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Communication de la Commission européenne du 29 novembre 2000 : La prévention de la criminalité dans l'Union européenne - Réflexion sur des orientations communes et propositions en faveur d'un soutien financier communautaire - COM/2000/0786 final

 

Communication de la Commission européenne du 29 novembre 2000 : La prévention de la criminalité dans l'Union européenne - Réflexion sur des orientations communes et propositions en faveur d'un soutien financier communautaire

 

COM/2000/0786 final


TABLE DES MATIÈRES

 

1. Introduction

2. Contexte et Définitions

2.1. Le contexte juridique et politique

2.2. Définitions

2.2.1. La notion de criminalité

2.2.2. La notion de prévention

3. Eléments pour une stratégie européenne

3.1. Justification en termes de subsidiarité

3.2. Objectifs

3.3. Principes

4. Instruments

4.1. Développer la prévention du crime dans les politiques de l'Union européenne

4.2. Tester les propositions législatives : le "crime proofing"

4.3. Améliorer la connaissance des phénomènes criminels

4.4. Mettre en réseau les acteurs de la prévention

4.5. Créer un instrument financier

5. Conclusion

 

1. Introduction

 

Tous les Etats membres de l'Union sont confrontés depuis deux décennies à une criminalité qui s'est considérablement diversifiée et qui demeure à un niveau préoccupant, qu'elle vise les citoyens et leurs biens, le secteur marchand ou le secteur public. Ce phénomène a un coût considérable pour nos sociétés (coût humain pour les victimes, coût social et politique, coût économique). La globalisation et l'ouverture des marchés des biens, des services et des capitaux ont été des facteurs de croissance sans précédent en Europe mais ils ont pu également faciliter une expansion de la criminalité organisée transfrontalière.

Evoluant de manière souvent autonome par rapport à la criminalité, le sentiment d'insécurité relève de la perception individuelle ou collective des citoyens. Ce sentiment ne correspond pas nécessairement à la réalité mais est pourtant fondamental dans l'évaluation que les citoyens de l'Union se font de leur qualité de vie.

Face à ce constat, les autorités ont pris conscience des limites des mesures répressives traditionnelles des systèmes judiciaires et ont développé, à des degrés divers et de manière complémentaire, des initiatives de prévention de la criminalité.

La prévention de la criminalité a fait l'objet de travaux spécifiques au niveau de l'Union européenne dès 1996. La conférence de Stockholm a ainsi examiné la prévention des crimes liés à l'intégration économique européenne mais aussi la prévention de la criminalité liée à l'exclusion sociale. Plusieurs séminaires ont suivi (Bruxelles-1996, Nordwijk-1997, Londres-1998) marquant les étapes du développement d'une approche de l'Union en matière de prévention. Une des recommandations essentielles alors exprimées avait été la nécessité de développer les échanges de savoir-faire et d'expériences nationales. Ce thème de l'échange des bonnes pratiques est récurrent depuis lors, et au coeur de la coopération contre la criminalité.

En matière de lutte contre la criminalité organisée, domaine où l'action de l'Union a été la plus développée, le Plan d'Action adopté lors du Conseil européen d'Amsterdam en 1997 mentionne parmi ses orientations des actions de nature préventive qui viennent compléter les recommandations à caractère plus répressif. La stratégie de l'Union pour le début du prochain millénaire [1], adoptée le 29 mars 2000 pour faire suite au Plan d'Action de 1997, renforce encore cette dimension.

[1] JOCE C 124, 3.05.2000, p.1-33

Le Traité d'Amsterdam rend possible une action plus globale et volontariste au niveau de l'Union européenne. La présente communication a pour objectif de contribuer à la réflexion sur la politique européenne de prévention qui avait été lancée les 4 et 5 mai 2000 lors de la conférence à haut niveau tenue à Praia da Falésia à l'initiative de la Présidence portugaise du Conseil. La Commission avait en effet annoncé son intention de présenter une communication dans le domaine de la prévention du crime, comprenant également des propositions en faveur d'un instrument financier communautaire. Tel est l'objet du présent document, qui sera envoyé pour consultation à l'ensemble des institutions et organismes concernés.

 

2. Contexte et Définitions

 

2.1. Le contexte juridique et politique

 

Le traité d'Amsterdam et le Conseil de Tampere

Le Traité d'Amsterdam a franchi une étape importante en mentionnant dans son article 29 la prévention de la criminalité en général (non limitée à la seule criminalité organisée) parmi les politiques de l'Union concourant à la création d'un Espace de Liberté, de Sécurité et de Justice. La prévention du crime, jusqu'alors principalement abordée sous l'angle de la prévention du crime organisé, doit désormais faire l'objet d'une action plus générale.

Le Conseil européen de Tampere a souligné l'importance de cet objectif dans les paragraphes 41 et 42 de ses conclusions :

« 41. Le Conseil européen demande l'intégration des aspects liés à la prévention dans les actions de lutte contre la criminalité et le développement des programmes nationaux de prévention de la criminalité. Des priorités communes doivent être dégagées et définies en matière de prévention de la criminalité, dans le cadre de la politique extérieure et intérieure de l'Union, et elles devront être prises en compte lors de l'élaboration de nouvelles dispositions législatives.

42. Il convient de développer l'échange des meilleures pratiques, de renforcer le réseau des autorités nationales compétentes en matière de prévention de la criminalité ainsi que la coopération entre les organismes nationaux spécialisés dans ce domaine, et d'étudier à cette fin la possibilité d'un programme qui serait financé par la Communauté. Cette coopération pourrait avoir avant tout pour priorités la délinquance chez les jeunes, la criminalité urbaine et celle liée à la drogue. »

Pour sa part, le Parlement européen également a, à plusieurs reprises, demandé à ce que le Conseil et les Etats membres prennent des initiatives dans le domaine de la prévention du crime et notamment de la criminalité urbaine liée à la drogue.

 

La Conférence de Praia da Falésia

 

Une conférence a été organisée les 4 et 5 mai 2000 sous présidence portugaise, au niveau ministériel, afin de lancer une réflexion sur l'utilisation des possibilités offertes par le Traité d'Amsterdam et sur la mise en oeuvre des conclusions du Conseil européen de Tampere. La conférence a été l'occasion de :

- Connaître l'état actuel des initiatives, des projets et des points de vue des instances de l'Union européenne et des organisations internationales ;

- Examiner la situation dans l'Union européenne sur la base d'un premier état des expériences nationales ;

- Identifier certaines lignes directrices pour des actions futures en matière de prévention au niveau de l'Union européenne ;

Compte tenu des liens existant entre la criminalité organisée et la criminalité en général, la Conférence a conclu qu'une stratégie européenne de prévention de la criminalité devait englober les deux aspects, même si des actions spécifiques pouvaient se révéler nécessaires en ce qui concerne la criminalité organisée.

 

La Résolution du Conseil sur la prévention du crime organisé

 

Suite aux premières recommandations relatives à la prévention du crime organisé contenues dans le Plan d'Action de 1997, le Conseil a souhaité que l'Union aille plus loin dans cette démarche. Dans une Résolution adoptée en décembre 1998, le Conseil a invité la Commission et Europol a travailler de concert pour préparer, d'ici la fin de l'année 2000, un rapport proposant des initiatives au niveau européen sur la prévention de la criminalité organisée. Ce Rapport devra compléter par des propositions concrètes les éléments déjà présents dans la stratégie pour le début du millénaire.

Un premier séminaire associant les représentants des autorités publiques, du monde académique et des affaires, ainsi que des représentants de la société civile a été organisé à La Haye en novembre 1999. Une seconde conférence, préparée par la Présidence portugaise, la Commission et Europol, s'est déroulée en mai 2000 à Costa da Caparica pour poursuivre le dialogue amorcé à La Haye et préciser les éléments d'une stratégie européenne. Dans le domaine plus spécifique de la drogue, la Présidence finlandaise a organisé, en juillet 1999, une Conférence portant sur le rôle des autorités répressives en matière de prévention.

Le document de travail de la Commission et d'Europol qui sera présenté ultérieurement s'appuie sur les conclusions de ces différents séminaires ainsi que sur l'examen de pratiques existant déjà dans les Etats membres et des résultats d'études spécifiques financées par le programme Falcone. Il proposera une stratégie de prévention fondée sur l'analyse et la prévention des opportunités criminelles, et dont la mise en oeuvre reposerait sur la mise en place des structures d'étude et d'analyse des données relatives à la criminalité organisée nécessaires pour renforcer la capacité des institutions européennes et des Etats membres à prévenir le crime organisé.

 

La prévention dans les travaux de l'Union européenne et de la communauté internationale

 

La question de la prévention du crime a été abordée à diverses reprises dans le cadre de l'Union européenne. Tout d'abord en relation avec certains types de crimes tels que la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des enfants. Mais aussi de manière horizontale, comme par exemple, dans :

- la communication de la Commission du 14 juillet 1999 sur les victimes de la criminalité dans l'Union européenne ;

- la communication de la Commission sur la reconnaissance mutuelle des décisions finales qui couvre deux domaines utiles en matière de prévention, la reconnaissance mutuelle de certaines mesures de déchéance et la reconnaissance mutuelle des décisions pénales ;

- le Plan d'Action de l'Union européenne contre les Drogues (2000-2004) dont une dimension importante est la prévention de la toxicomanie et des trafics ;

- la communication de la Commission sur la fraude au budget communautaire a été approuvée le 28 juin dernier, et comprend une stratégie globale dans ce domaine. Pour cette raison, ce thème n'est pas développé dans la présente communication. La mise en oeuvre de cette stratégie globale prévoit notamment le renforcement des textes communautaires afin de les rendre plus résistants à la fraude, ainsi que le développement d'une culture de coopération propice à prévenir la corruption.

La Commission considère qu'il importe également de tirer profit des travaux et des expériences des différentes enceintes internationales, ainsi que de veiller à la cohérence entre l'action de l'Union européenne et celle, notamment, du Conseil de l'Europe et des Nations-Unies. Cette dimension multilatérale revêt une importance particulière en matière de lutte contre la criminalité organisée transnationale, et, à cet égard, la Convention des Nations Unies et ses protocoles additionels, à la négociation desquels la Commission a pleinement participé, fournira un cadre global approprié au renforcement de la coopération internationale.

______

Ces travaux et réflexions ont conduit la Commission à retenir une approche globale dans la présente communication, qui présente une stratégie de prévention de toutes les formes de crime.

 

2.2. Définitions

 

2.2.1. La notion de criminalité

 

La criminalité englobe les actes délictueux commis par des individus ou des associations spontanées de personnes. Cette notion recouvre toutefois des réalités distinctes, à savoir :

- la criminalité au sens propre, c'est-à-dire les faits pénalement qualifiés de crimes dans les droits nationaux (ex. homicides, viols, certains trafics illicites) ;

- la délinquance qui correspond à un niveau d'infraction pénale moins grave, mais plus fréquent (ex : vols, recel, agressions, fraudes ou escroqueries) ;

- la violence qui tend à se répandre dans les milieux les plus divers (écoles, stades, voies publiques, foyers domestiques...) ;

- l'incivisme, qui sans être nécessairement une infraction pénale, se manifeste par des comportements asociaux variés qui peuvent, en s'accumulant, créer un climat de tension et d'insécurité.

De par sa nature spécifique, la criminalité organisée fait l'objet d'une définition propre, donnée [2] à l'article premier de l'Action Commune relative à l'incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les Etats membres de l'Union européenne de décembre 1998 [3], à savoir :

[2] Une définition très proche a été élaborée dans le cadre de la future Convention des Nations-Unies sur la criminalité organisée transnationale :

[3] Action commune du Conseil adoptée le 21.12.1998, JO du 29.12.1998 L 351/1

- une organisation criminelle est une association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d'une peine privative de liberté (...) d'un maximum d'au moins quatre ans ou d'une peine plus grave

- les infractions commises peuvent constituer une fin en soi ou un moyen pour obtenir des avantages patrimoniaux, et, le cas échéant, influencer indûment le fonctionnement d'autorités publiques.

- les infractions visées incluent celles visées à l'article 2 de la convention Europol ainsi qu'à son annexe (formes sérieuses de criminalité internationale telles que trafic de drogues, d'êtres humains, de migrants, de substances radioactives et nucléaires, de voitures etc...) et qui sont passibles d'une peine au moins équivalente à une peine privative de liberté d'un maximum d'au moins quatre ans ou d'une peine plus grave.

 

2.2.2. La notion de prévention

 

Définition

 

Il existe de nombreuses définitions de la prévention de la criminalité. Pour les besoins de la présente communication, la Commission propose de retenir la définition suivante :

La prévention du crime englobe toutes les activités qui contribuent à arrêter ou réduire la criminalité en tant que phénomène social, à la fois quantitativement et qualitativement, soit à travers des mesures de coopération permanente et structurée, soit à travers des initiatives ad hoc. Ces activités sont le fait de tous les acteurs susceptibles de jouer un rôle préventif : élus locaux, services répressifs et système judiciaire, services sociaux, système éducatif, acteurs associatifs au sens large, industrie, banques et secteur privé, chercheurs et scientifiques, ainsi que le public en général, relayé par les média.

Les études spécialisées distinguent différentes approches de la prévention, qui se concentrent soit sur les victimes, soit sur les auteurs de faits criminels ou délictueux, soit sur les personnes ou groupes sociaux à risque, soit encore sur les situations à risque.

Trois catégories de mesures peuvent ainsi être distinguées selon qu'elles ont pour but :

* la réduction des opportunités, qui vise à rendre le crime plus difficile, plus risqué et à réduire les bénéfices qu'en retirent les criminels ;

* la réduction des facteurs sociaux et économiques qui favorisent le développement de la criminalité ;

* l'information et la protection des victimes et la prévention de la victimation;

 

Convergence des expériences nationales

 

La prévention comme élément complémentaire de la politique de répression est une notion largement acceptée par les Etats membres, et les expériences déjà menées ont montré des résultats encourageants. Au vu des expériences en cours, la Commission note que des constantes apparaissent dans les stratégies qui, en général, :

* valorisent une approche pluridisciplinaire ;

* articulent actions de prévention, politiques de sécurité et politiques « d'accompagnement » (politiques policière et judiciaire, politiques sociale, éducative, de recherche..) ;

* développent le partenariat entre les acteurs de la prévention au motif que la prévention n'est efficace que si elle s'appuie sur toutes les composantes de la société ;

Ces principes, partagés par l'ensemble des Etats membres, permettent d'ores et déjà d'évoquer un « modèle européen » de la prévention de la criminalité.

 

3. Eléments pour une stratégie européenne

 

3.1. Justification en termes de subsidiarité

 

Les responsabilités des Etats membres sont essentielles en matière de prévention de la criminalité. Elles s'exercent au niveau des différentes politiques nationales concourant à la prévention de la criminalité, comme le droit pénal, la politique sociale, l'éducation, l'urbanisme, la fiscalité, etc. En ce qui concerne la criminalité générale, la tendance est en outre au développement d'actions de prévention aussi proches que possible du terrain, que révèlent l'émergence de multiples politiques locales et contractuelles, de pratiques de « community policing » ou de justice et de police de proximité, ainsi que l'association de partenaires venant d'horizons différents.

Pour autant, une intervention de l'Union européenne est de nature à apporter une valeur ajoutée réelle à ces politiques.

D'une part en effet la problématique de la criminalité organisée transfrontalière est reconnue comme une question d'intérêt commun pour les Etats membres qui doit mobiliser à la fois les instruments communautaires et des coopérations judiciaires et policières. D'autre part, en ce qui concerne la criminalité générale, des traits communs ont déjà été identifiés par le Conseil européen de Tampere : il s'agit d'une criminalité souvent urbaine et liée à la drogue, et dans laquelle la délinquance juvénile est préoccupante. Un travail d'analyse approfondi au niveau de l'ensemble des Etats membres de l'Union permettrait sans doute d'identifier d'autres constantes.

Par ailleurs, les méthodes de prévention tendent également à se rapprocher, sans qu'elles soient suffisamment connues au-delà du niveau local, régional ou national. Des échanges d'expérience ou de bonnes pratiques, qui ont produit de bons résultats dans d'autres domaines de la justice et des affaires intérieures, permettraient d'améliorer le traitement de ces problèmes.

La stratégie de l'Union européenne devrait donc comporter deux niveaux :

Elle sera en premier lieu axée sur les politiques nationales de prévention. Pour atteindre les objectifs mentionnés ci-dessus les Etats membres devront s'engager résolument à intensifier leurs efforts de prévention de la criminalité, tant organisée que générale. Pour ce faire, ils devraient adopter ou renforcer des stratégies nationales de prévention. Le travail d'inventaire des politiques menées par les Etats et l'échange d'information et d'expériences entre les Etats membres déjà entamés à la conférence de Praia da Falesia doit être poursuivi. Cet exercice permettra de prendre la mesure de ce qui pourrait utilement être réalisé au niveau de l'Union européenne.

En second lieu, ces politiques seront complétées par une action de l'Union européenne, qui, sans se substituer aux actions nationales, régionales ou locales, complétera la pyramide des responsabilités et facilitera l'exercice des actions nationales en faisant apparaître les thèmes d'intérêt commun.

 

3.2. Objectifs

 

La Commission considère tout d'abord que pour être pleinement efficace, la réponse au défi de la criminalité doit être globale et se fonder sur la complémentarité des instruments répressifs et préventifs puisque des sanctions rapides, adaptées et proportionnées, de même qu'un suivi efficace de l'exécution des peines ont en eux-mêmes un caractère dissuasif et donc préventif. Dans ce contexte, il est important que les Etats membres prévoient, lorsque cela est approprié, de sanctionner les violations à la législation communautaire.

Il convient ensuite de souligner que la prévention vise par définition des actes qui n'ont pas encore été commis en appelant à accentuer la vigilance, ce qui pourrait conduire à mettre en place des dispositifs sécuritaires abusivement contraignants pour les citoyens. Une attention particulière devra être portée à ce que les actions de prévention de l'Union respecte les principes fondamentaux du droit et les libertés publiques.

La stratégie de prévention visant à protéger tant le citoyen que la société, l'Union européenne devrait se fixer les objectifs suivants :

* Réduire les opportunités qui facilitent le crime, augmenter les risques pour le criminel d'être découvert et sanctionné, diminuer les possibilités de tirer profit du crime réalisé ;

* Atténuer les facteurs qui facilitent l'entrée dans la criminalité ainsi que la récidive ;

* Eviter la victimation, c'est à dire l'ensemble des facteurs qui, en plaçant une personne dans une situation de vulnérabilité, la prédispose à être victime d'une infraction ;

* Réduire le sentiment d'insécurité ;

* Promouvoir et diffuser une culture de la légalité et une culture de gestion préventive des conflits ;

* Promouvoir une gestion publique saine ("good governance") et prévenir en particulier la corruption ;

* Prévenir l'infiltration par les milieux criminels des structures de l'économie et de la société ;

S'agissant d'une politique nouvelle au niveau de l'Union, la Commission est d'avis qu'une hiérarchisation des priorités doit être faite, prenant en compte les orientations définies au Conseil de Tampere ainsi que lors de la Conférence de Praia da Falésia. En matière de criminalité générale, l'attention doit être portée dans un premier temps sur la criminalité urbaine, des jeunes et liée à la drogue. En matière de criminalité organisée, des actions prioritaires devront viser la criminalité utilisant les technologies avancées, le trafic de drogue, la traite des êtres humains notamment l'exploitation des femmes, l'exploitation sexuelle des enfants, la criminalité financière et la contrefaçon de l'Euro.

 

3.3. Principes

 

Pour atteindre ces objectifs et au vu de la réflexion déjà engagée, la stratégie de l'Union devrait s'articuler autour de trois points :

(1) Connaissance : améliorer la compréhension des phénomènes criminels en mettant l'accent sur l'identification des nouvelles tendances criminelles, l'étude de l'impact des actions de prévention, l'évaluation et le partage des expériences et pratiques nationales.

(2) Partenariat : développer la coopération et la mise en réseaux des acteurs de la prévention, à tous les niveaux, européen, national et local. L'accent devrait être mis à la fois sur la sensibilisation à la notion de prévention, l'échange d'informations, le lancement d'actions et leur suivi y compris la dissémination de leurs résultats.

(3) Multidisciplinarité : promouvoir la complémentarité des instruments, en vue de développer les techniques et méthodes de prévention, et notamment de réduction des opportunités criminelles, et de lancer des projets.

Pour ce qui est du crime organisé, et au vu de certaines spécificités ainsi que des demandes particulières formulées par le Conseil dans sa Résolution de décembre 1998, une analyse complémentaire réalisée par la Commission et Europol sera présentée ultérieurement.

 

4. Instruments

 

Pour appuyer la mise en oeuvre de cette stratégie, la Commission propose les actions et les instruments de nature horizontale suivants :

 

4.1. Développer la prévention du crime dans les politiques de l'Union européenne

 

De nombreuses politiques de l'Union, sans viser expressément la prévention du crime, y contribuent en promouvant la cohésion économique et sociale, la croissance et l'emploi ou un environnement économique transparent.

Le Conseil dans sa Résolution de décembre 1998 relative à la prévention de la criminalité organisée, et les conclusions de la Conférence à Haut Niveau de mai 2000 sur la prévention du crime, ont demandé à la Commission d'évaluer les politiques et les instruments communautaires existants au regard de leur contribution à la prévention du crime. A la suite de cet examen, la Commission souhaite développer une approche plus structurée qui permette de faire usage de manière plus systématique des politiques et instruments communautaires.

Il s'agit plus particulièrement des politiques suivantes :

- La régulation des activités économiques et financières :

Les politiques de contrôle ou de régulation des activités économiques mises en oeuvre au niveau communautaire, notamment dans le cadre du marché intérieur, contribuent à prévenir la fraude, la corruption et d'autres formes de criminalit&eeacute;. Sont particulièrement significatifs à cet égard, les instruments visant à la transparence des marchés publics, à la prévention de l'utilisation des circuits financiers pour le blanchiment d'argent, à la loyauté des transactions commerciales, à l'encadrement des personnes morales, au contrôle des mouvements de marchandises sensibles et des transports ou des moyens de communication et de traitement de l'information.

La Commission a d'ores et déjà fait des propositions en matière de prévention de la fraude aux instruments de paiement [4], du blanchiment [5], de la fraude aux marchés publics [6], de la contrefaçon et du piratage [7]. D'autres secteurs, également prioritaires, devront faire l'objet de propositions nouvelles ou de compléments d'étude. C'est ainsi que le Conseil conjoint ECOFIN/JAI du 17 octobre a donné mandat à la Commission d'examiner la possibilité de rendre plus cohérentes et de renforcer les dispositions nationales existantes en matière de surveillance des mouvements transfrontaliers d'espèces monétaires. Par ailleurs,elle a été invitée à identifier les mesures susceptibles de résoudre les difficultés, largement reconnues à l'échelle internationale, posées par les sociétés - écrans et autres entités juridiques opaques dans la lutte contre le blanchiment d'argent. [8]

[4] La Commission envisage d'adopter un plan d'action dans la matière d'ici la fin de l'année.

[5] La proposition de modification de la directive du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux est en cours d'adoption.

[6] En plus d'une proposition de modification du régime communautaire sur les marchés publics actuellement examinée par le Conseil, la Commission a constitué un groupe de travail qui examinera l'opportunité de mesures complémentaires, par exemple la mise au point de listes noires, l'échange d'information sur les soumissionnaires.

[7] Un plan d'action fera suite au Livre vert sur la lutte contre la contrefaçon et le piratage dans le Marché Intérieur adopté le 15.10.1998.

[8] Le Conseil a demandé à la Commission de lui présenter un rapport dans lequel sera examinée l'éventualité d'établir des critères minimaux de transparence des divers types d'entités juridiques (notamment les fiducies, trusts et fondations), afin de se donner les moyens de mieux identifier les ayants droit économiques.

 

- La politique sociale :

 

La lutte contre l'exclusion sociale est un objectif stratégique de l'Union européenne fixé par le Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000. La prévention de la criminalité s'inscrivant dans le modèle social européen reconnu à Lisbonne, il semble opportun de mieux relier le programme contre l'exclusion sociale à la stratégie de prévention de la criminalité. L'adoption par la Commission d'un nouvel agenda social, qui met l'accent sur des standards de vie plus élevés, y compris sous l'angle qualitatif, peut offrir de ce point de vue une opportunité, notamment pour la prévention de la toxicomanie.

La lutte contre le racisme et la xénophobie, autre axe de la lutte contre les discriminations, se rattache également à l'objectif de prévention. Celle-ci passe par l'aide à l'intégration sociale, économique et culturelle des populations issues de l'immigration, par la formation, notamment l'éducation à la société multiculturelle, et par la lutte contre toutes les formes de discriminations (dans le logement, le travail, l'accès à l'éducation...). Le programme élaboré par la Commission comprend notamment un plan d'action visant à développer l'échange d'informations, d'expériences et de bonnes pratiques [9].

[9] L'objectif de ce programme, qui couvre la période 2001-2006, se rattache directement à l'objectif de prévention ici traité et sa discussion se poursuit, au Conseil et au Parlement.

 

- La politique urbaine :

 

A l'instar du Parlement et du Comité des Régions, la Commission souligne l'importance de la dimension urbaine dans une politique de prévention de la criminalité. Conformément à l'article 4, paragraphes 1 et 7 du Règlement n° 1260/1999 portant dispositions générales sur les fonds structurels, la Commission peut, sur proposition de l'Etat membre, inclure des zones urbaines en difficulté, notamment celles ayant un taux de criminalité et de délinquance élevé, dans la liste des zones éligibles à l'objectif n° 2. Au delà, des actions visant les zones urbaines en difficulté pourront être intégrées dans des programmes plus larges, mis en oeuvre tant dans les régions éligibles à l'objectif n° 1 que dans les régions éligibles à l'objectif n° 2, en ayant recours à des politiques territoriales multi-sectorielles [10]. Enfin, l'initiative URBAN qui bénéficie de financements du FEDER, lancée en 1994 et renouvelée en 1999 reflète cette volonté de promouvoir les initiatives et actions locales, notamment dans les quartiers en crise des grandes agglomérations [11]. Elle pourra également servir de passerelle entre les approches innovantes menées à petite échelle et l'adoption d'une démarche intégrée et participative dans les principaux programmes des fonds structurels.

[10] Cf. le « Cadre d'action pour un développement urbain durable dans l'Union européenne » (COM/98/605 du28.10.1998) et la communication de la Commission « Les Fonds structurels et leur coordination avec le Fonds de Cohésion - Orientations pour les programmes de la période 2000-2006 », partie III.1.

[11] Les zones urbaines concernées, villes ou quartiers, doivent remplir au moins trois conditions parmi lesquelles, le fort taux de chômage, un taux de pauvreté et d'exclusion élevée, un nombre élevé d'immigrés, de minorités ethniques ou de réfugiés, un faible taux d'éducation, un fort taux de criminalité et de délinquance et des conditions environnementales particulièrement dégradées.

Dans le futur, l'accent devrait être mis sur la criminalité résultant d'une planification urbaine inadéquate. En particulier, la situation de l'insécurité et/ou de la délinquance devrait figurer parmi les indicateurs des audits urbains régulièrement réalisés dans les grandes villes de l'Union européenne.

 

- La politique régionale ;

 

La Communauté soutient des initiatives de cohésion économique et sociale qui, indirectement, contribuent à la prévention de la criminalité. Plus directement le FEDER peut déjà être mis à contribution, via des programmes nationaux, pour soutenir des initiatives de lutte et de prévention de la criminalité. L'exemple le plus significatif est le programme concernant la sécurité pour le développement du Mezzogiorno présenté par l'Italie dans le cadre de la programmation de l'objectif n° 1 en 1994-1999 et reconduit en 2000-2006. Il s'agit, à ce stade, d'un cas particulier qui reflète les problèmes structurels qui agissent sur le tissu social et déterminent la vie économique de cette région.

Par ailleurs, l'initiative INTERREG, également financée par le FEDER, permet des interventions plus ciblées sur les frontières et les zones frontalières internes et externes de l'Union, en matière notamment de développement urbain, d'inclusion sociale, ou de coopération dans les domaines juridiques et administratifs.

Même si pour le moment la politique de cohésion n'identifie pas la prévention de la criminalité comme un objectif, on peut estimer qu'elle n'exclut pas la prise en compte de projets en ce domaine, qui pourrait, le moment venu, intégrer le « mainstream » de la politique régionale.

 

- La politique de recherche :

 

La sécurité des réseaux et la lutte contre la criminalité informatique font déjà l'objet de programmes spécifiques de recherche. Dans le cadre de l'Espace européen de recherche (2002-2006), la Commission examinera les possibilités d'emploi des techniques et notamment des technologies nouvelles, pour la prévention du crime en général.

Concernant la recherche en science économique et sociale, le cinquième Programme Cadre de Recherche [12] permet d'étudier les causes des problèmes sociaux, connaître leur réalité statistique et comparer les bonnes pratiques. Un groupe de travail a ainsi été mis en place afin d'examiner dans leur contexte les problèmes de violence scolaire et urbaine, de toxicomanie, ou plus généralement le sentiment d'insécurité et les réponses qui sont apportées par les Etats européens. Des initiatives nouvelles pourraient viser, par exemple, à étudier les facteurs d'efficacité des politiques de prévention.

[12] Décision du Conseil et du Parlement européen 1999/182/EC, JO L26 du 1.02.1999, p.27

 

- La société de l'information :

 

La prochaine Communication de la Commission « Rendre plus sûre la société de l'information en combattant le crime informatique » proposera une démarche globale visant à rendre plus sûrs les réseaux informatiques, dont Internet.

Figurant parmi les priorites de l Union, la Commission souhaite une mise en oeuvre rapide des mesures et recommandations de sa Communication. Pour cela, la Commission consultera les milieux intéressés, industries, utilisateurs et autorités de police, ainsi que pour évaluer l'opportunité de nouveaux instruments juridiques.

 

- La politique extérieure :Les politiques et programmes de coopération et d'assistance de la Communauté intègrent déjà dans une large mesure la lutte contre la criminalité. La Commission suggère que la CE/l'UE poursuive son action dans les différentes enceintes internationales concernées, notamment les Nations Unies et le Conseil de l'Europe. Elle rappelle d'ailleurs l'intention de la Communauté d'adhérer à la Convention des Nations Unies contre le crime organisé transnational et ses deux protocoles relatifs à la lutte contre la traite des personnes et le trafic de migrants. L'expertise accumulée par l'OSCE, notamment en termes des « nouveaux risques pour la sécurité » et de la promotion de l'Etat de droit, devra être prise en compte.

La Commission est d'avis qu'il serait utile de développer la coopération avec certains pays tiers en usant des réseaux et forums internationaux déjà existants tels que par exemple le Centre international pour la Prévention de la Criminalité [13], dont l'expertise est reconnue. Enfin, il sera nécessaire d'associer progressivement les pays candidats à l'adhésion aux travaux de l'Union en matière de prévention de la criminalité. D'ores et déjà les programmes Phare préparant les pays candidats à leur adhésion à l'Union sont utilisés pour financer des actions de prévention [14]. La Commission entend utiliser pleinement les possibilités de participation de ces pays aux différents instruments et programmes financiers existants et à venir, et notamment ceux proposés dans la présente communication (programme financier, Forum pour la prévention...).

[13] Le CIPC, créé au service des villes et des pays pour réduire la délinquance et l'insécurité et son action, est formée de villes, d'organismes nationaux de prévention, d'instituts, et est soutenu par plusieurs Etats membres, la France, du Portugal, le Royaume-Uni, les Pays Bas.

[14] On peut citer par exemple le programme Phare multi-bénéficiaire contre la drogue, le programme Phare de coopération transfrontalière ou le programme de modernisation des douanes.

 

- La politique environnementale :

 

Les différentes initiatives ou actions ad hoc prises en vertu des obligations contenues dans la législation environnementale internationale ou communautaire contribuent déjà à la lutte contre le crime environnemental (qui inclut le commerce illégal des espèces de faune et de flore sauvage menacées d'extinction et de leurs produits; la décharge et le transfert illégal des déchets radioactifs et des matières radioactives; la pollution illégale et l'élimination et le stockage des déchets, y compris le transfert de déchets dangereux à l'entrée et à la sortie de l'Union; et le commerce illégal de substances qui appauvrissent la couche d'ozone). Néanmoins, la mise en oeuvre de ces initiatives et actions serait facilitée par une plus grande coopération et échange de données et d'expériences entre les différents acteurs. En outre, le crime environnemental dépasse les frontières communautaires - il s'agit bien d'un phénomène global, dont la prévention devrait intégrer une dimension de coopération avec les pays candidats et les pays tiers.

Comme le montrent les exemples ci-dessus, les politiques et instruments communautaires existants offrent d'ores et déjà de nombreuses possibilités d'action. Pour les mettre davantage au service de la prévention, la Commission s'attachera à mettre en cohérence les éléments de prévention de la criminalité qui se trouvent déjà dans ces politiques et instruments.

 

4.2. Tester les propositions législatives : le "crime proofing"

 

Ce thème a été abordé à la fois dans les conclusions du sommet de Tampere et dans celles de la Conférence de Praia da Falésia. Bien que la notion reste à préciser [15], notamment par rapport à celle de « fraud proofing » [16], elle peut néanmoins se définir comme l'évaluation des textes législatifs, existants ou en projet, à travers le filtre de leur « étanchéité » aux activités criminelles.

[15] Une étude sur ce thème, financée par le Programme Falcone, produira ses premiers résultats à la fin 2000.

[16] S'agissant de la prévention de la fraude au budget communautaire, la Commission (OLAF) a indiqué dans une récente communication du 28 juin 2000 son intention de créer un instrument d'évaluation plus systématique de la qualité de la législation sera mis en place par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) qui sera « consulté au stade de la préparation et lors des différentes étapes du processus décisionnel des initiatives législatives qui ont, directement ou indirectement, des conséquences sur la protection des intérêts financiers communautaires afin d'assurer une meilleure étanchéité à la fraude et à la corruption ». (COM 2000 (358), p.7).

Cette évaluation peut se réaliser lors de l'élaboration de toute nouvelle législation ou décision, tant au niveau de l'Union européenne que des Etats membres. Il convient à ce moment d'identifier les opportunités criminelles qui pourraient s'en trouver ouvertes.

La Commission veillera à évaluer l'impact possible de ses propositions législatives en terme d'opportunités criminelles, particulièrement dans les secteurs sensibles. La préparation à l'introduction de l'Euro offre l'exemple d'une planification qui a pris en considération les risques que pourraient ouvrir la monnaie unique. Le moment privilégié de l'examen devrait être non seulement la consultation interservices, mais également la phase de préparation de la législation, qui peut éventuellement même remonter jusqu'à la préparation d'un document de consultation (communication, Livre vert ou Livre blanc).

Un examen similaire devrait également être opéré par les Etats membres pour leurs initiatives en application des règles nationales d'élaboration des textes législatifs ou réglementaires.

Toutefois, les risques d'utilisation criminelle ne se limitent pas aux seuls nouveaux textes. La législation existante devrait également être évaluée, qu'il s'agisse d'actes communautaires ou d'instruments internationaux auxquels la Communauté a adhéré. S'il est irréaliste de proposer un screening complet de ces législations, il est en revanche envisageable de réaliser une analyse des risques par grands domaines de législation, afin d'identifier ceux d'entre eux qui sont les moins étanches aux activités criminelles, et formuler des recommandations pour combler ces lacunes. La Commission pourrait en outre prendre en compte cette évaluation lors de l'élaboration des rapports de mise en oeuvre des législations communautaires, afin de pouvoir faire, le cas échéant, des propositions améliorant leur étanchéité au crime ou des propositions complémentaires, notamment dans le domaine policier et judiciaire.

Qu'il soit a priori ou a posteriori, cet examen suppose un renforcement des dispositifs de consultation interne mais aussi d'analyse de la Commission. Un examen sérieux devrait en effet associer des spécialistes et des praticiens, notamment ceux des autorités policières et judiciaires. C'est là un domaine où des échanges d'informations entre experts et des centres d'excellence devraient être développés.

 

4.3. Améliorer la connaissance des phénomènes criminels

 

Comparabilité des données

 

Le Plan d'action sur la lutte contre la criminalité organisée adopté par le Conseil européen d'Amsterdam en juin 1997, reconnaissait l'utilité de données collectées et analysées à l'échelle européenne. Les Etats membres et la Commission étaient invités à instituer, ou à identifier, "un système de collecte et d'analyse des données propre à fournir une vue d'ensemble de la situation de la criminalité organisée dans les Etats membres et à assister les autorités de répression dans leur lutte contre la criminalité organisée" (Recommandation n° 2). Le Plan d'action précisait aussi les conditions nécessaires à la réalisation de cet objectif et invitait les Etats membres à utiliser "des normes communes" pour la collecte et l'analyse des données. Europol et les Etats membres se sont engagés dans cette voie dans le cadre de l'élaboration du Rapport annuel sur la situation du crime organisé dans l'Union européenne.

En matière de criminalité générale, l'absence de données fiables et comparables sur les phénomènes criminels dans les pays européens est un obstacle à la comparaison des politiques de lutte et de prévention du crime menées au niveau national. Or une telle comparaison, tout en ayant ses limites, est un moyen important de validation des politiques et d'évaluation des bonnes pratiques comme cela a été souligné lors de différents séminaires.

Compte tenu de la proximité ou de la similitude de certaines situations dans les Etats membres, malgré des différences juridiques toujours marquées, ainsi que de la convergence croissante des politiques nationales, un effort doit être réalisé au niveau de l'Union pour améliorer la comparabilité des données, quantitatives et qualitatives. Le Conseil de l'Europe a commencé des travaux en la matière ainsi que les Nations Unies, notamment quant aux données relatives à la criminalité générale.

En raison de la variété des utilisateurs et de leurs besoins, besoins qui d'ailleurs sont appelés à se développer au cours de la mise en oeuvre du Traité d'Amsterdam, les efforts à entreprendre devront être multidisciplinaires mais aussi associer des différents acteurs tels la Commission (notamment l'Office statistique), Europol et l'Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies, afin d'éviter les duplications et promouvoir une meilleure complémentarité des efforts et des résultats.

Certaines initiatives sont en cours. Ainsi dans le domaine des drogues, le Plan d'Action de l'Union européenne (2000-2004) a également demandé au Conseil et à la Commission d'élaborer, sur la base des travaux menés par Europol et l'Observatoire européen des Drogues et des Toxicomanies, une définition commune de la notion de « criminalité liée à la drogue » afin de pouvoir comparer de manière objective le nombre d'infractions commises qui sont liées à la drogue. Dans le domaine du racisme et de la xénophobie, l'Observatoire européen du Racisme et de la Xénophobie a également pour tâche de collecter des données statistiques.

 

Indicateurs

 

Fournir des indicateurs objectifs et pertinents est une dimension essentielle d'une stratégie qui se veut fondée sur une meilleure connaissance des phénomènes criminels. Ceux-ci devront, dans la perspective d'une stratégie partenariale, être utiles tant aux autorités publiques qu'aux groupes et entités vulnérables au crime.

Les études et séminaires réalisées jusqu'à présent ont montré l'apport que pourrait constituer le croisement de données d'origine diverses, tant pour la compréhension de ces phénomènes que pour la mise à jour de nouvelles tendances criminelles. Dans ce domaine, compléter les sources traditionnelles d'information par des informations provenant notamment des milieux privés constituerait une plus-value certaine.

L'élaboration d'une stratégie de prévention proche des citoyens exige également que soit analysé le sentiment d'insécurité et ses évolutions. Parmi les études à réaliser sur ce thème, les sondages publics constituent une source d'information utile. Un Eurobaromètre sur la perception de la sécurité parmi les citoyens européens avait été réalisé en 1996. La Commission a l'intention de réaliser périodiquement de telles enquêtes.

 

Evaluation des pratiques

 

L'échange d'expériences et de bonnes pratiques suppose au préalable leur évaluation selon des critères communs, afin de déterminer si et dans quelles conditions elles peuvent être reprises ou généralisées.

En matière de prévention du crime organisé, une étude est en cours portant sur les principaux critères et les procédures qui pourraient être suivies pour faciliter cet échange. L'objectif de cette étude est de proposer une technique d'évaluation des pratiques nationales mettant en lumière les conditions dans lesquelles ces expériences ont été menées et les éléments qui pourraient être reproduits.

Les conclusions de cette étude pourront être utiles à l'analyse des bonnes pratiques en matière de prévention de la criminalité générale. Les travaux réalisés sous présidence allemande pour l'élaboration d'un manuel européen de bonnes pratiques devront également être pris en compte.

 

4.4. Mettre en réseau les acteurs de la prévention

 

Créer un Forum européen pour la prévention du crime organisé

 

L'approche proposée par la présente Communication est largement fondée sur la mobilisation et la mise en réseau des acteurs de la prévention, que se soit dans le domaine de la "petite criminalité" ou de la criminalité transnationale.

Les thèmes à traiter sont multiples, la nature des information échangées n'est pas la même et les mêmes experts ne sauraient traiter indistinctement des questions aussi diverses que la médiation sociale ou la cybercriminalité. Alors que dans le domaine de la délinquance, ce sont plus spécialement les partenaires sociaux qui doivent être associés aux efforts des autorités publiques, dans les domaines relevant de la délinquance économique et financière, et a fortiori de la criminalité organisée, la prévention nécessite d'associer les milieux économiques et professionnels.

La Commission soutient l'initiative prise par la présidence française et la Suède proposant la création d'un réseau européen de prévention centré sur la délinquance urbaine, juvénile et liée à la drogue. Répondant à une des priorités mentionnée au Conseil de Tampere, la mise en place de ce réseau constituera un élément de la mise en oeuvre de la présente stratégie et devra s'articuler avec les autres propositions faites dans le cadre de cette stratégie.

Concernant la criminalité organisée, la Commission note que la sensibilisation des milieux économiques et financiers ou de certaines professions particulièrement exposées aux risques de corruption ou d'implication dans des opérations de blanchiment ou de fraude aux dangers et coûts de la criminalité en est à ses débuts. Des initiatives, telles que la table ronde des industriels européens sur les questions de sécurité et de prévention du crime, ou la Charte européenne sur les professions vulnérables signées le 27 juillet 1999 devraient être encouragées et trouver un prolongement au niveau de l'Union.

Une initiative apparaît donc nécessaire aussi la Commission propose-t-elle la création d'un Forum européen pour la prévention de la criminalité organisée. Touchant des domaines extrêmement variés, trafic de biens licites et illicites, cybercriminalité, corruption, criminalité financière, criminalité environnementale, ou encore rôle de certaines professions clés, la prévention du crime organisé et de la criminalité économique exige que le Forum puisse se réunir en formations diverses et adaptées aux thèmes traités, et le cas échéant créer des groupes de travail spécialisés.

Ont plus particulièrement vocation à participer au Forum les représentants des institutions et organes européens travaillant sur la prévention, les organes nationaux de coordination, les administrations publiques les plus concernées et notamment les autorités judiciaires et policières, les autorités locales/régionales, les milieux économiques et financiers. En outre, les milieux associatifs, les milieux professionnels les plus concernés tels que les professions libérales, les médias ou les professionnels de la sécurité devront être associés selon les domaines traités.

Le Forum européen pour la prévention du crime organisé vise à élargir le débat sur la prévention à tous ses partenaires, et à susciter des initiatives et des projets pilotes de dimension européenne et permettra de faire émerger des projets remplissant les conditions prévues par le programme financier. Parmi ces projets figurent la mise en place des outils et instruments détaillés dans l'analyse commune réalisée par Europol et la Commission.

 

Le rôle du Forum

 

Le Forum européen pour la prévention du crime organisé est une initiative de la Commission qui vise en premier lieu à structurer les travaux sur la prévention au niveau européen. Il s'agit d'un cadre pour la mise en réseau d'experts et le lancement d'initiatives. Toutefois, de la même manière que le Forum vise à promouvoir et coordonner le dialogue sur le prévention au niveau européen, des structures de coordination devraient être crées au niveau national lorsqu'elles n'existent pas, tant au sein des administrations publiques que dans la société civile. La portée et l'effectivité du dialogue entamé au niveau européen dépendra en grande partie du relais que ces structures pourront assurer.

En outre, le Forum européen pour la prévention du crime organisé s'articulera avec d'autres fora de discussion ou groupes de travail existants dans les différents domaines sectoriels au niveau européen [17] et international, et contribuera à leurs travaux.

[17] Ainsi, par exemple, en matière de protection de l'environnement, les travaux du réseau IMPEL, ou en matière de lutte contre la fraude et de protection des intérêts financiers de la Communauté, les travaux du COCOLAF.

Le Forum devra :

- êecirc;tre à la disposition des institutions européennes et des Etats membres, pour les assister sur les questions relatives à la prévention de ce type de criminalité ;

- contribuer à identifier les nouvelles tendances criminelles ;

- faciliter l'échange d'information sur les actions de prévention ;

- contribuer à la mise en place et au fonctionnement de centres d'expertise (centres d'excellence, réseaux, banques de données) sur des thèmes spécifiques ;

- contribuer à identifier des domaines de recherches, de formation et d'évaluation.

La Commission souhaite concevoir le Forum de manière à ce que son animation ne nécessite qu'une structure d'animation légère pouvant être assurée dans ses services.

Dissémination de l'information

La Commission examinera avec les partenaires concernés la nécessité de mettre en place un site Internet sur la prévention, qui faciliterait l'accès aux informations sur les politiques et pratiques européennes et nationales et permettrait l'échange d'information en liaison avec les travaux des réseaux de prévention au niveau européen.

 

4.5. Créer un instrument financier

 

Lors du Conseil européen de Tampere, les chefs d'Etat et de gouvernement ont indiqué comme piste de réflexion le soutien financier de l'Union européenne à la stratégie de prévention de la criminalité. La Commission est arrivée à la conclusion qu'un instrument financier apporterait une valeur ajoutée à l'action des Etats membres, ainsi qu'elle l'a annoncé lors de la conférence à haut niveau de Praia da Falésia.

L'instrument aura pour objectif de favoriser la mise en oeuvre de la stratégie exposée dans la présente communication. Ainsi qu'il résulte des paragraphes 41 et 42 des conclusions de Tampere, il devra concerner toutes les formes de criminalité et soutenir, selon des priorités à établir, les actions mentionnées dans la présente communication. La définition de ces priorités tiendra compte également des actions proposées par le document de travail conjoint des services de la Commission et d'Europol sur la prévention du crime organisé.

L'intervention européenne prendra la forme d'un instrument financier ad hoc. Les actions seraient ouvertes aux pays candidats, dans les mêmes conditions que pour ces derniers.

Quelle que soit la formule retenue, l'instrument financier devrait comporter deux volets, l'un consacré au crime organisé transfrontalier, l'autre à la criminalité générale.

Les actions pouvant être soutenues par l'instrument financier, alimentées par les travaux du Réseau européen de prévention de la délinquance et du Forum européen de prévention de la criminalité organisée, pourraient ainsi être les suivantes :

 

- Réunions et séminaires

 

- Etudes et recherches : il s'agirait de progresser vers une meilleure connaissance du phénomène (cf. la pratique du « probleme-oriented policing » ou le concept de « knowledge-based crime prevention »).

- Projets pilotes: l'instrument financier pourrait contribuer financièrement à des projets innovants de dimension européenne (ex. centres d'excellence, banques de données)- Echanges de bonnes pratiques

Comme pour les autres actions relevant du Titre VI, l'instrument financier serait géré par la Commission, assistée d'un comité de gestion composé des représentants des Etats membres. Il déterminerait annuellement les priorités de l'instrument financier et se prononcerait sur les propositions de la Commission en ce qui concerne l'utilisation des crédits. Les projets pourraient être financés jusqu'à 70%, ce qui permettrait de soutenir des projets émanant de partenaires non gouvernementaux.

L'instrument financier serait considéré comme une opération pilote, et établi par décision de l'article 34 du Traité sur l'Union européenne pour une période initiale de deux ans (2001-2002). S'agissant des montants financiers, il est souhaitable de prévoir un démarrage prudent. Un budget annuel d'1 MEURO paraît raisonnable, dans l'attente des propositions d'ensemble de la Commission sur les programmes qu'elle gère.

Enfin, les premières priorités pourraient être définies dans le courant de l'année 2001. La conférence organisée sous présidence suédoise de février 2001 pourrait servir à définir quelques premières priorités concrètes, et faciliter le lancement de l'instrument financier dès l'approbation de la décision correspondante.

 

5. Conclusion

 

La Commission invite le Parlement européen et le Conseil, le Comité des Régions, le Comité Economique et Social, à examiner la présente communication et à lui transmettre leurs observations sur la stratégie de prévention de la criminalité qu'elle propose.

Compte tenu de la démarche suggérée, fondée sur l'association de l'ensemble des partenaires de la prévention à la définition d'actions nouvelles, la Commission invite les associations, notamment professionnelles, et les organisations représentant l'industrie et les services, ainsi que toute organisation ou association représentant la société civile et pouvant être concernées, à prendre également connaissance de la présente communication et à lui transmettre leurs observations.

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