Communication de la Commission européenne du 12 mars 2004 : Prévention de la criminalité dans L'Union européenne
COM/2004/0165 final
1. CONTEXTE ET DÉFINITIONS
1.1. Le contexte juridique et politique
Le traité d'Amsterdam, entré en vigueur en mai 1999, a créé une base juridique pour les activités de prévention de la criminalité au niveau de l'Union européenne. Son article 29 dispose que «l'objectif de l'Union est d'offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice» et cite la prévention de la criminalité, «organisée ou autre», parmi les moyens d'atteindre cet objectif.
Avant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam en mai 1999, les politiques de prévention de la criminalité au niveau de l'UE se limitaient principalement à la prévention du crime organisé. Le programme d'action relatif à la criminalité organisée de 1997 [1] identifiait certains domaines prioritaires en vue de lutter contre cette forme de criminalité et le plan d'action de Vienne de décembre 1998 [2] comportait lui aussi des mesures spécifiques en ce sens.
[1] JO C 251 du 15.8.1997.
[2] JO C 19 du 23.1.1999, p. 1. Plan d'action du Conseil et de la Commission, du 3 décembre 1998, concernant les modalités optimales de mise en oeuvre des dispositions du Traité d'Amsterdam relatives à l'établissement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice (plan d'action de Vienne).
Le Conseil européen de Tampere d'octobre 1999 a confirmé l'importance de politiques efficaces de prévention de la criminalité dans l'Union par ses conclusions [3] nos 41 et 42, qui réclament:
[3] JO C 124 du 3.5.2000.
- l'intégration des aspects liés à la prévention dans les actions de lutte contre la criminalité et le développement des programmes nationaux de prévention de la criminalité. Des priorités communes doivent être dégagées et définies en matière de prévention de la criminalité, dans le cadre de la politique extérieure et intérieure de l'Union, et elles devront être prises en compte lors de l'élaboration de nouvelles dispositions législatives;
et indiquent que
- il convient de développer l'échange des meilleures pratiques, de renforcer le réseau des autorités nationales compétentes en matière de prévention de la criminalité ainsi que la coopération entre les organismes nationaux spécialisés dans ce domaine, et d'étudier à cette fin la possibilité d'un programme qui serait financé par la Communauté. Cette coopération pourrait avoir avant tout pour priorités la délinquance chez les jeunes, la criminalité urbaine et celle liée à la drogue.
Le 29 novembre 2000, la Commission a présenté au Conseil et au Parlement européen une communication intitulée «La prévention de la criminalité dans l'Union européenne - Réflexion sur des orientations communes et propositions en faveur d'un soutien financier communautaire» [4]. Cette communication était la première mesure prise par la Commission en vue de définir des domaines prioritaires en matière de prévention de la criminalité au niveau de l'Union et de contribuer à l'élaboration d'une stratégie européenne efficace. Elle a été suivie d'importants développements, tels que la création du Forum européen de prévention du crime organisé [5], la mise en place du Réseau européen de prévention de la criminalité [6] et l'adoption d'une décision du Conseil établissant le programme Hippocrate en vue de cofinancer des projets de coopération entre les États membres [7].
[4] COM(2000) 786 final du 29 novembre 2000.
[5] La création du Forum était prévue dans la communication de la Commission mentionnée dans la note de bas de page n° 1. Il a tenu sa première session plénière les 17 et 18 mai 2001.
[6] Décision du Conseil du 28 mai 2001 (JO L 153 du 8.6.2001).
[7] JO L 186 du 7.7.2001.
En outre, un domaine de recherche spécifique relatif à la prévention de la criminalité a été introduit dans le sixième programme-cadre de recherche et développement technologique. Cette mesure contribuera notamment à l'élaboration d'instruments communs permettant de mesurer l'ampleur et la nature du crime de masse, d'évaluer les stratégies de réduction de la criminalité et d'analyser les menaces à long terme.
À l'instar de la communication de 2000, la présente communication souligne également la responsabilité première des États membres en matière de prévention, puisque la délinquance des jeunes, la criminalité urbaine et la criminalité liée à la drogue se produisent au niveau local. Afin de soutenir efficacement les activités de prévention dans les États membres, d'éviter les doubles emplois et de mieux utiliser les ressources disponibles, certaines actions de coopération doivent être entreprises à l'échelon de l'UE.
Le projet de traité établissant une constitution pour l'Europe, élaboré par la Convention sur l'avenir de l'Europe, réaffirme la nécessité de continuer à accorder une attention suffisante à la prévention de la criminalité en son article III 173, qui dispose que la loi ou la loi-cadre européenne peut établir des mesures pour encourager et appuyer l'action des États membres dans le domaine de la prévention du crime (à l'exception du rapprochement des dispositions législatives et réglementaires).
1.2. Définitions
1.2.1. La notion de criminalité de masse
La présente communication est limitée à la prévention du crime non organisé. La Commission considère que ces formes de criminalité peuvent être qualifiées de criminalité de masse, parce qu'elles comprennent tous les types de crimes ou délits fréquemment commis et dont les victimes sont facilement identifiables. La criminalité de masse est la principale source d'inquiétude des citoyens européens [8]. Elle porte généralement atteinte à la propriété et s'accompagne souvent de violence physique. Citons à titre d'exemples les cambriolages domestiques, les vols dans les véhicules, les voies de fait, les vols dans la rue, etc. Ces formes de criminalité relèvent des trois grands domaines prioritaires définis par le Conseil européen de Tampere, à savoir la délinquance des jeunes, la criminalité urbaine et la criminalité liée à la drogue. Une caractéristique importante de la criminalité de masse est qu'elle fait apparaître quels ménages et citoyens sont les plus susceptibles d'en être victimes. Cela a des répercussions sur les politiques de prévention, notamment celles qui visent davantage à combattre le fléau ordinaire que constitue cette forme de criminalité qu'à réduire le nombre de délits «susceptibles de faire la une des journaux», qui relèvent le plus souvent du crime organisé [9].
[8] INRA (mai 2003). Public safety, exposure to drug-related problems and crime: sondage d'opinion.
[9] Van Dijk, Jan J.M. (1994). Understanding crime rates: On the interactions between the rational choices of victims and offenders. British Journal of Criminology, vol. 34, n° 2, pages 105 à 121.
Il ne faut pas non plus sous-estimer l'importance de la criminalité de masse en termes de coûts financiers pour la société [10], tout en sachant que les estimations de ces coûts varient d'un État membre à l'autre [11]. De plus, des études ont montré que ce type de criminalité est souvent la première étape franchie par des jeunes avant de participer à des formes de criminalité plus graves, dont la criminalité organisée. L'investissement dans la prévention de la criminalité de masse contribuerait donc également à réduire une criminalité plus grave [12].
[10] 1) Van Kesteren, John et autres (2001). Criminal Victimisation in Seventeen Industrialised Countries: Key Findings from the 2000 International Crime Victims Survey. La Haye: ministère de la justice, centre de recherche et de documentation.
[11] Les estimations nationales les plus détaillées en matière de coûts sont celles concernant l'Angleterre et le Pays de Galles, pour lesquels le ministère de l'intérieur a publié un rapport bien documenté et analysé indiquant que les coûts annuels de la criminalité se chiffrent à 60 milliards de livres, soit l'équivalent de 1 700 euros par citoyen en 2000. Ces coûts comprenaient ceux des mesures préventives telles que la sécurité privée (environ 9 %); les conséquences, telles que l'incidence sur les victimes du préjudice subi, des souffrances endurées et de la dégradation du cadre de vie (environ 71 %); ainsi que les mesures prises pour remédier à ces problèmes, telles que les dépenses de fonctionnement dans le domaine du maintien de l'ordre, des tribunaux et des sanctions (environ 20 %). Brand, Sam & Price, Richard (2000). The Economic and Social Costs of Crime. Londres: direction de la recherche, du développement et des statistiques du ministère de l'intérieur.
[12] Kleemans, E. & Van De Bunt, H.G. (1999). Social embeddedness of organized crime. Transnational Organized Crime, vol. 5, n° 1, pages 19 à 36.
1.2.2. La notion de prévention de la criminalité
Aux fins de la présente communication, la Commission propose d'utiliser la définition de la prévention de la criminalité figurant dans la décision du Conseil de mai 2001 instituant un Réseau européen de prévention de la criminalité (REPC). Selon cette définition, «la prévention de la criminalité couvre toutes les mesures, tant quantitatives que qualitatives, qui visent à faire diminuer ou qui contribuent à faire diminuer la criminalité et le sentiment d'insécurité des citoyens, que ce soit directement, en décourageant les activités criminelles, ou par le biais de politiques et d'interventions destinées à réduire les facteurs criminogènes ainsi que les causes de la criminalité. Elle conjugue les actions menées par les pouvoirs publics, les autorités compétentes, les organes de justice pénale, les autorités locales et les associations spécialisées qu'ils ont créées en Europe, le secteur privé, les organisations bénévoles, les chercheurs et le public, avec le soutien des médias» [13].
[13] Voir l'article 1er, paragraphe 3, de la décision du Conseil du 28 mai 2001 instituant un Réseau européen de prévention de la criminalité, JO L 153 du 8.6.2001, p. 1.
Les mesures de prévention ne doivent donc pas seulement viser la criminalité stricto sensu, mais aussi les «comportements antisociaux», qui constituent en quelque sorte une espèce de précurseur de la criminalité. Parmi ces comportements, on peut citer le tapage, les quartiers caractérisés par des adolescents traînant dans la rue, des personnes ivres ou bruyantes, des déchets ou ordures répandus sur le sol, un environnement et des logements dégradés. De telles conditions peuvent nuire à la régénération des zones défavorisées en créant un environnement propice à la criminalité. Les comportements antisociaux ébranlent le sentiment de sécurité et de responsabilité nécessaire pour que les citoyens participent à la vie de leur collectivité. D'un point de vue préventif, il y a donc également lieu de se concentrer sur ce domaine important.
La prévention doit également traiter de la peur de la criminalité, puisque les études [14] montrent que cette peur est souvent aussi dommageable que la criminalité elle-même. Elle peut engendrer un retrait de la vie sociale et une perte de confiance dans la police et l'état de droit.
[14] Irving, B. (2002). Fear of crime: Theory, measurement and application. Londres: Fondation de la police.
Les autorités compétentes des États membres s'accordent à reconnaître que la prévention de la criminalité est un complément nécessaire aux mesures de répression. L'expérience montre qu'une priorité trop marquée pour la répression entraîne un accroissement incessant des coûts du système pénal ainsi qu'une augmentation de la population carcérale et des taux de récidive. Des mesures de prévention bien conçues et bien appliquées peuvent, à des degrés divers, contribuer à réduire sensiblement la criminalité. Les exemples suivants montrent que la prévention de la criminalité peut effectivement porter ses fruits [15].
[15] Ces dernières années, plusieurs études ont démontré que les mesures de prévention de la criminalité constituaient des moyens efficaces de réduire la criminalité:
* Il est possible de réduire considérablement les risques de cambriolage domestique en prenant quelques mesures de prévention relativement simples, telles que celles décrites dans le programme de la police relatif au suivi de la population, une vaste étude néerlandaise sur la victimisation. Cette étude [16] montre que cinq mesures de prévention permettent de réduire radicalement les risques de cambriolage (laisser une lumière allumée en son absence; verrouillage supplémentaire des portes et fenêtres; renforcement de l'éclairage extérieur; alarme et/ou chien de garde).
[16] Willemse, Hans M. (1998). Overlooking crime prevention: Ten years of crime prevention in the Netherlands. Security Journal, vol. 7, n° 3, pages 177 à 184.
* Des initiatives bien documentées et évaluées visant des jeunes âgés de 10 à 16 ans permettent de conclure que des programmes comportementaux et d'intervention précoce efficaces ont d'importantes retombées positives à long terme. Il a été constaté 16 ans plus tard que la probabilité d'une arrestation était nettement plus faible chez les participants au programme que chez leurs homologues du groupe de contrôle [17].
[17] Center for the Study and Prevention of Violence / CSPV (2003). Model programs and promising programs. http://www.colorado.edu/cspv/bleuprints/ default.htm
* Bien que cela puisse sembler évident, un renforcement de l'éclairage public est une mesure de prévention de la criminalité qui a fait ses preuves. Un examen systématique de 13 études distinctes a montré qu'un meilleur éclairage réduisait la criminalité d'environ 20 % [18]. Il a révélé que les quartiers bien éclairés la nuit connaissaient également un taux de criminalité plus faible pendant la journée. Peut-être l'installation d'un nouvel éclairage a-t-elle signalé aux délinquants potentiels que la collectivité investissait davantage dans le quartier, faisait preuve de plus de fierté et de cohésion et que des contrôles informels étaient effectués 24 heures sur 24.
[18] Farrington, D.P. & Welsh, B.C. (2002). Improved street lighting and crime prevention. Justice Quarterly, vol. 19, n° 2, pages 313 à 342.
* Un exemple important méritant d'être mentionné est le programme Perry, un programme préscolaire qui marque un tournant en matière de politique de prévention. Cette initiative, qui a pris naissance aux États-Unis dans les années 1970, prévoit des cours d'enrichissement pour les enfants en bas âge (de 3 à 4 ans) issus de familles à bas revenus, associés à des visites hebdomadaires à domicile par le personnel du programme. Un suivi à long terme a fait apparaître des taux d'arrestation à l'adolescence et à l'âge adulte nettement inférieurs chez les participants à ce programme, mais aussi des taux nettement supérieurs d'achèvement des études secondaires, d'études supérieures, d'emploi et de revenus. Outre son efficacité avérée, le programme a obtenu des résultats positifs à l'analyse coûts/avantages. Le montant total des avantages a été estimé au triple du coût du programme.
Le programme Jeunesse de l'Union européenne [19], qui été lancé à la fin des années 1980, est axé sur le bien-être, l'inclusion et le respect politique des jeunes dans la société. Par ses activités, il produit des effets préventifs considérables.
[19] http://europa.eu.int/comm/youth/ index_en.html
Enfin, il convient de mentionner que l'enseignement en milieu pénitentiaire et pendant la période cruciale qui suit la remise en liberté peut jouer un rôle essentiel pour aider les délinquants à effectuer la difficile réintégration sociale et pour réduire la récidive. Grundtvig, le volet «adultes» du programme de l'Union européenne en matière d'éducation, le programme Socrates, soutient les projets et les partenariats éducatifs ayant une incidence notable sur les institutions participantes et au-delà [20].
[20] Un réseau européen plus large a été lancé et un soutien a été accordé à l'Association européenne pour l'éducation en milieu pénitentiaire (EPEA) afin qu'elle consolide et étende ses activités. La formation d'éducateurs des prisons (ainsi que d'agents pénitentiaires, qui jouent un rôle essentiel dans la création d'un cadre éducatif favorable) requiert à cet égard une attention particulière.
Puisque la criminalité de masse se produit principalement au niveau local, en milieu urbain, les politiques ne peuvent être efficacement mises en oeuvre qu'à ce niveau, en étant adaptées aux spécificités locales ou régionales. C'est donc aux États membres qu'il incombe d'assurer la mise en oeuvre de politiques efficaces de prévention de la criminalité à tous les niveaux sur leur territoire. Il résulte de cette importance de l'action locale qu'il importe de situer les actions de prévention au plus près des citoyens et d'y associer une pluralité d'acteurs. Les mesures de prévention se caractérisent donc également par la nécessité d'impliquer divers acteurs, dont les acteurs publics (c'est-à-dire la police, les collectivés locales, les travailleurs sociaux, en se concentrant à chaque fois sur la jeunesse) et privés (associations d'entreprises, compagnies d'assurance, organisations de citoyens).
1.3. Tendances générales de la criminalité
Il importe de disposer d'informations sur les tendances de la criminalité et sur l'opinion publique en la matière pour mieux comprendre l'incidence de l'absence de prévention sur la société et la manière donc les actions de prévention peuvent réduire les coûts tangibles et non tangibles, pour les victimes, de la criminalité et de la récidive parmi les délinquants.
Deux sources permettent de déterminer la nature et le volume de la criminalité au niveau de l'UE, à savoir les statistiques officielles de la criminalité enregistrées par la police, d'une part, et l'enquête internationale sur les victimes de la criminalité (ICVS), d'autre part. En ce qui concerne la première source, il est impossible de comparer les chiffres absolus et relatifs entre les États membres en raison des nombreuses différences entre les législations nationales et les modes d'élaboration des statistiques officielles de la criminalité. Ces données peuvent toutefois être utiles pour dégager des tendances dans le temps.
Le nombre total des infractions, délits et crimes enregistrés par la police fait apparaître la situation suivante à l'échelon européen. Entre 1950 et 1970, la criminalité a connu une augmentation constante, bien que non alarmante. Depuis 1970, cette augmentation s'est cependant accélérée pour atteindre un pic au milieu des années 1980. Depuis 1990, le nombre total des infractions, délits et crimes enregistrés est resté relativement stable dans les 15 États membres. Il a augmenté d'environ 1 % par an en moyenne entre 1991 et 2001 [21].
[21] 1) Van Kesteren, John et autres (2001). Criminal Victimisation in Seventeen Industrialised Countries: Key Findings from the 2000 International Crime Victims Survey. La Haye: ministère de la justice, centre de recherche et de documentation.
La deuxième source d'information pouvant donner un aperçu de la nature et du volume de la criminalité au niveau de l'Union européenne est l'ICVS [22]. Cette enquête est l'ensemble le plus complet de sondages entièrement normalisés concernant l'expérience des ménages en matière de criminalité dans divers pays. L'expérience des victimes en matière de criminalité donne une estimation des niveaux absolus de criminalité. D'une manière générale, l'ICVS indique que la criminalité a augmenté entre 1988 et 1991, ou qu'elle a reculé en 1995, puis davantage en 1999. Une comparaison avec les données de la police relatives à la criminalité révèle que les tendances qui ressortent des données de l'enquête sur les victimes de la criminalité sont similaires à celles qui se dégagent des données de la police.
[22] Voir http://www.unicri.it/ international_crime_victim_survey.htm.
1.4. Tendances dans des zones de criminalité sélectionnées
Outre le nombre total d'infractions, délits et crimes, deux formes spécifiques de criminalité enregistrées par la police seront examinées succinctement, à savoir les cambriolages domestiques (définis comme le fait de pénétrer dans une habitation par la force en vue d'y voler des biens) et les crimes et délits violents (définis comme la violence à l'égard d'une personne, le vol qualifié et les agressions sexuelles). Ces actes ont été choisis parce qu'ils constituent, du point de vue des victimes, les formes les plus graves et les plus coûteuses de la criminalité, qu'ils inquiètent beaucoup la population urbaine et se produisent fréquemment dans tous les États membres.
Dans de nombreux États membres de l'Union, le nombre de cambriolages domestiques connaît un recul remarquable. L'une des raisons de cette diminution spectaculaire est sans doute l'influence du renforcement des comportements préventifs au sein de la population. Selon les dernières conclusions de l'enquête internationale sur les victimes de la criminalité, le recours aux mesures de prévention de la criminalité par la population est de plus en plus fréquent dans la plupart des pays. La proportion de logements équipés de serrures de sécurité a généralement augmenté depuis 1992. Le pourcentage des habitations dotées d'une alarme est passé en moyenne de 8 à 14 % entre 1992 et 2000, mais le problème subsiste. Le cambriolage domestique représente une violation de l'espace personnel. En pareil cas, les effets négatifs de la victimisation vont au-delà du simple dommage matériel.
En 2000, la police des 15 États membres a enregistré au total 1 511 000 cambriolages, soit 4 140 cambriolages par jour, 172 par heure et près de 3 par minute.
Les statistiques révèlent malheureusement une augmentation du nombre de crimes et délits accompagnés de violence à l'échelle européenne. Cela semble particulièrement vrai de la violence juvénile. Une comparaison des tendances de la criminalité avec violence enregistrée par la police entre 1995 et 2000 révèle une accentuation de la violence dans 12 États membres. La hausse la plus importante a été constatée en Espagne, en France et aux Pays-Bas (+ 50 - + 41 %).
En 2000, les polices des 15 États membres ont enregistré au total 1 770 000 crimes et délits accompagnés de violence, soit une moyenne de 4 850 cas par jour, 202 par heure et plus de 3 par minute.
1.5. Opinion publique relative à la criminalité
Outre les statistiques établies à partir des données de la police et des enquêtes sur la victimisation, les sondages d'opinion sur la criminalité constituent également un outil important pour mesurer la peur de la criminalité, la perception des risques de victimisation et les opinions sur la criminalité et sa prévention [23].
[23] INRA (2003). Public safety, exposure to drug-related problems and crime: sondage d'opinion. Le rapport intégral, son résumé et les tableaux figurent à l'adresse suivante: http://europa.eu.int/comm/justice_home/ eucpn/projects.html.
Ces sondages montrent qu'entre 1996 et 2002, le sentiment d'insécurité a progressé lentement, mais constamment, dans l'ensemble de l'Union européenne. À l'automne 2002, les femmes et les personnes âgées étaient les groupes démographiques les plus exposés au sentiment d'insécurité. Au cours de la même période, le degré d'exposition des citoyens aux problèmes liés à la drogue dans leur quartier a également augmenté dans l'ensemble de l'Union européenne. Parmi les personnes interrogées, ce sont surtout les plus jeunes qui ont fait état d'une telle exposition. Dans tous les États membres, plus de la moitié des personnes interrogées ont estimé qu'une action policière renforcée contribuerait à réduire la criminalité. Dans l'ensemble de l'Union européenne, une nette majorité des personnes interrogées ont estimé que des programmes ciblés de prévention constituent un moyen plus efficace d'éloigner les jeunes de la criminalité qu'une répression plus sévère. Une majorité était également d'avis que la pauvreté, le chômage et le manque de discipline étaient des facteurs favorisant la criminalité des jeunes.
1.6. Tendances attendues de la criminalité
La criminalité ne cesse d'évoluer. Les délinquants s'adaptent aux mesures prises pour la combattre. Ils détournent et maltraitent les nouveaux produits, services et systèmes ou en font un usage abusif; ils font preuve de comportements répréhensibles dans des environnements nouvellement créés [24]. Cela signifie que les autorités devraient étudier en permanence les nouvelles menaces et évolutions sur le marché de la criminalité. De cette manière, des résultats pourront être obtenus à grande échelle en matière de prévention de la criminalité. Dans le passé, de nombreuses actions ont cependant montré que certaines évolutions étaient totalement imprévues. Certains grands changements sociaux, technologiques ou économiques peuvent être appréciés à la lumière de plusieurs initiatives réacute;centes [25] visant à identifier de nouvelles menaces et évolutions dans le domaine de la criminalité.
[24] Ekblom, Paul (2002). Future Imperfect: Preparing for the Crimes to Come. Criminal Justice Matters, hiver 2002, pages 38, 39 et 40.
[25] En 2002, le programme britannique Foresight a produit le rapport «Turning the Corner» (disponible à l'adresse: www.foresight.gov.uk). Ministère néerlandais de la justice (2001), Justitie Over Morgen: een Strategische Verkenning, La Haye.
D'une manière générale, la société sera plus hétérogène, structurée en réseau, mieux éduquée, plus prospère et mieux informée, mais comptera potentiellement plus de personnes vulnérables. L'intensification de la circulation des personnes, des services, des biens et des nouvelles technologies offre d'immenses possibilités de prospérité et de croissance, mais peut également créer de nouvelles opportunités de commettre des infractions, délits et crimes. Certaines catégories de personnes restent exclues de l'évolution vers la prospérité et l'éducation: les familles monoparentales, les drogués et les alcooliques, les personnes isolées vivant anonymement ou dans des quartiers marginalisés, ainsi que les immigrants des première, deuxième et troisième générations. Les nouvelles technologies pourraient être propices au développement de la criminalité en facilitant l'accès aux systèmes, aux locaux, aux biens et à l'information, en supprimant les obstacles géographiques à la criminalité, en augmentant le niveau des profits potentiels et en renforçant l'anonymat dans la commission des crimes et délits et l'utilisation de leur produit.
En raison de cette évolution, les autorités doivent empêcher et sanctionner les crimes et délits plus spécialisés, tels que le vol électronique, dont l'ampleur et la rapidité peuvent être augmentées par les nouvelles technologies. Dans les prochaines années, les gouvernements devront mettre en oeuvre des politiques de prévention pour s'adapter aux changements sociétaux et aux modèles de criminalité émergents. Les politiques nationales de prévention de la criminalité doivent être capables d'apporter des réponses novatrices aux défis liés à de tels changements.
2. ÉVOLUTION AU NIVEAU DE L'UNION EUROPÉENNE
Puisque la criminalité de masse se produit au niveau local, les politiques ne peuvent être efficacement mises en oeuvre qu'à ce niveau, avec le soutien du niveau national. Certaines actions de coopération doivent cependant être entreprises à l'échelon de l'UE afin de soutenir efficacement les mesures prises au niveau national, d'éviter les doubles emplois et de mieux utiliser les ressources disponibles.
2.1. Résultats obtenus dans les États membres
Plusieurs États membres ont mené des politiques de prévention de la criminalité de masse avec des succès variables [26].
[26] Ces dernières années, la plupart d'entre eux ont mis en place des politiques de prévention de la criminalité. Les facteurs déterminants pour le succès de ces politiques sont généralement un engagement politique au plus haut niveau, l'allocation de ressources adéquates à la prévention, des orientations données aux autorités locales et régionales, ainsi qu'une coopération étroite entre les pouvoirs publics et la société, y compris le secteur privé. Il importe de noter que ces facteurs sont inclus dans les principes directeurs des Nations unies applicables à la prévention du crime, de 2002 (voir également la note de bas de page n° 33).
Malgré l'évolution positive constatée dans la plupart des États membres, il subsiste certains obstacles à la prévention efficace de la criminalité de masse. Ils peuvent être brièvement décrits de la manière suivante.
Difficultés de mise en oeuvre
Il apparaît de plus en plus clairement que les mesures efficaces de prévention de la criminalité existent bel et bien et peuvent être appliquées à de nombreuses formes de délinquance. Le défi consiste toutefois à mettre ce savoir en pratique. Il arrive fréquemment que les politiques et pratiques officielles de prévention de la criminalité ne tiennent pas compte des bonnes ou meilleures pratiques existantes. Il y a apparemment, entre les conclusions des études et les politiques et pratiques de prévention de la criminalité, un décalage qui peut s'expliquer comme suit.
Il existe, dans le domaine de la prévention de la criminalité, de multiples organisations et partenaires différents qui, souvent, n'agissent pas avec toute la coordination souhaitable. Une autre difficulté tient à l'interconnexion insuffisante entre les informations des nombreuses autorités et organisations intervenant dans la prévention de la criminalité (police, animateurs de jeunesse, chambres du commerce, départements des services sociaux municipaux, etc.). L'utilisation limitée de la multitude d'informations disponibles contribue à l'inadéquation entre les mesures prises et le véritable problème.
Les connaissances relatives aux méthodes d'analyse quantitatives et qualitatives, ainsi qu'à l'ensemble des mesures de prévention envisageables, à leur pertinence, leurs limitations et leur taux de réussite, restent faibles.
Il existe de nombreux exemples du peu d'intérêt que suscite la prévention de la criminalité par rapport aux autres maillons du système pénal. À cause de la faiblesse des ressources financières et humaines, la nécessaire planification à long terme est souvent remplacée par une stratégie à court terme et l'exécution correcte de projets de prévention ne recueille qu'une attention insuffisante.
Comment combler cet écart
Certaines mesures permettent de supprimer les obstacles susmentionnés. Les descriptions des bonnes et meilleures pratiques devraient être plus conviviales, notamment pour ceux qui travaillent dans ce domaine au quotidien. Dans le cadre du recrutement, de la sélection et de la promotion des cadres et du personnel chargés de la mise en oeuvre de la politique de prévention de la criminalité, il convient d'accorder plus d'importance à la connaissance de littérature professionnelle et des méthodes d'analyse, ainsi qu'à leur application dans la prévention de la criminalité. Les autorités de financement devraient attirer l'attention de celles qui assurent la mise en oeuvre des programmes de prévention sur les bonnes et meilleures pratiques existantes et sur les possibilités de les appliquer. Une évaluation adéquate du processus et de l'incidence devrait être la condition systématique de l'approbation ou du soutien de tout programme de prévention de la criminalité. L'échange d'informations entre divers partenaires devrait être récompensé. Certains États membres imposent aux autorités locales, à la police, aux autorités de police, aux autorités sanitaires et aux comités de probation (entre autres) l'obligation de coopérer à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une stratégie de lutte contre la criminalité et le désordre dans leur région (y compris d'échange d'informations) [27]. Ces organisations doivent prendre en compte l'évolution des méthodes de travail, les priorités internes et leurs relations avec d'autres agences ainsi qu'avec la société.
[27] http://www.homeoffice.gov.uk/docs/ cdaindex.html
Les programmes correctement mis en oeuvre qui n'atteignent pas leur objectif, mais qui contribuent à faire connaître les causes de cet échec, devraient être récompensés en tant que succès. Les gouvernements devraient constituer des unités professionnelles spécialisées chargées de gérer la prévention de la criminalité et d'appliquer et de mettre en oeuvre des interventions de prévention reposant sur des données probantes. Les mesures de prévention sont longues à mettre en oeuvre et leur mise au point et leur évaluation requièrent plusieurs années. Puisque de nombreux problèmes actuels de criminalité nécessitent des solutions qui dépassent les limites de la justice pénale traditionnelle, les gouvernements doivent promouvoir de nouveaux dispositifs touchant l'ensemble du système et jouissant même statut politique que d'autres maillons du système pénal.
La mise en oeuvre et l'application d'une prévention fructueuse et fondée sur des éléments probants constituent une condition préalable indispensable pour que les politiques européennes de prévention de la criminalité renforcent la justice et la sécurité.
2.2. Résultats au niveau de l'UE
À la suite de la communication de novembre 2000, l'Union a adopté plusieurs instruments importants visant à renforcer l'efficacité de la prévention de la criminalité sur l'ensemble de son territoire, tels que le Réseau européen de prévention de la criminalité et les programmes de financement Hippocrate et AGIS.
2.2.1. Le Réseau européen de prévention de la criminalité
Le 28 mai 2001, le Conseil a adopté une décision instituant le Réseau européen de prévention de la criminalité (REPC) [28], dont les objectifs sont de contribuer au développent des divers aspects de la prévention de la criminalité à l'échelle de l'Union et de soutenir les actions de prévention aux niveaux local et national. Bien qu'il couvre tous les types de criminalité, le réseau doit accorder une attention particulière à la délinquance juvénile, à la criminalité urbaine et à la criminalité liée à la drogue. À cet égard, il doit faciliter la coopération, les contacts et les échanges d'informations et d'expériences entre les États membres, les organisations nationales, la Commission et d'autres réseaux spécialisés dans les questions liées à la prévention de la criminalité. Une autre mission primordiale du réseau est de rassembler et d'analyser les informations sur les activités existantes dans le domaine de la prévention de la criminalité.
[28] JO L 153 du 8.6.2001, p. 1.
Résultats atteints
Depuis sa mise en place en 2001, le Réseau a obtenu de bons résultats. Pour la toute première fois, des représentants et des experts des États membres ont commencé à se réunir régulièrement pour échanger leurs expériences et définir une stratégie commune et des priorités d'action et de recherche sur la base de programmes annuels. Ils ont commencé à dresser l'inventaire des politiques de prévention existantes qui se sont avérées efficaces (bonnes pratiques). La première conférence pour l'échange de bonnes pratiques sur les questions de la délinquance chez les jeunes et les minorités ethniques, les cambriolages domestiques et les vols liés à la drogue, a été organisée les 7 et 8 octobre 2002 au Danemark à l'aide d'un cofinancement du programme Hippocrate. Une seconde conférence, qui s'est tenue à Rome les 11 et 12 novembre 2003, a constitué un autre pas important vers la constitution d'un corpus européen de bonnes pratiques en matière de prévention.
La définition d'une méthodologie commune pour élaborer, mettre en oeuvre et évaluer les projets de prévention a progressé. La mise en place de groupes d'experts a permis d'avancer par exemple en traitant le problème du vol de téléphones portables comme une forme grave de criminalité dans la rue [29] et en améliorant la coopération entre les secteurs public et privé. Les réunions d'experts ont également permis de mieux cerner les lacunes de la recherche et les moyens de les combler. Dans ce contexte, le secrétaire du Réseau prépare actuellement la mise en oeuvre de cinq études sur des sujets tels que la violence des jeunes, l'indice des vols de voitures, la peur de la criminalité, les brimades dans les écoles et les coûts et avantages de la prévention de la criminalité.
[29] La réunion d'experts sur les vols de téléphones portables a été suivie d'une réunion entre la Commission, les fabricants, les fournisseurs et les États membres intéressés en juin 2003 afin de préciser les actions à entreprendre aux niveaux national et européen. Les discussions se poursuivent sur la base d'un questionnaire en vue de déterminer, normalement avant la fin de 2003, quelles sont les actions les plus efficaces à chaque niveau et de qui doivent émaner des initiatives concrètes.
Un travail considérable a été accompli en matière de collecte, de description et d'amélioration de la qualité et de la comparabilité des statistiques des États membres relatives à la justice pénale. Le sous-groupe du REPC sur la criminalité et la victimisation a répertorié les informations disponibles au sujet des statistiques nationales et transnationales sur la criminalité afin que les responsables politiques des États membres puissent s'y reporter facilement. Il a concentré son attention sur les vols (dans la rue), les cambriolages domestiques et les vols de voitures. En mai 2003, il a produit un rapport contenant des recommandations sur la manière d'améliorer les statistiques transnationales et de les utiliser pour les politiques de prévention.
Le site Internet du REPC est devenu un outil efficace qui fournit aux professionnels et au grand public des informations sur les politiques nationales de prévention et les activités du Réseau. Celui-ci a établi des relations de coopération avec l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies de Lisbonne, ainsi qu'avec Europol.
Des progrès satisfaisants ont également été réalisés en ce qui concerne le développement d'une méthodologie commune pour élaborer, mettre en oeuvre et évaluer des projets concrets de prévention de la criminalité. Cette méthodologie est nécessaire pour améliorer la qualité des projets de prévention où qu'ils soient mis en oeuvre dans l'Union et pour permettre une comparaison internationale normalisée. Les discussions au sein du REPC ont surtout porté sur la stratégie dite «en cinq étapes». Il s'agit des «cinq étapes» à parcourir pour la description et l'évaluation de chaque projet/mesure de prévention [30]. Le REPC prévoit qu'il y aura un accord entre les États membres sur l'approche en cinq étapes au cours des prochains mois. Il importe de formaliser un tel accord pour garantir son application effective.
[30] Ekblom, Paul (2003). The 5IS Framework. [Les cinq «étapes» sont: 1) l'information: rassembler et analyser des informations; 2) l'intervention: neutraliser, enrayer ou atténuer les causes de la criminalité; 3) la mise en oeuvre: convertir les principes d'intervention en méthodes pratiques; 4) la participation: mobiliser d'autres agences, entreprises et particuliers pour qu'ils jouent leur rôle dans la mise en oeuvre de l'intervention ou agissent en partenariat; 5) l'évaluation de l'incidence et du processus.]
Difficultés rencontrées par le REPC
La décision du Conseil instituant le Réseau prévoit une évaluation de son activité dans les trois années suivant la date de l'adoption de la décision [31], c'est-à-dire avant la fin de 2004. Afin d'aider le Conseil à réaliser son évaluation l'année prochaine, la Commission considère que la structure institutionnelle du REPC doit faire l'objet d'un examen approfondi. Malgré les résultats obtenus jusqu'à présent, le fonctionnement du Réseau doit être considérablement amélioré. Des difficultés majeures résultent de l'absence de structure institutionnelle du Réseau, de l'insuffisance de son budget et de l'absence de règles financières claires. En outre, le secrétariat, qui ne compte qu'1,5 personne, est trop réduit pour accomplir correctement sa tâche, compte tenu notamment du fait que le Réseau comptera 25 membres à part entière à partir du 1er mai 2004. La Commission est donc convaincue que pour devenir tout à fait efficace, le REPC devrait bénéficier du budget communautaire et disposer d'un règlement financier stipulant clairement quelle doit être l'utilisation du budget, ainsi que d'un secrétariat doté d'un personnel suffisant. Les solutions envisageables à cet égard consistent soit à doter le Réseau de la personnalité juridique soit à l'intégrer dans les services de la Commission.
[31] Article 6 de la décision du Conseil, du 28 mai 2001, instituant un Réseau européen de prévention de la criminalité, JO L 153 du 8.6.2001, p. 1.
Un autre problème tient au fait que le potentiel du Réseau ne pourra être pleinement exploité tant que tous les États membres ne se seront pas engagés à adopter formellement et à mettre en oeuvre des politiques générales de prévention de la criminalité au niveau national. Tant que tous les États membres ne disposeront pas de telles politiques, les activités du Réseau, si utiles soient-elles, risquent de rester partiellement isolées et de ne pas avoir de répercussions adéquates sur la pratique nationale des États membres en matière de prévention de la criminalité.
2.2.2. Les programmes Hippocrate et AGIS
À la suite de la communication de novembre 2000 sur la prévention de la criminalité, l'Union a adopté deux instruments destinés à cofinancer des projets de coopération entre États membres dans le domaine de la prévention de la criminalité, à savoir les programmes Hippocrate en 2001 et AGIS en 2002.
Le programme «Hippocrate» [32] est destiné à encourager la coopération entre tous les organismes publics ou privés des États membres participant à la prévention de la criminalité. Il a été institué pour une période de deux ans couvrant les années 2001 et 2002. Ses priorités en matière de prévention générale de la criminalité étaient fondées sur les trois thèmes prioritaires identifiés par le Conseil européen de Tampere et par le programme de travail du REPC, à savoir la délinquance juvénile, la criminalité urbaine et la criminalité liée à la drogue. En 2001, sur 60 propositions, 23 projets ont bénéficié d'un financement. En 2002, le programme [33] a reçu 44 projets, dont 14 ont obtenu un soutien financier. Parmi les exemples de propositions retenues, on peut citer la coopération entre les secteurs public et privé en ce qui concerne la prévention de la criminalité, le hooliganisme dans le secteur du football et l'urbanisme au service de la lutte contre la criminalité.
[32] JO L 186 du 7.7.2001, p. 11.
[33] Rapport sur le programme Hippocrate - année 2002, SEC (2003) 1176 du 23 octobre 2003.
Sur proposition de la Commission, le Conseil a adopté, le 22 juillet 2002, un programme-cadre destiné à cofinancer des projets de coopération policière et judiciaire en matière pénale [34], le programme AGIS, qui a notamment remplacé le programme Hippocrate.
[34] JO L 203 du 1.8.2002, p. 5.
En 2003, 30 projets de prévention de la criminalité ont été cofinancés sur un total de 54. Parmi les propositions retenues, citons la conception d'environnements urbains sûrs, l'échange de meilleures pratiques en matière de délinquance juvénile et de criminalité urbaine, ainsi que les coûts de la criminalité et leur répartition.
2.3. Le prix européen de prévention de la criminalité
Le prix européen de prévention de la criminalité (ECPA) est une initiative prise par les Pays-Bas, la Belgique et le Royaume-Uni en 1997. L'idée à l'origine de cette initiative était d'encourager les acteurs de la prévention de la criminalité en sélectionnant chaque année les deux meilleurs projets pour l'attribution du prix. Les projets devaient être sélectionnés en fonction de critères préétablis, tels que leur reproductibilité, le respect de la situation locale et leur efficacité en matière de réduction effective de la criminalité. Depuis, six autres États membres se sont associés à ce prix, qui a vu le jour en tant qu'initiative de six États membres (Danemark, France, Suède, Portugal, Grèce et Finlande).
Les objectifs du prix sont de contribuer à la réduction de la criminalité et de la peur de la criminalité, à l'échange de bonnes pratiques à l'échelon international et à la promotion accrue des activités de prévention de la criminalité. Il offre une possibilité unique de sensibilisation à la prévention de la criminalité dans un contexte très large qui englobe tant les travailleurs sociaux que les représentants officiels des États membres et des pays candidats.
Afin de mieux faire connaître le prix européen de prévention de la criminalité et dans l'espoir d'y associer tous les États membres, l'UE a cofinancé l'initiative par l'intermédiaire du programme Hippocrate. Grâce à cette aide financière, le prix de 2002 ne s'est pas seulement limité à la présentation des pratiques les meilleures et les plus prometteuses, mais a également comporté une discussion approfondie sur la mise en oeuvre et l'évaluation des projets participants. La Commission considère que pour renforcer la cohérence et la stabilité, le prix européen de prévention de la criminalité devrait à l'avenir faire partie intégrante du REPC et inclure tous les États membres de l'Union.
3. CONCLUSIONS ET ACTIONS RECOMMANDÉES
La prévention de la criminalité de masse est un outil politique relativement récent, mais constitue potentiellement efficace pour réduire la criminalité. Elle devrait par conséquent constituer un domaine politique à part entière dans l'Union européenne. Afin de garantir une prévention de la criminalité plus efficace dans l'ensemble de l'Union, la Commission estime qu'il est essentiel que les conditions suivantes soient remplies, tant dans les États membres qu'à l'échelon européen.
3.1. Conditions essentielles dans les États membres
Priorité aux autorités locales
La criminalité de masse se produit généralement au niveau local. Les autorités locales sont donc les premières responsables de la lutte contre ce phénomène, idéalement avec le soutien des autorités nationales. La coopération au niveau de l'UE peut avoir un important effet de facilitation et de soutien, sans toutefois se substituer aux politiques nationales des États membres.
Les politiques nationales de prévention de la criminalité sont essentielles
S'il est vrai que la majorité des États membres ont mis en place des politiques de prévention de la criminalité de masse, tel n'est pas encore le cas d'une minorité non négligeable d'entre eux. La Commission propose donc que tous les États membres s'engagent formellement à se doter de politiques efficaces de prévention de la criminalité de masse.
Il importe de suivre des normes internationalement reconnues
Le succès des politiques de prévention de la criminalité requiert plusieurs conditions essentielles dont bon nombre figurent sur la liste des principes directeurs des Nations unies applicables à la prévention du crime [35]. Elles comprennent notamment l'existence d'un engagement politique au plus haut niveau, des ressources suffisantes, dont un soutien financier pour les structures et activités, des orientations données par le niveau national au niveau local, ainsi qu'un partenariat public-privé efficace. Les stratégies de prévention de la criminalité devraient également, le cas échéant, prendre dûment en considération les besoins différents des hommes et des femmes et tenir compte des besoins particuliers des éléments vulnérables de la société. Cette différenciation est d'une égale importance en ce qui concerne les délinquants et les victimes. La Commission estime que, dans l'intérêt d'une prévention efficace de la criminalité dans l'ensemble de l'Union, il y a lieu d'intégrer les principes des Nations unies en la matière dans les politiques nationales de prévention des États membres.
[35] Voir la commission des Nations unies pour la prévention du crime et la justice pénale, rapport sur la onzième session (16 au 25 avril 2002) - Conseil économique et social, documents officiels, 2002; supplément n° 10.
3.2. Conditions essentielles au niveau de l'Union européenne
Afin de soutenir efficacement les activités dans les États membres, d'éviter les doubles emplois et de mieux utiliser les ressources disponibles, certaines actions de coopération concernant la criminalité de masse doivent également être entreprises à l'échelon de l'UE.
La Commission considère que les principales tâches et activités à accomplir au niveau de l'UE sont les suivantes: procéder à un échange d'expériences entre responsables politiques et experts de la prévention; définir et arrêter de commun accord les actions prioritaires; convenir des politiques et mesures en matière de prévention de la criminalité dont l'efficacité a été démontrée (bonnes pratiques); convenir de méthodologies uniformes pour l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques de prévention; sensibiliser davantage la population de l'Union européenne à l'utilité de la prévention générale de la criminalité; convenir des recherches à effectuer conjointement afin de combler les lacunes en la matière; lancer des projets communs de prévention; suivre et évaluer les politiques nationales de prévention et améliorer la comparabilité des statistiques nationales pour identifier les différences entre les niveaux de criminalité (de façon à pouvoir déterminer les causes du succès/de l'échec de certaines politiques).
Ces tâches et activités profiteraient du soutien des États membres, étant entendu que les activités entreprises conjointement par les États membres dans le cadre du REPC ne peuvent en aucun cas remplacer les activités nationales concrètes de prévention de la criminalité.
Pour permettre au REPC de fonctionner plus efficacement et de s'attaquer aux difficultés exposées dans la section 2.2.1, la Commission a l'intention de soumettre une proposition formelle concernant la future structure institutionnelle du Réseau à la suite de son évaluation en 2004.
Dans le cadre du REPC, la Commission propose que son travail et celui des États membres se concentre notamment, au cours des prochaines années, sur les cinq domaines d'action prioritaires suivants, afin de réaliser des progrès concrets plus rapidement:
Formes de criminalité prioritaires
Il convient tout d'abord de recenser avec précision les formes de criminalité de masse auxquelles les États membres devraient prêter une attention particulière et de parvenir à un accord formel à leur sujet. Les conclusions du Conseil européen de Tampere et la décision du Conseil instituant le REPC ont désigné la délinquance des jeunes, la criminalité urbaine et la criminalité liée à la drogue comme domaines prioritaires. Ces catégories sont cependant trop larges. La Commission propose donc de les subdiviser, d'une manière exhaustive, entre tous les types d'infractions, délits et crimes relevant de ces trois catégories (par exemple les vols dans la rue et dans les véhicules et les cambriolages). Des formes de criminalité prioritaires méritant une attention particulière devraient être choisies sur la base de cette liste.
Inventaire des bonnes pratiques
Deuxièmement et en parallèle, il convient de dresser et d'approuver un inventaire de toutes les bonnes pratiques existantes pour chacune des formes de criminalité sélectionnées. Les États membres devraient ensuite choisir en commun celles qui sont les plus efficaces et s'engager à commencer à mettre en oeuvre chacune d'elles dans la lutte contre la forme de criminalité correspondante.
Une méthodologie commune - la stratégie en cinq étapes
Une troisième priorité est de convenir d'une méthodologie commune pour élaborer, mettre en oeuvre et évaluer les projets concrets de prévention de la criminalité. Cette méthodologie commune est nécessaire pour améliorer la qualité des projets de prévention et permettre une comparaison normalisée entre les pays. La Commission propose de s'appuyer sur les progrès considérables réalisés ces dernières années en la matière dans l'Union européenne en ce qui concerne l'approche dite «en cinq étapes» et de parvenir à un accord formel au cours des prochains mois.
Surveillance et évaluation
La surveillance et l'évaluation régulières des politiques générales des États membres en matière de prévention de la criminalité constituent également une activité importante à entreprendre au niveau de l'UE. L'expérience acquise dans le cadre du mécanisme commun d'évaluation instauré par l'action commune du 5 décembre 1997 [36] dans le domaine de la criminalité organisée a montré le rôle important qu'un tel mécanisme pouvait jouer en suivant les progrès accomplis, en comparant les expériences, en tirant des conclusions politiques et en informant le citoyen européen. Une telle solution devrait donc être également proposée en ce qui concerne la prévention de la criminalité de masse.
[36] JO L 344 du 15.12.1997, p. 7 à 9. Dans l'action commune, les États membres conviennent d'un mécanisme d'évaluation régulière par les pairs de l'application au plan national des instruments législatifs en matière de lutte contre la criminalité organisée.
Statistiques
Enfin, la coopération européenne est entravée par les différences en matière de définition, de procédures d'enregistrement et de structure des statistiques relatives à la criminalité et à la justice pénale. Les États membres ont besoin de statistiques valables en ce qui concerne la fréquence des formes prioritaires de criminalité. Seule une meilleure comparabilité des données statistiques de la criminalité contribuera à identifier les différences entre les volumes et les formes de criminalité aux niveaux national, régional et urbain, ainsi qu'à définir des mesures efficaces aux fins d'interventions et de politiques ciblées au niveau de l'Union.
Remarques finales
À la lumière d'un débat avec le Parlement européen et le Conseil sur la présente communication et des conclusions de l'évaluation du REPC, qui doit être effectuée par le Conseil au milieu de l'année 2004, la Commission a l'intention de soumettre, d'ici la fin de 2004, des propositions de mise en oeuvre des recommandations ci-dessus, afin de réaliser des progrès plus rapides et plus tangibles dans la prévention de la criminalité de masse dans l'Union.