Livre vert de la Commision européenne du 30 avril 2004 sur le rapprochement, la reconnaissance mutuelle et l'exécution des sanctions pénales dans l'Union européenne
COM/2004/0334 final
Objectifs du Livre vert
L'Union européenne s'est donné comme objectif d'offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice (article 29 du Traité sur l'Union européenne). Dans cette perspective la Commission estime qu'il est pertinent d'analyser si les différences nationales en matière de sanctions pénales constituent un obstacle à la réalisation de cet objectif. Il faudrait en outre analyser si ces différences posent des problèmes à la coopération judiciaire entre les Etats membres, ce qui implique qu'on identifie d'abord des obstacles à la mise en oeuvre du principe de la reconnaissance mutuelle, qui d'après les conclusions du Conseil européen de Tampere doit devenir « la pierre angulaire » du fonctionnement de l'Union en matière de justice, et doit permettre, en règle générale, d'exécuter plus facilement dans un État membre les sanctions prononcées dans un autre.
Le présent document constitue un effort de réflexion préalable qui devrait permettre, en un second temps, de se prononcer de façon plus éclairée, c'est-à-dire à la lumière des réactions et commentaires au présent Livre Vert, sur l'utilité et la faisabilité d'une proposition législative qui aboutirait éventuellement et dans une certaine mesure, d'une part à un rapprochement des règles applicables aux sanctions pénales en général, et de l'autre à la reconnaissance mutuelle des sanctions privatives de liberté et des peines alternatives dans l'Union européenne.
Consultation de toutes les parties intéressées
Une série de questions est posée sur les problèmes que la Commission estime les plus importants dans le cadre de la réalisation d'un véritable espace de justice.
La Commission souhaiterait recevoir des réponses argumentées à ces questions de la part de toutes les parties intéressées. Ces dernières peuvent, si elles le souhaitent, formuler des commentaires sur d'autres aspects utiles, évoqués ou non dans le document. Les réponses aux questions et les autres commentaires doivent être adressés au plus tard le 31 juillet 2004 à la
Commission européenne Direction générale Justice et Affaires intérieures, Unité D.3 B-1049 Bruxelles Télécopie: +32 2 296.76.34
Courrier électronique: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Afin de faciliter la gestion du dossier, les parties intéressées qui communiquent leurs réponses et commentaires par des moyens différents (par courrier électronique et par écrit, par exemple) sont priées d'indiquer, le cas échéant, que le même document a déjà été envoyé précédemment à la Commission. Les parties intéressées qui souhaitent commenter le présent Livre Vert doivent fournir des informations sur les intérêts qu'elles représentent et sur le degré de cette représentation.
La présente consultation ainsi que les réponses et les commentaires reçus seront publiés sur le site Internet de la Commission : , sauf si leur auteur le refuse expressément.
TABLE DES MATIÈRES
Objectifs du Livre Vert
Consultation de toutes les parties intéressées
1. Introduction
1.1. Objectifs du rapprochement.
1.2. Objectifs de la reconnaissance mutuelle
1.3. Méthode et structure du Livre Vert.
2. Mesures prises au niveau de l'Union européenne: état de lieu
2.1. Rapprochement des sanctions.
2.1.1. Le Traité sur l'Union européenne.
2.1.2. Le Plan d'action de Vienne.
2.1.3. Conclusions du Conseil européen de Tampere.
2.1.4. Instruments adoptés ou en cours de négociation.
2.1.5. Sanctions privatives de liberté
2.1.6. Sanctions pécuniaires.
2.1.7. Déchéances.
2.1.8. Confiscations.
2.1.9. Sanctions à l'encontre des personnes morales.
2.1.10. Sanctions alternatives.
2.1.11. Exécution des sanctions pénales
2.1.12. Conclusions.
2.2. Reconnaissance mutuelle et exécution des sanctions pénales dans un autre Etat membre.
2.2.1. Mandat d'arrêt européen.
2.2.2. Reconnaissance de sanctions pécuniaires.
2.2.3. Reconnaissance de décisions de confiscations.
2.2.4. Reconnaissance de décisions de déchéances de droits.
2.2.5. Accords conclus entre les Etats membres de la Communauté Européenne.
2.2.6. Conclusions.
3. Situation actuelle : Legislations nationales et accords internationaux.
3.1. Une très grande diversité entre les Etats membres.
3.1.1. Règles de droit pénal général.
3.1.1.1. Les principes en matière d'engagement des poursuites: légalité ou opportunité.
3.1.1.2. La marge d'appréciation du juge pénal.
3.1.1.3. Degré de participation. Complicité.
3.1.1.4. Degré de réalisation. Tentative.
3.1.1.5. Circonstances aggravantes et atténuantes.
3.1.1.6. Un cas particulier : la récidive.
3.1.1.7. Concours d'infractions.
3.1.2. Sanctions privatives de liberté
3.1.3. Sanctions pécuniaires.
3.1.4. Déchéances.
3.1.5. Confiscations
3.1.6. Sanctions à l'encontre des personnes morales.
3.1.7. Sanctions alternatives.
3.1.8. Exécution des sanctions pénales.
3.2. Un arsenal d'instruments de reconnaissance mutuelle incomplet.
3.2.1. Reconnaissance mutuelle de sanctions privatives de liberté.
3.2.1.1. Convention européenne du Conseil de l'Europe sur la valeur internationale des jugements répressifs du 28 mai 1970.
3.2.1.2. Convention entre les États membres des Communautés européennes sur l'exécution des condamnations pénales étrangères du 13 novembre 1991.
3.2.1.3. Le Traité du 26 septembre 1968 entre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg sur l'exécution des décisions judiciaires rendues en matière pénale.
3.2.1.4. Le modèle de coopération entre les États nordiques.
3.2.1.5. Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983.
3.2.1.6. Protocole additionnel du Conseil de l'Europe à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées du 18 décembre 1997.
3.2.1.7. Accord relatif à l'application, entre les États membres des Communautés européennes, de la convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées du 25 mai 1987
3.2.2. Reconnaissance de décisions octroyant un sursis ou une libération conditionnelle ou imposant des sanctions alternatives.
3.2.2.1. Description et identification du problème.
3.2.2.2. Instruments existants.
3.2.3. Reconnaissance de décisions de déchéances de droits
3.2.4. Conclusions
4. Problemes subsistants et besoin d'action au niveau de l'Union europeene
4.1. Rapprochement des sanctions privatives de liberté et des peines alternatives.
4.1.1. Règles de Droit pénal général.
4.1.1.1. Légalité/Opportunité
4.1.1.2. La marge d'appréciation du juge pénal.
4.1.1.3. Degré de participation. Complicité.
4.1.1.4. Circonstances aggravantes et atténuantes.
4.1.1.5. La récidive
4.1.1.6. Concours d'infractions
4.1.2. Sanctions privatives de liberté
4.1.3. Sanctions pécuniaires.
4.1.4. Déchéances.
4.1.5. Confiscations.
4.1.6. Personnes morales
4.1.7. Sanctions alternatives
4.1.8. Exécution des sanctions
4.2. Reconnaissance et exécution de sanctions privatives de liberté et de sanctions alternatives dans un autre État membre.
4.2.1. Champ d'application d'une réglementation possible au niveau de l'Union européenne.
4.2.1.1. Champ d'application personnel.
4.2.1.2. Champ d'application matériel.
4.2.2. Conditions pour la reconnaissance.
4.2.2.1. Droit d'initiative pour lancer la procédure de reconnaissance.
4.2.2.2. Motifs de refus.
4.2.2.3. Le pouvoir de l'État d'exécution d'adapter la sanction (privative de liberté ou alternative) prononcée par l'Etat de jugement.
4.2.2.4. Participation du condamné.
4.2.2.5. Participation de la victime.
4.2.3. Questions de procédure et modalités pratiques pour la mise en oeuvre de la reconnaissance de jugements pénaux et du transfert de prisonniers.
4.2.3.1. Délais.
4.2.3.2. Remboursement des dépenses encourues par l'État de l'exécution des sanctions.
4.2.4. Répartition des compétences entre l'État du jugement et l'État d'exécution. ...73
ANNEXE I : Inventaire et analyse comparée de la législation des États membres sur les modalités d'exécution de sanctions privatives de liberté imposées dans le cadre du jugement
1. Le sursis
2. La suspension et ajournement du prononcé de la peine
3. La semi-liberté
4. Le fractionnement de l'exécution de la peine (« arrêt de fin de semaine »)
5. La surveillance électronique
6. La détention à domicile
ANNEXE II: Inventaire et analyse comparée de la législation des États membres sur les sanctions alternatives
1. Le travail d'intérêt général
2. La médiation pénale
3. La transaction pénale
ANNEXE III: Inventaire et analyse comparée de la législation des États membres sur l'exécution des sanctions pénales
1. La suspension de la peine
2. La semi-liberté
3. La libération anticipée
4. La remise de peine
5. L'amnistie et la grâce
ANNEXE IV: Tableau de l'ensemble des questions
1. INTRODUCTION.
Le Traité sur l'Union européenne (TUE) prévoit à l'article 31 (e) "l'adoption progressive des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables" dans certains domaines. Cette approche est confirmée dans le Plan d'action du Conseil et de la Commission concernant les modalités optimales de mise en oeuvre des dispositions du Traité d'Amsterdam relatives à l'établissement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice [1] (Plan d'action de Vienne), ainsi que dans les conclusions du Conseil européen de Tampere [2] (paragraphe 48).
[1] JO C 19 du 23.1.1999, page 1. Voir aussi point 2.1.2.
[2] Disponibles sur: http://ue.eu.int/fr/Info/eurocouncil/ index_fr.htm.
Le rapprochement des sanctions pénales contribue également, d'une part, à assurer la compatibilité des règles applicables dans les Etats membres, tel que prévu à l'article 31(1)(c) dans la mesure nécessaire pour faciliter la coopération judiciaire pénale et d'autre part, à faciliter et accélérer la coopération entre les ministères et les autorités judiciaires ou équivalentes compétentes des Etats membres pour ce qui est de l'exécution des décisions, tel qu'il est mentionné à l'article 31(1)(a).
Afin de mettre en oeuvre ce mandat, un certain nombre d'instruments législatifs (décisions-cadres) ont déjà été adoptés par le Conseil, en ce qui concerne la fraude aux moyens de paiement autres que les espèces, la contrefaçon de l'euro, le blanchiment d'argent, le terrorisme, la criminalité environnementale, la traite des êtres humains, la corruption dans le secteur privé et l'aide à l'entrée et au séjour irrégulier. D'autres instruments sont en discussion au Conseil et au Parlement européen, tels que les propositions de décisions-cadre du Conseil relatives à la pollution causée par les navires ou le racisme et la xénophobie [3]. Les décisions-cadre ont pour but le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres. Les décisions-cadre lient les Etats membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens [4].
[3] Voir point 2.1.5.
[4] Article 34(2)(b) du Traité sur l'Union européenne.
En ce qui concerne les sanctions, des peines applicables ont été fixées. La formule utilisée pour l'harmonisation des sanctions a été au moins d'établir des peines effectives, proportionnées et dissuasives, et de plus en plus de fixer le minimum de la peine maximale. [5] Cette approche, qui est limitée à la peine privative de liberté, amène du point de vue de la Commission, à un rapprochement minimal qui peut s'avérer insuffisant pour la réalisation des objectifs cités. La Commission répondrait à un besoin à identifier les domaines dans lesquels une action au niveau de l'Union aurait une justification.
[5] Toutefois l'action commune adoptée par le Conseil le 21 décembre 1998, relative à l'incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les Etats membres de l'Union européenne, ne prévoit pas de niveau minimal de peine.
En outre, il faut rappeler que les actions entreprises par la Communauté sur la base du Traité de l'Union européenne sont sans préjudice des compétences qu'elle détient aux fins de réaliser les objectifs énoncés à l'article 2 du TCE, pour imposer que les Etats membres prennent des sanctions, le cas échéant, pénales, au niveau national, lorsque cela s'avère nécessaire pour atteindre un objectif communautaire. Parmi ces domaines, on peut citer par exemple la protection de l'environnement, y compris l'interdiction de déversements illicites par les navires ou la politique commune de pêche.
Au-delà de la peine d'emprisonnement, il existe un large éventail de sanctions prévues dans les systèmes pénaux des Etats membres. D'autre part, même si l'on fixe la même peine applicable à une infraction, il y a des divergences importantes dans les règles générales de droit pénal des Etats membres, qui amènent à une différence entre la peine prononcée et exécutée.
Ce Livre Vert contient une analyse comparative de la législation des Etats membres. La situation des pays adhérents n'a pas pu être prise en compte à ce stade, étant donné que les études utilisées pour son élaboration ne s'étendaient pas à la législation de tous ces pays. Dans le cadre de la consultation lancée par le Livre Vert, les pays adhérents auront bien entendu toute latitude à exprimer leur point de vue. En outre, la Commission les invitera à lui envoyer des contributions afin de compléter les informations factuelles relatives à leur législation dans les matières couvertes par le Livre Vert.
Dans ce contexte, nous pouvons nous demander, en termes d'efficacité, si la sanction est effectivement appliquée et si cette application a un effet dissuasif, afin de reprendre les concepts bien connus qui se sont imposés depuis l'affaire du « maïs grec-yougoslave » [6] et qui sont à la base du système de rapprochement des sanctions réalisé dans les textes adoptés dans le troisième pilier. En conclusion, la sanction subie est le résultat final d'une équation complexe présentant un nombre extrêmement élevé de variables: il faudrait théoriquement intervenir sur tous les facteurs pour garantir une sanction égale d'un ordre juridique à l'autre.
[6] CJCE, Arrêt du 21 septembre 1989, Commission contre République hellénique, Affaire 68/88, Rec.1989, p. 2965.
Néanmoins, il faut convenir qu'il n'est pas question d'harmoniser de manière simultanée et à court terme tous les facteurs pertinents en la matière et la Commission n'a évidemment pas l'intention de proposer l'uniformisation de l'ensemble des sanctions pénales au sein de l'Union européenne. Ceci ne serait ni souhaitable ni juridiquement envisageable.
Les différences entre les législations des Etats membres en matière de sanctions sont assez considérables. Ceci s'explique par des raisons historiques, culturelles et juridiques fortement enracinées dans leurs systèmes légaux, qui ont évolué dans le temps et qui sont l'expression de la manière par laquelle les Etats ont été confrontés et ont répondu à des questions fondamentales dans le domaine du droit pénal. Ces systèmes présentent une cohérence interne et modifier des règles sans tenir compte de l'ensemble risque d'amener à des distorsions.
Il faut au contraire, conformément au principe de subsidiarité, se concentrer sur les domaines où un besoin est identifié, en fonction des objectifs qu'on s'est donné et des bases juridiques disponibles. Il s'agit plutôt donc d'identifier les différences préjudiciables en matière de sanctions et les limites éventuelles qu'il faudrait imposer pour assurer la réalisation d'un espace européen de justice.
En ce qui concerne le Projet de Constitution [7], l'article I-41, qui concerne la mise en oeuvre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice prévoit, dans son premier paragraphe que l'Union réalise cet espace:
[7] Disponible sur: http://european-convention.eu.int/ .
- par l'adoption de lois et de lois-cadre visant, si nécessaire, à rapprocher les législations nationales dans les domaines énumérés dans la Partie III de la Constitution;
- en favorisant la confiance mutuelle entre les autorités compétentes des Etats membres, en particulier sur la base de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires ;
- par une coopération opérationnelle des autorités compétentes des Etats membres.
Par ailleurs, la Partie III du Projet de Constitution, dans la Section relative à la coopération judiciaire en matière pénale (article III-171) spécifie que celle-ci est fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires et inclut le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres dans un certain nombre de domaines. A cet égard, l'article III-172 prévoit que la loi-cadre européenne "peut établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement grave et qui revêtent une dimension transfrontière résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d'un besoin particulier de les combattre sur des bases communes".
Aux termes de l'article III-171 paragraphe premier, alinéa 2, lettre d) du projet de Constitution, une loi ou une loi-cadre peut établir des mesures visant à « faciliter la coopération entre les autorités judiciaires ou équivalentes des Etats membres dans le cadre des poursuites pénales et de l'exécution des décisions ». En outre, le Conseil peut, statuant à l'unanimité après approbation du Parlement européen, adopter une décision européenne identifiant d'autres domaines de criminalité (article III-172 paragraphe premier, alinéa 3).
Lorsque le rapprochement de normes de droit pénal s'avère indispensable pour assurer la mise en oeuvre efficace d'une politique de l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation, la loi-cadre européenne peut établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine concerné (cf. article III-172(2)).
Aux termes de l'article III-173 du projet de Constitution, la loi ou la loi-cadre européenne peut établir des mesures pour encourager et appuyer l'action des Etats membres dans le domaine de la prévention du crime qui joue un grand rôle dans le cadre des modalités d'exécution de sanctions privatives de liberté et des sanctions alternatives (voir annexes I et II). Cependant, cette base juridique ne permet pas de rapprocher des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres.
1.1. Objectifs du rapprochement.
Le rapprochement dans le domaine des sanctions pénales pourrait rencontrer plusieurs objectifs, qui se combinent entre eux:
- Tout d'abord, en établissant des incriminations et des sanctions communes à l'égard de certaines formes de criminalité, l'Union lancerait un message symbolique. Le rapprochement des sanctions contribuerait à donner aux citoyens un sentiment commun de justice, une des conditions de la mise en oeuvre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. [8] En outre, il signifierait clairement que certains comportements sont inacceptables et sanctionnés d'une manière équivalente. On peut penser, par exemple, à la répression de l'exploitation sexuelle des enfants. Le rapprochement portant sur l'incrimination d'un comportement ainsi que sur le niveau de sanction qui lui est attaché conduit à une protection effective et équivalente des citoyens dans tout le territoire de l'Union contre un phénomène qui va à l'encontre des principes et valeurs communs aux Etats membres.
[8] Voir point 15 du Plan d'action de Vienne.
- Par ailleurs, le corollaire d'un espace européen de justice serait que les mêmes comportements criminels soient soumis à des risques de sanctions similaires pour l'auteur, quel que soit le lieu de commission de l'infraction dans l'Union. Le rapprochement des législations constitue donc un objectif autonome, dans les domaines jugés prioritaires et identifiés comme tels. Un certain degré de rapprochement des dispositions de droit pénal matériel est nécessaire, compte tenu notamment du fait que certaines formes de criminalité revêtent une dimension transnationale et que les Etats membres ne peuvent pas s'y attaquer efficacement en agissant seuls.
- Des normes minimales de l'Union contribuent aussi à empêcher que les auteurs des infractions (ou au moins certaines catégories d'auteurs comme p.ex. ceux de la criminalité organisée) ne tirent avantage du fait que les peines sont très divergentes selon les Etats et ne se déplacent de l'un à l'autre pour éluder des poursuites pénales ou l'exécution de peines. Les conclusions de Tampere (point n°5) soulignent que les auteurs d'infractions ne doivent pouvoir, par aucun moyen, mettre à profit les différences entre les systèmes judiciaires des États membres. Ceci est particulièrement vrai dans le contexte de la criminalité financière.
- Les discussions au sein du Conseil sur le projet de décision-cadre relative au principe « ne bis in idem » ont également montré que l'application du principe contenu dans l'article 50 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union sera plus facilement acceptée si les peines applicables sont comparables, et effectivement appliquées.
- Si le niveau des peines applicables conditionnait la mise en oeuvre de certains mécanismes de coopération judiciaire en matière pénale, ceci n'est plus guère le cas suite à l'adoption d'instruments fondés sur le principe de la reconnaissance mutuelle.
- Il existe aussi un lien, comme l'indique l'article III-172(2) du Projet de Constitution, entre le rapprochement du droit pénal et la mise en oeuvre efficace d'une politique de l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation. On pourrait citer par exemple la protection de l'environnement, la sécurité du travail ou encore les transactions économiques et financières, comme des matières où le droit pénal pourrait contribuer à garantir le respect d'une politique de l'Union.
- Enfin, le rapprochement des règles de droit pénal concernant les sanctions et leur exécution contribue à faciliter l'acceptation de la reconnaissance mutuelle des jugements, puisqu'il renforce la confiance mutuelle. Le rapprochement n'est cependant pas une condition sine qua non de la reconnaissance mutuelle; il s'agit plutôt de deux mécanismes complémentaires permettant d'aboutir à la réalisation de l'espace judiciaire européen. La compatibilité des règles applicables dans les Etats membres serait donc facilitée, conformément à l'article 31(1)(c) TUE et, d'autre part, la coopération entre les autorités compétentes des Etats membres pour ce qui est de l'exécution des décisions - article 31(1)(a) TUE- s'en trouverait aussi améliorée. Des conditions d'exécution des peines compatibles entre les Etats membres favoriseraient la réintégration des personnes en leur permettant de purger leur peine dans un Etat membre différent de celui de la condamnation.
Néanmoins, toute action qui aurait pour objectif d'opérer un rapprochement des sanctions pénales doit évidemment respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Le Protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au Traité CE par le Traité d'Amsterdam, contient des lignes directrices d'application de ces principes. Il justifie une action de la Communauté lorsqu'il s'agit de matières transnationales, lorsqu'une action au seul niveau national ou l'absence d'action de la Communauté serait contraire aux exigences du Traité ou encore, lorsqu'une action menée au niveau communautaire présenterait des avantages manifestes en raison de ses dimensions ou de ses effets.
En vertu de l'article 2 TUE, ces lignes directrices sont applicables dans le contexte des compétences de l'Union. Afin de réaliser l'objectif de la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l'Union européenne fixé par le Traité, tout effort de rapprochement dans le domaine de l'application et de l'exécution des peines se justifie dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau de l'Union. Pour atteindre ces objectifs, les mesures de rapprochement envisagées pourraient se référer aux différents aspects concernant les sanctions qui correspondent, en quelque sorte, à quatre thèmes:
(1) quelles sanctions le droit pénal permet-il d'imposer ?
(2) comment les infractions sont-elles poursuivies ?
(3) comment les sanctions sont-elles prononcées ?
(4) comment les sanctions prononcées sont-elles exécutées ?
La Commission considère qu'il faudrait s'attacher à l'ensemble de la problématique et pas seulement au rapprochement des peines applicables. En effet, il n'est pas suffisant, par exemple, que des montants de peines similaires soient fixés dans les Etats membres, si une fois prononcées, les sanctions sont appliquées de façon plus souple ou plus sévère selon les pays. Le choix d'une sanction applicable entraîne nécessairement un choix quant aux modalités d'exécution de cette sanction.
Une politique cohérente concernant les sanctions pénales dans l'Union, doit donc au moins [9] s'interroger sur les quatre volets suivants, sans préjuger à ce stade de l'opportunité ou de la faisabilité d'une action de l'Union sur chacun de ces points:
[9] Pour rappel, en substance, c'est l'ensemble des facteurs suivants qui influe sur les sanctions pénales:
(1) le niveau des peines et la panoplie des sanctions disponibles (par exemple, peines privatives de liberté, peines alternatives à l'incarcération, sanctions pécuniaires, etc.);
(2) les règles en vigueur en matière des poursuites (par exemple, le principe de la légalité/opportunité des poursuites, les priorités en matière de politique criminelle...);
(3) les règles de droit pénal général (par exemple la participation, la tentative, la complicité, l'instigation, les circonstances aggravantes et atténuantes, la récidive, etc.);
(4) les règles et les pratiques en matière d'exécution des peines (par exemple, les différentes formes de libération conditionnelle, les remises et réductions de peines, l'amnistie, la grâce, la réhabilitation, l'intervention des autorités judiciaires ou autres dans l'exécution de la peine, les mesures d'individualisation de la peine en vue de la réintégration, etc.).
Afin de mener à bien ses réflexions sur ces questions, la Commission tiendra compte aussi des résultats d'une étude, publiée récemment, sur « L'harmonisation des sanctions pénales en Europe » [10], menée par l'Unité Mixte de Recherche de Droit Comparé de Paris. L'étude, qui a bénéficié d'un financement dans le cadre du programme Grotius, se concentre d'une part, sur la faisabilité d'un rapprochement des règles générales de droit pénal relatives à l'application des sanctions, et d'autre part, sur les règles qui encadrent l'exécution des peines. Les résultats de cette étude pourraient servir à préciser davantage, dans une étape ultérieure, les questions sur lesquelles une action au niveau de l'Union pourrait être envisagée.
[10] « L'harmonisation des sanctions pénales en Europe ». Dir: M. Delmas-Marty, G. Giudicelli-Delage, E. Lambert-Abdelgawad. Société de législation comparée. Collection de l'UMR de Droit comparé de Paris (Paris I- CNRS, vol.V), Paris, 2003.
1.2. Objectifs de la reconnaissance mutuelle
Aux termes de l'article 31, paragraphe 1, point a), du traité sur l'Union européenne, l'action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise entre autres à "faciliter et accélérer la coopération entre les ministères et les autorités judiciaires ou équivalentes compétentes des États membres [...] pour ce qui est de la procédure et de l'exécution des décisions". Cette disposition, introduite par le Traité d'Amsterdam, [11] ne mentionne pas le principe de reconnaissance mutuelle selon lequel des jugements ou autres décisions des autorités judiciaires d'un État membre (État membre de jugement) sont reconnus et - si nécessaire -exécutés dans un autre État membre (État d'exécution).
[11] Signé le 2 octobre 1997 et entré en vigueur le premier mai 1999.
C'est lors du Conseil européen de Cardiff, les 15 et 16 juin 1998, que la première mention de ce concept, emprunté au marché unique, a été faite et qu'il a été demandé au Conseil de déterminer dans quelle mesure il y avait lieu de l'étendre aux décisions des tribunaux des États membres [12].
[12] Conclusion n° 39 de la Présidence.
Evoquée au point 45 f) du plan d'action du Conseil et de la Commission, adopté le 3 décembre 1998, concernant les modalités optimales de mise en oeuvre des dispositions du Traité d'Amsterdam relatives à l'établissement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, l'idée de reconnaissance mutuelle a été reprise par le Conseil européen de Tampere d'octobre 1999, qui a estimé qu'elle devait devenir « la pierre angulaire de la coopération judiciaire tant en matière civile qu'en matière pénale au sein de l'Union européenne » (points 33 à 37). Selon la déclaration du Conseil européen de Tampere, « le renforcement de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et des jugements et le rapprochement nécessaire des législations faciliteraient la coopération entre autorités et la protection judiciaire des droits de la personne ». La reconnaissance mutuelle devrait donc garantir non seulement que les jugements seront appliqués, mais aussi qu'ils le seront de manière à protéger les droits de la personne. À titre d'exemple, la reconnaissance et l'exécution d'une décision dans un autre État membre doit également être recherchée lorsqu'elle permet une meilleure réinsertion sociale du délinquant.
Le Conseil européen de Tampere a demandé au Conseil et à la Commission d'adopter un programme de mesures destinées à mettre en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle [13].
[13] Conclusion n°37 de la Présidence.
Dans sa Communication du 26 juillet 2000 au Conseil et au Parlement sur la reconnaissance mutuelle des décisions finales en matière pénale [14], la Commission proposait des orientations de base en la matière.
[14] COM(2000)495 final.
Celles-ci ont été ensuite précisées dans un « Programme de mesures destiné à mettre en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales » [15]. Ce programme souligne que la reconnaissance mutuelle des décisions est un facteur de sécurité juridique au sein de l'Union européenne, dans la mesure où elle garantit qu'un jugement prononcé dans un État membre ne sera pas remis en question dans un autre État membre. Il note en outre que la mise en oeuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales suppose une confiance réciproque des États membres dans leurs systèmes de justice pénale respectifs. Cette confiance repose en particulier sur le socle commun que constitue leur attachement aux principes de liberté, de démocratie et de respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'état de droit. En outre, la confiance mutuelle est facilitée par le rapprochement des législations nationales, comme montre l'expérience de la coopération entre les pays nordiques (voir point 3.2.1.4.).
[15] JO C 12 du 15.1.2001, p. 10.
Le Projet de Constitution confirme cette méthode et cette approche. L'article III-171 prévoit ainsi que la coopération en matière pénale dans l'Union « est fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires et inclut le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres [...].»
1.3. Méthode et structure du livre vert.
Partant d'un état des lieux des mesures prises au niveau de l'Union européenne dans le domaine du rapprochement, de la reconnaissance mutuelle et de l'exécution des sanctions pénales dans un autre Etat membre (chapitre II), le Livre Vert dresse ensuite un bilan de la situation des législations des Etats membres sur les principes généraux du droit pénal, les sanctions et leur exécution ainsi que les accords internationaux conclus par les Etats membres en la matière (chapitre III, complété par les annexes I, II et III).
Dans sa dernière partie (chapitre IV), sont identifiés les problèmes qui subsistent malgré l'adoption d'un certain nombre de mesures au niveau de l'Union européenne en matière d'harmonisation et de reconnaissance mutuelle et la conclusion d'accords internationaux par les Etats membres. Cette partie démontrera, par des exemples, les obstacles réels ou potentiels au niveau juridique et pratique pour la réalisation de l'espace de justice. Basée sur cette analyse, ce chapitre abordera ensuite les besoins d'action de l'Union européenne que la Commission perçoit à ce stade, au regard des possibilités juridiques pour réaliser les objectifs. Ce chapitre se limite à traiter la reconnaissance mutuelle des sanctions privatives de liberté (y compris leurs modalités d'exécution) et des peines alternatives. En effet, des initiatives sont en cours de discussion au Conseil en ce qui concerne la reconnaissance de sanctions pécuniaires et de décisions de confiscations. Pour ce qui est des décisions de déchéances de droits, la Commission reviendra sur ce sujet dans une communication séparée. Les réactions au Livre Vert, et en particulier les réponses aux questions posées dans ce chapitre (voir annexe IV qui résume toutes les questions), permettront d'ajouter, de supprimer ou de modifier les besoins ressentis.
2. MESURES PRISES AU NIVEAU DE L'UNION EUROPEENE: ETAT DE LIEU
2.1. Rapprochement des sanctions.
2.1.1. Le Traité sur l'Union européenne.
Le Traité sur l'Union européenne (TUE), en dernier lieu modifié par le Traité de Nice, qui est entré en vigueur en février 2003, assigne à l'Union la réalisation de l'objectif d'offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice (article 29). Selon le Traité, cet objectif est atteint, entre autres, grâce au rapprochement, en tant que de besoin, des règles de droit pénal des Etats membres. En particulier, l'article 31(1)(e) prévoit l'adoption progressive « des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue».
Sous l'empire du Traité de Maastricht, on s'était déjà engagé sur la voie du rapprochement. Des actions communes ont défini des incriminations communes en matières comme le racisme et la xénophobie [16] ou la participation à une organisation criminelle [17], mais rien est précisé dans ces instruments quant au niveau des sanctions.
[16] JO L 185, du 24.7.1996, p. 5.
[17] JO L 351 du 29.12.1998, p. 1.
2.1.2. Le Plan d'action de Vienne.
Le Plan d'action du Conseil et de la Commission concernant les modalités optimales de mise en oeuvre des dispositions du Traité d'Amsterdam relatives à l'établissement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice [18], se réfère dans son point 46 au rapprochement des règles de droit pénal des Etats membres, dans les deux et cinq ans suivant l'entrée en vigueur du Traité, concernant un certain nombre d'infractions.
[18] JO C 19 du 23.1.1999, p. 1.
Sont mentionnés en particulier les comportements dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue, pour lesquels il est urgent et nécessaire d'instaurer des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables et, au besoin, d'arrêter d'autres mesures. Les premiers domaines envisagés pour cet examen pouvaient être, selon le Plan d'action et dans la mesure où ils sont liés à la criminalité organisée, au terrorisme et au trafic de drogue, les infractions telles que la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des enfants, les infractions à la législation contre le trafic de drogue, la corruption, la fraude informatique, les infractions commises par des terroristes, les infractions commises contre l'environnement, les infractions commises au moyen de l'Internet et le blanchiment d'argent lié à ces différentes formes de criminalité.
2.1.3. Conclusions du Conseil européen de Tampere.
Le Conseil européen de Tampere d'octobre 1999, au paragraphe 48 de ses conclusions, a estimé que "en ce qui concerne le droit pénal national, les efforts visant à trouver un accord sur des définitions, des incriminations et des sanctions communes doivent porter essentiellement, dans un premier temps, sur un nombre limité de secteurs revêtant une importance particulière, tels que la criminalité financière (blanchiment d'argent, corruption, contrefaçon de l'euro), le trafic de drogue, la traite des êtres humains, notamment l'exploitation des femmes, l'exploitation sexuelle des enfants, la criminalité utilisant les technologies avancées et la criminalité au détriment de l'environnement".
Il y a donc une obligation de procéder à un rapprochement des sanctions, lequel découle aussi bien du Traité même et du Plan d'action de Vienne, que de la volonté politique des chefs d'État et de Gouvernement exprimée dans les conclusions du Conseil européen de Tampere.
2.1.4. Instruments adoptés ou en cours de négociation.
Tous les domaines cités dans le Traité sur l'Union européenne, le Plan d'action de Vienne et les conclusions de Conseil européen de Tampere, ont déjà fait l'objet d'initiatives des Etats membres ou de propositions de la Commission qui ont été adoptés ou sont en cours de négociation. On les mentionne ensuite en fonction du type de peines prévues:
2.1.5. Sanctions privatives de liberté.
La formule utilisée pour l'harmonisation des sanctions applicables a été d'établir au moins des peines effectives, proportionnées et dissuasives, et de plus en plus de fixer le minimum de la peine maximale. Les instruments adoptés sont:
-la décision-cadre du Conseil du 29 mai 2000 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux-monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro [19]: elle prévoit des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives incluant des peines privatives de liberté susceptibles de donner lieu à l'extradition. Pour un nombre de comportements couverts par l'instrument, des peines privatives de liberté, dont le maximum ne peut être inférieur à huit ans, sont envisagées.
[19] JO L 140 du 14.6.2000, p. 1
-La décision-cadre du Conseil du 28 mai 2001 concernant la lutte contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces [20] : elle prévoit des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives comprenant, au moins dans les cas graves, des peines privatives de liberté pouvant justifier une extradition.
[20] JO L 149 du 2.6.2001, p. 1.
-La décision-cadre du Conseil du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d'argent, l'identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime [21]: elle prévoit que le délit de blanchiment sera passible de peines privatives de liberté dont le maximum ne peut être inférieur à quatre ans.
[21] JO L 182 du 5.7.2001, p. 1.
-La décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme [22]: elle prévoit des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives susceptibles d'entraîner l'extradition. Ces infractions, lorsque la motivation terroriste existe, doivent être passibles de peines privatives de liberté les plus sévères prévues par le droit national pour de telles infractions en l'absence de cette motivation. En ce qui concerne les infractions relatives à un groupe terroriste, elles doivent être passibles de peines privatives de liberté maximales ne pouvant être inférieures à huit ans pour la participation aux activités de ces groupes et à 15 ans pour la direction d'un groupe terroriste.
[22] JO L 164 du 22.6.2002, p. 3.
-La décision-cadre du Conseil du 19 juillet 2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains [23] : elle prévoit que les Etats membres doivent faire en sorte que les infractions visées soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, susceptibles de donner lieu à extradition.
[23] JO L 203 du 1.8.2002, p. 1.
-La directive 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002 et la décision-cadre du Conseil du 28 novembre 2002 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers [24]: elle prévoit que les Etats membres doivent faire en sorte que les infractions visées soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, susceptibles d'entraîner l'extradition.
[24] JO L 328 du 5.12.2002, pages 1 et 17.
-La décision-cadre du Conseil du 27 janvier 2003 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal [25] elle prévoit des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives susceptibles, au moins dans le cas le plus graves, d'entraîner l'extradition. Pour les personnes physiques, la déchéance du droit d'exercer une activité nécessitant une autorisation officielle est aussi prévue.
[25] JO L 29 du 5.2.2003, p. 55. La Commission a déposé un recours contre le Conseil devant la Cour de Justice. Ce recours en légalité vise à faire reconnaître que la Décision-cadre empiète sur la compétence communautaire pour imposer que les Etats membres prennent des sanctions, le cas échéant, pénales, lorsque cela s'avère nécessaire pour atteindre un objectif communautaire.
-La décision-cadre du Conseil du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé [26]: elle prévoit des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. Pour quelques comportements, le niveau maximal de la peine privative de liberté doit être au moins entre un et trois ans.
[26] JO L 192 du 31.7.2003, p. 54.
-La décision-cadre du Conseil du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie [27]: elle prévoit des sanctions pénales dont le maximum doit atteindre au moins entre un et trois ans de peine privative de liberté.
[27] JO L 13 du 20.1.2004, p. 44.
En revanche, l'action commune adoptée par le Conseil le 21 décembre 1998 [28], relative à l'incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les Etats membres de l'Union européenne, ne prévoit pas de niveau minimal de peine.
[28] JO L 351 du 29.12.1998, p. 1.
D'autres instruments sont en cours de discussion:
-Proposition de décision-cadre du Conseil concernant l'établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue [29]. Un accord politique a été enregistré lors du Conseil JAI des 27-28 novembre 2003.
[29] Proposition de décision-cadre du Conseil concernant l'établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue présentée par la Commission le 23 mai 2001, COM(2001)259, JO C 270 E du 25.9.2001, p. 144.
-Proposition de décision-cadre du Conseil sur le racisme et xénophobie [30]: elle prévoit des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. Pour quelques comportements, le niveau maximal de la peine privative de liberté doit être au moins entre un et trois ans.
[30] Proposition de décision-cadre du Conseil concernant la lutte contre le racisme et la xénophobie présentée par la Commission le 29 novembre 2001; COM (2001) 664, JO C 75 E, du 26.03.2002, p. 269
-Proposition de décision-cadre du Conseil relative aux attaques visant les systèmes d'information [31] : elle prévoit des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. Pour quelques comportements, le niveau maximal de la peine privative de liberté doit être au moins entre un et trois ans. Un accord politique a été enregistré lors du Conseil JAI des 27 et 28 février 2003.
[31] Proposition de décision-cadre du Conseil relative aux attaques visant les systèmes d'information présentée par la Commission le 19 avril 2002; JO C 203 E du 27.8.2002, p. 109.
-Projet de décision-cadre du Conseil relative à la prévention du trafic d'organes et de tissus d'origine humaine et à la lutte contre ce phénomène [32].
[32] Initiative de la République hellénique concernant l'adoption d'une décision-cadre relative à la prévention du trafic d'organes et de tissus d'origine humaine et à la lutte contre ce phénomène ; JO C 100, du 26.4.2003, p. 27.
-Proposition de décision-cadre du Conseil visant le renforcement du cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires : [33] elle prévoit des peines d'emprisonnement de cinq à dix ans au moins dans les cas les plus graves, ainsi que des amendes pénales ou non pénales. Les négociations sur cette proposition ont débuté au sein du Conseil.
[33] COM(2003)227 du 2.5.2003.
La déclaration du Conseil annexée à la décision-cadre relative au mandat d'arrêt et aux procédures de remise entre Etats membres [34], adoptée le 13 juin 2002, invite à poursuivre cette harmonisation par rapport aux infractions citées à l'article 2(2) de la décision-cadre [35], qui n'ont pas fait l'objet d'un rapprochement au niveau de l'Union. Cette déclaration ne dispense cependant pas d'un examen de la nécessité au cas par cas de continuer l'exercice au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. En ce qui concerne le niveau de peines, suite aux réflexions menées pendant les Présidences belge et espagnole, le Conseil JAI des 25 et 26 avril 2002 a adopté des conclusions fixant l'approche à suivre en matière d'harmonisation des peines, avec notamment la mise en place de fourchettes qui ont pour but de fixer le minimum de la peine maximale applicable, à savoir:
[34] JO L 190 du 18.7.2002, p. 1.
[35] L'article 2(2) de la décision se réfère à une liste de 32 infractions.
-niveau 1: peines dont le maximum est au moins entre 1 an et 3 ans de privation de liberté ;
-niveau 2: peines dont le maximum est au moins entre 2 et 5 ans de privation de liberté ;
-niveau 3: peines dont le maximum est au moins entre 5 et 10 ans de privation de liberté ;
-niveau 4: peines dont le maximum est au-delà de 10 ans de privation de liberté.
Le texte des conclusions prévoit expressément la possibilité d'aller au-delà du niveau 4 dans des circonstances particulières. Par exemple, la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme [36] prévoit des peines privatives de liberté maximales ne pouvant être inférieures à 15 ans pour la direction d'un groupe terroriste.
[36] JO L 164 du 22.6.2002, p. 3.
Il faut noter que la présentation en fourchettes est purement optique: en réalité, seul le seuil de chaque niveau est pertinent, puisqu'il s'agit d'un maximum applicable qui doit être au moins de 1, 2, 5 et 10 ans respectivement.
Aucun instrument de l'Union ne permet par contre de fixer le minimum de peine. Il faut rappeler que la déclaration n°8 au Traité d'Amsterdam prévoit qu'un Etat membre qui ne prévoit pas des peines minimales ne peut être obligé à les adopter.
En ce qui concerne les modalités d'exécution des sanctions privatives de liberté (telles que p.ex. le sursis, la suspension et l'ajournement du prononcé de la peine, la semi-liberté, le fractionnement de l'exécution de la peine, la surveillance électronique et la détention à domicile), il est à noter que l'Union européenne n'a pas adopté de législation.
2.1.6. Sanctions pécuniaires.
Comme constaté précédemment, jusqu'à maintenant, la démarche concernant le rapprochement des sanctions au niveau de l'Union s'est limitée à la peine privative de liberté.
Néanmoins, la Commission, dans sa proposition de décision-cadre du Conseil visant le renforcement du cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires [37], vient de proposer une échelle fixant le niveau minimal des peines d'amendes maximales susceptibles d'être infligées, en application de la proposition de directive qu'elle complète [38], aux personnes physiques ou morales responsables de la commission des infractions couvertes par cette même directive. La Commission a considéré que pour ce type d'infractions, la peine d'amende serait plus adéquate que des peines privatives de liberté.
[37] Voir supra, point 2.1.5.
[38] Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil relative à la pollution par les navires et à l'introduction de sanctions, notamment pénales, en cas d'infraction de pollution (COM(2003)92 final du 5.3.2003).
Deux niveaux de sanctions sont prévus. Le premier, de 1 à 10% du chiffre d'affaires, concerne les hypothèses qui ne doivent pas nécessairement donner lieu au prononcé de peines de prison en application de la directive. Le second, de 10 à 20% du chiffre d'affaires, concerne les cas les plus graves, susceptibles de donner lieu au prononcé de peines de prison en application de la directive.
D'autres critères d'harmonisation seraient cependant concevables, et sont actuellement discutés dans les enceintes du Conseil. Par exemple, celui tiré de l'ampleur du dommage causé (de la pollution causée en l'occurrence) qui paraît peu susceptible d'être retenu, compte tenu de ce qu'il pourrait être lu comme une forme d'encouragement à des dommages mineurs, ou bien encore celui de la fixation d'un montant minimum de la peine d'amendes, assorti de la possibilité de porter ce montant à l'équivalent des deux tiers de la valeur de la cargaison transportée ou du fret du navire qui est à l'origine de l'infraction. Les discussions sur cet instrument se poursuivent au sein du Conseil.
2.1.7. Déchéances.
Aux fins du présent Livre Vert, on entend comme déchéance, une peine privative ou restrictive de droits ou une mesure préventive, par laquelle une personne physique ou morale, pour une période limitée ou illimitée, est interdite d'exercer certains droits, d'occuper une certaine fonction, d'exercer une activité, de se rendre en certains lieux ou de réaliser certains actes.
Au niveau de l'Union, quelques décisions-cadre adoptées ou proches de l'être prévoient la possibilité d'imposer des déchéances dans l'exercice de certaines activités professionnelles. Ainsi, la décision-cadre du Conseil concernant la répression de l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers [39] prévoit la possibilité d'imposer l'interdiction d'exercer directement ou par personne interposée l'activité professionnelle dans l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
[39] Article premier, paragraphe 2, JO L 328 du 5.12.2002, p. 1.
La décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie prévoit quant à elle que les Etats membre doivent prendre les mesures pour s'assurer qu'une personne qui a été condamnée pour une des infractions couvertes par l'instrument, puisse être temporairement ou définitivement interdite d'exercer des activités professionnelles liées à la surveillance des enfants. La Décision-cadre relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé contient une disposition qui oblige les Etats membres à prendre des mesures pour permettre qu'une personne condamnée pour corruption active ou passive dans le secteur privé, puisse être temporairement interdite d'exercer une activité équivalente si certains conditions sont remplies.
2.1.8. Confiscations.
La mesure de confiscation a été l'objet d'un certain rapprochement au niveau de l'Union européenne. La décision-cadre du Conseil du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d'argent, l'identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime, [40]prévoit que, dans la mesure où l'infraction est punie d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'une durée maximale supérieure à un an, les Etats membres ne peuvent pas formuler ou maintenir de réserves à l'article 2 de la Convention du Conseil de l'Europe de 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime [41]. Cette dernière disposition prévoit que chaque Partie à la Convention doit adopter les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour lui permettre de confisquer des instruments et des produits ou des biens dont la valeur correspond à ces produits. Les Etats Membres devaient adopter les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de la décision-cadre au plus tard le 31 décembre 2002. La Commission soumettra bientôt un rapport sur la mise en oeuvre par les Etats membres de la décision-cadre.
[40] JO L 182 du 5.7.2001, p. 1. Articles premier et 3.
[41] Traités du Conseil de l'Europe, N° 141. Ouverte à la signature le 8 novembre 1990, entrée en vigueur le 1er septembre 1993, disponible sur http:// conventions.coe.int
Cette décision-cadre s'applique donc de manière horizontale, dans la mesure où l'infraction est punie d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'une durée maximale supérieure à un an. Néanmoins, d'autres instruments sectoriels prévoient aussi des dispositions spécifiques sur la confiscation, à savoir : la décision-cadre du Conseil concernant la répression de l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers [42]et la proposition de décision-cadre concernant l'établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue [43].
[42] Article premier, paragraphe 2, JO L 328 du 5.12.2002, p. 17.
[43] Article 4, JO C 270 E du 25.9.2001, p. 144.
En août 2002, le Danemark a présenté une initiative en vue de l'adoption d'une décision-cadre du Conseil relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens du crime [44] estimant que les instruments qui existaient dans ce domaine n'ont pas suffisamment contribué à assurer une coopération transfrontière efficace en matière de confiscation, puisqu'un certain nombre d'Etats membres n'étaient toujours pas en mesure de confisquer les produits de toutes les infractions passibles de peines privatives de liberté d'une durée supérieure à un an.
[44] Initiative du Royaume de Danemark en vue de l'adoption de la décision-cadre du Conseil relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens du crime, JO C 184, 2.8.2002, p. 3.
Lors du Conseil JAI de décembre 2002 un accord politique a été dégagé sur cet instrument destiné à rapprocher les législations sur la peine ou la mesure de confiscation. Cet instrument vise à permettre la confiscation des instruments et des produits provenant d'infractions pénales passibles d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à un an ou de biens dont la valeur correspond à ces produits. L'instrument constitue une avancée par rapport à la décision-cadre de 2001, puisqu'il contient aussi des pouvoirs de confiscation élargis à l'égard d'une liste d'infractions.
2.1.9. Sanctions à l'encontre des personnes morales.
Depuis l'adoption en 1997 du deuxième protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes [45], qui prévoyait que chaque Etat membre devrait prendre les mesures nécessaires pour assurer que les personnes morales puissent être tenues pour responsables d'un fait de fraude, de corruption active et de blanchiment de capitaux, de nombreux instruments législatifs fondés sur le Titre VI du TUE, adoptés ou en cours d'adoption, contiennent ce type de dispositions qui obligent les Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour que les personnes morales puissent être tenues responsables pour les infractions visées dans l'instrument, et à prévoir des sanctions.
[45] JO C 221 du 19.7.1997, page 11.
Ces instruments n'obligent pas les Etats membres à établir une responsabilité pénale pour les personnes morales -celle-ci peut être administrative- compte tenu du fait que la responsabilité pénale des personnes morales n'est pas connue dans tous les Etats membres. La responsabilité établie pour les personnes morales n'est pas générale mais limitée aux infractions concrètes et les sanctions prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives, y inclus des amendes pénales ou non pénales. D'autres sanctions peuvent aussi être imposées, notamment des mesures d'exclusion du bénéfice de tout avantage ou aide octroyé par les pouvoirs publics, des mesures d'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une activité commerciale, le placement sous surveillance judiciaire et une mesure judiciaire de dissolution [46].
[46] Voir décision-cadre du Conseil concernant la lutte contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces (articles 7 et 8); décision-cadre du Conseil visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro (articles 8 et 9); décision-cadre du Conseil relative au trafic des êtres humains (articles 4 et 5); décision-cadre du Conseil concernant les entrées, transits et séjours irréguliers (articles 2 et 3); décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme (articles 7 et 8); décision-cadre relative à l'exploitation sexuelle des enfants et à la pédopornograhie (articles 6 et 7); proposition de décision-cadre relative au trafic de drogues (articles 7 et 8); proposition de décision-cadre relative à la lutte contre le racisme et la xénophobie (articles 9 et 10); proposition de décision-cadre relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé (articles 6 et 7) et proposition de décision-cadre du Conseil relative aux attaques visant les systèmes d'information (articles 9 et 10).
La décision-cadre du Conseil relative au trafic des êtres humains, la décision-cadre relative à l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornograhie et la proposition de décision-cadre relative au trafic de drogues prévoient aussi la fermeture temporaire ou définitive d'établissements ayant servi à commettre l'infraction.
On peut constater que chaque fois qu'au niveau de l'Union un rapprochement des éléments constitutifs des infractions a été réalisé dans un secteur particulier, ceci a été accompagné par un rapprochement de sanctions imposées aux personnes physiques et morales.
D'autre part, les instruments horizontaux sur la confiscation et sur la reconnaissance des amendes s'appliquent aussi aux personnes morales, même pour des infractions non harmonisées.
2.1.10. Sanctions alternatives.
Vu les différences considérables qui existent entre le droit pénal des États membres, en particulier en ce qui concerne la classification des peines en peines principales [47], complémentaires [48] ou accessoires [49], il n'est pas étonnant de constater que le terme de « sanction ou peine alternative » n'est pas interprété de la même façon dans les Etats membres. En France, par exemple, la peine alternative ou peine de substitution est celle que la loi nationale permet au juge de prononcer en remplacement d'une ou de plusieurs peines principales. Les peines alternatives y consistent dans les peines privatives ou restrictives de droits énumérées par l'article 131-6 du code pénal français [50], le travail d'intérêt général ou le jour-amende. Par contre, en Allemagne, le jour-amende est une peine principale car il est le seul mode pour calculer les amendes [51] et en Belgique le travail d'intérêt général a été introduit récemment comme peine principale (voir en bas).
[47] Dans la plupart des Etats membres, il existe deux peines principales, la privation de liberté et l'amende que les législateurs des Etats membres prévoient alternativement ou cumulativement.
[48] En droit français, la peine complémentaire est celle que le juge peut ajouter, lorsque le texte réprimant l'infraction la prévoit expressément, à la peine principale.
[49] Il s'agit de peines qui résultent de plein droit de la condamnation et qui s'appliquent, en conséquence, conjointement avec la peine principale, dans certains États membres (par exemple en France) sans que le juge les prononce.
[50] 1) La suspension du permis de conduire; 2) l'interdiction de conduire certains véhicules; 3) l'annulation du permis de conduire, 4) la confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné;5) l'immobilisation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné; 6) L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation; 7) la confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition; 8) le retrait du permis de chasser; 9) l'interdiction d'émettre des chèques; 10) la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit; 11) l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction.
[51] « Tagessatzsystem » de l'art.40 du code pénal allemand (StGB).
Pour éviter de se perdre dans une comparaison complexe des classifications selon les 15 systèmes de droit pénal des Etats membres, la définition suivante est suggérée : aux fins du présent Livre vert, on entend par « sanctions alternatives » des sanctions qui sont imposées à des personnes physiques ou acceptées par elles dans le cadre de procédures de médiation pénale ou de procédures transactionnelles, et qui ne sont ni des sanctions privatives de liberté (ou des modalités d'exécution de telles sanctions), ni des amendes, des confiscations ou des déchéances de droit. [52]
[52] Même s'il y a quelques Etats membres qui comptent les déchéances de droits parmi les sanctions alternatives.
Cette définition équivaut plutôt au terme anglais: "community sanctions" (sanctions et mesures appliquées dans la communauté) pour lequel la recommandation n° R (92) 16 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe relative aux règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté - qui consacre un ensemble de mesures alternatives à l'emprisonnement - donne, en son annexe, la définition suivante: "La notion de "sanctions et mesures appliquées dans la communauté" se réfère à des sanctions et mesures qui maintiennent le condamné dans la communauté et impliquent une certaine restriction de sa liberté par l'imposition de conditions et/ou d'obligations, et qui sont mises à exécution par des organismes prévus par les dispositions légales en vigueur. Cette notion désigne les sanctions décidées par un tribunal ou un juge, et les mesures prises avant la décision imposant la sanction ou à la place d'une telle décision, de même que celles consistant en une modalité d'exécution d'une peine d'emprisonnement hors d'un établissement pénitentiaire." [53]
[53] Cf. aussi la liste des sanctions et mesures alternatives énumérées au point 1 de la recommandation n° R (2000) 22 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe concernant l'amélioration de la mise en oeuvre des règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, adoptée le 29 novembre 2000 , ainsi qu'à la résolution n° (76) 10 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur certaines mesures de substitution aux peines privatives de liberté, adoptée le 9 mars 1976.
En ce qui concerne l'Union européenne, il faut cependant constater qu'il n'y a pas de législation ayant trait aux sanctions alternatives.
2.1.11. Exécution des sanctions pénales
Selon l'article 31, premier paragraphe, lettre c) TUE, l'action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise, entre autres à « assurer, dans la mesure nécessaire à l'amélioration de cette coopération, la compatibilité des règles applicables dans les Etats membres » ce qui couvre aussi les règles sur l'exécution des sanctions pénales.
Bien que l'Union européenne dispose donc d'une compétence dans le domaine de l'exécution de sanctions pénales, ses actions dans ce domaine ne sont pas encore très développées. Un certain nombre de recherches et de réflexions ont cependant été menées, soutenues par quelques initiatives de l'Union ou financées par elle [54].
[54] Exemples de projets et mesures : 1. Le projet « European citizens in prison abroad » (financé dans le cadre du programme GROTIUS - II (Penal). 2001/GRP/020) vise, entre autres, à créer et soutenir un réseau composé d'organisations non gouvernementales qui représentent les besoins de citoyens européens incarcérés. 2. Le projet « Des innovations pour une réinsertion durable des délinquants - modèles de réforme dans les Etats de l'UE » (financé dans le cadre du programme GROTIUS - II (Penal) ; 2002/GRP/019) traite des questions d'un encadrement de la réinsertion des détenus, sur base d'une comparaison systématique des expériences faites dans les différents Etats membres. 3. Le projet HERO (Health and Educational Support for the Rehabilitation of Offenders) est un projet « e-learning » de la DG Education et culture. C'est un projet de développement de recherche et technologie, financé par la Commission européenne dans de cadre du Programme de technologie de la société de l'information (IST). Le Programme HERO aborde deux problèmes auxquels la plus part des sociétés doivent faire face: comment améliorer les conditions dans les prisons et comment réduire le niveau de récidive et réduire ainsi le croissant nombre de personnes envoyées en prison. HERO aborde ces problèmes sous deux angles. D'abord, en aidant les prisonniers et le personnel des prisons à prendre des décisions sur des sujets tels que la santé ou l'éducation d'une manière plus efficace et avec plus d'information. Deuxièmement, en aidant les auteurs des infractions à mieux se préparer pour sa mise en liberté et pour la vie à l'extérieur de la prison. 4. Projet de résolution des représentants des gouvernements des Etats membres, réunis au sein du Conseil, concernant le traitement des toxicomanes en prison, Document n° 10497/4/02, REV 4, CORDROGUE 54). Ce projet de résolution lance un appel aux Etats membres pour qu'ils explorent la possibilité d'introduire ou d'étendre des programmes qui favorisent et améliorent la santé des toxicomanes en prison et qu'ils veillent à ce que le traitement des toxicomanes en prison vise à leur réhabilitation et à la prévention d'infractions futures. 5. Etude réalisée en 2003 par l'Unité Mixte de Recherche de Droit Comparé de Paris sous la direction de Mmes Delmas-Marty, Guidicelli-Delage et Lambert-Abdelgawad sur « L'harmonisation des sanctions pénales en Europe ».
2.1.12. Conclusions.
On doit constater que le rapprochement du droit pénal materiel mené au niveau de l'Union, reste très limité. En effet, tous les domaines de la criminalité ne sont pas couverts et les incriminations sont parfois explicitement minimales ou contiennent des dérogations [55] Par ailleurs, certains comportements à incriminer ne sont pas définis dans les instruments et sont perçus différemment dans les Etats membres (par exemple: tentative, participation, instigation).
[55] Par exemple, la Décision-cadre du 28 mai 2001 concernant la lutte contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autre que les espèces, ne couvre pas tous les moyens de paiement ; la proposition de Décision-cadre relative aux attaques aux systèmes d'information qui a fait l'objet d'accord politique lors du Conseil JAI de février 2003, laquelle permet d'exclure l'incrimination des attaques illicites lorsqu'il n'y a pas eu infraction d'une mesure de sécurité.
Il faut aussi rappeler qu'en ce qui concerne le rapprochement des sanctions, l'exercice s'est limité à établir, pour les sanctions applicables, soit des peines effectives, proportionnées et dissuasives, soit de fixer le minimum de la peine maximale. En effet, au-delà de la peine d'emprisonnement, il existe un large éventail de sanctions prévues dans les systèmes pénaux des Etats membres.
En outre, même si l'on fixe la même peine applicable à une infraction, il y a des divergences importantes dans les règles générales de droit pénal des Etats membres, qui amènent à une différence entre la peine prononcée et exécutée (par exemple en ce qui concerne la recherche active des délits, l'application du principe de légalité ou d'opportunité des poursuites, le niveau de peine prononcé et la peine réellement exécutée).
2.2. Reconnaissance mutuelle et exécution des sanctions pénales dans un autre Etat membre.
Dans le domaine de la reconnaissance mutuelle et de l'exécution des sanctions pénales dans un autre Etat membre, les mesures suivantes ont été adoptées ou sont en train d'être adoptées au Conseil ou d'être préparées à la Commission :
2.2.1. Mandat d'arrêt européen.
Le 13 juin 2002, le Conseil a adopté une décision-cadre « relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres » [56] qui est entrée en vigueur le 7 août 2002. Elle devait être transposée par les États membres avant le 31 décembre 2003. Ce mandat d'arrêt européen constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice. Son objet est de remettre la personne en question à l'État membre qui l'a condamnée (art. 1 (1)). Il permet toutefois à l'autorité judiciaire d'exécution de refuser d'exécuter le mandat d'arrêt européen lorsque la personne recherchée demeure dans l'État membre d'exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s'engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne- art. 4 (6) de la décision-cadre.
[56] JO L 190 du 18.07.2002, p. 1.
2.2.2. Reconnaissance de sanctions pécuniaires.
Dans ce domaine, une initiative du Royaume-Uni, de la République française et du Royaume de Suède en vue de l'adoption par le Conseil d'une décision-cadre concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires [57] a reçu un accord politique au Conseil le 8 mai 2003. Cette initiative correspond à la conclusion n° 37 du Conseil de Tampere et à la mesure n° 18 du programme de mesures destinées à mettre en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle qui se réfère à « l'élaboration d'un instrument permettant d'assurer le recouvrement par l'État de résidence des peines d'amende infligées à titre définitif à une personne physique ou morale par un autre État membre ». La décision-cadre sera applicable à toute décision qui, à titre définitif, inflige une sanction pécuniaire à une personne physique ou morale. La décision prononçant la sanction pécuniaire pourra être adoptée par une juridiction ainsi que par une autorité administrative, pour autant que l'intéressé ait eu la possibilité de faire porter l'affaire devant une juridiction ayant compétence notamment en matière pénale.
[57] JO C 278 du 2.10.2001, p. 4.
La mesure n° 18 susmentionnée prévoit que l'instrument à adopter devrait intégrer aussi des dispositions sur la procédure en cas de défaut de paiement. Le projet actuel ne prévoit cependant rien à cet égard. La question se pose donc de savoir si le projet susmentionné devrait être complété par un autre instrument.
2.2.3. Reconnaissance de décisions de confiscations.
Le gouvernement danois a soumis en 2001 une initiative en vue de l'adoption d'une décision-cadre du Conseil relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de confiscation [58]. Cette initiative prévoit la reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation entre les États membres et complète le projet de décision-cadre relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve [59]. Elle n'a pas encore été adoptée par le Conseil. Elle met en oeuvre la mesure 19, premier tiret, du programme de mesures destiné à mettre en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales (« Examiner: ...en particulier, si les causes de refus d'exécution d'une mesure de confiscation figurant à l'article 18 de la convention de 1990 sont toutes compatibles avec le principe de reconnaissance mutuelle ») [60], sans couvrir cependant l'objectif prévu au deuxième tiret de la mesure n°19 (« Examiner ... comment améliorer la reconnaissance et l'exécution immédiate dans un État membre d'une décision prise par un autre État membre en vue de protéger les intérêts d'une victime, lorsqu'une telle décision est incluse dans une décision de condamnation pénale »), qui reste à réaliser.
[58] JO C 184 du 2.8.2002, p. 8.
[59] La France, la Suède et le Royaume de Belgique ont soumis en 2001 une initiative relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel des avoirs ou des preuves (JO C 75 du 07.03.2001, p. 3), qui vise à rendre immédiatement exécutoire dans un État membre une décision de gel prise par un autre Etat membre, sans que l'Etat membre d'exécution ne doive prendre de nouvelle décision.
[60] « Objectif: Améliorer l'exécution dans un État membre d'une décision de confiscation, notamment aux fins de restitution à la victime d'une infraction pénale, prise dans un autre État membre, compte tenu de l'existence de la convention européenne du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime.»
2.2.4. Reconnaissance de décisions de déchéances de droits.
En ce qui concerne la reconnaissance de décisions de déchéances de droits, le programme de mesures destinées à mettre en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle prévoit d' «étendre progressivement l'effectivité des sanctions de déchéance de droit à l'ensemble du territoire de l'Union européenne: pour être efficaces dans le contexte de l'espace européen, certaines sanctions devraient, en effet, être reconnues et exécutées dans toute l'Union européenne ». Pour la réalisation de cet objectif, le programme prévoit les mesures suivantes :
Mesure n° 20: « Établir un inventaire des déchéances, interdictions, incapacités communes à tous les États membres prononcées à l'encontre d'une personne physique ou morale, à l'occasion ou à la suite d'une condamnation. »
Mesure n° 21: « Réaliser une étude de faisabilité permettant de déterminer quelle est la meilleure manière de parvenir, en tenant pleinement compte des exigences relatives aux libertés individuelles et à la protection des données, à l'information des autorités compétentes de l'Union européenne à propos des mesures de déchéances, interdictions et incapacités prononcées dans un État membre. Cette étude devra envisager la méthode la meilleure entre: a) la facilitation des échanges bilatéraux d'information; b) la mise en réseau des fichiers nationaux; c) la constitution d'un véritable fichier central européen. »
Mesure n° 22: « Élaborer un ou plusieurs instruments permettant de rendre effectives les déchéances ainsi inventoriées dans l'État de résidence du condamné et d'étendre certaines déchéances à l'ensemble du territoire de l'Union européenne au moins pour certaines catégories d'infractions et de déchéances. La question de l'extension de la sanction d'interdiction du territoire prononcée dans l'un des États membres à l'ensemble de l'Union européenne devrait également être abordée dans ce cadre. »
Le Danemark a présenté en 2002 une initiative « en vue de l'adoption d'une décision du Conseil relative au renforcement de la coopération entre les Etats membres de l'Union européenne en ce qui concerne les décisions de déchéance de droits ». [61] Cette initiative qui est actuellement devant le Conseil, s'applique à la « déchéance de droits qui est infligée à une personne physique dans un jugement ou en conséquence d'une condamnation pénale et qui limite l'accès de la personne condamnée à l'emploi, à l'exclusion des décisions de déchéance du droit de conduire.» Le projet de décision ne prévoit entre États membres que l'échange d'informations au sujet des décisions de déchéance de droits. Il n'entraîne cependant aucune reconnaissance mutuelle des décisions de déchéance de droits. Il devrait néanmoins faciliter les progrès futurs en la matière, conformément à la mesure n°22 du programme de mesures.
[61] JO C 223 du 19.09.2002 p.17.
La déchéance du droit de conduire est couverte par une convention de l'Union européenne relative aux décisions de déchéance du droit de conduire du 17 juin 1998 (voir point 3.2.3.).
2.2.5. Accords conclus entre les Etats membres de la Communauté Européenne dans le cadre de la Coopération politique européenne (CPE).
En liaison avec la reconnaissance des décisions définitives en matière pénale, il y a lieu d'avoir à l'esprit plusieurs accords élaborés entre les Etats membres de la Communauté Européenne dans le cadre de la Coopération politique européenne (CPE) qui appliquent et complètent des conventions du Conseil de l'Europe. L'effort mené par ces accords conclus entre les Etats membres de la Communauté Européenne n'a cependant pas été très fructueux puisqu'ils n'ont pas été ratifiés par tous les Etats Membres et de nombreuses réserves ont été introduites. Pour de raisons systématiques et pour faciliter leur compréhension, ces accords entre les Etats membres de la Communauté Européenne vont être présentées et analysées dans le contexte des conventions du Conseil de l'Europe auxquelles ils se réfèrent (voir chapitre 3.2., en particulier 3.2.1.2. et 3.2.1.7.)
2.2.6. Conclusions.
Malgré l'adoption de la décision-cadre « relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres », qui constitue un grand progrès dans le domaine de la reconnaissance mutuelle, et même si on peut espérer que les projets en discussion ou en préparation sur la reconnaissance de sanctions pécuniaires, des décisions de confiscations et des décisions de déchéances de droit seront adoptés dans un proche avenir, on ne peut pas s'empêcher de constater que l'arsenal d'instruments de reconnaissance mutuelle au niveau de l'Union européenne reste assez incomplet. En particulier, pratiquement aucune réglementation n'existe à ce niveau sur la reconnaissance mutuelle de sanctions privatives de liberté et de leur exécution dans un autre Etat membre.
3. SITUATION ACTUELLE : LEGISLATIONS NATIONALES ET ACCORDS INTERNATIONAUX.
3.1. Une très grande diversité entre les Etats membres.
Les différences entre les législations des Etats membres en matière des sanctions sont donc assez considérables. La Commission n'a pas l'intention dans ce Livre Vert de procéder à un examen exhaustif, mais considère utile de donner un aperçu général de ces différences.
3.1.1. Règles de droit pénal général [62].
[62] Pour l'élaboration de ce chapitre, les informations contenues dans le document 12432/01 DROIPEN 83 et dans l'étude sur « L'harmonisation des sanctions pénales en Europe (voir note en bas de page n°10) ont été utilisées.
3.1.1.1. Les principes en matière d'engagement des poursuites: légalité ou opportunité.
Les systèmes pénaux des Etats membres sont divisés en ce qui concerne les principes d'opportunité et de légalité pour l'engagement des poursuites. Le principe d'opportunité est appliqué en Belgique, en France, au Danemark, en Irlande, au Royaume-Uni, au Luxembourg et aux Pays-Bas. En Allemagne, en Autriche, en Espagne, en Finlande, en Suède, en Grèce, en Italie et au Portugal c'est le principe de légalité qui s'applique.
Conformément au principe de légalité, les autorités compétentes pour mener les poursuites doivent intervenir d'office - et donc même en l'absence de plainte - lorsqu'elles soupçonnent une infraction. Par contre, selon le principe d'opportunité, la décision de prendre des mesures contre l'infraction est laissée à l'appréciation du parquet.
Néanmoins, dans la pratique, tous les systèmes juridiques comportent des éléments issus des deux principes. Certaines questions sont par ailleurs communes aux deux systèmes, par exemple la question de la preuve exigée pour engager une poursuite. Ceux qui suivent le principe de légalité appliquent dans certains cas des critères d'opportunité, par exemple, avec la possibilité de classement sous condition, et ceux qui se basent sur des critères d'opportunité, admettent, par exemple, des instructions des Procureurs Généraux ou des orientations de politique criminelle émanant du Ministre de la Justice et sont encadrés, notamment par l'exigence d'une motivation des décisions de classement sans suite et/ou par la mise en oeuvre de voies de recours effectives.
Au Royaume-Uni, par exemple, l'opportunité est fondée sur deux règles: la perspective raisonnable d'obtenir une condamnation - qui est de plus en plus utilisée dans les pays où le principe de légalité est appliqué - et l'intérêt public. Parallèlement, dans les systèmes où le principe de légalité s'applique, il y a des critères pour donner la priorité à certaines affaires et ne pas poursuivre des cas mineurs.
3.1.1.2. La marge d'appréciation du juge pénal.
Même si l'on ambitionne de réaliser un espace de liberté, de sécurité et de justice où la même infraction serait sanctionnée partout de façon équivalente, il est certain qu'on ne peut jouer que sur des cadres législatifs qui fournissent en quelque sorte des équations, mais que le résultat concret sera toujours fonction d'une inconnue: la décision du juge qui dispose partout d'un pouvoir d'appréciation quant au prononcé de la peine.
Néanmoins, la première limite à la liberté du juge dans le prononcé de la peine découle du principe fondamental de la légalité des peines, qui lui impose, lorsqu'il estime qu'une infraction a été commise, de prononcer une peine prévue par la loi pour cette infraction. Ceci découle du principe de sécurité juridique, lequel exige que la peine attachée à une infraction soit spécifiée par la loi.
La présence des circonstances aggravantes et atténuantes, qui seront abordées plus loin, peut aussi, en quelque sorte, limiter la liberté du juge, ainsi que la possibilité, par exemple de diminutions ou d'exemptions légales de la peine.
3.1.1.3. Degré de participation. Complicité.
La complicité est la forme de participation criminelle la plus fréquente. Le complice est défini comme celui qui a participé, dans certaines conditions, à la commission de l'infraction. En général, pour qu'il y ait complicité, deux éléments doivent être réunis : il faut une infraction principale, laquelle doit être punissable, et il faut un acte de complicité qui doit faire apparaître un élément matériel (par exemple une aide ou assistance) et un élément moral (intention du complice de participer à l'infraction).
En général, on peut distinguer deux modèles en ce qui concerne les peines en fonction de la participation à la commission de l'infraction. Dans quelques Etats membres (par exemple, en France, en Italie, au Portugal, en Autriche, au Danemark et en Irlande) tout individu qui participe à la commission de l'infraction devrait être puni des mêmes peines que celles prévues pour l'auteur, sans tenir compte du degré d'implication de la personne. Toutefois, le juge peut prendre en compte le degré de participation au moment du prononcé de la peine. Par contre, dans d'autres Etats membres (par exemple, en Allemagne, en Espagne, en Belgique, au Luxembourg, aux Pays Bas, en Finlande et en Grèce), une différentiation est faite dans la loi en ce qui concerne la peine applicable entre l'auteur et les complices. Les coauteurs et les instigateurs sont punis, en général, de la même peine que l'auteur.
3.1.1.4. Degré de réalisation. Tentative.
Il peut arriver que le résultat d'une infraction ne soit pas atteint alors que les actes tendant à l'obtenir ont été accomplis. Cette absence de résultat peut provenir de deux causes: les actes de la personne ont été suspendus en cours d'exécution ou/et la personne a mené son action jusqu'à son terme mais le résultat fait défaut.
Pour la tentative, en général, soit parce que le juge a une marge d'appréciation (en Autriche, en Allemagne, au Danemark, en France et en Irlande) soit parce que ceci est expressément prévu dans la loi (en Belgique, en Espagne, en Finlande, en Grèce, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Portugal et au Royaume-Uni), il existe des possibilités de prévoir des peines plus basses que pour l'infraction consommée.
Dans ces cas, la réduction de la peine est souvent calculée par rapport aux peines établies pour l'infraction consommée, donc si celles-ci diffèrent de manière importante, la peine pour la tentative différera dans la même proportion.
3.1.1.5. Circonstances aggravantes et atténuantes.
Les circonstances aggravantes de la responsabilité pénale peuvent être générales -applicables à toutes les infractions - ou spécifiques - applicables à des infractions concrètes. En ce qui concerne le niveau de peine, quelques Etats membres prévoient la possibilité pour le juge de prononcer une peine supérieure au maximum prévu par la loi en raison des circonstances aggravantes, [63] tandis que d'autres ne permettent pas de dépasser les peines maximales prévues par la loi. [64]
[63] Par exemple, en Grèce, en Italie et au Portugal
[64] Par exemple, en Espagne, en Irlande et en Suède.
En ce qui concerne les circonstances atténuantes, tous les systèmes pénaux des Etats membres prévoient la possibilité pour le juge de diminuer la peine prévue par la loi pour l'infraction spécifique par exemple en raison de circonstances atténuantes ou de causes d'excuse prévues par la loi. Néanmoins, dans les systèmes pénaux qui ne prévoient pas de seuils minima de peine, comme par exemple la France, le mécanisme des circonstances atténuantes est devenu inutile. Comme pour les circonstances aggravantes, les systèmes pénaux de quelques Etats membres prévoient une liste générale des circonstances atténuantes - par exemple l'Espagne- tandis que d'autres ne prévoient pas de liste et le juge apprécie les éléments qui peuvent être retenus à titre de circonstances atténuantes - par exemple la Belgique.
3.1.1.6. Un cas particulier : la récidive.
En ce qui concerne le passé du délinquant, la prise en compte de la récidive peut se faire soit au niveau de la peine prévue dans la loi (par exemple en Italie, en Belgique et en Autriche), soit en tant que circonstance aggravante (par exemple en Finlande, au Danemark et en Espagne). En ce qui concerne le niveau de peine, comme pour les circonstances aggravantes, quelques Etats membres prévoient une peine supérieure au maximum prévue - par exemple, l'Autriche, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg, la Suède ou le Portugal, tandis que d'autres ne permettent pas de dépasser les peines maximales prévues par la loi, qui peuvent déjà tenir compte de cette circonstance - par exemple, la Finlande, l'Irlande et l'Espagne.
A cet égard, il faut noter que la décision-cadre du Conseil du 6 décembre 2001 modifiant la décision-cadre 2000/383/JAI visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux-monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro [65], prévoit que chaque Etat membre admet le principe de la récidive dans les conditions établies par sa législation nationale et reconnaît, dans lesdites conditions, comme génératrices de récidive les condamnations définitives prononcées par un autre Etat membre du chef de l'une des infractions prévues dans la décision-cadre.
[65] JO L 329 du 14.12.2001, p. 3.
3.1.1.7. Concours d'infractions.
Le concours d'infractions peut être défini comme le fait de commettre plusieurs infractions simultanément ou successivement avant d'avoir été définitivement condamné pour l'une d'entre elles. L'absence de condamnation antérieure le distingue de la récidive. Plusieurs systèmes- par exemple en Belgique- distinguent entre concours matériel (le même individu se rend coupable de plusieurs activités distinctes réprimées par la loi pénale) et concours idéal (lorsqu'un individu par une seule activité a enfreint plusieurs dispositions de la loi).
Lorsqu'un individu est poursuivi pour des infractions connexes ou non dans plusieurs Etats membres, on pourrait envisager un transfert de poursuites vers un Etat membre afin de faciliter les poursuites. A cet égard, la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives de 1972 [66] envisage à l'article 8 (d) la possibilité pour un Etat contractant de demander à un autre Etat contractant d'exercer la poursuite, par exemple, si le prévenu fait l'objet dans l'Etat requis d'une poursuite pour la même infraction ou pour d'autres infractions. L'article 32 de la dite Convention prévoit que les Etats concernés examineront s'il est opportun qu'une poursuite unique soit intentée par l'un d'eux.
[66] Traités du Conseil de l'Europe, N°73. Ouverte à la signature le 15 mai 1972, entrée en vigueur le 30 mars 1978.
Cette Convention de 1972 prévoit que tout Etat contractant qui, avant l'engagement ou au cours d'une poursuite a connaissance de l'existence dans un autre Etat contractant d'une poursuite pendante contre la même personne, pour les mêmes faits, examine s'il peut, soit renoncer à sa propre poursuite, soit la suspendre, soit la transmettre à l'autre Etat. S'il estime opportun de ne pas renoncer à sa propre poursuite ou de ne pas la suspendre, il en avise l'autre Etat en temps utile et en tout cas avant le prononcé du jugement au fond. Dans ce cas, les Etats intéressés s'efforcent de déterminer celui d'entre eux auquel incombera le soin de continuer l'exercice d'une poursuite unique. Néanmoins, seulement cinq Etats membres [67] ont ratifié la Convention de 1972 et cinq ne l'ont même pas signée.
[67] L'Autriche, le Danemark, les Pays Bas, l'Espagne et la Suède.
On notera que la situation dans laquelle un individu par une seule activité a enfreint plusieurs dispositions de loi, est liée à la question du ne bis in idem, principe fondamental de droit pénal selon lequel une personne ne peut pas être poursuivie ou condamnée deux fois pour les mêmes faits [68], et à la litispendance, c'est à dire, la suspension des poursuites pour une infraction une fois qu'une première procédure a été lancée.
[68] C'est-à-dire, pour des faits identiques à ceux qui sont visés par la première décision, dont notamment la date, le lieu et les effets spécifiques du comportement en cause.
3.1.2. Sanctions privatives de liberté.
Si la fixation d'un minimum de la peine maximale au niveau de l'Union est devenue classique dans les instruments sectoriels de rapprochement du droit pénal materiel, par contre, il n'y pas de maximum commun de peine et dans ce domaine les différences sont importantes. Les systèmes pénaux de quelques Etats membres comme la Belgique, la Grèce, le Royaume-Uni, la France ou l'Italie prévoient la peine d'emprisonnement à perpétuité. D'autres, comme l'Espagne et le Portugal ne la prévoient pas.
En général, dans les Etats membres qui prévoient la peine à perpétuité dans leurs systèmes pénaux, il y une possibilité de libération conditionnelle après avoir purgé une certaine période, mais qui diffère largement (par exemple, 10 ans au minimum en Belgique, 15 ans en Allemagne ou 20 ans en Irlande). En France, il est possible d'imposer une période de sûreté qui peut aller jusqu'à 30 ans.
La prison à perpétuité étant une peine réservée pour des crimes très graves, le maximum de peine d'emprisonnement en dessous de la perpétuité diffère aussi entre les Etats membres. Celle-ci peut aller de 15 ans en Allemagne, 20 ans en Autriche ou 30 ans en Belgique. Du même, la libération anticipée peut opérer après avoir purgé un tiers (en Belgique) deux tiers (au Danemark et en Allemagne) ou trois quarts (en Espagne) de la peine. Pour les récidivistes, ces périodes sont normalement augmentées.
Quant aux modalités d'exécution des sanctions privatives de liberté et avant d'aborder les questions de l'opportunité d'une intervention au niveau de l'Union européenne dans ce domaine, il a paru utile de faire une présentation plus détaillée de ce sujet à l'annexe I à laquelle il est fait référence. Cet annexe traite le sursis, la suspension et l'ajournement du prononcé de la peine, la semi-liberté, le fractionnement de l'exécution de la peine, la surveillance électronique et la détention à domicile.
Sur base de cet inventaire et de l'analyse comparée de la législation des Etats membres sur les modalités d'exécution des sanctions privatives de liberté, on peut constater que la plupart des États membres ont introduit une variété relativement grande de modalités d'exécution des sanctions privatives de liberté permettant un passage progressif de la vie carcérale à la remise en liberté. Dans l'essentiel, leur approche est motivée par le souhait de disposer de peines plus appropriées que les peines de prison ferme pour atteindre une meilleure réintégration du condamné dans la société, ainsi que par les problèmes liés à la surpopulation des prisons [69]. L'outil le plus répandu à cet égard est le sursis qui est connu par presque tous les Etats membres. La surveillance électronique est appliquée dans six Etats membres et se trouve en phase d'essai ou de considération dans cinq autres. Tous les autres instruments (suspension/ajournement du prononcé de la peine, semi-liberté, fractionnement de l'exécution de la peine et détention à domicile) ne sont connus et appliqués que par une minorité d' Etats membres.
[69] Dans plusieurs États membres, le problème de la surpopulation des prisons fait actuellement l'objet d'un vif débat public, comme p.ex. en Belgique (voir article de presse dans Le Vif/L'Express du 9.5.2003, p. 26), en France (voir articles de presse dans Le Monde du 12.4. et du 30.4.2003) et au Portugal (voir article de presse dans Grande Reportagem de avril 2003, p. 78).
3.1.3. Sanctions pécuniaires.
Certains Etats membres appliquent le régime de sanctions pécuniaires «jour-amende» (par exemple, le Danemark, l'Espagne, le Portugal ou l'Allemagne), d'autres Etats membres (la Belgique, le Luxembourg, les Pays Bas, le Royaume Uni ou l'Italie) suivent le système classique du montant. Les deux systèmes coexistent dans quelques Etats membres (par exemple en France, en Grèce, en Suède et en Finlande).
Dans le régime « jour-amende », les amendes sont généralement infligées par les juges nationaux selon la manière suivante: le juge fixe la période de prison qu'il retiendrait pour l'infraction s'il voulait la punir d'une peine d'emprisonnement et puis, il fixe le montant à payer pour chaque jour de la période. La période retenue par la législation des Etats membres commence en général avec 5 jours ou même moins (en France, en Finlande, en Grèce, en Espagne et en Allemagne) avec l'exception de la Suède, où on commence avec 30 jours. Le nombre maximal des jours que les juges peuvent imposer, varie entre 150 (en Suède) et 730 jours (en Espagne). Les montants minimaux que le juge détermine pour chaque jour varient en général entre 1 Euro et 10 Euros, tandis qu'on constate une grande variété pour les montants maximaux par jour, par exemple 60 Euros pour la Grèce, 300 Euros pour l'Espagne et 360 Euros pour la France, jusqu'au montant de 5000 Euros pour l'Allemagne.
En ce qui concerne le régime classique du montant, la loi prévoit normalement des minima et des maxima, en fonction des différentes catégories d'infractions. Entre les extrêmes, le juge a souvent une marge de manoeuvre considérable pour déterminer l'amende.
Dans les juridictions où le régime classique du montant coexiste avec le régime jour-amende, le système d'application des sanctions pécuniaires est plus compliqué et varie selon le pays. En Finlande, par exemple, on applique le système du « jour-amende », mais pour certaines infractions spécifiques, on utilise également le système d'un montant fixe, tandis qu'en France, le système applicable diffère selon la nature de la peine (criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle).
Quel que soit le régime de calcul de l'amende, la législation ou la jurisprudence de la plupart des Etats membres prévoit que le juge, en décidant du montant de l'amende, doit tenir compte des circonstances de l'infraction ou/et de la situation financière du malfaiteur.
Les législations nationales, quel que soit le régime de calcul, prévoient en général explicitement que le juge qui impose une amende, impose également une peine de prison alternative, avec caractère subsidiaire, applicable à défaut de paiement de l'amende (par exemple, en Allemagne, en Belgique, en France, aux Pays Bas, au Luxembourg et au Portugal).
3.1.4. Déchéances.
Il existe tout un éventail de peines ou mesures de déchéance dans les systèmes légaux des Etats membres, qui vont de l'interdiction de conduire certains véhicules pendant un certain temps, à la peine d'interdiction du territoire national ou à l'interdiction d'exercer une activité professionnelle.
La déchéance du droit de conduire existe dans tous les Etats membres. Par contre, certaines déchéances relatives à l'interdiction d'exercer des professions spécifiques (par exemple, être gérant d'une entreprise, servir dans l'armée) ou de se rendre en certains lieux (par exemple, des stades de football, des lieux de vente d'alcool) ne sont pas connus dans tous les Etats membres.
Il existe aussi une variété de déchéances relatives à l'interdiction des droits civiques et civils qui peuvent avoir un caractère « accessoire », c'est à dire qu'elles doivent être imposées lorsqu'une autre peine - normalement une peine d'emprisonnement d'une certaine durée - est prononcée. Il s'agit par exemple des mesures qui porte sur le droit de vote, l'éligibilité, l'interdiction ou l'incapacité d'exercer une fonction publique.
3.1.5. Confiscations
La confiscation a normalement un caractère spécifique (par exemple en Allemagne, en Belgique, au Danemark, au Luxembourg, aux Pays Bas, en Italie ou au Royaume Uni), s'appliquant aux objets qui ont servi à commettre l'infraction et aux avantages patrimoniaux tirés directement de l'infraction ou aux biens et valeurs qui leur ont été substitués et même aux revenus de ces avantages investis. Si ces choses ne peuvent être trouvées dans le patrimoine du condamné, le juge procédera à leur évaluation monétaire et la confiscation portera sur une somme d'argent qui leur sera équivalente (par exemple en Belgique, au Danemark, au Luxembourg et en France).
L'ensemble des Etats membres ont ratifié la Convention du 8 novembre du 1990 du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime. [70]Toutefois un certain nombre d'Etats ont fait, au sujet de l'article 2 [71] sur la confiscation des déclarations selon lesquelles ils ne sont pas obligés de confisquer que les produits et instruments dérivés d'un certain nombre d'infractions dûment précisées. Des informations réunies par la Commission dans le cadre de l'élaboration du rapport sur la mise en oeuvre de la Décision-cadre du Conseil du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d'argent, l'identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime [72] qui devrait être adopté prochainement, il résulte que une grande majorité des États membres se conforme à l'article premier (a) de la décision de cadre, qui interdit les réserves concernant l'article 2 de la convention mentionnée. Néanmoins, quelques-uns devraient revoir leurs réserves à l'article 2 afin se mettre en conformité avec la décision-cadre.
[70] Disponible sur : http:// conventions.coe.int
[71] Article 2 - «Mesures de confiscation : (1) Chaque Partie adopte les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour lui permettre de confisquer des instruments et des produits ou des biens dont la valeur correspond à ces produits. (2) Chaque Partie peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, par une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, déclarer que le paragraphe 1 du présent article ne s'applique qu'aux infractions ou catégories d'infractions précisées dans la déclaration. »
[72] JO L 182 du 5.7.2001, p. 1.
Ceci montre bien qu'il y a encore des divergences en ce qui concerne les possibilités de confiscation dans les Etats membres et qu'un certain nombre d'Etats ne sont toujours pas en mesure de confisquer les produits de toutes les infractions passibles de peines privatives de liberté d'une durée supérieure à un an.
3.1.6. Sanctions à l'encontre des personnes morales.
S'agissant des sanctions à l'encontre des personnes morales, il existe des différences considérables entre les Etats membres. Un certain nombre d'entre eux prévoient la responsabilité - et parfois de manière spécifique la responsabilité pénale - des personnes morales: par exemple la France, l'Irlande, le Royaume-Uni, la Belgique et les Pays-Bas. Ceci n'est pas le cas, par exemple en Grèce, en Allemagne, au Luxembourg ou en Italie. La responsabilité des personnes morales fait l'objet de nombreux débats. Les adversaires de cette idée avancent principalement que la personne morale n'ayant pas d'esprit propre, elle ne peut être reprochée d'une culpabilité en matière criminelle (societas delinquere non potest). Les partisans de la responsabilité pénale des personnes morales adoptent une toute autre perspective. Selon eux, les personnes morales ne sont pas de simples fictions. Ces institutions existent, occupent une position prédominante dans l'organisation de notre société et doivent être responsables des infractions qu'elles commettent.
Au Royaume-Uni, par exemple, la jurisprudence fonde la responsabilité des personnes morales sur la théorie dite de l'identification. En vertu de cette théorie, il y a identité entre la personne morale et les personnes qui en sont l'âme dirigeante, c'est à dire les personnes, cadres ou dirigeants, dont les fonctions au sein de l'entreprise sont telles qu'elles ne reçoivent pas, dans l'exécution de leurs fonctions, d'ordre ou de directives de la part d'un supérieur hiérarchique. La commission d'une infraction par une personne ou un groupe de personnes identifiées à l'organisation constitue donc aussi une infraction de la part de la personne morale. Néanmoins, en dépit des différences avec les systèmes de common law, d'autres Etats membres tels que la France, prévoient la responsabilité pénale des personnes morales.
3.1.7. Sanctions alternatives.
Les sanctions et mesures non carcérales permettent une approche plus créative et en même temps plus humaine de la manière de traiter le problème de la délinquance et des sanctions. Elles servent à limiter en particulier le recours aux courtes peines d'emprisonnement sur lesquelles la majorité des spécialistes s'accordent à dire combien elles sont nocives. L'implication de la communauté (locale) est un élément nécessaire et original de la mise à exécution des peines alternatives.
Les peines alternatives jouent donc un grand rôle dans le cadre de la prévention de la criminalité puisqu'elles sont, beaucoup mieux que les peines privatives de liberté, aptes à contribuer à une meilleure réinsertion des délinquants dans la société. Aux termes de l'article 29 TUE, alinéa 2, l'objectif de l'Union d'offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice, est atteint, entre autres, par la prévention de la criminalité. La réintégration contribue très directement à la prévention de la récidive.
Sur base de l'inventaire et de l'analyse comparée de la législation des Etats membres sur les peines alternatives (voir annexe II), on peut constater que la plupart des États membres ont introduit, ces dernières années, des sanctions alternatives ou sont en train de le faire. Dans l'essentiel, leur approche est motivée par leur souhait de disposer de peines plus appropriées que les peines de prison ferme pour atteindre une meilleure réintégration du condamné dans la société, ainsi que par les problèmes de la surpopulation des prisons. On peut observer que l'acceptation des peines alternatives rencontre dans plusieurs Etats membres certaines difficultés au sein des juridictions. En outre, on remarque une tendance des législateurs nationaux à se concentrer sur quelques peines alternatives, à savoir le travail d'intérêt général et la médiation pénale.
3.1.8. Exécution des sanctions pénales.
Pour connaître la situation dans les Etats membres, il est nécessaire d'effectuer d'abord un inventaire et une analyse comparée de la législation des Etats membres dans le domaine de l'exécution des sanctions pénales. A cette fin, référence est faite à l'annexe III qui, sans vouloir être exhaustive, présente la législation des Etats membres au sujet de la suspension de la peine, de la semi-liberté, de la libération anticipée, de la remise de peine ainsi que de l'amnistie et de la grâce.
L'annexe III montre que, dans le domaine de l'exécution des sanctions pénales, les différences entre les législations des Etats membres sont également assez considérables.
La suspension de l'exécution de la peine n'est connue que par une minorité d'États membres, comme par exemple la France et l'Italie. Seul un nombre réduit d'États membres connaissent l'instrument de la semi-liberté (p.ex. Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Portugal) dans la phase d'exécution de la peine. Les conditions d'accès, les modalités d'application ainsi que les conséquences pour les bénéficiaires en cas de violation des conditions imposées varient considérablement. L'instrument de la libération anticipée existe cependant dans tous les États membres, mais les conditions d'éligibilité et de mise en oeuvre de cette mesure diffèrent sensiblement d'un Etat membre à l'autre. La possibilité d'une remise de peine plus ou moins automatique n'est connue que par un petit nombre d'Etats membres (p.ex. la France et la Grèce). Les législations des États membres sur l'amnistie et la grâce diffèrent beaucoup et leur octroi fait généralement l'objet d'un pouvoir d'appréciation très large des autorités compétentes.
Ces différences sont par ailleurs illustrées de façon marquante par les nombres ou taux de prisonniers (par 100 000 habitants) dans les Etats membres, quoique les différences dans ces taux ne reflètent pas seulement les différences qui existent entre les Etats membres dans le domaine de l'exécution des sanctions mais aussi dans le domaine de l'ensemble des facteurs du droit pénal qui influent sur une sanction. La Commission avait envoyé le 1 août 2003 un questionnaire sur la population carcérale aux (actuels et futurs) Etats membres. Même si elle ne dispose pas encore de toutes les réponses, on peut déjà constater la géographie suivante : traditionnellement, il y a une approche modérée dans les Etats membres scandinaves (entre 50 et 70 prisonniers par 100 000 habitants), un groupe d'Etats membres avec un taux moyen en-dessous de 100 prisonniers (Allemagne, Autriche, Belgique, France, Italie, Grèce, Luxembourg et Pays Bas) et un groupe d'Etats membres avec un taux entre 100 et 150 prisonniers par 100 000 habitants (Espagne, Grande Bretagne, Portugal et quelques nouveaux Etats membres). Etant donné que certains nouveaux Etats membres ont des taux de plus de 350 prisonniers par 100 000 habitants, on peut constater que le taux de prisonniers par 100 000 habitants dans certains futurs Etats membres est environ six fois plus élevé que celui dans les Etats membres scandinaves.
3.2. Un arsenal d'instruments de reconnaissance mutuelle incomplet.
3.2.1. Reconnaissance mutuelle de sanctions privatives de liberté.
Une série de conventions adoptées dans le cadre du Conseil de l'Europe et complétées par des instruments agréés dans le cadre de la Coopération politique européenne (CPE) présentent une certaine pertinence dans ce contexte. Les conventions CPE ont pour but principal de faciliter l'application des conventions du Conseil de l'Europe et de renforcer la coopération judiciaire en matière pénale entre les Etats membres. Par ailleurs, il faut aussi tenir compte des accords au niveau régional, tels que ceux en vigueur entre les pays nordiques.
3.2.1.1. Convention européenne du Conseil de l'Europe sur la valeur internationale des jugements répressifs du 28 mai 1970.
La Convention européenne du Conseil de l'Europe sur la valeur internationale des jugements répressifs [73] conclue le 28 mai 1970, a été ratifiée par quinze des quarante cinq membres du Conseil de l'Europe. Elle est entrée en vigueur le 26 juillet 1974. Onze Etats membres de l'Union ont signé [74] cette Convention, cinq l'ont ratifiée. [75] De nombreuses réserves ont été formulées par la plupart des parties contractantes quant à la mise en oeuvre de cette Convention. La Convention s'applique aux sanctions privatives de liberté.
[73] Disponible sur http://conventions.coe.int/ .
[74] Autriche, Belgique, Danemark, Allemagne, Espagne, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède.
[75] Autriche, Danemark, Espagne, Pays-Bas, Suède.
Selon cette Convention, l'État de condamnation ne peut demander l'exécution d'une sanction à un autre État contractant que si une ou plusieurs des conditions énumérées à l'art. 5 sont remplies : a) si le condamné a sa résidence habituelle dans l'autre État, b) si l'exécution de la sanction dans l'autre État est susceptible d'améliorer les possibilités de reclassement social du condamné, c) s'il s'agit d'une sanction privative de liberté qui pourrait être exécutée dans l'autre État à la suite d'une autre sanction privative de liberté que le condamné subit ou doit subir dans cet État, d) si l'autre État est l'État d'origine du condamné et s'est déjà déclaré prêt à se charger de l'exécution de cette sanction , ou e) s'il estime qu'il n'est pas en mesure d'exécuter lui-même la sanction, même en ayant recours à l'extradition, et que l'autre État l'est. En outre, la décision prononcée dans l'État requérant doit être définitive et exécutoire et l'infraction en raison de laquelle la sanction a été prononcée doit constituer également une infraction selon la législation de l'État requis (exigence de « double incrimination » [76]).
[76] L'exigence de « double incrimination » n'a par contre pas été retenue dans les conventions suivantes : l'accord de coopération du 23 mars 1962 entre le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège et le Suède (dit accord « d'Helsinki »), la Convention de coopération judiciaire conclue en 1983 à Riyadh entre certains États arabes et le Schéma relatif au transfert de personnes condamnées au sein du Commonwealth de 1986.
L'exécution requise ne peut être refusée entièrement ou partiellement que dans l'un des cas énumérés à l'art 6 [77].
[77] Motifs de refus: a) si l'exécution est contraire aux principes fondamentaux de l'ordre juridique de l'État requis; b) si l'État requis estime que l'infraction réprimée par la condamnation revêt un caractère politique ou qu'il s'agit d'une infraction purement militaire; c) si l'État requis estime qu'il y a des raisons sérieuses de croire que la condamnation a été provoquée ou aggravée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinion politique; d) si l'exécution est contraire aux engagements internationaux de l'État requis; e) si le fait est l'objet de poursuites dans l'État requis ou si celui-ci décide d'entamer des poursuites; f) si les autorités compétentes de l'État requis ont décidé de ne pas engager de poursuites ou de mettre fin aux poursuites qu'elles ont exercées pour le même fait; g) si le fait a été commis hors du territoire de l'État requérant; h) si l'État requis n'est pas à même d'exécuter la sanction; i) si la demande est fondée sur l'alinéa e) de l'article 5 (« s'il estime qu'il n'est pas en mesure d'exécuter lui-même la sanction, même en ayant recours à l'extradition, et que l'autre Etat l'est »), et qu'aucune des autres conditions prévues par cet article n'est remplie; j) si l'État requis estime que l'État requérant est à même d'exécuter lui-même la sanction; k) si, en raison de son âge au moment de la commission du fait, le condamné ne pouvait pas être poursuivi dans l'État requis; l) si la sanction est déjà prescrite selon la loi de l'État requis; m) dans la mesure où le jugement prononce une déchéance.
L'exécution d'une sanction prononcée dans l'État requérant ne peut avoir lieu dans l'État requis qu'en vertu d'une décision du juge de cet Etat (art. 37). Avant de prendre une décision sur la demande d'exécution, le juge donne au condamné la possibilité de faire valoir son point de vue (art. 39). Une voie de recours doit être prévue contre les décisions judiciaires prises dans l'État requis en vue de l'exécution demandée (art. 41). L'État requis est lié par la constatation des faits dans la mesure où ceux-ci sont exposés dans la décision ou dans la mesure où celle-ci se fonde implicitement sur eux (art. 42).
Lorsque la demande d'exécution est accueillie, le juge substitue à la sanction privative de liberté prononcée dans l'État requérant une sanction prévue par sa propre loi pour le même fait (art. 44). Cette sanction peut, dans les limites indiquées ci-après, être d'une autre nature ou durée que celle prononcée dans l'État requérant. Si cette dernière sanction est inférieure au minimum que la loi de l'État requis permet de prononcer, le juge n'est pas lié par ce minimum et applique une sanction correspondant à la sanction prononcée dans l'État requérant. Lorsqu'il établit la sanction, le juge ne peut aggraver la situation pénale du condamné résultant de la décision rendue dans l'État requérant.
Selon la Convention, l'exécution est régie par la loi de l'État requis et cet État seul est compétent pour prendre toutes les décisions appropriées notamment en ce qui concerne la libération conditionnelle. L'État requérant a, seul, le droit de statuer sur tout recours en révision introduit contre la condamnation. Chacun des deux États peut exercer le droit d'amnistie ou de grâce.
3.2.1.2. Convention entre les États membres des Communautés européennes sur l'exécution des condamnations pénales étrangères du 13 novembre 1991.
Huit États membres [78] des Communautés européennes ont signé le 13 novembre 1991 une convention sur l'exécution des condamnations pénales étrangères [79]. Jamais ratifiée par aucun des États membres, elle n'est donc jamais entrée en vigueur. Dans les rapports entre les États membres qui sont parties à la Convention européenne du Conseil de l'Europe sur la valeur internationale des jugements répressifs du 28 mai 1970, la Convention de 1991 était destinée à s'appliquer dans la mesure où elle complète les dispositions de cette Convention ou facilite l'application des principes qui y sont contenus (art. 20).
[78] Belgique, Danemark, Allemagne, Grèce, Espagne, France, Italie et Luxembourg.
[79] Disponible sur http://ue.eu.int/ ejn
Selon l'article 2 de cette Convention, les États membres des Communautés européennes s'engagent à s'accorder mutuellement la coopération la plus large possible en matière de transmission de l'exécution des condamnations (peines privatives de liberté ou peines pécuniaires). La transmission de l'exécution peut être demandée soit par l'État de condamnation, soit par l'État d'exécution. Chaque État membre peut préciser dans une déclaration les infractions qu'il entend exclure du champ d'application de la Convention. Les autres États membres peuvent appliquer la règle de la réciprocité (art. 1).
La transmission de l'exécution d'une condamnation à une peine privative de liberté peut être demandée lorsque : a) la personne condamnée se trouve sur le territoire de l'État d'exécution et est ressortissante de ce dernier État ou réside habituellement sur son territoire, ou b) la personne condamnée se trouve sur le territoire de l'État d'exécution et son extradition a été refusée, ou serait refusée en cas de demande, ou n'est pas possible, ou c) la personne condamnée se trouve sur le territoire de l'État d'exécution où elle subit ou doit subir une peine privative de liberté (art. 3).
La transmission de l'exécution d'une condamnation est subordonnée à l'accord de l'État de condamnation et de l'État d'exécution et ne peut intervenir par ailleurs qu'aux conditions cumulatives énumérées à l'art.5 de la Convention : a) le jugement est définitif et exécutoire ; b) les actes ou omissions qui ont donné lieu à la condamnation constituent l'une des infractions mentionnées à l'article 1 paragraphe 1 point a), au regard du droit de l'État d'exécution ou en constitueraient une s'ils intervenaient sur son territoire -« double incrimination »; c) la sanction n'est prescrite ni selon la loi de l'État de condamnation ni selon celle de l'État d'exécution ; d) dans l'Etat d'exécution, il n'existe pas de jugement définitif à l'égard de la personne condamnée pour les mêmes faits ; e) lorsqu'il existe un jugement définitif pour les mêmes faits à l'égard de la personne condamnée dans un État tiers, la transmission de l'exécution ne serait pas contraire au principe "ne bis in idem".
Il est à noter que, contrairement à l'article 39 de la Convention du Conseil de l'Europe de 1970, celle de 1991 entre les États membres des Communautés européennes ne prévoit pas que la personne soit entendue sur la question de savoir où la peine sera purgée.
Lorsque la transmission de l'exécution d'une condamnation à une peine privative de liberté a été acceptée, les autorités compétentes de l'État d'exécution doivent soit exécuter la peine infligée dans l'État de condamnation - immédiatement ou sur la base d'une décision -, soit convertir la condamnation, par une procédure judiciaire ou administrative, en une décision de cet État, substituant ainsi à la peine infligée dans l'État de condamnation une peine prévue par la législation de l'État d'exécution pour la même infraction (art. 8).
L'État d'exécution doit, si la demande lui en est faite, indiquer à l'État de condamnation laquelle de ces deux procédures il suivra. Tout État membre peut indiquer par une déclaration qu'il entend exclure l'application de l'une des procédures.
Si l'État d'exécution adopte la première procédure (exécution de la peine infligée dans l'État de condamnation), il est lié par la nature juridique et la durée de la peine prononcée par l'État de condamnation. Toutefois, si la nature ou la durée de cette peine est incompatible avec la législation de l'État d'exécution, ou si la législation de cet État l'exige, l'État d'exécution peut, par une décision judiciaire ou administrative, adapter cette peine à la peine prévue par sa propre loi pour des infractions de même nature. Cette peine correspond, autant que possible, quant à sa nature, à celle infligée par la condamnation à exécuter. Elle ne peut aggraver par sa nature ou par sa durée la peine prononcée par l'État de condamnation ni excéder le maximum prévu par la loi de l'État d'exécution pour le même fait (art. 8 (4)).
Si l'État d'exécution se décide pour la procédure de la conversion de la condamnation, cet État : a) est lié par la constatation des faits dans la mesure où ceux-ci figurent explicitement ou implicitement dans le jugement prononcé dans l'État de condamnation, b) peut, sauf déclaration contraire, convertir une peine privative de liberté en une peine pécuniaire lorsque la peine privative de liberté est d'une durée inférieure ou égale à six mois, et c) n'aggravera pas la situation pénale du condamné et ne sera pas lié par la peine minimale éventuellement prévue par sa propre législation pour la ou les infractions commises (art.8 (5)).
L'État de condamnation ne peut plus exécuter la condamnation lorsqu'il a convenu avec l'État d'exécution de la transmission de l'exécution. Toutefois, en cas d'évasion du condamné, l'État de condamnation reprend son droit d'exécution, sauf accord différent entre cet Etat et l'État d'exécution (art. 17).
3.2.1.3. Le Traité du 26 septembre 1968 entre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg sur l'exécution des décisions judiciaires rendues en matière pénale.
Ce traité [80] se réfère à l'exécution des décisions répressives entre les Etats membres du Benelux. Il est applicable aux condamnations à une peine privative de liberté ou à une mesure privative de liberté, aux condamnations à une amende ou à une confiscation, aux condamnations prononçant une déchéance et aux décisions judiciaires qui ne statuent que sur la culpabilité. [81]
[80] Le Traité Benelux de 1968 n'est jamais entré en vigueur, voir C. Van den Wyngaert, Strafrecht en strafprocesrecht in hoofdlijnen, Maklu, Antwerpen, 1998, à la page 1010.
[81] Art. 2.
Le traité prévoit qu'une condamnation prononcée dans un Etat contractant ne peut être exécutée dans un autre Etat contractant que si le fait qu'elle réprime est constitutif d'infraction dans cet Etat ou s'il est mentionné dans une liste établie conformément au traité. [82]
[82] Art. 3 et 57.
Cependant, le traité permet la possibilité de refuser l'exécution demandée dans le cas où le fait aurait un caractère politique ou militaire ou est l'objet de poursuites dans l'Etat requis ou si celui-ci décide d'entamer des poursuites. L'Etat requis peut également refuser l'exécution si celle-ci est contraire à ses engagements internationaux ou aux principes fondamentaux de son ordre juridique, si le fait a été commis hors du territoire de l'Etat requérant ou s'il s'agit de l'exécution d'une condamnation à la déchéance. [83] L'autorité compétente de l'Etat requérant doit certifier le caractère exécutoire de la décision. [84] L'exécution des condamnations rendues par défaut est en principe soumise aux mêmes règles que celle des condamnations contradictoires. [85]
[83] Art. 5.
[84] Idem.
[85] Art. 17.
On prévoit également que s'il existe un mandat d'arrêt ou tout autre titre de détention dans l'Etat requérant et que celui-ci demande l'exécution de la condamnation, l'Etat requis peut procéder à l'arrestation immédiate du condamné. En cas d'urgence, il est prévu que l'Etat requis peut procéder à l'arrestation avant que les documents qui normalement accompagnent la demande d'exécution lui soient transmis. [86]
[86] Art. 30.
La possibilité d'un transit temporaire du détenu est prévue [87] ainsi que la saisie de certains objets en vue de leur confiscation ultérieure, si, par application du traité, une confiscation peut également être exécutée dans l'Etat requis. [88] Dans le cadre du traité, on prévoit également quand et dans quelles conditions le condamné a la faculté de subir sa peine dans l'Etat requérant.
[87] Art. 32 et art. 33
[88] Art. 33.
Concernant l'exécution des condamnations à l'amende et à la confiscation, l'Etat requis ne peut procéder à l'exécution de ces mesures qu'en vertu d'une décision du Ministère public de l'Etat requis, qui vérifiera l'authenticité de la demande et son caractère exécutoire. [89] Il contrôle également si les conditions du traité ont été suivies et il est responsable pour l'exécution des modalités techniques. Le recours contre la décision du Ministère Public est possible auprès du juge compétent de l'Etat requis.
[89] Art. 42.
Pour l'exécution des condamnations aux déchéances, il est prévu qu'un Etat contractant ne peut procéder à l'exécution de cette mesure prononcée dans un autre Etat contractant, qu'en vertu d'une décision du juge du premier Etat contractant. On prévoit explicitement que la déchéance ne peut produire ses effets dans un Etat autre que celui où la condamnation a été prononcée que si la législation de cet Etat prévoit la déchéance pour cette infraction ou pour un fait correspondant selon la liste prévue par le traité. [90]
[90] Art. 50 et art. 57
3.2.1.4. Le modèle de coopération entre les États nordiques.
Les États nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède) ont une longue tradition de coopération en matière pénale. Elle est fondée sur leur proximité géographique, leurs liens historiques, culturels, linguistiques [91] et leurs intérêts communs d'ordre politique et économique. Les différents instruments de cette coopération ont été précédés de périodes de discussions publiques intenses pour élaborer des solutions communes et harmoniser les législations nationales de ces pays.
[91] A l'exception de la langue finnoise.
Le tout premier instrument est la Convention du 8 mars 1948 concernant la reconnaissance et l'exécution de jugements en matière pénale, conclue entre la Norvège, le Danemark et la Suède. Cette Convention prévoit que des jugements définitifs rendus dans un État étaient exécutables dans un autre État signataire. Le champ d'application de cette Convention est cependant limité aux amendes, confiscations et frais de justice. Elle a été suivie le 23 mars 1962 par un Accord de coopération entre le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède, appelé « accord d' Helsinki ». Selon cet Accord, les États signataires doivent adopter - et ont en effet adopté - des réglementations identiques ou au moins similaires qui permettent aux autorités d'un État signataire de reconnaître et d'exécuter les jugements des autorités des autres États signataires et de transférer des prisonniers à cette fin. C'est sur ce socle de réglementations identiques ou similaires que repose la confiance mutuelle qui caractérise la coopération pénale entre les Etats nordiques.
Le transfert de prisonniers entre les États nordiques est basé sur des considérations humanitaires et de politique pénale. Le but de cette coopération est, entre autres, de promouvoir la réhabilitation et la réinsertion du condamné. Il est argumenté - à juste titre - qu'il est plus facile de préparer le prisonnier à sa future vie en liberté si l'exécution a lieu dans l'État où le prisonnier a l'intention de vivre. Cette approche faciliterait aussi les contacts avec des employeurs possibles et autres organisations, ce qui contribue à réduire le risque de récidive.
En ce qui concerne l'exécution de sanctions privatives de liberté, l'État d'exécution est lié par le nombre de jours de prison fixé dans la décision de l'État de jugement. Après des délibérations intenses, la possibilité d'une réduction ou adaptation de la peine au niveau des peines de l'État d'exécution a été jugée inadéquate. Le principe de « double incrimination » n'a pas été retenu. Le transfert de prisonniers ne dépend pas de l'accord du prisonnier. Il doit cependant être entendu avant qu'une décision soit adoptée et son avis sera en général respecté. En outre, il est protégé par le principe de spécialité, selon lequel l'État d'exécution ne peut exécuter que la peine pour laquelle le transfert a été effectué. Afin de faciliter le déroulement pratique de la procédure, les décisions de transfert de prisonniers d'un État nordique à un autre sont prises au niveau des administrations pénitentiaires centrales de l'État d'exécution. En Suède, p.ex., l'administration pénitentiaire centrale dispose du pouvoir de soumettre des demandes de transfert de prisonniers à un autre État et de décider des demandes venant d'autres États. Malgré le fait que l'exécution est régie par le droit de l'État d'exécution, les États nordiques se sont mis d'accord pour que l'État d'exécution ne puisse pas accorder de grâce sans avoir préalablement entendu les autorités de l'État de jugement.
3.2.1.5. Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983.
La Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées a été conclue le 21 mars 1983 [92] et ratifiée par cinquante deux Etats [93]. Elle est entrée en vigueur le 1er juillet 1985. Tous les États membres de l'Union européenne l'ont signée et ratifiée. De nombreuses réserves ont été formulées par la plupart des États membres quant à l'application de certaines parties de cette Convention.
[92] Disponible sur http:// conventions.coe.int
[93] Dont une partie n'est pas membre du Conseil de l'Europe.
La Convention a pour objet principal de favoriser la réinsertion sociale des personnes condamnées à des peines ou mesures privatives de liberté en permettant à un étranger privé de sa liberté à la suite d'une infraction pénale de purger sa peine ou le reste de sa peine dans son milieu social d'origine. Elle est motivée par des considérations humanitaires, puisqu'elle part de la constatation que les difficultés de communication suite aux obstacles linguistiques, sociaux et culturels et l'absence de contact avec la famille, peuvent avoir des effets néfastes sur le comportement des détenus étrangers et empêcher, voire rendre impossible, la réinsertion sociale des personnes condamnées.
Selon la procédure prévue à l'article 2(3) de la Convention, un transfèrement peut être demandé aussi bien par l'État dans lequel la condamnation a été prononcée (État de condamnation) que par l'État dont le condamné est ressortissant (État d'exécution). La Convention n'engendre ni l'obligation pour les États concernés de transférer les condamnés ni le droit pour ceux-ci d'être transférés. Les États disposent d'un pouvoir discrétionnaire assez important.
Un transfèrement ne peut avoir lieu aux termes de la Convention qu'aux conditions suivantes (art. 3): a) le condamné doit être ressortissant de l'État d'exécution; b) le jugement doit être définitif; c) la durée de condamnation que le condamné a encore à subir doit être au moins de six mois à la date de réception de la demande de transfèrement, ou indéterminée; d) le condamné ou, lorsqu'en raison de son âge ou de son état physique ou mental l'un des deux Etats l'estime nécessaire, son représentant doit consentir au transfèrement; e) les actes ou omissions qui ont donné lieu &