DÉCISION D'EXÉCUTION (UE) 2016/894 DU CONSEIL
du 12 mai 2016
arrêtant une recommandation relative à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures en cas de circonstances exceptionnelles mettant en péril le fonctionnement global de l'espace Schengen
LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
vu le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (1), et notamment son article 29,
vu la proposition de la Commission européenne,
considérant ce qui suit:
(1) |
L'Union européenne est actuellement confrontée à une crise des migrants et des réfugiés sans précédent, consécutive à une forte augmentation des flux migratoires mixtes depuis 2015. Cette crise a entraîné de graves difficultés pour assurer des contrôles efficaces aux frontières extérieures, conformément à l'acquis de Schengen, et pour accueillir et prendre en charge les migrants qui arrivent dans l'Union. Elle a également mis en évidence des défaillances structurelles plus étendues dans la manière dont les frontières extérieures de l'Union sont actuellement protégées. |
(2) |
Du fait de sa situation géographique, la République hellénique est particulièrement touchée par cette crise et a dû faire face à une augmentation spectaculaire du nombre de migrants arrivant sur les îles de la mer Égée. |
(3) |
Conformément au règlement (UE) no 1053/2013 du Conseil (2) et au programme d'évaluation annuel pour 2015 (3), une inspection sur place inopinée a été réalisée du 10 au 13 novembre 2015 en vue d'évaluer la mise en œuvre, par la République hellénique, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la gestion des frontières extérieures, à sa frontière terrestre (Orestiada, Fylakio, Kastanies, Nea Vyssa) et à sa frontière maritime (îles de Chios et de Samos) avec la Turquie. |
(4) |
Le 2 février 2016, la Commission a adopté une décision d'exécution portant établissement d'un rapport d'évaluation concernant la mise en œuvre, par la République hellénique, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la gestion des frontières extérieures (4) dans lequel elle concluait à l'existence de manquements graves dans l'exécution des contrôles aux frontières extérieures que les autorités helléniques devaient surmonter et régler. |
(5) |
Le 12 février 2016, le Conseil a adopté des recommandations de mesures correctives destinées à remédier aux manquements graves constatés au cours de l'évaluation et a indiqué les priorités de mise en œuvre. Il conviendrait que les autorités helléniques prennent les mesures nécessaires pour que, à toutes leurs frontières extérieures, le contrôle y soit exercé et mis en conformité avec l'acquis de Schengen, afin de ne pas compromettre le fonctionnement de l'espace Schengen. |
(6) |
Le 24 février 2016, la Commission a adopté des recommandations concernant des mesures spécifiques à prendre en République hellénique à la suite du rapport d'évaluation du 2 février 2016 afin de garantir le respect des recommandations du Conseil du 12 février 2016. |
(7) |
Le 12 mars 2016, la République hellénique a notifié son plan d'action destiné à remédier aux manquements constatés dans le rapport d'évaluation et tenant compte des recommandations du Conseil. Le 12 avril 2016, la Commission a soumis au Conseil son appréciation quant à l'adéquation de ce plan d'action. Si la Commission a conclu que la Grèce avait réalisé des progrès notables, les autorités grecques devaient néanmoins apporter de nouvelles améliorations à leur plan d'action afin de remédier convenablement à l'ensemble des manquements constatés dans le rapport d'évaluation. Elle a demandé à la Grèce de lui fournir des éléments et éclaircissements complémentaires sur son plan d'action d'ici au 26 avril. |
(8) |
Le 26 avril 2016, la République hellénique a fourni à la Commission les éléments et éclaircissements complémentaires demandés. Le 29 avril 2016, elle a transmis à la Commission son rapport sur la mise en œuvre du plan d'action conformément à l'article 16, paragraphe 4, du règlement (UE) no 1053/2013. |
(9) |
Entre les 10 et 16 avril 2016, une inspection sur place annoncée a été conduite en République hellénique, conformément au règlement (UE) no 1053/2013 et au programme d'évaluation annuel pour 2016 (5). |
(10) |
Le nombre record de migrants arrivant dans l'Union européenne depuis 2015 et les manquements constatés à des tronçons de la frontière extérieure de l'Union au cours de l'évaluation de novembre 2015 ont entraîné d'importants mouvements secondaires, constitutifs d'une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure de plusieurs États membres. |
(11) |
À ce jour, cinq États de l'espace Schengen (l'Autriche, l'Allemagne, le Danemark, la Suède et la Norvège) effectuent des contrôles à leurs frontières intérieures, en réponse à une menace grave pour leur ordre public ou leur sécurité intérieure causée par les mouvements secondaires de migrants en situation irrégulière consécutifs aux défaillances graves dans les contrôles aux frontières extérieures. Ces réintroductions de contrôles aux frontières intérieures constituent une réponse appropriée à la menace décelée pour l'ordre public et la sécurité intérieure, dans le respect du code frontières Schengen; par ailleurs, ces mesures sont nécessaires et considérées comme proportionnées. Le 23 octobre 2015, la Commission a émis un avis sur la nécessité et la proportionnalité du contrôle aux frontières intérieures réintroduit par l'Allemagne et l'Autriche (6) et a conclu que la réintroduction du contrôle, ainsi que les prolongations de cette mesure, était conforme au code frontières Schengen. |
(12) |
Dans sa communication intitulée «Retour à l'esprit de Schengen — Feuille de route» (7), la Commission mentionnait la nécessité, si les pressions migratoires et les manquements graves que présente le contrôle aux frontières extérieures devaient persister au-delà du 12 mai 2016, de soumettre au Conseil une proposition au titre de l'article 29, paragraphe 2, du code frontières Schengen recommandant l'adoption, au niveau de l'Union, d'une approche cohérente des contrôles aux frontières intérieures, jusqu'à ce que les déficiences structurelles du contrôle aux frontières extérieures aient pu être atténuées ou éliminées. La communication expose les mesures qui doivent être prises en vue d'un retour au fonctionnement normal de l'espace Schengen au plus tard à la fin de l'année 2016. |
(13) |
La République hellénique a accompli des progrès importants dans la correction de nombreux manquements que présente la gestion de ses frontières extérieures, constatés au cours de l'évaluation de novembre 2015. En outre, la mise en œuvre initiale de la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 (8) ainsi que les opérations en cours menées par Frontex et l'OTAN ont entraîné une diminution sensible du nombre de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d'asile qui partent de la Turquie pour gagner la République hellénique. Cette réduction substantielle du flux de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d'asile vers la République hellénique, ainsi que le soutien apporté par les agences de l'Union européenne et d'autres États membres dans les centres d'enregistrement, ont permis à la République hellénique d'améliorer sensiblement l'enregistrement des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d'asile nouvellement arrivés. La pérennisation de cette réduction substantielle du flux migratoire doit être confirmée. |
(14) |
En dépit de ces progrès importants, les graves manquements constatés n'ont pas pu être tous correctement et entièrement corrigés dans le délai de trois mois prévu à l'article 21, paragraphe 3, du règlement (UE) 2016/399. Certains des manquements graves dans l'exécution du contrôle aux frontières extérieures persistent et mettent en péril le fonctionnement global de l'espace sans contrôle aux frontières intérieures. En particulier, il n'a pas encore été remédié aux défaillances structurelles du contrôle aux frontières extérieures, liées au système global de gestion des frontières, à la surveillance des frontières et à la connaissance de la situation. En outre, un certain nombre de personnes qui séjournent irrégulièrement sur le territoire de la République hellénique n'ont pas été enregistrées et pourraient tenter de se rendre illégalement dans d'autres États membres. Ce risque de mouvements secondaires est particulièrement élevé pour les migrants en situation irrégulière qui ne sont pas hébergés dans des structures d'accueil adéquates. Enfin, alors que le Conseil a recommandé que la République hellénique prenne les mesures nécessaires pour que, à toutes ses frontières extérieures, le contrôle y soit effectué et mis en conformité avec l'acquis de Schengen, la surveillance des frontières à la frontière avec l'ancienne République yougoslave de Macédoine n'est actuellement pas totalement conforme au code frontières Schengen. Cette situation accroît le risque de mouvements secondaires de migrants vers d'autres États membres. |
(15) |
En conséquence, certains des manquements graves liés aux contrôles aux frontières extérieures qui ont déclenché des mouvements secondaires de migrants en situation irrégulière et poussé plusieurs États membres à réintroduire temporairement des contrôles aux frontières intérieures pour des motifs d'ordre public ou de sécurité intérieure persistent, mettant en péril le fonctionnement global de l'espace sans contrôle aux frontières intérieures. Ce risque persistant de mouvements secondaires impose l'adoption d'une approche cohérente, coordonnée et pérenne du contrôle temporaire aux frontières intérieures. |
(16) |
Comme aucune autre mesure n'a pu effectivement atténuer la menace grave constatée, il s'ensuit que les conditions pour appliquer l'article 29 du code frontières Schengen en dernier recours sont remplies. |
(17) |
Il conviendrait, dès lors, d'adresser une recommandation relative au contrôle aux frontières intérieures au titre de l'article 29 du code frontières Schengen, sur la base des informations disponibles, aux États membres qui effectuent actuellement ce contrôle à leurs frontières intérieures en réponse à une menace grave pour leur ordre public ou leur sécurité intérieure causée par des mouvements secondaires de migrants en situation irrégulière, à savoir l'Allemagne, le Danemark, l'Autriche et la Suède ainsi que la Norvège, pays associé. Ces États devraient être autorisés à effectuer de tels contrôles, puisque ceux-ci répondent de manière appropriée à la menace grave pour l'ordre public et la sécurité intérieure liée aux mouvements secondaires de migrants en situation irrégulière. Les vérifications rétablies touchent actuellement les frontières intérieures qui correspondent aux routes migratoires et aux menaces recensées, et plus particulièrement des tronçons spécifiques de frontières terrestres ou des ports spécifiques. |
(18) |
Les États membres qui décideront d'effectuer un contrôle aux frontières intérieures à la suite de la présente recommandation devraient le notifier aux autres États membres, au Parlement européen et à la Commission. |
(19) |
Les contrôles prévus par l'article 29 du code frontières Schengen ne devraient être effectués que dans la mesure nécessaire, être limités dans leur intensité au strict minimum nécessaire et entraver le moins possible, pour le grand public, le franchissement des frontières intérieures respectives des États concernés. À cet effet, il conviendrait de ne procéder qu'à des contrôles ciblés. Il conviendrait de réévaluer régulièrement la nécessité de ces contrôles, ainsi que les tronçons frontaliers touchés, en coopération avec les États membres concernés. |
(20) |
Le contrôle aux frontières ne devrait avoir lieu que pendant la durée nécessaire pour faire face à la menace pour l'ordre public et la sécurité intérieure. Plusieurs initiatives législatives et actions engagées par l'Union afin de renforcer cette gestion (corps européen de garde-côtes et de garde-frontières, retour à une pleine application par la République hellénique des dispositions du droit de l'Union en matière d'asile, intensification de la mise en œuvre du programme de relocalisation d'urgence, déclaration UE-Turquie) devraient également être en place et pleinement opérationnelles dans les plus brefs délais et contribuer ainsi davantage à réduire fortement les mouvements secondaires de migrants en situation irrégulière. |
(21) |
Le Conseil prend acte de ce que la Commission contrôlera l'application de la présente recommandation et, si cela s'avère nécessaire et proportionné, qu'elle proposera des adaptations pour tenir compte de l'évolution des circonstances particulières qui ont conduit à l'adoption de la présente recommandation, conformément aux dispositions de l'article 29 du code frontières Schengen. |
(22) |
La Commission a également annoncé qu'elle présenterait un rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application de la présente recommandation dans un délai de quatre mois à compter de sa date d'adoption, ou plus tôt si possible, et qu'à cette occasion, elle proposerait éventuellement des modifications de la présente recommandation eu égard à l'expérience acquise et aux circonstances, |
RECOMMANDE:
1. |
L'Autriche, l'Allemagne, le Danemark, la Suède et la Norvège devraient maintenir des contrôles aux frontières, temporaires et proportionnés, pendant une durée maximale de six mois à compter de la date d'adoption de la présente décision d'exécution, aux frontières intérieures suivantes:
Avant de mettre en place de tels contrôles, les États membres concernés devraient procéder à des échanges de vues avec l'État (les États) membre(s) voisin(s) concerné(s) afin de s'assurer que les contrôles aux frontières intérieures ne sont effectués que sur les tronçons de la frontière intérieure où ils sont jugés nécessaires et proportionnés, conformément au code frontières Schengen. |
2. |
Les États membres concernés devraient notifier leur décision aux autres États membres, au Parlement européen et à la Commission. |
3. |
Les contrôles aux frontières devraient être ciblés et limités, quant à leur portée, à leur fréquence, au lieu où ils sont effectués et à leur durée, à ce qui est strictement nécessaire pour répondre à la menace grave et pour préserver l'ordre public et la sécurité intérieure. L'État membre qui effectue un contrôle à ses frontières intérieures en application de la présente décision d'exécution devrait réexaminer régulièrement la nécessité, la fréquence, le lieu et la durée des contrôles, adapter ces derniers au niveau de la menace à laquelle ils visent à répondre, les supprimant progressivement s'il y a lieu, et faire rapport à la Commission tous les deux mois. |
Fait à Bruxelles, le 12 mai 2016.
Par le Conseil
Le président
F. MOGHERINI
(1) JO L 77 du 23.3.2016, p. 1.
(2) Règlement (UE) no 1053/2013 du Conseil du 7 octobre 2013 portant création d'un mécanisme d'évaluation et de contrôle destiné à vérifier l'application de l'acquis de Schengen et abrogeant la décision du comité exécutif du 16 septembre 1998 concernant la création d'une commission permanente d'évaluation et d'application de Schengen (JO L 295 du 6.11.2013, p. 27).
(3) Décision d'exécution C(2014) 8377 de la Commission du 14 novembre 2014 établissant le programme d'évaluation annuel en ce qui concerne les inspections sur place inopinées pour 2015, en vertu de l'article 6 du règlement (UE) no 1053/2013 du Conseil du 7 octobre 2013 portant création d'un mécanisme d'évaluation et de contrôle destiné à vérifier l'application de l'acquis de Schengen.
(4) C(2016) 450 du 2 février 2016.
(5) C(2015) 8537 du 9 décembre 2015.
(6) C(2015) 7100 du 23 octobre 2015.
(7) C(2016) 120 final.
(8) SN 38/16 du 18.3.2016.