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CJUE, 5 juin 2014, aff. C‑146/14 PPU, Bashir Mohamed Ali Mahdi

 

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

5 juin 2014

Bashir Mohamed Ali Mahdi

 

«Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes – Directive 2008/115/CE – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Article 15 – Rétention – Prolongation de rétention – Obligations de l’autorité administrative ou judiciaire – Contrôle juridictionnel – Absence de documents d’identité d’un ressortissant d’un pays tiers – Obstacles à l’exécution de la décision d’éloignement – Refus de l’ambassade du pays tiers concerné de délivrer un document d’identité permettant le retour du ressortissant de ce pays – Risque de fuite – Perspective raisonnable d’éloignement – Manque de coopération – Obligation éventuelle de l’État membre concerné de délivrer un document temporaire relatif au statut de la personne»

Dans l’affaire C‑146/14 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad Sofia-grad (Bulgarie), par décision du 28 mars 2014, parvenue à la Cour le 28 mars 2014, dans la procédure concernant

Bashir Mohamed Ali Mahdi,

 

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Ó Caoimh (rapporteur), Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la demande de la juridiction de renvoi du 28 mars 2014, parvenue à la Cour le 28 mars 2014, de soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure d’urgence, conformément à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour,

vu la décision du 8 avril 2014 de la troisième chambre de faire droit à cette demande,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mai 2014,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement bulgare, par Mmes E. Petranova et D. Drambozova, en qualité d’agents,

–        pour le direktor na Direktsia «Migratsia» pri Ministerstvo na vatreshnite raboti, par M. D. Petrov, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mmes M. Condou-Durande et S. Petrova, en qualité d’agents,

l’avocat général entendu,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO L 348, p. 98).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure administrative engagée à l’initiative du direktor na Direktsia «Migratsia» pri Ministerstvo na vatreshnite raboti (directeur de la direction de la migration auprès du ministère de l’Intérieur, ci-après le «direktor») visant à ce que l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia) statue d’office sur la prolongation de la rétention de M. Mahdi, ressortissant soudanais, maintenu en rétention au centre spécial de placement temporaire des étrangers de ladite direction implanté à Busmantsi (Bulgarie) (ci-après le «centre de rétention de Busmantsi»), situé dans la circonscription de Sofia.

 

 Le cadre juridique

 

 Le droit de l’Union

3        La directive 2008/115 a été adoptée notamment sur le fondement de l’article 63, premier alinéa, point 3, sous b), CE, devenu l’article 79, paragraphe 2, sous c), TFUE. Les considérants 6, 11 à 13, 16, 17 et 24 de cette directive énoncent:

«(6)      Les États membres devraient veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente. Conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, les décisions prises en vertu de la présente directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier. [...]

[...]

(11)      Il y a lieu d’arrêter un ensemble commun minimal de garanties juridiques, applicables aux décisions liées au retour, afin d’assurer une protection efficace des intérêts des personnes concernées. L’assistance juridique nécessaire devrait être accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes. Les États membres devraient prévoir dans leur législation nationale les cas dans lesquels l’assistance juridique est jugée nécessaire.

(12)      Il convient de régler la situation des ressortissants de pays tiers qui sont en séjour irrégulier, mais qui ne peuvent pas encore faire l’objet d’un éloignement. Leurs besoins de base devraient être définis conformément à la législation nationale. Afin d’être en mesure de prouver leur situation spécifique en cas de vérifications ou de contrôles administratifs, ces personnes devraient se voir délivrer une confirmation écrite de leur situation. Les États membres devraient avoir une grande latitude pour déterminer la forme et le modèle de la confirmation écrite et devraient également être en mesure de l’inclure dans les décisions liées au retour adoptées au titre de la présente directive.

(13)      Il convient de subordonner expressément le recours à des mesures coercitives au respect des principes de proportionnalité et d’efficacité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. Il convient d’établir des garanties minimales applicables à la conduite de retours forcés [...]

[...]

(16)      Le recours à la rétention aux fins d’éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n’est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l’éloignement et si l’application de mesures moins coercitives ne suffirait pas.

(17)      Les ressortissants de pays tiers placés en rétention devraient être traités humainement et dignement dans le respect de leurs droits fondamentaux et conformément aux dispositions du droit national et du droit international. [...]

[...]

(24)      La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus, en particulier, par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [(ci-après la «Charte»)].»

4        L’article 1er de ladite directive, intitulé «Objet», dispose:

«La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu’au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l’homme.»

5        Aux termes de l’article 3 de la directive 2008/115, intitulé «Définitions»:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

7)      ‘risque de fuite’: le fait qu’il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet de procédures de retour peut prendre la fuite;

[...]»

6        L’article 6, paragraphe 4, de ladite directive prévoit:

«À tout moment, les États membres peuvent décider d’accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs charitables, humanitaires ou autres à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. Dans ce cas, aucune décision de retour n’est prise. Si une décision de retour a déjà été prise, elle est annulée ou suspendue pour la durée de validité du titre de séjour ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour.»

7        Aux termes de l’article 15 de la directive 2008/115, intitulé «Rétention»:

«1.      À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque:

a)      il existe un risque de fuite, ou

b)      le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

2.      La rétention est ordonnée par les autorités administratives ou judiciaires.

La rétention est ordonnée par écrit, en indiquant les motifs de fait et de droit.

Si la rétention a été ordonnée par des autorités administratives, les États membres:

a)      soit prévoient qu’un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du début de la rétention,

b)      soit accordent au ressortissant concerné d’un pays tiers le droit d’engager une procédure par laquelle la légalité de la rétention fait l’objet d’un contrôle juridictionnel accéléré qui doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du lancement de la procédure en question. Dans ce cas, les États membres informent immédiatement le ressortissant concerné d’un pays tiers de la possibilité d’engager cette procédure.

Le ressortissant concerné d’un pays tiers est immédiatement remis en liberté si la rétention n’est pas légale.

3.      Dans chaque cas, la rétention fait l’objet d’un réexamen à intervalles raisonnables soit à la demande du ressortissant concerné d’un pays tiers, soit d’office. En cas de périodes de rétention prolongées, les réexamens font l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire.

4.      Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

5.      La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois.

6.      Les États membres ne peuvent pas prolonger la période visée au paragraphe 5, sauf pour une période déterminée n’excédant pas douze mois supplémentaires, conformément au droit national, lorsque, malgré tous leurs efforts raisonnables, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison:

a)      du manque de coopération du ressortissant concerné d’un pays tiers, ou

b)      des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires.»

 Le droit bulgare

8        La directive 2008/115 a été transposée en droit bulgare par la loi sur les étrangers en République de Bulgarie (Zakon za chuzhdentsite v Republika Bulgaria, DV n° 153, du 23 décembre 1998), dans sa version applicable aux faits au principal (DV n° 108, du 17 décembre 2013, ci-après la «loi sur les étrangers»).

9        L’article 44, paragraphe 5, de cette loi prévoit:

«Lorsqu’il existe des obstacles empêchant l’étranger de quitter immédiatement le territoire ou d’entrer dans un autre pays, ledit étranger est obligé, par arrêté de l’autorité ayant pris la mesure administrative coercitive, de se présenter chaque semaine devant la section locale du ministère des Affaires intérieures, selon des modalités prévues par le décret d’application de la présente loi, à moins que les obstacles à l’exécution de la mesure de reconduite à la frontière ou d’expulsion aient été levés, et que des mesures aient été adoptées en vue de son éloignement imminent.»

10      En vertu de l’article 44, paragraphe 6, de la loi sur les étrangers, lorsqu’une mesure administrative coercitive ne peut pas être appliquée à un ressortissant d’un pays tiers dont l’identité n’a pas pu être établie, que ce dernier entrave l’exécution de l’arrêté infligeant cette mesure ou lorsqu’il y a un risque évident de fuite, l’organe qui a pris ladite mesure peut ordonner le placement de ce ressortissant dans un centre de rétention administrative, afin d’organiser sa reconduite à la frontière de la République de Bulgarie ou son expulsion.

11      L’article 44, paragraphe 8, de cette loi est libellé comme suit:

«La rétention administrative se poursuit tant que les conditions énoncées au paragraphe 6 sont réunies, sans pouvoir dépasser six mois. Les autorités compétentes [...] vérifient d’office une fois par mois, conjointement avec le direktor [...], que les conditions requises pour le placement en rétention sont réunies. Exceptionnellement, lorsque la personne concernée refuse de coopérer avec les autorités compétentes, ou qu’il existe un retard dans l’obtention des documents requis pour la reconduite à la frontière ou l’expulsion, la durée de la rétention peut être étendue à douze mois. Lorsque, compte tenu des circonstances concrètes de l’affaire, il est constaté qu’il n’existe plus de perspectives raisonnables d’éloignement de l’étranger pour des raisons d’ordre juridique ou technique, la personne concernée est immédiatement remise en liberté.»

12      Conformément à l’article 46a, paragraphe 1, de ladite loi, l’arrêté de placement en centre de rétention administrative peut faire l’objet d’un recours, selon les modalités prévues par le code de procédure administrative (Administrativnoprotsesualen kodeks), dans un délai de quatorze jours à compter du placement effectif.

13      L’article 46a, paragraphe 2, de cette même loi prévoit:

«Le tribunal saisi au paragraphe précédent statue sur le recours en audience publique, en rendant sa décision dans un délai d’un mois à compter du lancement de la procédure. La comparution de la personne concernée n’est pas obligatoire. La décision du tribunal saisi en premier ressort peut faire l’objet d’un recours devant le Vărhoven administrativen sad, lequel statue dans un délai de deux mois.»

14      L’article 46a, paragraphes 3 et 4, de la loi sur les étrangers est libellé comme suit:

«3.      Tous les six mois, le directeur du centre de rétention administrative de ressortissants étrangers présente une liste des étrangers qui y ont séjourné pendant plus de six mois en raison des obstacles à leur éloignement du territoire. Ladite liste est communiquée au tribunal administratif dans le ressort duquel le centre de rétention administrative est situé.

4.      À l’issue de chaque période de six mois à compter de la date de placement en centre de rétention administrative, le tribunal ordonne soit d’office, soit à la demande de l’étranger intéressé, à huis clos, ou bien la prolongation de la rétention, ou bien des mesures de substitution à celle-ci, ou bien la remise en liberté. L’ordonnance du tribunal peut faire l’objet d’un recours selon les modalités prévues par le code de procédure administrative.»

15      Selon le paragraphe 1, point 4c, des dispositions complémentaires à la loi sur les étrangers, l’existence d’«un risque de fuite d’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une mesure administrative coercitive» est établie lorsque, compte tenu des éléments factuels, il existe une raison plausible de soupçonner que le ressortissant concerné est susceptible de se soustraire à l’exécution de la mesure ordonnée. À ce titre, ces dispositions précisent que peuvent constituer un tel risque la circonstance que le ressortissant concerné est introuvable à son domicile déclaré, l’existence d’atteintes antérieures à l’ordre public ou de condamnations préalables du ressortissant concerné, nonobstant sa réhabilitation, la circonstance que le ressortissant concerné n’a pas quitté le pays dans le délai qui lui a été imparti en vue de son départ volontaire, la circonstance que le ressortissant concerné a clairement montré qu’il ne se conformerait pas à la mesure qui lui a été infligée, la circonstance qu’il possède de faux documents ou qu’il n’en possède aucun, la circonstance que le ressortissant concerné produit des informations erronées, la circonstance qu’il a déjà fui par le passé et/ou la circonstance qu’il ne s’est pas conformé à une interdiction d’entrée.

 

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

 

16      M. Mahdi a été arrêté le 9 août 2013 à un poste-frontière à Bregovo, en Bulgarie. Il était dépourvu de documents d’identité mais s’est présenté sous le nom de Bashir Mohamed Ali Mahdi, ressortissant soudanais.

17      Par arrêté du même jour, une mesure administrative coercitive de «reconduite à la frontière d’un étranger» ainsi qu’une mesure administrative coercitive d’«interdiction d’entrée d’un étranger en République de Bulgarie» ont été prononcées à l’encontre de M. Mahdi.

18      M. Mahdi a été placé en rétention conformément à ces arrêtés le lendemain, le 10 août 2013, au centre de rétention de Busmantsi dans l’attente que l’exécution des mesures administratives coercitives soit possible, c’est-à-dire jusqu’à l’obtention de documents lui permettant de voyager en dehors de la Bulgarie.

19      Le 12 août 2013, M. Mahdi a signé, devant les autorités administratives bulgares, une déclaration de consentement à son retour volontaire au Soudan.

20      Le 13 août 2013, le direktor a adressé une lettre à l’ambassade de la République du Soudan l’informant des mesures qui ont été prises à l’encontre de M. Mahdi ainsi que de son placement au centre de rétention de Busmantsi.

21      Par la suite, à une date non précisée dans le dossier, a eu lieu une rencontre entre un représentant de cette ambassade et M. Mahdi lors de laquelle ce représentant a confirmé l’identité de l’intéressé, tout en refusant de lui délivrer un document d’identité lui permettant de voyager en dehors de la Bulgarie. Ce refus était apparemment basé sur le fait que M. Mahdi ne voulait pas retourner au Soudan. L’intéressé a ensuite déclaré aux autorités bulgares qu’il ne souhaitait pas retourner volontairement au Soudan. Le représentant de l’ambassade de la République du Soudan semble avoir affirmé à la juridiction de renvoi que, dans ces circonstances, il était impossible d’émettre un document de voyage si M. Mahdi ne souhaitait pas retourner de son plein gré dans son pays d’origine.

22      Le 16 août 2013, Mme Ruseva, une ressortissante bulgare, a fait une déclaration notariée selon laquelle M. Mahdi serait assuré d’avoir des moyens de subsistance propre et un logement lors de son séjour en Bulgarie et a demandé au direktor la libération sous caution de M. Mahdi. Cette déclaration a été vérifiée et confirmée par les autorités policières le 26 août 2013.

23      Le 27 août 2013, le direktor a proposé à son supérieur hiérarchique, compte tenu de la déclaration de Mme Ruseva, que l’arrêté de placement en rétention administrative de M. Mahdi soit abrogé et qu’une mesure moins coercitive, à savoir sa «présentation mensuelle devant la section locale du ministère des Affaires intérieures du lieu de résidence», soit prise à son encontre, jusqu’à la disparition des obstacles à l’exécution de la décision de reconduite à la frontière le concernant.

24      Le 9 septembre 2013, cette proposition a été rejetée, aux motifs que M. Mahdi n’était pas entré légalement en Bulgarie, qu’il ne possédait pas un titre de séjour pour résider en Bulgarie, que l’agence nationale des réfugiés lui avait refusé le statut de réfugié le 29 décembre 2012 et qu’il avait commis une infraction pénale en franchissant la frontière nationale entre la Bulgarie et la Serbie en dehors des endroits prévus à cet effet.

25      Aucun recours n’a été introduit ni à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative ni à l’encontre du refus de substituer à cet arrêté les mesures moins contraignantes proposées par le direktor.

26      Il ressort de la décision de renvoi qu’aucun document d’identité permettant à M. Mahdi de voyager en dehors de la Bulgarie n’a, jusqu’à présent, été délivré par l’ambassade de la République du Soudan et que ce dernier est toujours placé au centre de rétention de Busmantsi.

27      L’affaire au principal a été introduite par le dépôt d’une lettre émanant du direktor, aux alentours du 9 février 2014 et à la fin de la période de six mois de rétention initiale, demandant à la juridiction de renvoi d’ordonner d’office, sur le fondement de l’article 46a, paragraphes 3 et 4, de la loi sur les étrangers, la prolongation de la rétention de M. Mahdi.

28      La juridiction de renvoi précise que, en vertu de l’article 46a, paragraphes 3 et 4, de la loi sur les étrangers, une liste de ressortissants de pays tiers qui ont séjourné dans un centre de rétention pendant plus de six mois en raison des obstacles à leur éloignement du territoire est présentée tous les six mois par le chef du centre de rétention concerné au tribunal administratif dans le ressort duquel ce centre est situé. À l’issue de chaque période de six mois de placement dans un centre de rétention, ledit tribunal administratif statue d’office à huis clos sur la prolongation de la rétention de la personne concernée, l’adoption de mesures de substitution ou la fin de la rétention de cette personne.

29      À cet égard, la juridiction de renvoi s’interroge, notamment, sur la compatibilité de la procédure administrative de réexamen du placement dans un centre de rétention prévue en droit bulgare avec le droit de l’Union et notamment avec les exigences posées par la directive 2008/115.

30      Selon la juridiction de renvoi, la nature du contrôle qu’elle peut effectuer varie selon qu’elle agit en tant qu’autorité juridictionnelle ou en tant qu’autorité administrative. En particulier, lorsqu’elle statue en tant qu’autorité juridictionnelle, elle serait dans l’impossibilité de statuer sur le fond de l’affaire et de revoir la décision initiale de placement dans un centre de rétention, dès lors que, en vertu du droit procédural bulgare, son rôle est limité au contrôle des motifs de prolongation de la rétention de l’intéressé, tels qu’exposés dans la lettre du direktor ayant déclenché une procédure telle que celle en cause au principal. Ladite juridiction soulève également des questions quant au risque de fuite dans un cas tel que celui en cause au principal où l’intéressé, qui est dépourvu de documents d’identité, a déclaré aux autorités bulgares qu’il ne souhaitait pas retourner dans son pays d’origine. La juridiction de renvoi s’interroge également sur le comportement de ce dernier. À cet égard, elle se demande si le fait que l’intéressé ne détient pas de documents d’identité peut être considéré comme un manque de coopération dans le cadre de la procédure d’éloignement. Eu égard à l’ensemble de ces circonstances, la juridiction de renvoi nourrit des doutes sur la question de savoir si la prolongation de la rétention de M. Mahdi est justifiée.

31      Dans ces conditions, l’Administrativen sad Sofia-grad a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Faut-il interpréter l’article 15, paragraphes 3 et 6, de la directive 2008/115, lu en combinaison avec les articles 6 et 47 de la Charte, relatifs au droit à un contrôle juridictionnel et à une protection juridictionnelle effective, en ce sens que:

a)      si, en vertu du droit national de l’État membre en cause, une autorité administrative est obligée de réexaminer chaque mois le maintien en rétention administrative, sans être expressément obligée de prendre un acte administratif, et si elle est obligée de produire d’office devant le tribunal la liste des ressortissants de pays tiers qui ont été maintenus en rétention au-delà de la durée légale de la rétention initiale, en raison d’obstacles à leur éloignement, alors ladite autorité administrative est obligée d’adopter, à la date de fin de la rétention prévue par la décision individuelle de rétention initiale, un acte exprès de réexamen de la rétention du point de vue des motifs de prolongation de la durée de la rétention prévus par le droit de l’Union, ou bien d’ordonner la remise en liberté de la personne concernée;

b)      si, en vertu du droit national de l’État membre en cause, le tribunal saisi a le pouvoir d’ordonner la prolongation de la rétention administrative, de lui substituer une mesure moins coercitive, ou bien d’ordonner la remise en liberté du ressortissant d’un pays tiers, ce pouvoir étant exercé après la fin de la durée maximale de la rétention initiale en vue de l’éloignement en application dudit droit national, alors, dans une situation telle que celle au principal, ledit tribunal doit exercer un contrôle de légalité d’un acte de réexamen de la rétention indiquant des motifs de droit et de fait, quant à la nécessité de prolonger la rétention et à la durée de celle-ci, en statuant sur le fond pour ordonner la prolongation de la rétention, des mesures de substitution à celle-ci ou bien la remise en liberté de la personne concernée,

c)      si un acte de réexamen de la rétention administrative n’énonce que les raisons pour lesquelles il n’est pas possible d’exécuter la décision d’éloignement du ressortissant d’un pays tiers, ces dispositions permettent au tribunal saisi d’exercer un contrôle de légalité de cet acte du point de vue des motifs de prolongation de la durée de cette rétention prévus par le droit de l’Union, et, en se fondant uniquement sur des faits et des preuves produits par l’autorité administrative, ainsi que des objections et des faits présentés par le ressortissant d’un pays tiers, de statuer sur le fond en rendant une décision ordonnant la prolongation de la rétention, des mesures de substitution à celle-ci ou bien la remise en liberté de la personne concernée?

2)      Dans une situation telle que celle au principal, faut-il interpréter l’article 15, paragraphes 1 et 6, de la directive 2008/115 en ce sens que le motif autonome de prolongation de la rétention tiré du fait que la personne n’est pas munie de documents d’identité, prévu par le droit national, est compatible avec le droit de l’Union, car il relève des deux hypothèses visées audit paragraphe 6, dans la mesure où, en vertu du droit national de l’État membre en question, il est possible de considérer que, dans cette hypothèse, il existe une raison plausible de soupçonner que ladite personne est susceptible de se soustraire à l’exécution de la décision d’éloignement, cette raison de soupçonner impliquant un risque de fuite au sens du droit national de l’État membre en question?

3)      Dans une situation telle que celle au principal, faut-il interpréter l’article 15, paragraphes 1, sous a) et b), et 6, de la directive 2008/115, lu en combinaison avec les considérants 2 et 13 de cette directive concernant le respect des droits fondamentaux et de la dignité des ressortissants de pays tiers et concernant l’application du principe de proportionnalité, en ce sens qu’il permet de conclure légitimement à l’existence d’un risque de fuite, au motif que la personne en question n’est pas munie de documents d’identité, qu’elle a franchi irrégulièrement la frontière nationale et qu’elle déclare qu’elle ne souhaite pas retourner dans son pays d’origine, alors même qu’elle a précédemment rempli une déclaration de retour volontaire dans son pays et qu’elle a décliné son identité de manière exacte, ces circonstances relevant de la notion de ‘risque de fuite’ du destinataire de la décision d’éloignement au sens de la directive 2008/115 qui, en droit national, est qualifiée de raison plausible de soupçonner que ladite personne est susceptible de se soustraire à l’exécution de la décision d’éloignement sur le fondement d’éléments de fait?

4)      Dans une situation telle que celle au principal, faut-il interpréter l’article 15, paragraphes 1, sous a) et b), 4 et 6, de la directive 2008/115, lu en combinaison avec les considérants 2 et 13 de cette directive concernant le respect des droits fondamentaux et de la dignité des ressortissants de pays tiers et concernant l’application du principe de proportionnalité, en ce sens que:

a)      le ressortissant d’un pays tiers ne coopère pas en vue de la préparation de l’exécution de la décision d’éloignement dans son État d’origine s’il déclare oralement, devant un employé de l’ambassade de l’État en question, qu’il ne souhaite pas retourner dans son pays d’origine, alors même qu’il a précédemment rempli une déclaration de retour volontaire et qu’il a décliné son identité de manière exacte, qu’il y a un retard pour obtenir du pays tiers les documents nécessaires, et qu’il existe une perspective raisonnable d’exécution de la décision d’éloignement, dans la mesure où, dans ces circonstances, l’ambassade du pays en question ne délivre pas le document requis pour le voyage retour de la personne concernée jusqu’à son pays d’origine, même si elle a confirmé l’identité de la personne,

b)      dans l’hypothèse où le ressortissant d’un pays tiers est remis en liberté du fait de l’absence de perspective raisonnable d’exécution d’une décision d’éloignement, ledit ressortissant n’étant pas muni de documents d’identité, ayant franchi irrégulièrement la frontière nationale et déclarant qu’il ne souhaite pas retourner dans son pays d’origine, et lorsque, dans ces circonstances, l’ambassade du pays en question ne délivre pas le document requis pour le voyage retour de la personne concernée jusqu’à son pays d’origine, même si elle a confirmé l’identité de la personne, faut-il considérer que l’État membre en question est obligé de délivrer un document temporaire relatif au statut de la personne?»

 

 Sur la procédure d’urgence

 

32      L’Administrativen sad Sofia-grad a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

33      La juridiction de renvoi a motivé cette demande en exposant que le ressortissant du pays tiers en cause au principal se trouve en rétention et que sa situation relève du champ d’application des dispositions du titre V du traité FUE relatives à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Eu égard à la situation de M. Mahdi, la réponse de la Cour aux questions préjudicielles aurait une influence déterminante sur la question de savoir s’il y a lieu de maintenir celui-ci au centre de rétention de Busmantsi ou de le libérer. Ladite juridiction indique qu’il conviendrait qu’une décision soit prise dans les plus brefs délais quant à la prolongation de la rétention de l’intéressé.

34      À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que la présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2008/115, qui relève de la troisième partie, titre V, du traité FUE. Elle est donc susceptible d’être soumise à la procédure préjudicielle d’urgence prévue aux articles 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 107 de son règlement de procédure.

35      En second lieu, il importe de constater, ainsi que la juridiction de renvoi le souligne, que M. Mahdi est actuellement privé de liberté et que la solution du litige au principal est susceptible d’avoir pour incidence qu’il soit mis fin immédiatement à la privation de sa liberté.

36      Au vu de ce qui précède, la troisième chambre de la Cour a décidé, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre la présente demande de décision préjudicielle à la procédure d’urgence.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question, sous a)

37      Par sa première question, sous a), la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 15, paragraphes 3 et 6, de la directive 2008/115, lu à la lumière des articles 6 et 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que la décision adoptée par une autorité compétente, à la fin de la période maximale de rétention initiale d’un ressortissant d’un pays tiers, portant sur la suite à réserver à cette rétention, doit revêtir la forme d’un acte écrit comportant les motifs de fait et de droit justifiant cette décision.

38      Il y a lieu de relever d’emblée que, conformément à l’article 79, paragraphe 2, TFUE, l’objectif de la directive 2008/115, ainsi qu’il ressort des considérants 2 et 11 de celle-ci, est de mettre en place une politique efficace de l’éloignement et du rapatriement fondée sur des normes et des garanties juridiques communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées de façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux ainsi que de leur dignité.

39      Les procédures de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier mises en place par cette directive constituent ainsi des normes et des procédures communes applicables dans les États membres au retour de ces ressortissants. Les États membres disposent à plusieurs égards d’une marge d’appréciation pour la mise en œuvre des dispositions de ladite directive en tenant compte des particularités du droit national.

40      Selon le considérant 6 de la même directive, les États membres devraient veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente. Toujours selon ce considérant et conformément aux principes généraux du droit de l’Union, les décisions prises en vertu de la directive 2008/115 devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique de prendre en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier.

41      En vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2008/115, la rétention initiale d’un ressortissant d’un pays tiers, laquelle ne peut excéder une durée maximale de six mois, doit être ordonnée par les autorités administratives ou judiciaires au moyen d’un acte écrit qui indique les motifs de fait et de droit sur lesquels est fondée la décision de rétention (voir, en ce sens, arrêt G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 29).

42      Aux termes de l’article 15, paragraphe 6, de ladite directive, cette rétention initiale peut être prolongée, conformément au droit national, pour une période déterminée n’excédant pas douze mois supplémentaires, lorsque sont remplies certaines conditions de fond. Toute rétention qui dépasse six mois doit être considérée, conformément au paragraphe 5 dudit article, comme une rétention prolongée aux fins de l’article 15, paragraphe 3, de la même directive.

43      Par ailleurs, l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2008/115 prévoit que la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers doit, dans chaque cas, faire l’objet d’un réexamen à intervalles raisonnables soit à la demande du concerné, soit d’office. En cas de rétention prolongée, les réexamens doivent faire l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire.

44      Il découle de l’ensemble de ces dispositions que la seule exigence expressément prévue à l’article 15 de la directive 2008/115 en ce qui concerne l’adoption d’un acte écrit est celle énoncée au paragraphe 2 de cet article, à savoir que la rétention doit être ordonnée par écrit en indiquant les motifs de fait et de droit. Cette exigence d’adopter une décision écrite doit être comprise comme se rapportant nécessairement à toute décision sur la prolongation de la rétention, étant donné que, d’une part, la rétention et la prolongation de celle-ci présentent une nature analogue, ayant toutes les deux pour effet de priver de liberté le ressortissant concerné d’un pays tiers afin de préparer son retour et/ou de procéder à son éloignement, et, d’autre part, dans chacun de ces deux cas, ce ressortissant doit être en mesure de connaître les motifs de la décision prise à son égard.

45      Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette obligation de communiquer lesdits motifs est nécessaire tant pour permettre au ressortissant concerné d’un pays tiers de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêts Heylens e.a., 222/86, EU:C:1987:442, point 15, ainsi que Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 337).

46      Toute autre interprétation de l’article 15, paragraphes 2 et 6, de la directive 2008/115 aurait pour effet qu’il serait plus difficile pour un ressortissant d’un pays tiers de contester la légalité d’une décision de rétention prolongée ordonnée à son encontre que de remettre en cause celle d’une décision de rétention initiale, ce qui porterait atteinte au droit fondamental à un recours effectif.

47      Il convient, cependant, de préciser que les dispositions de l’article 15 de cette directive n’exigent pas l’adoption d’un «acte de réexamen» écrit selon la terminologie utilisée par la juridiction de renvoi dans sa première question, sous a). Les autorités qui procèdent à un réexamen de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers à intervalles raisonnables, en application de l’article 15, paragraphe 3, première phrase, de ladite directive, n’ont donc pas l’obligation d’adopter, lors de chaque réexamen, un acte exprès revêtant une forme écrite comportant un exposé des éléments de fait et de droit motivant cet acte.

48      Cela étant, il doit être précisé que, si l’autorité saisie d’une procédure de réexamen au terme de la période maximale de rétention initiale permise par l’article 15, paragraphe 5, de cette même directive statue sur la suite à réserver à cette rétention, elle est tenue d’adopter sa décision par acte écrit motivé. En effet, dans un tel cas, le réexamen de la rétention et l’adoption de la décision sur la suite à réserver à la rétention ont lieu au cours de la même étape procédurale. Par conséquent, cette décision doit remplir les exigences découlant de l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2008/115.

49      Or, il ne ressort clairement ni de la demande de décision préjudicielle ni des observations présentées par le gouvernement bulgare lors de l’audience si la liste du direktor envoyée à la juridiction de renvoi à la fin de la période maximale de rétention initiale contient une décision sur la suite à réserver à la rétention de l’intéressé. S’il s’avère que, par cette liste, le direktor a statué, notamment, sur la prolongation de la rétention, ladite liste doit également remplir les exigences énoncées au point 44 du présent arrêt. Il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer les vérifications nécessaires à cet égard. Une telle décision doit, dans tous les cas, faire l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire en vertu de l’article 15, paragraphe 3, de ladite directive.

50      En outre, il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en l’absence de règles fixées par le droit de l’Union concernant les modalités procédurales relatives à l’acte de réexamen de la rétention, les États membres demeurent compétents, conformément au principe de l’autonomie procédurale, pour régler ces modalités, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux et la pleine effectivité des dispositions du droit de l’Union relatives à cet acte (voir, par analogie, arrêt N., C‑604/12, EU:C:2014:302, point 41).

51      Il en résulte que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale, dans le respect de ces principes, prévoie l’obligation pour l’autorité qui réexamine à intervalles raisonnables la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2008/115, d’adopter, à l’issue de chaque réexamen, un acte exprès contenant des motifs de fait et de droit justifiant celui-ci. Une telle obligation découlerait uniquement du droit national.

52      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question, sous a), que l’article 15, paragraphes 3 et 6, de la directive 2008/115, lu à la lumière des articles 6 et 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que toute décision adoptée par une autorité compétente, à la fin de la période maximale de rétention initiale d’un ressortissant d’un pays tiers, portant sur la suite à réserver à cette rétention doit revêtir la forme d’un acte écrit comportant les motifs de fait et de droit justifiant cette décision.

 Sur la première question, sous b) et c)

53      Par sa première question, sous b) et c), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphes 3 et 6, de la directive 2008/115, lu en combinaison avec les articles 6 et 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que le contrôle que doit effectuer l’autorité judiciaire saisie d’une demande de prolongation de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers doit permettre à cette autorité de statuer sur le fond, au cas par cas, sur la prolongation de la rétention du ressortissant concerné, sur la possibilité de substituer à la rétention une mesure moins coercitive ou sur la remise en liberté de ce ressortissant, ladite autorité étant ainsi compétente pour se fonder sur les faits et les preuves produits par l’autorité administrative l’ayant saisie ainsi que sur les observations éventuellement présentées par ledit ressortissant.

54      Il doit d’emblée être relevé que la Cour a déjà jugé que l’article 15 de la directive 2008/115 est inconditionnel et suffisamment précis pour ne pas nécessiter d’autres éléments particuliers pour permettre sa mise en œuvre par les États membres (voir, en ce sens, arrêt El Dridi, C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, point 47).

55      Ainsi qu’il ressort des considérants 13, 16, 17 et 24 de la directive 2008/115, toute rétention ordonnée relevant de cette directive est strictement encadrée par les dispositions du chapitre IV de ladite directive de façon à garantir, d’une part, le respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis et, d’autre part, le respect des droits fondamentaux des ressortissants concernés de pays tiers.

56      Ensuite, ainsi qu’il a été rappelé au point 43 du présent arrêt, il résulte clairement du libellé de l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2008/115 que le réexamen de toute rétention prolongée d’un ressortissant d’un pays tiers doit faire l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire. Force est ainsi de relever qu’une autorité judiciaire statuant sur la possibilité de prolonger la rétention initiale doit obligatoirement procéder à un contrôle de ladite rétention, même si ce contrôle n’a pas été expressément demandé par l’autorité l’ayant saisie et même si la rétention du ressortissant concerné a déjà fait l’objet d’un réexamen par l’autorité ayant ordonné la rétention initiale.

57      Toutefois, l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2008/115 ne précise pas la nature dudit contrôle. Il convient donc de rappeler les principes découlant de l’article 15 de cette directive qui s’appliquent lors d’une procédure telle que celle en cause au principal et qui doivent, dès lors, être pris en compte par une autorité judiciaire lors du même contrôle.

58      En premier lieu, il découle des conditions de fond énoncées à l’article 15, paragraphe 6, de ladite directive que la période de rétention initiale ne peut être prolongée que lorsque, malgré tous les efforts raisonnables de l’État membre concerné, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison soit du manque de coopération du ressortissant concerné d’un pays tiers, soit des retards subis pour obtenir du pays tiers les documents nécessaires. Une telle prolongation doit être décidée conformément au droit national et ne peut, en aucun cas, excéder douze mois supplémentaires.

59      En second lieu, il convient de lire l’article 15, paragraphe 6, de cette même directive en combinaison avec l’article 15, paragraphe 4, de celle-ci qui précise que, lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 ne sont plus réunies, la rétention du ressortissant concerné d’un pays tiers ne se justifie plus et ce ressortissant doit être immédiatement remis en liberté.

60      En ce qui concerne la première exigence découlant de l’article 15, paragraphe 4, de ladite directive, la Cour a déjà précisé que, pour qu’il puisse être considéré qu’il subsiste une «perspective raisonnable d’éloignement», au sens de cette disposition, il faut que, au moment du réexamen de la légalité de la rétention par la juridiction nationale, il existe une réelle perspective que l’éloignement puisse être mené à bien eu égard aux délais fixés à l’article 15, paragraphes 5 et 6, de la directive 2008/115 (voir, en ce sens, arrêt Kadzoev, C‑357/09 PPU, EU:C:2009:741, point 65).

61      La seconde exigence découlant de l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2008/115 impose un réexamen des conditions de fond énoncées à l’article 15, paragraphe 1, de cette directive ayant servi de fondement à la décision initiale de rétention du ressortissant concerné d’un pays tiers. L’autorité statuant sur la prolongation éventuelle de la rétention de ce ressortissant ou l’éventuelle remise en liberté de celui-ci doit ainsi déterminer, en premier lieu, si d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives qu’une rétention, peuvent être appliquées efficacement dans un cas particulier, en deuxième lieu, s’il existe un risque de fuite dudit ressortissant et, en troisième lieu, si ce dernier évite ou empêche la préparation de son retour ou l’opération d’éloignement.

62      Il en résulte qu’une autorité judiciaire statuant sur une demande de prolongation de rétention doit être en mesure de statuer sur tout élément de fait et de droit pertinent pour déterminer si une prolongation de la rétention est justifiée, au regard des exigences énoncées aux points 58 à 61 du présent arrêt, ce qui nécessite un examen approfondi des éléments de fait propres à chaque cas d’espèce. Lorsque la rétention initialement ordonnée ne se justifie plus au regard de ces exigences, l’autorité judiciaire compétente doit être en mesure de substituer sa propre décision à celle de l’autorité administrative ou, le cas échéant, à celle de l’autorité judiciaire ayant ordonné la rétention initiale et de statuer sur la possibilité d’ordonner une mesure de substitution ou la remise en liberté du ressortissant concerné d’un pays tiers. À cette fin, l’autorité judiciaire statuant sur une demande de prolongation de rétention doit être en mesure de prendre en considération tant les éléments de fait et les preuves invoqués par l’autorité administrative ayant ordonné la rétention initiale que toute observation éventuelle du ressortissant concerné d’un pays tiers. En outre, elle doit être en mesure de rechercher tout autre élément pertinent pour sa décision au cas où elle le jugerait nécessaire. Il s’ensuit que les pouvoirs détenus par l’autorité judiciaire dans le cadre d’un contrôle ne peuvent, en aucun cas, être circonscrits aux seuls éléments présentés par l’autorité administrative concernée.

63      Toute autre interprétation de l’article 15 de la directive 2008/115 aurait pour effet de priver les paragraphes 4 et 6 de cet article de leur effet utile et viderait le contrôle judiciaire exigé à l’article 15, paragraphe 3, seconde phrase, de cette directive de son contenu, mettant ainsi en péril la réalisation des objectifs poursuivis par ladite directive.

64      Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question, sous b) et c), que l’article 15, paragraphes 3 et 6, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que le contrôle que doit effectuer l’autorité judiciaire saisie d’une demande de prolongation de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers doit permettre à cette autorité de statuer sur le fond, au cas par cas, sur la prolongation de la rétention du ressortissant concerné, sur la possibilité de substituer à la rétention une mesure moins coercitive ou sur la remise en liberté de ce ressortissant, ladite autorité étant ainsi compétente pour se fonder sur les faits et les preuves produits par l’autorité administrative l’ayant saisie ainsi que sur les faits, les preuves et les observations qui lui sont éventuellement soumis lors de cette procédure.

 Sur les deuxième et troisième questions

65      Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphes 1 et 6, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, selon laquelle une période initiale de rétention de six mois peut être prolongée au seul motif que le ressortissant concerné d’un pays tiers n’est pas muni de documents d’identité et que, dès lors, il existe un risque de fuite dudit ressortissant.

66      Il importe de rappeler, premièrement, que la notion de risque de fuite est circonscrite à l’article 3, point 7, de la directive 2008/115, qui le définit comme le fait qu’il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet de procédures de retour peut prendre la fuite.

67      Deuxièmement, l’existence d’un tel risque de fuite est l’une des raisons expressément énumérées à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 comme justifiant le placement en rétention d’un ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet d’une procédure de retour, afin de préparer ce dernier ou de procéder à l’éloignement. Ainsi qu’il a été rappelé au point 61 du présent arrêt, cette disposition précise qu’une telle rétention peut uniquement avoir lieu lorsque d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, ne peuvent être appliquées efficacement dans un cas particulier.

68      Troisièmement, ainsi qu’il a été rappelé au point 58 du présent arrêt, la prolongation d’une rétention ne peut être ordonnée, aux termes de l’article 15, paragraphe 6, de ladite directive, que s’il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison soit du manque de coopération du ressortissant concerné d’un pays tiers, soit des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, sans qu’il soit mentionné la circonstance que la personne concernée n’est pas munie de documents d’identité.

69      En outre, ainsi qu’il a été constaté au point 61 du présent arrêt, toute décision sur la prolongation de rétention d’un ressortissant d’un pays tiers et, partant, sur l’existence des circonstances factuelles prévues à l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115 doit être précédée d’un réexamen des conditions de fond ayant servi de fondement à la rétention initiale du ressortissant concerné, ce qui nécessite une appréciation par l’autorité judiciaire, lors du contrôle exigé à l’article 15, paragraphe 3, seconde phrase, de cette directive, des circonstances ayant donné lieu à la constatation initiale de l’existence d’un risque de fuite.

70      Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a déjà constaté, toute appréciation concernant un risque de fuite doit se fonder sur un examen individuel du cas de l’intéressé (voir arrêt Sagor, C‑430/11, EU:C:2012:777, point 41). En outre, conformément au considérant 6 de la directive 2008/115, les décisions prises en vertu de cette directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs.

71      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le droit bulgare précise, au paragraphe 1, point 4c, des dispositions complémentaires à la loi sur les étrangers, que l’existence d’un risque de fuite d’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une mesure administrative coercitive est établie lorsque, compte tenu des éléments factuels, il existe une raison plausible de soupçonner que le ressortissant concerné est susceptible de se soustraire à l’exécution de la mesure ordonnée. Les critères objectifs qui peuvent constituer un tel risque figurent audit point 4c, et incluent, notamment, la circonstance que l’intéressé ne possède aucun document d’identité.

72      Dès lors, il appartient à la juridiction de renvoi de procéder à une appréciation des circonstances factuelles entourant la situation du ressortissant concerné afin de déterminer, lors du réexamen des conditions prévues à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115, si, comme le direktor l’a proposé dans l’affaire en cause au principal, une mesure moins coercitive peut être appliquée efficacement à ce ressortissant et, dans le cas où cela ne s’avérerait pas possible, de déterminer si un risque de fuite de celui-ci persiste. C’est uniquement dans le cadre de ce dernier cas de figure que cette juridiction peut prendre en compte l’absence de documents d’identité.

73      Il résulte de ce qui précède que le fait que le ressortissant concerné d’un pays tiers ne soit pas muni de documents d’identité ne peut pas, à lui seul, justifier une prolongation de la rétention prévue à l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115.

74      Par conséquent, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 15, paragraphes 1 et 6, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, selon laquelle une période initiale de rétention de six mois peut être prolongée au seul motif que le ressortissant concerné d’un pays tiers n’est pas muni de documents d’identité. Il appartient à la seule juridiction de renvoi de procéder à une appréciation au cas par cas des circonstances factuelles de l’affaire en cause afin de déterminer si une mesure moins coercitive peut être appliquée effectivement à ce ressortissant ou s’il existe un risque de fuite de ce dernier.

 Sur la quatrième question, sous a)

75      Par sa quatrième question, sous a), la juridiction de renvoi demande si l’article 15, paragraphe 6, sous a), de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’un ressortissant d’un pays tiers qui, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, n’a pas obtenu un document d’identité qui aurait permis son éloignement de l’État membre intéressé fait preuve de «manque de coopération», au sens de cette disposition.

76      En ce qui concerne la situation de M. Mahdi, il est constant que ce dernier n’est pas muni de documents d’identité et que l’ambassade de la République du Soudan a refusé de lui octroyer un tel document, permettant l’exécution de la décision d’éloignement.

77      Ainsi, par la quatrième question, sous a), la Cour est invitée à indiquer si le refus de l’ambassade de la République du Soudan d’octroyer des documents d’identité à M. Mahdi, à la suite de la déclaration de ce dernier selon laquelle il ne voulait pas retourner dans son pays d’origine, peut être imputé à l’intéressé. En cas de réponse positive, la Cour est invitée à préciser si le comportement de M. Mahdi peut être qualifié de manque de coopération de sa part, au sens de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115, ce qui justifierait la prolongation de la période de rétention de l’intéressé pour une période supplémentaire n’excédant pas douze mois.

78      À cet égard, il doit être rappelé qu’il appartient à la juridiction nationale d’établir les faits qui ont donné lieu au litige au principal et d’en tirer les conséquences pour la décision qu’elle est appelée à rendre (voir, notamment, arrêts WWF e.a., C‑435/97, EU:C:1999:418, point 32, ainsi que Danosa, C‑232/09, EU:C:2010:674, point 33).

79      En effet, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions de l’Union et les juridictions nationales, il appartient en principe à la juridiction nationale de vérifier que les conditions factuelles entraînant l’application d’une norme de l’Union sont réunies dans l’affaire pendante devant elle, la Cour, statuant sur un renvoi préjudiciel, pouvant, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider la juridiction nationale dans son interprétation (voir, en ce sens, arrêts Haim, C‑424/97, EU:C:2000:357, point 58; Vatsouras et Koupatantze, C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 23, ainsi que Danosa, EU:C:2010:674, point 34).

80      Dans ces circonstances, la Cour doit répondre aux questions préjudicielles relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par la juridiction de renvoi, en laissant à cette dernière le soin de vérifier les éléments concrets du litige pendant devant elle, et notamment de trancher la question de savoir si l’absence de documents d’identité résulte uniquement du retrait par M. Mahdi de sa déclaration de retour volontaire (voir, par anologie, arrêt Danosa, EU:C:2010:674, point 36).

81      À cet égard, il doit être relevé que, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, M. Mahdi a coopéré avec les autorités bulgares en ce qui concerne la divulgation de son identité et le processus de son éloignement. Ce dernier a, toutefois, retiré sa déclaration de retour volontaire.

82      Or, il doit être rappelé que la notion de «manque de coopération», au sens de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115, nécessite que l’autorité, statuant sur une demande de prolongation de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers, examine, d’une part, le comportement de ce ressortissant au cours de la période de rétention initiale afin d’établir si ce dernier n’a pas coopéré avec les autorités compétentes concernant la mise en œuvre de l’opération d’éloignement et, d’autre part, la probabilité que l’opération d’éloignement dure plus longtemps que prévu en raison du comportement dudit ressortissant. Si l’éloignement de ce dernier dure ou a duré plus longtemps que prévu pour une autre raison, aucun lien de causalité ne peut être établi entre le comportement du ressortissant concerné et la durée de l’opération en cause et, dès lors, aucun manque de coopération de ce dernier ne saurait être établi.

83      En outre, l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115 exige que, avant d’examiner si le ressortissant concerné d’un pays tiers fait preuve de manque de coopération, l’autorité concernée soit en mesure de démontrer que l’opération d’éloignement dure plus longtemps que prévu malgré tous les efforts raisonnables, ce qui nécessite, dans l’affaire en cause au principal, que l’État membre en cause ait poursuivi et poursuive toujours activement des efforts pour obtenir la délivrance de documents d’identité pour ce ressortissant.

84      Il découle de ce qui précède que, afin de constater que l’État membre concerné a entrepris les efforts raisonnables pour réaliser l’opération d’éloignement et qu’il existe un manque de coopération de la part du ressortissant concerné d’un pays tiers, un examen détaillé des éléments factuels relatifs à l’ensemble de la période de rétention initiale est nécessaire. Un tel examen constitue une question de fait, qui, comme il a déjà été rappelé, échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d’une procédure au titre de l’article 267 TFUE et relève du juge national (arrêt Merluzzi, 80/71, EU:C:1972:24, point 10).

85      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la quatrième question, sous a), que l’article 15, paragraphe 6, sous a), de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’un ressortissant d’un pays tiers qui, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, n’a pas obtenu un document d’identité qui aurait permis son éloignement de l’État membre intéressé peut être considéré comme ayant fait preuve d’un «manque de coopération», au sens de cette disposition, uniquement s’il résulte de l’examen du comportement dudit ressortissant au cours de la période de rétention que ce dernier n’a pas coopéré à la mise en œuvre de l’opération d’éloignement et qu’il est probable que cette opération dure plus longtemps que prévu à cause de ce comportement, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur la quatrième question, sous b)

86      Par la quatrième question, sous b), la juridiction de renvoi demande si l’article 15 de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut être obligé de délivrer un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour à un ressortissant d’un pays tiers n’étant pas en possession de documents d’identité et n’ayant pas obtenu de tels documents de son pays d’origine, après qu’un juge national a libéré ce ressortissant au motif qu’il n’existerait plus de perspective raisonnable d’éloignement au sens de l’article 15, paragraphe 4, de cette directive.

87      Ainsi qu’il ressort de l’objectif de la directive 2008/115 rappelé au point 38 du présent arrêt, cette dernière n’a pas pour objet de régir les conditions de séjour sur le territoire d’un État membre des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier à l’égard desquels une décision de retour ne peut pas ou n’a pas pu être exécutée.

88      Toutefois, l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2008/115 permet aux États membres d’accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs charitables, humanitaires ou autres à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. De même, le considérant 12 de cette directive prévoit que les États membres devraient délivrer aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ne pouvant pas encore faire l’objet d’un éloignement, une confirmation écrite de leur situation. Les États membres bénéficient d’une grande latitude pour déterminer la forme et le modèle de cette confirmation écrite.

89      Au vu de ce qui précède, il y lieu de répondre à la quatrième question, sous b), que la directive 2008/115 doit être interprétée en ce sens qu’un État membre ne peut être obligé de délivrer un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour à un ressortissant d’un pays tiers n’étant pas en possession de documents d’identité et n’ayant pas obtenu de tels documents de son pays d’origine, après qu’un juge national a libéré ce ressortissant au motif qu’il n’existerait plus de perspective raisonnable d’éloignement au sens de l’article 15, paragraphe 4, de cette directive. Toutefois, cet État membre doit, dans un tel cas, délivrer audit ressortissant une confirmation écrite de sa situation.

 

 Sur les dépens

 

90      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 15, paragraphes 3 et 6, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lu à la lumière des articles 6 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que toute décision adoptée par une autorité compétente, à la fin de la période maximale de rétention initiale d’un ressortissant d’un pays tiers, portant sur la suite à réserver à cette rétention doit revêtir la forme d’un acte écrit comportant les motifs de fait et de droit justifiant cette décision.

2)      L’article 15, paragraphes 3 et 6, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que le contrôle que doit effectuer l’autorité judiciaire saisie d’une demande de prolongation de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers doit permettre à cette autorité de statuer sur le fond, au cas par cas, sur la prolongation de la rétention du ressortissant concerné, sur la possibilité de substituer à la rétention une mesure moins coercitive ou sur la remise en liberté de ce ressortissant, ladite autorité étant ainsi compétente pour se fonder sur les faits et les preuves produits par l’autorité administrative l’ayant saisie ainsi que sur les faits, les preuves et les observations qui lui sont éventuellement soumis lors de cette procédure.

3)      L’article 15, paragraphes 1 et 6, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, selon laquelle une période initiale de rétention de six mois peut être prolongée au seul motif que le ressortissant concerné d’un pays tiers n’est pas muni de documents d’identité. Il appartient à la seule juridiction de renvoi de procéder à une appréciation au cas par cas des circonstances factuelles de l’affaire en cause afin de déterminer si une mesure moins coercitive peut être appliquée effectivement à ce ressortissant ou s’il existe un risque de fuite de ce dernier.

4)      L’article 15, paragraphe 6, sous a), de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’un ressortissant d’un pays tiers qui, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, n’a pas obtenu un document d’identité qui aurait permis son éloignement de l’État membre intéressé peut être considéré comme ayant fait preuve d’un «manque de coopération», au sens de cette disposition, uniquement s’il résulte de l’examen du comportement dudit ressortissant au cours de la période de rétention que ce dernier n’a pas coopéré à la mise en œuvre de l’opération d’éloignement et qu’il est probable que cette opération dure plus longtemps que prévu à cause de ce comportement, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

5)      La directive 2008/115 doit être interprétée en ce sens qu’un État membre ne peut être obligé de délivrer un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour à un ressortissant d’un pays tiers n’étant pas en possession de documents d’identité et n’ayant pas obtenu de tels documents de son pays d’origine, après qu’un juge national a libéré ce ressortissant au motif qu’il n’existerait plus de perspective raisonnable d’éloignement au sens de l’article 15, paragraphe 4, de cette directive. Toutefois, cet État membre doit, dans un tel cas, délivrer audit ressortissant une confirmation écrite de sa situation.

Signatures


Langue de procédure: le bulgare.

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