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CJUE, 19 décembre 2013, aff. C-84/12, Rahmanian Koushkaki c/ Bundesrepublik Deutschland

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

19 décembre 2013 (*)

«Espace de liberté, de sécurité et de justice – Règlement (CE) no 810/2009 – Articles 21, paragraphe 1, 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6 – Procédures et conditions de délivrance des visas uniformes – Obligation de délivrer un visa – Évaluation du risque d’immigration illégale – Volonté du demandeur de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé – Doute raisonnable – Marge d’appréciation des autorités compétentes»

Dans l’affaire C‑84/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Berlin (Allemagne), par décision du 10 février 2012, parvenue à la Cour le 17 février 2012, dans la procédure

Rahmanian Koushkaki

contre

Bundesrepublik Deutschland,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. A. Tizzano, L. Bay Larsen (rapporteur), T. von Danwitz, E. Juhász, A. Borg Barthet, C. G. Fernlund et J. L. da Cruz Vilaça, présidents de chambre, MM. A. Rosas, G. Arestis, J. Malenovský, A. Arabadjiev, E. Jarašiūnas et C. Vajda, juges, 

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 janvier 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Koushkaki, par Me T. Kaschubs-Saeedi, Rechtsanwältin,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par M. T. Materne et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement danois, par M. C. Vang et Mme M. Wolff, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement estonien, par Mme M. Linntam, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mme T. Papadopoulou, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman et C. Wissels, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par Mme K. Pawłowska et M. M. Arciszewski, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement suisse, par M. D. Klingele, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. W. Bogensberger et G. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 21, paragraphe 1, et 32, paragraphe 1, du règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO L 243, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Koushkaki, ressortissant iranien, à la Bundesrepublik Deutschland au sujet d’une décision des autorités compétentes de cette dernière refusant de lui délivrer un visa à des fins de visite en Allemagne.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le code frontières Schengen

3        Le règlement (CE) no 562/2006 du Parlement Européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO L 105, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 265/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mars 2010 (JO L 85, p. 1, ci-après le «code frontières Schengen»), comporte un article 5, intitulé «Conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers», qui prévoit à son paragraphe 1:

«Pour un séjour n’excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes:

a)      être en possession d’un document ou de documents de voyage en cours de validité permettant le franchissement de la frontière;

b)      être en possession d’un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) no 539/2001 du Conseil, du 15 mars 2001, fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation [JO L 81, p. 1] [...];

c)      justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d’acquérir légalement ces moyens;

d)      ne pas être signalé aux fins de non-admission dans le SIS [système d’information Schengen];

e)      ne pas être considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de l’un des États membres et, en particulier, ne pas avoir fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans les bases de données nationales des États membres pour ces mêmes motifs.»

 Le règlement VIS

4        Le règlement (CE) no 767/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 9 juillet 2008, concernant le système d’information sur les visas (VIS) et l’échange de données entre les États membres sur les visas de court séjour (règlement VIS) (JO L 218, p. 60), tel que modifié par le code des visas (ci-après le «règlement VIS»), prévoit à son article 12, paragraphe 2, que, lorsque la décision a été prise de refuser le visa, l’autorité compétente indique au dossier de demande le motif de refus du visa, choisi dans une liste qui correspond à celle reproduite dans le formulaire type figurant à l’annexe VI du code des visas.

 Le code des visas

5        Les considérants 3, 18 et 28 du code des visas sont libellés comme suit:

«(3)      En ce qui concerne la politique des visas, la constitution d’un ‘corpus commun’ d’actes législatifs, notamment par la consolidation et le développement de l’acquis [dispositions pertinentes de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 [...] et les instructions consulaires communes [...]], est l’une des composantes essentielles de ‘la poursuite de la mise en place de la politique commune des visas, qui fera partie d’un système à multiples composantes destiné à faciliter les voyages effectués de façon légitime et à lutter contre l’immigration clandestine par une plus grande harmonisation des législations nationales et des modalités de délivrance des visas dans les missions consulaires locales’ [...]

[...]

(18)      Une coopération locale au titre de Schengen est indispensable à l’application harmonisée de la politique commune des visas et à une appréciation correcte des risques migratoires et/ou pour la sécurité. Compte tenu des différences que peuvent présenter les situations locales, l’application pratique de certaines dispositions législatives devrait être évaluée par les représentations diplomatiques et consulaires des États membres dans chaque ressort territorial, afin d’assurer une application harmonisée des dispositions législatives en vue d’éviter le ‘visa shopping’ ainsi qu’un traitement inégal des demandeurs de visa.

[...]

(28)      Étant donné que l’objectif du présent règlement, à savoir la définition des procédures et des conditions de délivrance des visas pour le transit ou les séjours prévus sur le territoire des États membres, d’une durée maximale de trois mois sur une période de six mois, ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc être mieux réalisés au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article [5 TUE]. [...]»

6        L’article 1er, paragraphe 1, du code des visas énonce:

«Le présent règlement fixe les procédures et conditions de délivrance des visas pour les transits ou les séjours prévus sur le territoire des États membres d’une durée maximale de trois mois sur une période de six mois.»

7        L’article 4, paragraphes 1 à 4, dudit code énumère les autorités compétentes pour se prononcer sur les demandes de visa, ainsi que pour participer à l’examen de ces demandes et aux décisions à leur sujet.

8        Selon l’article 14, paragraphe 1, du même code, lorsqu’il introduit une demande de visa uniforme, le demandeur présente divers documents justificatifs et, notamment, selon ce paragraphe 1, sous d), des informations permettant d’apprécier sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé.

9        L’article 21 du code des visas, intitulé «Vérification des conditions d’entrée et évaluation des risques», dispose à ses paragraphes 1, 7 et 8:

«1.      Lors de l’examen d’une demande de visa uniforme, le respect par le demandeur des conditions d’entrée énoncées à l’article 5, paragraphe 1, points a), c), d) et e), du code frontières Schengen est vérifié et une attention particulière est accordée à l’évaluation du risque d’immigration illégale ou du risque pour la sécurité des États membres que présenterait le demandeur ainsi qu’à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d’expiration du visa demandé.

[...]

7.      L’examen d’une demande porte en particulier sur l’authenticité et la fiabilité des documents présentés ainsi que sur la véracité et la fiabilité des déclarations faites par le demandeur.

8.      Au cours de l’examen d’une demande, les consulats peuvent, lorsque cela se justifie, inviter le demandeur à un entretien et lui demander de fournir des documents complémentaires.»

10      L’article 23, paragraphe 4, du code des visas est libellé comme suit:

«Sauf en cas de retrait de la demande, une décision est prise en vue:

a)      de délivrer un visa uniforme, conformément à l’article 24;

b)      de délivrer un visa à validité territoriale limitée, conformément à l’article 25;

c)      de refuser de délivrer un visa, conformément à l’article 32;

[...]»

11      L’article 32 dudit code, intitulé «Refus de visa», précise à ses paragraphes 1, 2 et 5:

«1.      Sans préjudice de l’article 25, paragraphe 1, le visa est refusé:

a)      si le demandeur:

i)      présente un document de voyage faux ou falsifié,

ii)      ne fournit pas de justification quant à l’objet et aux conditions du séjour envisagé,

iii)      ne fournit pas la preuve qu’il dispose de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans son pays d’origine ou de résidence, ou pour le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie, ou n’est pas en mesure d’acquérir légalement ces moyens,

iv)      a déjà séjourné sur le territoire des États membres pendant trois mois au cours de la période de six mois en cours, sur la base d’un visa uniforme ou d’un visa à validité territoriale limitée,

v)      fait l’objet d’un signalement diffusé dans le SIS aux fins d’un refus d’admission,

vi)      est considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique, au sens de l’article 2, point 19, du code frontières Schengen, ou pour les relations internationales de l’un des États membres, et, en particulier, qu’il a fait l’objet, pour ces mêmes motifs, d’un signalement dans les bases de données nationales des États membres aux fins de non-admission, ou

vii)      s’il y a lieu, n’apporte pas la preuve qu’il dispose d’une assurance maladie en voyage adéquate et valide;

ou

b)      s’il existe des doutes raisonnables sur l’authenticité des documents justificatifs présentés par le demandeur ou sur la véracité de leur contenu, sur la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé.

2.      La décision de refus et ses motivations sont communiquées au demandeur au moyen du formulaire type figurant à l’annexe VI.

[...]

5.      Les informations relatives aux visas refusés sont enregistrées dans le VIS conformément à l’article 12 du règlement VIS.»

12      L’article 32, paragraphes 2 et 3, du code des visas est applicable, aux termes de l’article 58, paragraphe 5, de celui-ci, à partir du 5 avril 2011.

13      L’article 34 du même code prévoit:

«1.      Un visa est annulé s’il s’avère que les conditions de délivrance du visa n’étaient pas remplies au moment de la délivrance, notamment s’il existe des motifs sérieux de penser que le visa a été obtenu de manière frauduleuse. Un visa est en principe annulé par les autorités compétentes de l’État membre de délivrance. Un visa peut être annulé par les autorités compétentes d’un autre État membre [...]

2.      Un visa est abrogé s’il s’avère que les conditions de délivrance ne sont plus remplies. Un visa est en principe abrogé par les autorités compétentes de l’État membre de délivrance. Un visa peut être abrogé par les autorités compétentes d’un autre État membre [...]

[...]

6.      La décision d’annulation ou d’abrogation et ses motivations sont communiquées au demandeur au moyen du formulaire type figurant à l’annexe VI.

[...]»

14      L’article 35 du code des visas énonce:

«1.      À titre exceptionnel, un visa peut être délivré aux points de passage frontaliers si les conditions ci-après sont remplies:

[...]

b)      le demandeur n’a pas été en mesure de demander un visa à l’avance et, sur demande, il fait valoir par des pièces justificatives la réalité de motifs d’entrée imprévisibles et impérieux; et

[...]

6.      Outre les raisons de refus de visa énumérées à l’article 32, paragraphe 1, le visa est refusé aux frontières extérieures si les conditions énoncées au paragraphe 1, point b), du présent article ne sont pas remplies.

7.      Les dispositions relatives à la motivation et à la notification des refus et au droit de recours figurant à l’article 32, paragraphe 3, et à l’annexe VI sont applicables.»

15      L’annexe II du code des visas établit une liste non exhaustive de documents justificatifs devant être produits par les demandeurs de visa en application de l’article 14 de ce code.

16      L’annexe VI du même code est constituée par un formulaire type pour notifier et motiver le refus, l’annulation ou l’abrogation d’un visa. Ce formulaire comprend notamment une série de onze cases qui doivent être utilisées par les autorités compétentes pour motiver une décision de refus, d’annulation ou d’abrogation d’un visa.

 Le droit allemand

17      La loi relative au séjour, à l’activité professionnelle et à l’intégration des étrangers sur le territoire fédéral [Gesetz über den Aufenthalt, die Erwerbstätigkeit und die Integration von Ausländern im Bundesgebiet (Aufenthaltsgesetz)], du 30 juillet 2004 (BGBl. 2004 I, p. 1950), dispose à son article 6:

«(1)      En application du [code des visas], les visas suivants peuvent être délivrés à un étranger:

1.      Un visa pour les transits ou les séjours prévus sur le territoire des États Schengen d’une durée pouvant aller jusqu’à trois mois dans un délai de six mois à compter du jour de la première entrée (visa Schengen).

[...]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

18      M. Koushkaki a sollicité, le 7 novembre 2010, la délivrance d’un visa uniforme auprès de l’ambassade d’Allemagne à Téhéran (Iran).

19      Cette demande a été rejetée au motif que M. Koushkaki n’avait pas prouvé qu’il disposait de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans son pays d’origine.

20      À la suite du recours introduit par M. Koushkaki contre cette première décision de rejet, l’ambassade d’Allemagne à Téhéran a, le 5 janvier 2011, remplacé cette décision et rejeté de nouveau la demande de visa au motif que l’examen de l’ensemble des circonstances relatives à celle-ci faisait apparaître des doutes importants quant à la volonté du demandeur de retourner dans son pays d’origine avant l’expiration du visa demandé. Dans cette seconde décision de rejet, il a notamment été considéré que l’enracinement économique de M. Koushkaki dans son pays d’origine n’avait pas pu être démontré.

21      Le 8 février 2011, M. Koushkaki a saisi la juridiction de renvoi d’un recours juridictionnel visant à ce que la Bundesrepublik Deutschland soit tenue de statuer de nouveau sur sa demande et de lui délivrer un visa uniforme.

22      La juridiction de renvoi estime que le requérant au principal remplit les conditions d’entrée énoncées à l’article 5, paragraphe 1, sous a), c) et d), du code frontières Schengen, auxquelles renvoie l’article 21, paragraphe 1, du code des visas.

23      Selon le Verwaltungsgericht Berlin, le seul point litigieux est celui de savoir si M. Koushkaki constitue une menace pour l’ordre public au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du code frontières Schengen en raison d’un éventuel risque d’immigration illégale. À cet égard, la juridiction de renvoi se demande si la condition de délivrance d’un visa relative à l’absence de risque pour l’ordre public est satisfaite lorsqu’il existe une conviction que le demandeur quittera le territoire des États membres avant la date d’expiration du visa demandé ou s’il suffit qu’il n’existe pas de doute raisonnable sur la volonté de ce demandeur de quitter ce territoire en temps utile.

24      La juridiction de renvoi s’interroge, en outre, sur les conséquences juridiques qu’il convient de tirer, le cas échéant, de la constatation que les conditions énoncées à l’article 21, paragraphe 1, du code des visas sont remplies et qu’il n’existe pas de motif de refus fondé sur l’article 32, paragraphe 1, de ce code.

25      Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Berlin a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’obligation imposée par la juridiction à la défenderesse de délivrer un visa Schengen au requérant est-elle subordonnée à la condition que, afin d’acquérir la conviction visée à l’article 21, paragraphe 1, du code des visas, cette juridiction constate que le requérant a la volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d’expiration du visa demandé ou bien suffit-il que, après l’examen visé à l’article 32, paragraphe 1, sous b), du code des visas, la juridiction n’ait pas, en raison de circonstances particulières, de doute raisonnable quant à la volonté exprimée du requérant de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé?

2)      Le code des visas fonde-t-il un droit, découlant d’une compétence liée, à la délivrance d’un visa Schengen lorsque les conditions d’entrée, notamment celles visées à l’article 21, paragraphe 1, du code des visas, sont remplies et qu’il n’existe pas de motif de refuser le visa en vertu de l’article 32, paragraphe 1, du code des visas?

3)      Le code des visas s’oppose-t-il à une disposition nationale en vertu de laquelle il peut être délivré à un étranger, conformément aux dispositions du [code des visas], un visa pour les transits ou les séjours prévus sur le territoire des États Schengen d’une durée pouvant aller jusqu’à trois mois dans un délai de six mois à compter du jour de la première entrée (visa Schengen)?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la deuxième question

26      Par sa deuxième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les autorités compétentes d’un État membre peuvent refuser de délivrer un visa uniforme à un demandeur qui remplit les conditions d’entrée visées à l’article 21, paragraphe 1, du code des visas et auquel aucun des motifs de refus de visa énumérés à l’article 32, paragraphe 1, de ce code ne peut être opposé. Elle cherche également à savoir si ces autorités bénéficient d’une certaine marge d’appréciation lors de l’examen de la demande de visa uniforme.

27      À titre liminaire, il importe de souligner que, comme l’indique son intitulé, l’article 21 du code des visas a pour objet d’établir les modalités générales de vérification des conditions d’entrée et d’évaluation des risques au cours de l’examen d’une demande de visa uniforme.

28      Ainsi, le paragraphe 1 dudit article 21 indique les éléments qui doivent être vérifiés ou auxquels doit être accordée une attention particulière avant toute décision sur une demande de visa uniforme, sans pour autant établir une liste précise des conditions de délivrance d’un tel visa. Les autres paragraphes du même article détaillent, quant à eux, les méthodes que doivent employer les autorités compétentes de l’État membre concerné pour mener à bien la vérification des conditions d’entrée et l’évaluation des risques, en fonction des situations auxquelles elles sont confrontées.

29      Cette interprétation est corroborée par la structure du code des visas.

30      En effet, cet article figure dans le titre III, chapitre III dudit code, qui régit les différentes étapes de l’examen d’une demande de visa uniforme, et non dans le chapitre IV de ce même titre, qui, comme l’indique l’article 23, paragraphe 4, du code des visas, détermine les conditions dans lesquelles les autorités compétentes peuvent adopter la décision de délivrer ou non un visa uniforme ou, le cas échéant, de délivrer un visa à validité territoriale limitée.

31      En revanche, force est de constater que l’article 32, paragraphe 1, du code des visas fixe une liste des motifs pour lesquels une demande de visa uniforme doit être rejetée.

32      Il découle de ce qui précède que, tandis que l’article 21, paragraphe 1, du code des visas impose aux autorités compétentes de vérifier ou d’évaluer certains éléments, l’article 32, paragraphe 1, de ce code détermine les conséquences qui doivent être tirées du résultat de cette vérification et de cette évaluation, au vu des motifs de refus énumérés à ce dernier article.

33      Par conséquent, il convient, afin de répondre à la deuxième question posée par la juridiction de renvoi, de déterminer si les autorités compétentes d’un État membre peuvent refuser de délivrer un visa uniforme à un demandeur auquel aucun des motifs de refus de visa énumérés à l’article 32, paragraphe 1, du code des visas ne peut être opposé.

34      À cet égard, il découle d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 12 février 2009, Klarenberg, C‑466/07, Rec. p. I‑803, point 37, et du 13 décembre 2012, Maatschap L.A. en D.A.B. Langestraat en P. Langestraat-Troost, C‑11/12, point 27).

35      S’agissant, premièrement, du libellé de l’article 32, paragraphe 1, du code des visas, il convient de constater que, aux termes de cette disposition, le visa est refusé en présence de l’une des conditions énumérées au paragraphe 1, sous a), du même article ou en cas de doutes raisonnables sur l’un des éléments énoncés audit paragraphe, sous b).

36      Toutefois, le libellé dudit article 32, paragraphe 1, ne permet pas, à lui seul, de déterminer si la liste des motifs de refus qu’il établit est exhaustive ou si, au contraire, les autorités compétentes des États membres ont la faculté de refuser de délivrer un visa uniforme en se fondant sur un motif non prévu par le code des visas.

37      S’agissant, deuxièmement, du contexte dans lequel s’inscrit l’article 32, paragraphe 1, du code des visas, il importe de relever que l’article 23, paragraphe 4, sous c), de celui-ci précise qu’une décision de refus de délivrer un visa est prise «conformément à l’article 32» dudit code, ce qui implique que les décisions de refus de délivrer un visa uniforme doivent être adoptées dans le cadre institué par ce dernier article.

38      Or, le fait que l’article 32 du même code établisse une liste de motifs précis, sur la base desquels une décision de refus de visa est prise, tout en prévoyant, à son paragraphe 2, que les motivations de cette décision doivent être communiquées au demandeur, au moyen du formulaire type figurant à l’annexe VI du code des visas, constitue un élément qui plaide en faveur de l’interprétation selon laquelle la liste des motifs de refus énumérés au paragraphe 1 de cette disposition est exhaustive.

39      Le formulaire type prévu à ladite annexe VI comporte d’ailleurs dix cases que les autorités compétentes cochent en vue de communiquer au demandeur de visa la motivation de la décision de refus qui lui est opposée. Les neuf premières cases correspondent chacune à l’un des motifs de refus énumérés à l’article 32, paragraphe 1, du code des visas. La dixième renvoie, quant à elle, au motif de refus spécifiquement prévu à l’article 35, paragraphe 6, de ce code, lu en combinaison avec le paragraphe 1, sous b), du même article, qui précise qu’une demande de visa présentée sans justification aux frontières extérieures est rejetée.

40      Par ailleurs, l’article 32, paragraphe 5, dudit code oblige les États membres à enregistrer les informations relatives aux visas refusés dans le système d’information sur les visas (VIS), conformément à l’article 12 du règlement VIS.

41      Il ressort de l’article 12, paragraphe 2, de ce dernier règlement que, lors de cet enregistrement dans le VIS, l’autorité compétente qui a refusé le visa doit ajouter au dossier de demande le ou les motifs de refus de visa opposés au demandeur. Cette même disposition énonce une liste des motifs de refus parmi lesquels doivent être choisis le ou les motifs de refus enregistrés dans le VIS. Cette liste correspond à celle prévue aux articles 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6, du code des visas, qui est reproduite dans le formulaire type figurant à l’annexe VI de celui-ci.

42      Au surplus, dans la mesure où l’article 34, paragraphe 6, du code des visas énonce que les décisions d’annulation ou d’abrogation sont également communiquées au demandeur au moyen du formulaire type figurant à l’annexe VI de ce code, il apparaît que l’autorité compétente doit indiquer au demandeur dont le visa est annulé ou abrogé quelle est la condition de délivrance du visa qui n’est pas ou plus remplie en se référant à l’un des motifs de refus prévus aux articles 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6, dudit code et repris à l’annexe VI de celui-ci.

43      En outre, la coïncidence résultant de l’article 34 du code des visas entre les motifs de refus d’un visa et ceux qui justifient son annulation ou son abrogation implique que l’admission de la possibilité, pour un État membre, de prévoir que ses autorités compétentes doivent refuser un visa pour un motif non prévu dans ce code devrait conduire à admettre également que cet État prévoie que ces dernières sont tenues d’annuler ou d’abroger les visas pour un motif équivalent, de manière à garantir la cohérence d’un système dans lequel l’absence d’une condition de délivrance du visa s’oppose à la validité de celui-ci.

44      Cependant, il ressort de l’article 34, paragraphes 1 et 2, dudit code qu’un visa peut être annulé ou abrogé par les autorités compétentes d’un État membre autre que l’État de délivrance du visa.

45      Un tel système suppose une harmonisation des conditions de délivrance des visas uniformes, qui exclut l’existence de divergences entre les États membres en ce qui concerne la détermination des motifs de refus de tels visas.

46      En effet, à défaut d’une telle harmonisation, les autorités compétentes d’un État membre dont la législation prévoit des motifs de refus, d’annulation et d’abrogation non prévus dans le code des visas seraient tenues d’annuler des visas uniformes délivrés par un autre État membre en se fondant sur un motif que les autorités compétentes de l’État membre de délivrance ne pouvaient pas opposer au demandeur lors de l’examen de la demande de visa.

47      L’analyse du contexte dans lequel s’inscrit l’article 32, paragraphe 1, du code des visas indique donc que les autorités compétentes des États membres ne peuvent refuser de délivrer un visa uniforme en se fondant sur un motif autre que ceux prévus par ce code.

48      S’agissant, troisièmement, des objectifs poursuivis par ledit code, il convient de constater qu’ils corroborent cette interprétation.

49      En effet, il ressort du considérant 28 du code des visas et de l’article 1er, paragraphe 1, de celui-ci que ce code vise, notamment, à définir les conditions de délivrance des visas uniformes, ce qui ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc être mieux réalisé au niveau de l’Union.

50      L’interprétation selon laquelle le code des visas se bornerait à régir les procédures de délivrance de visas et à obliger les États membres à refuser de délivrer des visas dans certaines situations précises, sans fixer pour autant de conditions harmonisées pour la délivrance des visas, est donc incompatible avec l’objectif même de ce code.

51      Au demeurant, la Cour a déjà jugé que le code des visas régit les conditions de délivrance, d’annulation ou d’abrogation des visas uniformes (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2012, Vo, C‑83/12 PPU, point 42).

52      Par ailleurs, la facilitation des voyages effectués de façon légitime, dont fait état le considérant 3 du code des visas, serait compromise si un État membre pouvait décider, de manière discrétionnaire, de refuser un visa à un demandeur qui remplit toutes les conditions de délivrance fixées par le code des visas en ajoutant un motif de refus à ceux énumérés aux articles 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6, de ce code, alors même que le législateur de l’Union n’a pas considéré qu’un tel motif permet d’interdire aux ressortissants des États tiers d’obtenir un visa uniforme.

53      En outre, la mise en place d’une telle pratique par un État membre inciterait les demandeurs de visa à s’adresser, de manière prioritaire, aux autres États membres pour obtenir un visa uniforme. L’objectif énoncé au considérant 18 du code des visas de garantir une application harmonisée des dispositions législatives en vue d’éviter le «visa shopping» s’oppose donc également à une telle interprétation de l’article 32, paragraphe 1, de ce code.

54      De même, l’objectif d’éviter un traitement inégal des demandeurs de visa, qui est également énoncé audit considérant 18, ne pourrait pas être atteint si les critères de délivrance d’un visa uniforme pouvaient varier en fonction de l’État membre où la demande de visa est présentée.

55      Il résulte de ces divers éléments que les autorités compétentes ne peuvent opposer un refus à une demande de visa uniforme que dans les cas où l’un des motifs de refus énumérés aux articles 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6, du code des visas peut être opposé au demandeur.

56      Toutefois, il importe de souligner que l’appréciation de la situation individuelle d’un demandeur de visa, en vue de déterminer si sa demande ne se heurte pas à un motif de refus, implique des évaluations complexes fondées, notamment, sur la personnalité de ce demandeur, sur son insertion dans le pays où il réside, sur la situation politique, sociale et économique de ce dernier, ainsi que sur la menace éventuelle que constituerait la venue de ce demandeur pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de l’un des États membres.

57      De telles évaluations complexes impliquent l’élaboration de pronostics sur le comportement prévisible dudit demandeur et doivent notamment reposer sur une connaissance étendue du pays de résidence de ce dernier, ainsi que sur l’analyse de documents divers, dont il convient de vérifier l’authenticité et la véracité du contenu, et des déclarations du demandeur, dont la fiabilité devra être appréciée, comme le prévoit l’article 21, paragraphe 7, du code des visas.

58      À cet égard, la diversité des documents justificatifs sur lesquels les autorités compétentes peuvent se fonder, dont une liste non exhaustive figure à l’annexe II de ce code, et la variété des moyens dont ces autorités disposent, y compris la réalisation d’un entretien avec le demandeur prévue à l’article 21, paragraphe 8, dudit code, confirment la complexité de l’examen des demandes de visa.

59      Enfin, il convient de rappeler que l’examen mené par les autorités compétentes de l’État membre saisi d’une demande de visa doit être d’autant plus minutieux que la délivrance éventuelle d’un visa uniforme permet au demandeur d’entrer sur le territoire des États membres, dans les limites fixées par le code frontières Schengen.

60      Il résulte de ce qui précède que les autorités compétentes énumérées à l’article 4, paragraphes 1 à 4, du code des visas bénéficient, lors de l’examen des demandes de visa, d’une large marge d’appréciation, qui se rapporte aux conditions d’application des articles 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6, de ce code, ainsi qu’à l’évaluation des faits pertinents, en vue de déterminer si les motifs énoncés à ces dispositions s’opposent à la délivrance du visa demandé.

61      L’intention du législateur de l’Union de laisser une large marge d’appréciation auxdites autorités résulte, au demeurant, du libellé même des articles 21, paragraphe 1, et 32, paragraphe 1, dudit code, dispositions qui obligent ces autorités à procéder à une «évaluation du risque d’immigration illégale» du demandeur, à accorder une «attention particulière» à certains aspects de la situation de ce dernier et à déterminer s’il existe des «doutes raisonnables» sur certains éléments.

62      Il s’ensuit que les autorités compétentes disposent de cette marge d’appréciation, notamment, lorsqu’elles évaluent s’il existe un doute raisonnable sur la volonté du demandeur de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé, en vue de déterminer s’il convient d’opposer à ce demandeur le dernier des motifs de refus prévus à l’article 32, paragraphe 1, sous b), du code des visas.

63      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la deuxième question que les articles 23, paragraphe 4, 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6, du code des visas doivent être interprétés en ce sens que les autorités compétentes d’un État membre ne peuvent refuser, au terme de l’examen d’une demande de visa uniforme, de délivrer un tel visa à un demandeur que dans le cas où l’un des motifs de refus de visa énumérés à ces dispositions peut être opposé à ce demandeur. Ces autorités disposent, lors de l’examen de cette demande, d’une large marge d’appréciation en ce qui concerne les conditions d’application de ces dispositions et l’évaluation des faits pertinents, en vue de déterminer si l’un de ces motifs de refus peut être opposé au demandeur.

 Sur la première question

64      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 32, paragraphe 1, du code des visas, lu en combinaison avec l’article 21, paragraphe 1, de celui-ci, doit être interprété en ce sens que l’obligation des autorités compétentes d’un État membre de délivrer un visa uniforme est subordonnée à l’existence d’une conviction de ces dernières quant à la volonté du demandeur de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé ou s’il suffit qu’il n’existe pas de doute raisonnable sur sa volonté à cet égard.

65      Il résulte de la réponse à la deuxième question que les autorités compétentes prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 4, du code des visas ne peuvent refuser de délivrer un visa uniforme que dans le cas où l’un des motifs de refus énumérés aux articles 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6, de ce code peut être opposé au demandeur.

66      Parmi ces motifs de refus, il importe de distinguer le motif fondé sur la menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique de l’un des États membres que peut constituer le demandeur, prévu à l’article 32, paragraphe 1, sous a), vi), dudit code, de celui relatif à l’éventuelle absence de volonté du demandeur de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé, prévu au même paragraphe 1, sous b).

67      En ce qui concerne ce dernier motif de refus de visa, l’article 32, paragraphe 1, sous b), du code des visas prévoit, notamment, que le visa est refusé s’il existe un doute raisonnable sur la volonté du demandeur de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé.

68      Il n’est donc nullement exigé que les autorités compétentes acquièrent, en vue de déterminer si elles sont tenues de délivrer un visa, une certitude quant à la volonté du demandeur de quitter ou non le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé. Il leur incombe, en revanche, de déterminer s’il existe un doute raisonnable quant à cette volonté.

69      À cette fin, les autorités compétentes doivent procéder à un examen individuel de la demande de visa qui, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 35 de ses conclusions, prend en compte, d’une part, la situation générale du pays de résidence du demandeur et, d’autre part, les caractéristiques propres à ce dernier, notamment sa situation familiale, sociale et économique, l’existence éventuelle de séjours légaux ou illégaux antérieurs dans l’un des États membres, ainsi que ses liens dans le pays de résidence et dans les États membres.

70      À cet égard, comme le précise l’article 21, paragraphe 1, du code des visas, une attention particulière devra être accordée au risque d’immigration illégale qui, lorsqu’il est avéré, doit conduire les autorités compétentes à refuser le visa en se fondant sur l’existence d’un doute raisonnable quant à la volonté du demandeur de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé.

71      Il importe, par ailleurs, de souligner que, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous d), du code des visas, il incombe au demandeur, lorsqu’il présente une demande de visa uniforme, de présenter des informations permettant d’apprécier sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé.

72      Il s’ensuit qu’il appartient au demandeur de visa de fournir des informations, dont la crédibilité doit être établie par des documents pertinents et fiables, susceptibles de dissiper les doutes quant à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé que peut faire naître, notamment, la situation générale de son pays de résidence ou l’existence de flux migratoires notoires entre ce pays et les États membres.

73      Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 32, paragraphe 1, du code des visas, lu en combinaison avec l’article 21, paragraphe 1, de celui-ci, doit être interprété en ce sens que l’obligation des autorités compétentes d’un État membre de délivrer un visa uniforme est subordonnée à la condition qu’il n’existe pas de doute raisonnable quant à la volonté du demandeur de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé, au vu de la situation générale du pays de résidence du demandeur et des caractéristiques qui lui sont propres, établies au regard des informations fournies par ce dernier.

 Sur la troisième question

74      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le code des visas doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition de la réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que, lorsque les conditions de délivrance prévues par ce code sont satisfaites, les autorités compétentes disposent du pouvoir de délivrer un visa uniforme au demandeur, sans qu’il soit précisé qu’elles sont tenues de délivrer ce visa.

75      À cet égard, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il appartient à la juridiction nationale de donner au droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, X, C‑60/02, Rec. p. I‑651, point 59, ainsi que du 11 janvier 2007, ITC, C‑208/05, Rec. p. I‑181, point 68).

76      Le principe d’interprétation conforme du droit interne, qui est inhérent au système des traités, en ce qu’il permet à la juridiction nationale d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elle tranche le litige dont elle est saisie, requiert que la juridiction nationale prenne en considération l’ensemble du droit national pour apprécier dans quelle mesure celui-ci peut recevoir une application telle qu’il n’aboutit pas à un résultat contraire au droit de l’Union (arrêt du 16 décembre 2010, Seydaland Vereinigte Agrarbetriebe, C‑239/09, Rec. p. I‑13083, point 50 et jurisprudence citée).

77      Il s’ensuit que, au regard de la réponse à la deuxième question, il incombe à la juridiction de renvoi, dans la mesure du possible, d’interpréter la disposition nationale en cause au principal conformément aux articles 23, paragraphe 4, 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6, du code des visas, en ce sens que les autorités compétentes ne peuvent refuser de délivrer un visa uniforme à un demandeur que dans le cas où l’un des motifs de refus de visa prévus à ces articles peut être opposé à ce demandeur.

78      Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que le code des visas doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition de la réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que, lorsque les conditions de délivrance prévues par ce code sont satisfaites, les autorités compétentes disposent du pouvoir de délivrer un visa uniforme au demandeur, sans qu’il soit précisé qu’elles sont tenues de délivrer ce visa, pour autant qu’une telle disposition peut être interprétée de manière conforme aux articles 23, paragraphe 4, 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6, dudit code.

 Sur les dépens

79      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 23, paragraphe 4, 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6, du règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas), doivent être interprétés en ce sens que les autorités compétentes d’un État membre ne peuvent refuser, au terme de l’examen d’une demande de visa uniforme, de délivrer un tel visa à un demandeur que dans le cas où l’un des motifs de refus de visa énumérés à ces dispositions peut être opposé à ce demandeur. Ces autorités disposent, lors de l’examen de cette demande, d’une large marge d’appréciation en ce qui concerne les conditions d’application de ces dispositions et l’évaluation des faits pertinents, en vue de déterminer si l’un de ces motifs de refus peut être opposé au demandeur.

2)      L’article 32, paragraphe 1, du règlement no 810/2009, lu en combinaison avec l’article 21, paragraphe 1, de celui-ci, doit être interprété en ce sens que l’obligation des autorités compétentes d’un État membre de délivrer un visa uniforme est subordonnée à la condition qu’il n’existe pas de doute raisonnable quant à la volonté du demandeur de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa demandé, au vu de la situation générale du pays de résidence du demandeur et des caractéristiques qui lui sont propres, établies au regard des informations fournies par ce dernier.

3)      Le règlement no 810/2009 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition de la réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que, lorsque les conditions de délivrance prévues par ce règlement sont satisfaites, les autorités compétentes disposent du pouvoir de délivrer un visa uniforme au demandeur, sans qu’il soit précisé qu’elles sont tenues de délivrer ce visa, pour autant qu’une telle disposition peut être interprétée de manière conforme aux articles 23, paragraphe 4, 32, paragraphe 1, et 35, paragraphe 6, dudit règlement.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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