appliquer à l'organisation dont la CRF fait partie, mais aucune disposition spécifique ne vise la CRF elle-même. LU, EE, IT, SK, PL, PT, BG et IE n’ont fourni aucune information concrète à cet égard. Dans ces circonstances, il est difficile de déterminer si l’article 5, paragraphe 4, est respecté.

 

16. Convention du Conseil de l'Europe, même degré de confidentialité et de protection des données – article 5, paragraphe 5

 

Les États membres n’ont fourni aucune analyse détaillée des dispositions appliquant la convention du Conseil de l'Europe de 1981[15] et la recommandation n° R(87) 15 de 1987[16] comme prescrit à l’article 5, paragraphe 5.

L’article 5, paragraphe 5, prévoit également que «Les informations fournies seront protégées … au moins par les mêmes règles en matière de confidentialité et de protection des données à caractère personnel que celles qui s'appliquent en vertu de la législation nationale applicable à la CRF requérante ». Cette disposition prévoit donc la reconnaissance de la législation de l'autre État.

Certains États membres signalent qu’en vertu de dispositions légales, des informations ne peuvent être transmises à la CRF d’un autre pays qu’à la condition que celle-ci soit tenue à un niveau de confidentialité (BE, MT, RO) ou de secret professionnel (FR, ES) identique à celui que prévoit la législation nationale de l'État membre effectuant la transmission, ou que la CRF requérante dispose d’un système réglementé de protection des données (SL). Ces dispositions peuvent être valides pour ce qui concerne la coopération internationale, mais elles ne semblent en revanche pas totalement conformes aux exigences prévues pour le niveau européen à l&rrsquo;article 5, paragraphe 5. Il faut en outre relever que le «secret professionnel» n'est qu'un aspect de la «confidentialité».

 

CONCLUSIONS

 

La coopération entre les CRF de l’Union européenne doit reposer sur un environnement législatif et réglementaire promouvant le développement d’une confiance mutuelle. Le présent rapport fournit une première vue d’ensemble de la manière dont les États membres appliquent la décision sur la coopération entre CRF. Il confirme la grande diversité qui règne, tant en ce qui concerne les modes d’organisation des CRF que pour ce qui est des informations qu’ils peuvent obtenir et s’échanger.

Compte tenu des données disponibles, le rapport s'est concentré principalement sur la législation et beaucoup moins sur les aspects opérationnels de la coopération. Ces aspects sont néanmoins essentiels. La législation peut être conforme aux dispositions de la décision, alors même que la pratique peut s’en écarter. En général, les États membres n'ont établi dans les textes de loi aucune distinction entre coopération au niveau européen et coopération internationale.

Il peut être considéré, dans une large mesure, que les États membres se sont conformés, sur le plan légal , à la plupart des dispositions clés de la décision, à savoir qu'ils ont adopté des dispositions définissant les fonctions des CRF et permettant à celles-ci de coopérer avec des CRF ayant un statut juridique différent. En revanche, on relève un certain flou en ce qui concerne le cadre juridique régissant la protection des données dans le contexte des CRF. L’adoption formelle de la proposition de décision cadre sur la protection des données utilisées à des fins répressives [17] et le lancement du travail de mise en œuvre dans les États membres apporteront plus de clarté dans ce domaine. Dans ce contexte, la nécessité de mesures complémentaires sera évaluée. Il pourrait également être nécessaire d’affiner la perception commune des dispositions en matière de protection des données applicables aux CRF, et il pourrait être envisagé d’examiner l’élaboration de lignes directrices.

Les pratiques concernant l’application de l'article 4, paragraphe 2, posent également question: bon nombre de CRF de nature administrative ne peuvent en effet échanger des informations policières, ou bien ne le peuvent qu'après un long délai. Certaines CRF de nature répressive ne sont parfois pas habilitées à fournir aux entités administratives certaines catégories d'informations essentielles contenues dans leurs bases de données. De nombreuses difficultés découlent de l’absence d’une définition commune des informations auxquelles les CRF peuvent accéder ainsi que des «informations pertinentes» qu’elles doivent s’échanger. Ce manque de clarté peut fausser la communication et être source de malentendus.

Sur cette base, il est proposé que les CRF de l’Union européenne envisagent, dans un premier temps, de recenser les bonnes pratiques pour ce qui concerne les informations accessibles aux CRF sur le plan national. Il convient en outre de souligner que l'accès à des informations financières complémentaires et la possibilité d'échanger ces informations sont essentiels à l’efficacité de l’action des CRF.

Comme il apparaît que les modalités de l'échange d'informations relèvent principalement du niveau opérationnel, il est difficile d’évaluer précisément le niveau de mise en œuvre sur la base des réponses reçues. L’opportunité de promouvoir un protocole d'accord type entre CRF pour faciliter l'échange d'informations au niveau de l'UE et pour encourager la coopération multilatérale pourrait être étudiée.

Il est essentiel de renforcer la coopération opérationnelle entre les CRF de l’UE. Cet objectif pourrait être appuyé par les travaux menés dans le cadre de la plate-forme des CRF de l’UE (« EU FIU Platform »)[18] et par un projet FIU.NET bien défini promouvant une coopération efficace sur le plan opérationnel. Les travaux de la plate-forme des CRF de l’UE peuvent être considérés comme un point de départ appréciable.

Enfin, il pourrait être opportun d’envisager une actualisation des dispositions de la décision, de façon à couvrir le financement du terrorisme et à imposer le même niveau d’exigences à toutes les CRF, indépendamment de leur statut juridique.

 

[1] Le champ d'application de la décision est limité à la coopération dans la lutte anti-blanchiment, mais, en pratique, la coopération entre CRF couvre également la lutte contre le financement du terrorisme (LFT). Douze États membres ont indiqué que leurs CRF ont aussi pour mission de lutter contre le financement du terrorisme.

[2] Le groupe d'Egmont est l'organe de coordination du groupe international des CRF constitué en 1995 pour promouvoir et améliorer la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment de capitaux (LBC) et, plus récemment, dans la LFT. Toutes les CRF de l’Union européenne sont membres du groupe d'Egmont.

[3] Le GAFI est le principal organisme normalisateur international dans le secteur de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il a édicté les dispositions clés concernant les CRF dans ses recommandations n° 26, 30, 32 et 40.

[4] «Lutte contre le financement du terrorisme», 16089/04 du 14 décembre 2004 (document du Conseil).

[5] Directive 2005/60/CE relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, y compris le financement du terrorisme.

[6] Règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant ou sortant de la Communauté.

[7] Convention (n° 198) du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme.

[8] www.bka.de/profil/zentralstellen/geldwaesche/pdf/fiu_germany_annual_report_2005.pdf

[9] Pour ce qui concerne l’article 8, 5 États membres ont répondu. Le Royaume-Uni a fait rapport sur la mise en œuvre de l'article 10.

[10] Définition adoptée lors de la réunion plénière du groupe d'Egmont en 1996 et modifiée en juin 2004.

[11] Le présent rapport se concentre sur cette fonction centrale de transmission dans le cadre de la coopération entre CRF, sans analyser la transmission d’informations aux services répressifs ou à d'autres autorités compétentes, comme les autorités de contrôle.

[12] Il est important de noter que les informations échangées par les CRF relèvent toujours du soupçon, de sorte qu’aucun chevauchement ne se produit avec d'autres formes ou canaux de coopération européenne (par exemple, Europol).

[13] Principes pour l'échange d'informations entre CRF dans les cas de lutte contre le blanchiment de capitaux et de lutte contre le financement du terrorisme, La Haye, 13 juin 2001

[14] Directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JO L 281 du 23.11.1995, p. 31.

[15] Convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel.

[16] Recommandation no R(87) 15 du 15 septembre 1987 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe visant à réglementer l'utilisation des données à caractère personnel dans le secteur de la police

[17] Un accord politique sur la proposition a été trouvé lors du Conseil JAI des 8 et 9 novembre 2007.

[18] Plate-forme informelle des CRF de l’UE, créée par la Commission en 2006 afin d’examiner les aspects de la mise en œuvre de la troisième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux intéressant les CRF.

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