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Communication de la Commission européenne du 15 janvier 2014 : Prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent: renforcer l'action de l’UE - COM/2013/0941 final

 

Communication de la Commission européenne du du 15 janvier 2014 : Prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent: renforcer l'action de l’UE

COM/2013/0941 final


 

1. Introduction

 

1.1 Tendances et défis

 

Depuis la dernière mise à jour de la stratégie de l’UE visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement, en 2008, les tendances en matière de radicalisation ainsi que les moyens et les formes de celle-ci ont évolué et se sont diversifiés.

Premièrement, le terrorisme en Europe trouve désormais son inspiration dans une gamme plus large d'idéologies, comme l'a montré le rapport TE-SAT (situation et tendances du terrorisme) d’Europol pour 2013. Il s’agit notamment des idéologies nationalistes et séparatistes, de celles inspirées par le réseau Al-Qaida, des idéologies violentes de gauche, anarchistes et de droite.

Deuxièmement, les activités terroristes et les activités extrémistes violentes dans l'UE ne relèvent plus exclusivement d'organisations centralisées et hiérarchisées. La menace a évolué progressivement et provient désormais aussi de plus petits groupes, de cellules et d'individus isolés, établis en Europe et qui fonctionnent de façon plus libre et plus imprévisible. Ils préparent des attaques sans être dirigés par une organisation ou en l'étant peu, ce qui rend la prévention encore plus difficile.

Parmi les terroristes qui planifient des attentats sur le sol européen, beaucoup sont eux-mêmes des Européens. Ces attaques n'entraînent pas seulement la perte de vies humaines et des dégâts économiques; elles peuvent semer le germe de la division entre les communautés en Europe, suscitant des opinions de plus en plus réactionnaires et extrémistes dans d'autres parties de la société. Cela contribue à la constitution d'un terrain fertile pour l’extrémisme et perpétue ainsi un cercle vicieux de radicalisation, d'attaques et de réactions violentes.

L’Europe est aussi concernée directement par l'activité terroriste dans le monde: les Européens peuvent être victimes d’attentats, comme l'ont montré les récentes atrocités à Nairobi; cependant, ils peuvent aussi être les auteurs de ces attentats. Des Européens, souvent poussés sur la voie de la radicalisation par une propagande extrémiste ou par des recruteurs en Europe, se rendent à l'étranger pour s'entraîner et intervenir dans les zones de combat et, ce faisant, se radicalisent encore plus.

Beaucoup parmi ces «combattants étrangers» européens, dotés de nouvelles compétences de combat, pourraient constituer une menace pour notre sécurité à leur retour d'une zone de conflit. À plus long terme, ils pourraient jouer le rôle de catalyseurs de terrorisme. Le phénomène des combattants étrangers n’est pas nouveau, mais, les combats en Syrie se poursuivant, le nombre d'extrémistes qui vont participer au conflit augmente. Or, la menace pour notre sécurité augmente avec le nombre de combattants étrangers européens.

Les groupes terroristes et les extrémistes tirent parti des progrès technologiques pour trouver de nouvelles façons d'approcher les jeunes désappointés, en utilisant les réseaux sociaux, les canaux vidéo et les chats radicaux en ligne. Ils diffusent leur propagande plus largement, plus rapidement et plus efficacement.

Les techniques traditionnelles de répression sont insuffisantes pour faire face à l'évolution des tendances en matière de radicalisation, c'est pourquoi une approche plus large est nécessaire pour prévenir ce phénomène et le combattre. Cette approche élargie doit impliquer l'ensemble de la société.

La présente communication porte sur la radicalisation sous toutes ses formes et définit, par domaine, une large gamme de mesures pour prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et à l'extrémisme violent et pour lutter contre ce phénomène.

 

1.2 Démarche générale et objectif

 

Les États membres sont responsables de la conception et de la mise en œuvre de mesures destinées à prévenir et combattre la radicalisation; les actions clés en la matière sont menées à l'échelle nationale et locale et doivent continuer de l'être. Certains États membres ont réalisé beaucoup dans ce domaine et peuvent partager leur expérience avec les autres États membres intéressés.

Étant donné la préoccupation grandissante quant à la radicalisation en ligne, et le développement notable de groupes ouvertement extrémistes en Europe, de plus en plus d’États membres sont confrontés à des menaces liées à la radicalisation. Le risque de radicalisation débouchant sur une violence extrémiste croît dans l'ensemble de l'UE, c'est pourquoi il serait bénéfique pour les États membres de renforcer leurs efforts pour réagir efficacement aux problèmes de ce type.

Sous de nombreux aspects, la radicalisation ne connaît pas les frontières nationales. Par exemple, l’utilisation de chats, de médias sociaux ou d'autres outils en ligne a souvent une dimension internationale. Les types de menaces auxquels les États membres sont confrontés étant souvent similaires, il peut être efficace de prendre des mesures au niveau de l’UE.

La Commission européenne soutient déjà les efforts des États membres pour prévenir et combattre l’extrémisme violent. En 2011, elle a créé le Réseau de sensibilisation à la radicalisation (RSR), qui réunit plus de 700 experts et acteurs de terrain de toute l’Europe. Le RSR met l'expertise en commun et facilite l’échange d’idées entre experts de tous niveaux sur des sujets allant de la responsabilisation des acteurs locaux à l’organisation de conférences internationales.

La présente communication traite des moyens à mettre en œuvre par la Commission européenne, en collaboration avec le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après le «haut représentant») et avec le soutien du coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, afin de soutenir les efforts des États membres pour prévenir la radicalisation. La Commission donne ainsi suite aux conclusions du Conseil de juin 2013 et contribue plus globalement à l'actualisation de la stratégie de l'UE visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes. Le chapitre suivant présente dix domaines dans lesquels les États membres et l’Union européenne pourraient agir davantage pour prévenir la radicalisation sur leur territoire et à l’étranger.

Les mesures présentées dans la présente communication reflètent l’engagement de l’Union à garantir la sécurité et à respecter les libertés et droits fondamentaux des citoyens de l’UE, tels qu’énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE, notamment la liberté d’expression et d’information, la liberté d’association et de réunion et le respect de la diversité linguistique, culturelle et religieuse.

 

2. Prévenir la radicalisation

 

La Commission, avec le soutien du haut représentant et du coordinateur pour la lutte contre le terrorisme, et avec l'aide notable du RSR, a recensé dix domaines dans lesquels les États membres et l'UE pourraient envisager d'agir pour lutter contre la radicalisation sur leur territoire et à l’étranger. La présente section explique brièvement quelle serait la valeur ajoutée que ces idées pourraient représenter par rapport aux efforts des États membres visant à prévenir la radicalisation et expose, dans chaque cas, les modalités de l'appui que la Commission pourrait apporter aux États membres intéressés.

Le RSR a compilé des approches et bonnes pratiques existant dans l'UE, que la Commission met en ligne pour accompagner la présente communication. Il s'agit d'un large éventail de pratiques qui permettent d'approfondir les mesures proposées dans la présente communication.[1]

Les actions décrites dans les sections suivantes sont destinées à être mises en œuvre au moyen des ressources allouées aux programmes existants au titre du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Elles seront financées dans le cadre du budget prévu et conformément aux objectifs desdits programmes. Si des ressources humaines supplémentaires devaient être nécessaires, des membres du personnel seraient redéployés. Toute tâche attribuée à un organe décentralisé relèvera du mandat actuel dudit organe et sera effectuée au moyen des ressources dont il dispose pour la période 2014-2020. Les initiatives proposées n’entraîneront pas de coûts supplémentaires pour le budget de l’UE.

 

2.1 Mettre en place des stratégies nationales visant à prévenir la radicalisation, dans l'intérêt des États membres

 

Bien que le terrorisme n’ait pas affecté tous les États membres directement, la menace est persistante et les attaques terroristes sont imprévisibles. Les terroristes peuvent frapper partout, à tout moment. Il est donc essentiel que nous collaborions afin de faire ce qui est en notre pouvoir pour prévenir cette menace.

Plusieurs États membres ont déjà mis en œuvre des mesures pour prévenir la radicalisation, tant au niveau national qu'à l'extérieur. Mais le recours à des approches globales dans le cadre du volet de la stratégie de l’UE de lutte contre le terrorisme qui vise à lutter contre la radicalisation et le recrutement n'est pas généralisé. Certains États membres disposent de telles approches, d’autres pas. Les stratégies qui existent sont fondées sur une coopération horizontale et verticale entre les parties concernées, qui va du niveau local au niveau international. Une prévention efficace implique la participation des organisations non gouvernementales, des travailleurs de première ligne, des services de sécurité et des experts du domaine.

De telles stratégies nécessitent le renforcement de la confiance au sein des communautés et entre elles, la promotion d'une meilleure compréhension des sensibilités et des problèmes des uns et des autres, la participation de différents groupes de la société, et de nombreux autres éléments. Combinés, ces différents aspects permettent de diminuer le risque de radicalisation et augmentent les chances d'arrêter des processus qui conduisent à l'extrémisme et à la violence.

Selon le RSR, une prévention efficace requiert que davantage d'États membres mettent en place des stratégies pour prévenir l'extrémisme violent et le terrorisme à la fois dans l'UE et en dehors de celle-ci, sur la base de leurs propres analyses des menaces et de leurs propres spécificités. Les stratégies nationales pourraient présenter un lien avec la stratégie révisée de l’UE et pourraient prévoir une coopération entre les États membres et d’autres acteurs concernés, afin de trouver des moyens innovants de prévenir et de combattre la radicalisation et l'extrémisme violent.

La Commission, en collaboration avec le haut représentant, et avec le soutien du coordinateur pour la lutte contre le terrorisme, pourrait également aider les États membres à mettre au point et à mettre en œuvre leurs stratégies, encourager l'élaboration de nouveaux projets et faciliter la coopération au sein de l'UE et au-delà.

 

2.2 Consolider l'expertise en matière de prévention de la radicalisation

 

Il existe une vaste expertise et un grand nombre de bonnes pratiques, dans l'UE et ailleurs. Les responsables de l'élaboration des politiques et les autres parties concernées des États membres devraient avoir accès à cette base de connaissances et l'exploiter activement. La mise en place du RSR a constitué un pas dans cette direction; les dialogues structurés qu’il a favorisés devraient se poursuivre, ainsi que le développement du recueil de bonnes pratiques qui en a été tiré. L’UE devrait continuer à contribuer à l'approfondissement de la coopération entre les responsables politiques, les milieux universitaires, les partenaires privés et les enceintes internationales.

À cette fin, la Commission propose de renforcer le rôle du secrétariat du RSR et, d'ici 2015, de faire de ce secrétariat davantage un pôle de connaissance qui rassemblerait l'expertise en matière de prévention de la radicalisation conduisant au terrorisme et à l'extrémisme violent et de lutte contre ce phénomène. Outre ce rôle logistique, les tâches principales du secrétariat consisteraient à:

- répondre en première ligne aux demandes d'aide des États membres et de la Commission liées à la mise en œuvre des propositions en matière de prévention de la radicalisation;

- assurer les interconnexions entre les différentes sources d'expertise dans le domaine de la prévention de la radicalisation, notamment en rassemblant et en diffusant les bonnes pratiques et en contribuant activement à la définition de l'agenda de recherche;

- servir de plateforme de coordination pour les initiatives de prévention, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'UE.

La gestion du secrétariat du RSR fera l'objet d'un appel d'offres pour une durée déterminée.

 

2.3 Mieux faire correspondre le travail du Réseau de sensibilisation à la radicalisation aux besoins des États membres

 

Le RSR a réussi à développer des outils pour faire face aux défis que représente la radicalisation. Le recueil de bonnes pratiques en ligne en est un bon exemple. On peut mentionner aussi la structure d'apprentissage en ligne qui permet l'échange à distance d'informations et d'idées entre les membres du réseau. Le RSR a également commencé à aborder des phénomènes précis dans le cadre de séminaires et de projets. Récemment, il a mené à bien des travaux sur la gestion des combattants étrangers, centrés sur la prévention, la proximité, la réhabilitation et la réintégration. Ce thème revêt une importance croissante, étant donné que le conflit en Syrie ne semble pas s’éteindre.

En janvier 2013, la Commission a organisé une conférence à haut niveau, lors de laquelle les experts du RSR ont rencontré les responsables politiques des États membres pour rédiger des recommandations en matière de lutte contre l’extrémisme violent. Il s’agissait d'une première étape pour combler le fossé entre le RSR et les décideurs politiques des États membres; la Commission continuera à œuvrer en ce sens.

Sur la base de l’expérience du RSR, la Commission:

- organisera une deuxième conférence à haut niveau à la mi-2014;

- demandera au RSR de se consacrer en priorité à l'aide aux États membres pour la mise en œuvre des mesures suggérées dans la présente communication;

- accueillera favorablement les initiatives des États membres pour la création de plateformes nationales, basées sur le modèle du RSR s'il y a lieu, qui auraient pour rôle de conseiller plus en détail les décideurs politiques nationaux et locaux et les parties concernées non gouvernementales;

- apportera son soutien à une conférence sur les combattants étrangers en Syrie qui devrait avoir lieu au début de l’année 2014 sous la conduite du RSR. Cette conférence rassemblera des représentants de tous les secteurs concernés (application de la loi, soins de santé, etc.) issus des villes de l’Union européenne dans lesquelles les combattants étrangers suscitent le plus d'inquiétudes. Les acteurs de terrain locaux et les experts nationaux échangeront leurs pratiques et leurs idées quant aux moyens d'empêcher le départ de combattants potentiels pour la Syrie et d'aborder les combattants étrangers à leur retour.

 

2.4  Former les acteurs de terrain à prévenir la radicalisation

 

L’expérience du RSR montre que les acteurs locaux doivent être correctement équipés pour reconnaître les comportements radicalisés. Cela vaut particulièrement pour ceux qui sont en contact direct avec des personnes qui présentent un risque de radicalisation. Ces travailleurs de première ligne sont notamment les travailleurs sociaux, les éducateurs, les travailleurs du secteur des soins de santé, les policiers, le personnel pénitentiaire et les agents de probation. Bien que ces professionnels ne soient pas tous actifs dans le domaine de la sécurité, leur formation et leur connaissance des besoins des personnes à risque font qu'ils sont souvent les mieux placés pour reconnaître les personnes qui sont en train d'être radicalisées. Cependant, les travailleurs de première ligne n’ont pas toujours une bonne connaissance du processus de radicalisation et ne savent pas toujours comment réagir. Il est donc nécessaire de les former pour les aider à déceler et à interpréter les signes de radicalisation et à juger si une intervention est appropriée ou pas.

Des programmes et des sessions de formation ont déjà été mis au point aux quatre coins de l’Europe pour améliorer la connaissance et la compréhension du phénomène qu'ont les travailleurs de première ligne qui s'occupent de personnes ou de groupes à risque. Toutefois, la menace continuant d'évoluer, il devient clair qu'une approche plus globale est nécessaire, au sein de chaque secteur et à l'échelon intersectoriel. Elle devrait être fondée sur les formations existantes et inclure les éléments de réflexion les plus récents. Certains États membres ont mis en place des programmes de formation pour des secteurs diversifiés, mais d’autres limitent leurs programmes aux groupes cibles les plus classiques, comme le personnel des services répressifs et le personnel pénitentiaire. Or, les tendances récentes en matière de radicalisation exigent que les modules de formation soient étendus à d'autres secteurs comme les services sociaux, les soins de santé et l'enseignement.

La Commission:

- avec la contribution des États membres, chargera le RSR de mettre sur pied un programme européen de «formation des formateurs» tant à l'échelon sectoriel qu'à l'échelon intersectoriel;

- si nécessaire, chargera le RSR de mener les cours élaborés par lui;

- avec l'aide du RSR, œuvrera avec le Collège européen de police (CEPOL) à la mise au point d'un module de formation sur la reconnaissance et la prévention du processus de radicalisation, destiné aux professionnels de l'application de la loi.

 

2.5 Mettre au point des «stratégies de sortie» pour aider des personnes à quitter l'extrémisme violent, dans l'intérêt des États membres

 

Même une personne qui a été radicalisée au point de basculer dans l'extrémisme violent ou le terrorisme peut renoncer à la violence et à l'idéologie sous-jacente. Des «stratégies de sortie» peuvent aider des individus radicaux à se désengager (renoncer à la violence sans abandonner l'idéologie qui la sous-tend) et à se déradicaliser (renoncer à la fois à la violence et à l'idéologie sous-jacente). Les ambitions annoncées de ces stratégies vont de dissuader des extrémistes de la violence à réintégrer des personnes anciennement radicalisées dans la société. Chaque individu radical a ses propres motivations et ses propres raisonnements, c'est pourquoi les programmes de sortie doivent être adaptés aux besoins individuels.

Les stratégies de sortie reposent généralement sur un suivi individuel, consistant en un soutien psychologique et en des conseils, combinés à un soutien social et économique pour faciliter la réintégration. Les conseillers doivent posséder les compétences professionnelles spécifiques nécessaires, avoir reçu une formation suffisante et bénéficier du soutien d'autres acteurs de terrain.

Les stratégies de sortie doivent être intégrées dans le contexte sociétal plus large. Elles devraient impliquer les familles et les communautés, qui sont souvent les mieux placées pour contribuer à la déradicalisation en encourageant la discussion sur des questions difficiles, en faisant appel à l’aide de la communauté au sens large et en restant attentives à des changements inquiétants de comportement.

L'expérience acquise par le RSR montre que les autorités nationales et locales pourraient soutenir avec profit une plus grande participation des familles, en les aidant à comprendre la radicalisation de leur parent et à s'y opposer ou, si possible, à la prévenir. Les services de conseil, les lignes d'assistance téléphonique et les réseaux locaux de soutien peuvent apporter une aide essentielle face à des circonstances difficiles.

Dans le cadre d'une telle approche, les stratégies de sortie doivent être conçues et mises en œuvre en collaboration avec une large gamme d’acteurs étatiques et non étatiques. C’est ce que l’on appelle une approche interservices. La promotion des stratégies de sortie peut s'appuyer sur une collaboration transsectorielle entre les autorités concernées comme la police, les services pénitentiaires et les services de réinsertion, les prestataires de services sociaux, les écoles, etc. Elle devrait s'inscrire dans une perspective à plus long terme, tenir compte des facteurs socioéconomiques sous-jacents et disposer de ressources propres.

Pour aider les États membres à mettre au point de tels programmes de sortie, la Commission, en étroite coopération avec les États membres, chargera le RSR de rassembler des connaissances et des expertises afin d'aider les États, à leur demande, à mettre en place des programmes efficaces de déradicalisation et de désengagement. Cette aide comprendrait:

- l’organisation d’ateliers à l'échelle de l'UE rassemblant les États membres pour étudier différents programmes de déradicalisation et de désengagement et discuter des mécanismes auxquels peuvent faire appel les familles, les communautés et les travailleurs de première ligne;

- la mise en place de formations pour les acteurs de terrain locaux qui aident des personnes à se désengager et à se déradicaliser;

- le soutien à l'administration centrale et aux autorités locales, à la demande de l'État membre, pour la mise en place de programmes nationaux de déradicalisation ou de désengagement.

 

2.6 Coopérer plus étroitement avec la société civile et le secteur privé pour répondre aux défis de l'internet

 

Les technologies de communication modernes permettent un accès sans précédent aux informations. Les radicalisateurs en tirent parti: ils utilisent des outils en ligne pour répandre leurs messages haineux plus efficacement que jamais. En outre, l’internet permet aujourd’hui à ses utilisateurs d'accéder à des contenus extrémistes dans l'intimité de leur domicile. Il permet aussi à des personnes radicalisées de communiquer facilement avec des personnes qui présentent un risque de radicalisation. Des magazines publiés en ligne, comme Inspire d'Al-Qaida dans la péninsule arabique, présentent une vision faussée de la vie de terroriste. Il est facile de trouver des vidéos qui font la promotion de groupes comme Al-Shabab, et même, sur des plateformes web grand public, des vidéos montrant des actes terroristes de façon détaillée.

Nous pouvons faire davantage pour empêcher que cette propagande dangereuse ne prolifère et n'atteigne son public cible, et pour y répondre. Les États membres et les fournisseurs de services coopèrent sur une base ad hoc pour supprimer les contenus illégaux, mais cette tâche est ardue, car beaucoup de sites web extrémistes sont hébergés hors de l'UE. La directive «Services de médias audiovisuels» oblige déjà les autorités de tous les pays de l’UE à veiller à ce que les services audiovisuels ne contiennent aucune incitation à la haine fondée sur la race, le sexe, la religion ou la nationalité. Toutes les mesures prises en vertu de cette directive doivent respecter les droits fondamentaux, y compris le droit à la libre expression.

La lutte contre la propagande extrémiste va au-delà de la simple interdiction ou suppression des contenus illégaux. Il est nécessaire de diffuser des messages positifs et soigneusement ciblés, de façon suffisamment large pour que les internautes vulnérables puissent y accéder facilement au lieu de consulter de la propagande terroriste.

La Commission est disposée à aider les États membres, les pays tiers, le secteur privé, la société civile et les particuliers dans leurs efforts visant à créer des contre-messages positifs en ligne et à tenir les contenus illégaux hors de portée du public. À cet effet, la Commission mènera les actions suivantes:

- créer un forum avec les principaux acteurs du secteur pour débattre de l'ampleur du problème, des mesures prises par les parties concernées et des possibilités de renforcement de la coopération. Les participants examineront un large éventail de sujets, notamment les moyens de faciliter le signalement par le public de contenus offensants ou potentiellement illégaux, de promouvoir la création de contre-discours en ligne et de rendre facilement accessibles des messages de substitution qui encouragent l'esprit critique. Ce forum tiendra régulièrement des réunions à haut niveau et des réunions techniques et fera rapport sur ses activités; 

- continuer à encourager les groupes communautaires, les citoyens, les victimes et les anciens extrémistes à élaborer des contre-discours. Dans ce cadre, la Commission chargera le RSR de mettre au point des contre-discours innovants, en ligne, avec la participation d'anciens terroristes et de victimes du terrorisme. L’objectif est de produire une série de vidéos et messages en ligne destinés aux personnes à risque. La portée et l’incidence de ces vidéos seront mesurées; un rapport sur les contre-discours efficaces en ligne devrait être rédigé pour la Commission et les États membres.

 

2.7 Renforcer la capacité des victimes afin de contribuer à empêcher la radicalisation

 

Les victimes de violence extrémiste souffrent beaucoup et doivent être soutenues dans leur rétablissement. Si elles reçoivent un soutien approprié, elles choisiront peut-être de faire entendre leur voix contre l’extrémisme violent et le terrorisme. C’est précisément parce que leur souffrance est tellement personnelle et directe qu'elles sont des témoins très crédibles et que leurs paroles ont une incidence plus grande que celles de toute organisation officielle. Les victimes peuvent témoigner clairement des conséquences réelles du terrorisme et de l'extrémisme violent et constituer un contrepoids efficace à la propagande partiale des extrémistes.

La Commission est déterminée à aider les victimes de terrorisme et de violence extrémiste et mènera les actions suivantes:

- continuer à renforcer les droits des victimes et à soutenir leurs groupes et réseaux, à la fois dans l’UE et au-delà;

- financer des projets qui permettent aux victimes de raconter leur histoire, à la fois pour leur rétablissement personnel et pour créer de nouveaux contre-discours;

- sensibiliser davantage le public en commémorant la Journée des victimes le 11 mars de chaque année et en mettant sur pied des expositions consacrées aux récits des victimes.

 

2.8 Faire davantage pour encourager les jeunes à exercer leur esprit critique vis-à-vis des messages extrémistes

 

C'est à l'adolescence et au début de l'âge adulte que les gens sont les plus impressionnables. Les valeurs et attitudes qu'ils élaborent à ce stade les accompagnent souvent pendant la plus grande partie de leur vie. Sans surprise, les personnes pour lesquelles la propagande radicale représente le plus grand risque sont donc les adolescents et les jeunes adultes. Dans le passé, l’accès aux documents extrémistes pouvait mieux être contrôlé par les parents, les professeurs et les responsables de communauté. Cependant, avec les nouvelles technologies et la diffusion de ces contenus, ce n'est plus le cas.

Les jeunes utilisent souvent l’internet seuls, alors que personne n'est présent pour critiquer les informations nuisibles. Cela augmente le risque que le message ne prenne racine et ne les conduise à la violence. Toutefois, si les jeunes peuvent être exposés à des contenus nuisibles en ligne, ils peuvent également y trouver des contre-récits positifs. Des mesures doivent être prises pour encourager les jeunes à ne pas rester passifs, mais à faire preuve d'esprit critique, à contester les idées extrémistes et à les démonter. Le RSR a constaté que le dialogue interculturel et les échanges personnels entre jeunes constituaient une méthode clé pour la construction d'une résistance à la propagande extrémiste. L’engagement civique et la participation à la vie locale contribuent aussi au développement d'attitudes positives.

Le RSR a reconnu que les secteurs de l'enseignement, de la formation et du travail auprès des jeunes sont souvent les mieux placés pour aider les jeunes à développer leurs capacités d'analyse critique. Afin de maximiser les effets des actions contre la radicalisation, les décideurs politiques des États membres pourraient coopérer plus étroitement dans les domaines de l'enseignement, des activités non formelles pour la jeunesse et de la sécurité, afin de mettre au point des programmes plus efficaces.

À cet effet, la Commission mènera les actions suivantes:

- soutenir les États membres en repérant et en diffusant des programmes visant à encourager l'esprit critique. En effet, si les failles de la propagande extrémiste et terroriste sont mises au jour, cela encouragera les jeunes à remettre en question les vues exprimées par cette propagande. L'action de la Commission en matière d’éducation aux médias dans le cadre du programme «Europe créative» offre aux États membres et aux experts des possibilités de débattre et de mettre au point des outils efficaces dans ce domaine;

- utiliser Erasmus +, le programme de financement de l’UE pour la coopération en matière d’éducation, de formation, de jeunesse et de sport, pour offrir, sur la période 2014-2020, d'importantes possibilités de mobilité pour les étudiants et les professeurs et pour soutenir les partenariats entre acteurs de ces secteurs. Cela permettra de relever le niveau des compétences, de renforcer la qualité de l'enseignement, de moderniser les systèmes d'enseignement et de formation et, au final, d'aider les jeunes à développer leur résistance aux opinions extrémistes;

- soutenir les groupes locaux et communautaires qui travaillent avec d'anciens extrémistes violents et avec des victimes de violence extrémiste pour montrer aux jeunes qu'il y a un revers à la médaille. La Commission demandera aussi au RSR de mettre en place un groupe d'acteurs de terrain, de victimes du terrorisme et d'anciens terroristes auquel pourront s'adresser les écoles qui souhaitent aborder ces questions plus en profondeur.

 

2.9 Mener de nouvelles recherches sur les tendances en matière de radicalisation et évaluer les pratiques existantes

 

Il n'est pas possible de réagir de façon ciblée aux nouveaux défis que représente l'extrémisme violent sans comprendre les moteurs de ce processus. Les recherches menées au niveau de l’UE peuvent avoir une valeur ajoutée lorsqu'elles visent à dresser la carte des grandes tendances en matière de radicalisation et à analyser celles-ci. La Commission finance actuellement des recherches sur les motivations des individus isolés et les raisons pour lesquelles ils se tournent vers la violence, sur le passage de la modération à l'extrémisme violent et sur la création d'une «boîte à outils» pour l'évaluation des effets des programmes de lutte contre la radicalisation. Davantage de recherches sont nécessaires pour comprendre comment et pourquoi des gens se radicalisent ou se déradicalisent. Ces recherches devraient se pencher sur les rôles joués par l'idéologie, les nouvelles techniques de recrutement fondées sur l'internet, et les personnes qui sont prises pour modèle.

Pour soutenir ces recherches plus approfondies, la Commission:

- utilisera le programme «Horizon 2020» pour financer des recherches sur les «sociétés sûres», un thème collaboratif qui inclut la recherche sur la radicalisation et le recrutement;

- utilisera les sources de financement consacrées à la résilience aux catastrophes et à la lutte contre la criminalité et le terrorisme (futur Fonds pour la sécurité intérieure) pour financer de nouvelles recherches sur les moyens de lutter contre la radicalisation;

- travaillera avec les décideurs politiques nationaux, le RSR et les chercheurs pour faire en sorte que les recherches restent ciblées.

 

2.10 Collaborer plus étroitement avec les pays partenaires pour prévenir et combattre la radicalisation, tant à l’intérieur qu'à l’extérieur de l’UE

 

Parallèlement aux actions entreprises au niveau interne, l’UE et ses États membres devraient promouvoir des initiatives dans les pays tiers, notamment dans ceux qui sont fragiles ou touchés par des conflits, qui sont en transition ou dans lesquels la gouvernance est faible. La vulnérabilité à la radicalisation ne s’arrête pas aux frontières de l’UE; il est bien connu que le processus de radicalisation se déroule aussi en dehors de l’Union, dans les camps d'entraînement terroriste et dans les zones de conflit. Par conséquent, l'UE et ses États membres devraient, parallèlement aux mesures prises à l'échelle interne, encourager les pays partenaires à prendre leurs propres mesures.

Comme il existe un lien évident entre la dimension intérieure et la dimension extérieure, la Commission, en étroite collaboration avec le haut représentant et avec le coordinateur pour la lutte contre le terrorisme, veillera à la cohérence de ces deux aspects de l'action européenne en matière de prévention de la radicalisation. Il s'agit de traiter les bonnes priorités, en réalisant des analyses des risques ou en recourant à d'autres outils d'évaluation des conflits utilisés dans les pays tiers. Dans le même temps, une attention particulière devrait être accordée aux dimensions transnationale et transcontinentale des programmes et projets de lutte contre la radicalisation.

À cette fin, la Commission et le haut représentant mèneront les actions suivantes:

- accroître les efforts de renforcement des capacités hors UE, en mettant l’accent sur la prévention de la radicalisation et la lutte contre celle-ci, et veiller à ce que ces aspects soient intégrés dans les plans d’action et dans les dialogues politiques entre l’UE et ses pays partenaires. Le travail pour prévenir la radicalisation en dehors de l'UE est une composante de plus en plus importante de la coopération antiterroriste, et des investissements supplémentaires sont prévus dans ce domaine, spécialement dans le cadre de l'instrument de stabilité. L’UE soutiendra des projets de lutte contre l’extrémisme violent dans la Corne de l’Afrique et en Asie du Sud. Un financement supplémentaire pour ces activités en Afrique de l’Ouest est prévu. L’UE entend également lancer, par l'intermédiaire du centre international d'excellence pour la lutte contre l'extrémisme violent (Centre Hedayah) à Abou Dhabi, des projets visant à élaborer, entre autres, des programmes internes de formation pour partager les compétences spécifiques avec les acteurs de première ligne dans les pays partenaires;

- renforcer les liens entre les programmes d'éducation et de sécurité financés par les instruments d'aide extérieure, de façon à ce que les enfants et les jeunes des pays tiers soient encouragés à développer leur esprit critique dès les premiers stades de l'enseignement et à empêcher ainsi qu'ils deviennent victimes de la radicalisation, de la violence extrémiste ou du terrorisme;

- soutenir les médias en tant qu’acteurs essentiels pour renforcer le dialogue entre les organisations de la société civile, les autorités locales, les acteurs du secteur privé, les milieux universitaires et les organisations régionales ou internationales dans les pays tiers en ce qui concerne la prévention de la radicalisation et la lutte contre celle-ci;

- contribuer à la constitution du Global Fund for Community Engagement and Resilience (Fonds mondial pour la participation et la résilience des communautés) créé récemment par le Forum mondial de lutte contre le terrorisme. Ce Fonds soutient des initiatives locales de terrain en matière de lutte contre la radicalisation et fonctionne en partie avec des ressources privées;

- incorporer des stratégies visant à prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent aux outils et instruments classiques de coopération au développement, en particulier dans les États fragiles sujets à l'extrémisme violent;

- mettre en place des réseaux externes pour promouvoir des stratégies de prévention auprès des délégations de l’UE et des ambassades des États membres de l’UE dans les régions prioritaires, et veiller à ce que les délégations soient en mesure de déceler les possibilités de soutenir la participation de la société civile et les projets de lutte contre l'extrémisme violent. La Commission et le haut représentant soutiendront aussi les délégations de l'UE pour la collecte d'informations sur les attitudes envers l'UE et pour l'évaluation de la perception des messages de l'UE dans les pays prioritaires.

 

3. Perspectives

 

La présente communication a recensé les actions que les États membres et l’UE pourraient mener pour prévenir et combattre la radicalisation de façon plus efficace. La Commission, en collaboration avec le haut représentant et avec l’aide du coordinateur pour la lutte contre le terrorisme, offre aux États membres des outils et une aide pour leurs actions en la matière.

La présente communication présente les vues de la Commission également aux fins de la révision de la stratégie de l'UE visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes, qui doit commencer en 2014.

La Commission, en collaboration avec le haut représentant et avec le coordinateur pour la lutte contre le terrorisme, présentera un rapport sur la mise en œuvre des différentes actions décrites dans la présente communication vers la fin de 2015.

 

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[1] http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/networks/radicalisation_awareness_network/index_en.htm.

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