Rapport de la Commission européenne du 19 novembre 2013 sur l'application du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges
COM/2013/0795 final
1. Introduction
Le règlement (CE) n° 861/2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges (ci-après le «règlement») est appliqué depuis janvier 2009 dans tous les États membres, à l’exception du Danemark. Les principales caractéristiques de cette procédure sont sa nature écrite, les délais stricts qui régissent son déroulement, le caractère facultatif de la représentation juridique, l'exploitation des communications électroniques, l’utilisation de formulaires types pour les actes de procédure et la suppression de la procédure intermédiaire de déclaration constatant la force exécutoire de la décision de justice («exequatur»).
L’article 28 impose à la Commission de présenter, le 1er janvier 2014 au plus tard, un rapport réexaminant l’application du règlement. Le présent rapport s'appuie sur les éléments suivants: une étude externe[1], une consultation publique en ligne, les réponses données à un questionnaire adressé aux États membres, les discussions menées au sein du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale («RJE») en 2011 et 2013, ainsi que les témoignages de consommateurs[2] et les contributions du grand public[3].
2. Mise en œuvre générale du règlement
De l'avis général, la procédure a facilité le règlement des petits litiges transfrontaliers dans l’UE. Elle a permis une réduction du coût des règlements pouvant aller jusqu’à 40 %, ainsi que de la durée des procédures contentieuses, qui est aujourd'hui en moyenne de 5 mois, alors qu'elle pouvait atteindre 2 ans et 5 mois.
Comparée aux procédures nationales simplifiées, la procédure européenne a été jugée moins coûteuse car encore plus simple. La plupart des procédures nationales ne lèvent l’obligation d'une représentation juridique que pour les petits litiges portés devant les juridictions inférieures.
Toutefois, le recours à la procédure européenne de règlement des petits litiges est encore très limité par rapport au nombre de cas potentiels. À cet égard, le nombre de demandes varie considérablement d'un État membre à l'autre: 3 demandes seulement ont été introduites en Bulgarie en 2012, contre 1047 en Espagne[4]. Outre des facteurs tels que les habitudes d’achat de la population et la disponibilité ou le coût des procédures nationales de substitution, cette différence dans le degré d’utilisation effective de la procédure européenne semble tenir en particulier à la conscience qu'ont les citoyens de son existence et de son fonctionnement.[5] Cette conclusion est étayée par le fait que le nombre de demandes au titre du règlement n’a cessé de croître depuis sa mise en application en 2009.[6]
L'EB spécial n° 395 indique que les deux tiers des personnes qui ont eu recours à la procédure européenne en ont été globalement satisfaites. L'enquête signale que 13 % des répondants étaient mécontents, 17 % avaient constaté que la juridiction saisie n’était pas bien informée de la procédure, 16 % ont eu des difficultés à remplir les formulaires et 10 % ont cherché de l'aide pour remplir le formulaire de demande, mais n'en ont pas trouvé.
En outre, certaines lacunes ont été signalées et sont décrites ci-après.
3. Champ d'application du règlement
3.1. Plafond des 2 000 EUR
Le règlement s’applique dans les cas où le montant de la demande ne dépasse pas 2 000 EUR.
La plupart des États membres ont désormais mis en place des procédures nationales simplifiées.[7] Les plafonds d'engagement de ces procédures varient considérablement: de 600 EUR en Allemagne à 25 000 EUR aux Pays-Bas. On note, depuis l’entrée en vigueur du règlement, une tendance à relever les plafonds nationaux pour l'engagement des procédures judiciaires simplifiées.[8] Dans certains États membres, cette augmentation a été significative.[9]
L'Eurobaromètre n° 347[10] montre que le plafond des 2 000 EUR limite fortement l'accès à la procédure pour les PME en particulier, sachant que leurs litiges transfrontaliers avec d'autres entreprises se montent en moyenne à 39 700 EUR. Pour ce type de demandes, les entreprises doivent en revenir aux procédures nationales de règlement des petits litiges ou, à défaut, aux procédures civiles ordinaires. Ce faisant, elles peuvent être confrontées à des frais de justice disproportionnés et à un ralentissement de la procédure. De fait, 45 % des entreprises qui sont parties à un litige transfrontalier ne saisissent pas les tribunaux parce que les frais de procédure sont excessifs par rapport au montant de la créance; 27 % ne le font pas parce que la procédure judiciaire serait trop longue.
3.2. Champ d’application territorial
Le règlement s’applique actuellement aux litiges auxquels au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie. Cette limitation a pour effet de priver du recours à la procédure européenne les parties qui exercent leur droit de choisir, en vertu du règlement (CE) n° 44/2001 (le règlement «Bruxelles I»)[11], la juridiction de leur domicile commun plutôt qu'une autre juridiction compétente. Il en sera ainsi dans les cas suivants:
- si le contrat a été exécuté dans un autre État membre; par exemple, location d’une maison de vacances dans un autre État membre;
- si le fait générateur du recours en responsabilité délictuelle a été commis dans un autre État membre; par exemple, un accident de la route qui se produit dans une région frontalière;
- si la décision de justice doit être exécutée dans un autre État membre; par exemple, si le défendeur dispose d’un compte bancaire dans un autre État membre.
En outre, la limitation exclut les cas où des demandes en vertu du règlement sont introduites auprès de juridictions d’États membres de l’UE à l'initiative ou à l'encontre de ressortissants de pays tiers; par exemple, plaintes de consommateurs de l’UE à l'encontre d'entreprises situées dans des pays tiers.
Enfin, cette limitation est source d’insécurité juridique. Les citoyens peuvent s'attendre à ce qu'un plus grand nombre des affaires transfrontalières les concernant soient traitées dans le cadre du règlement; ils pourraient également créer de toutes pièces des scénarios transfrontaliers tels qu'ils sont prévus par le règlement afin de bénéficier de ses avantages, par exemple en cédant leurs créances à des sociétés étrangères.[12]
4. La procédure mise en place par le règlement
4.1. Compétence
La compétence des juridictions dans la procédure européenne de règlement des petits litiges est régie par le règlement «Bruxelles I».
Certains États membres (par exemple, la Finlande, Malte et l'Allemagne dans le land de Hesse) ont établi une ou plusieurs juridictions spécialisées pour connaître de ces litiges. Cette concentration présente certains avantages puisqu'elle permet, par exemple, de regrouper les connaissances spécialisées des juges, les compétences linguistiques et les équipements disponibles utilisant des techniques de communication à distance, ce qui permet de réduire les coûts. Les inconvénients que pourraient rencontrer les demandeurs qui souhaiteraient saisir leur juridiction locale d'un petit litige transfrontalier peuvent être compensés par le recours accru au traitement électronique des dossiers et aux techniques de communication à distance.
4.2. Procédure écrite et utilisation des techniques de communication à distance
La procédure européenne de règlement des petits litiges est en principe une procédure écrite. Cette méthode permet d’éviter aux parties de se déplacer, et d’économiser du temps et de l’argent. Toutefois, la juridiction saisie peut tenir une audience si elle le juge nécessaire ou si l’une des parties le demande. Les juridictions sont encouragées à tenir des audiences par vidéoconférence ou toute autre technologie de communication si les moyens techniques sont disponibles.
L’étude indique que, dans sept États membres/circonscriptions judiciaires[13], les possibilités d’utilisation des TIC en séance sont limitées (moins de 10 % des juridictions) voire nulles, alors que dix États membres/circonscriptions judiciaires[14] offrent la possibilité de communiquer par les TIC dans toutes les juridictions. Même dans les États membres où l'équipement nécessaire est disponible, il ne peut être garanti que les installations seront effectivement utilisées en vue d'audiences dans le cadre de la procédure européenne de règlement des petits litiges, puisque leur utilisation est laissée à la discrétion du juge. À l’heure actuelle, les parties doivent faire face à des coûts inutilement élevés lorsqu’elles sont sommées de comparaître dans un autre État membre.
Dans l’EB spécial n° 395, un tiers des répondants ont indiqué qu’ils seraient davantage disposés à introduire une demande si les procédures pouvaient être menées uniquement par écrit, sans nécessité de comparaître. La technologie permet aujourd’hui de mettre en place des techniques de communication à distance pour un coût relativement faible (matériel de type «Skype» ou vidéoconférence).
4.3. Introduction des demandes, moyens de signification ou de notification et utilisation de la procédure électronique
Le demandeur peut adresser directement sa demande à la juridiction compétente par voie postale ou par tout autre moyen de communication, comme la télécopie ou le courrier électronique, admis par l’État membre dans lequel la juridiction est saisie.
Dix États membres[15] et cinq länder en Allemagne[16] peuvent autoriser le cas échéant l'introduction des demandes par voie électronique (en ligne ou par courrier électronique) dans les affaires transfrontalières. Cette pratique nouvelle devrait se répandre à l’avenir[17] et trouve un écho dans le cadre du projet pilote «e-Codex» sur la justice européenne en ligne[18], qui étudie la faisabilité d’un système européen centralisé de dépôt de demandes en ligne pour la procédure européenne de règlement des petits litiges.
En ce qui concerne la signification ou la notification, l'envoi par service postal avec accusé de réception constitue la méthode privilégiée. On ne peut donc recourir à des moyens électroniques que si la signification ou notification par voie postale n’est pas possible. Au moment de l’adoption du règlement, cette disposition était très novatrice, car elle supprimait certaines formalités relatives à la signification. Depuis lors, certains États membres ont mis en place des moyens de communication électronique pour les procédures internes. Les parties à une procédure européenne de règlement des petits litiges ne peuvent toutefois pas bénéficier de ces nouveautés en raison de la règle donnant la priorité à la signification ou notification par voie postale sur tous les autres moyens de communication. Il est probable qu'au cours des prochaines années l’utilisation des TIC dans les systèmes judiciaires se répandra.
Ce recours insuffisant aux TIC réduit l'attrait de la procédure proposée par le règlement: un cinquième des personnes interrogées au sujet de la procédure européenne pour l'EB spécial n° 395 ont indiqué qu'elles seraient davantage disposées à utiliser la procédure si tous les actes pouvaient être effectués en ligne.
4.4. Durée de la procédure contentieuse
Le règlement fixe des délais impératifs afin d’accélérer la procédure contentieuse pour les petits litiges. Même si aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect de ces délais, les données montrent que la durée des procédures contentieuses pour les petits litiges transfrontaliers a diminué de façon spectaculaire depuis l’adoption du règlement. Selon les statistiques réalisées dans un échantillon d’États membres[19], une procédure européenne dure de 3 à 8 mois environ, avec une moyenne de 5 mois environ, alors que la durée pouvait atteindre 2 ans et 5 mois avant l’adoption du règlement.
4.5. Suppression de l’obligation de se faire représenter par un avocat
L'EB spécial n° 395 a constaté qu’un tiers des répondants qui avaient utilisé la procédure européenne de règlement des petits litiges s'étaient fait représenter juridiquement durant la procédure, tandis qu'ils avaient été un peu plus nombreux à utiliser la procédure sans assistance juridique. Dans certains cas, il semble que les demandeurs avaient eu recours à un avocat parce qu'ils n’avaient pas pu bénéficier d’une assistance gratuite ou parce que les frais de justice ne pouvaient être versés que par l’intermédiaire d’un avocat (voir ci-après les sections 6 et 8.2). Même si le droit à la représentation en justice est un droit fondamental reconnu à tous, les citoyens ne devraient pas être contraints de recourir à un avocat parce que les dispositions du règlement ne sont pas respectées ou en raison de difficultés purement pratiques.
4.6. Formulaires types multilingues
Le règlement propose quatre formulaires types multilingues. Ces formulaires ont été mis à disposition sur le site de l’Atlas judiciaire européen en matière civile, accompagnés d'un outil de traduction dans toutes les langues officielles depuis 2008, et sur le site du portail européen e-Justice en tant que formulaires dynamiques avec un assistant pour les remplir depuis 2011.[20]
Les citoyens estiment dans l'ensemble que le formulaire de demande est facile à remplir (62 %), tandis que d’autres signalent des difficultés (16 %). Certains consommateurs ont trouvé certains aspects des formulaires-types - tels que la compétence de la juridiction, le caractère transfrontalier du litige, le calcul des intérêts et les documents qui doivent être joints à la demande - trop complexes.[21]
4.7. Normes minimales pour le réexamen de la décision
La voie de recours extraordinaire prévue à l’article 18 vise à corriger la situation dans laquelle le défendeur n’avait pas connaissance de la procédure dans l’État membre d’origine et n’a pas été en mesure de se défendre convenablement. Bien que le règlement fixe les conditions dans lesquelles peut s'exercer le droit au réexamen, la procédure proprement dite est régie par le droit national.
Des procédures de réexamen similaires à celle décrite à l'article 18 du règlement existent également pour d’autres instruments judiciaires en matière civile, notamment l’injonction de payer européenne[22], le titre exécutoire européen[23] et le règlement relatif aux obligations alimentaires[24]. La mise en œuvre de la procédure de réexamen prévue par les instruments européens a suscité des interrogations et des incertitudes. Afin d'y apporter des réponses, il convient de clarifier les dispositions de l’article 18 en s’inspirant des dispositions plus récentes du règlement relatif aux obligations alimentaires.
5. Reconnaissance et exécution dans un autre État membre
Aucun problème n’a été signalé en ce qui concerne l’abolition de l’exequatur dans le règlement. Toutefois, certains problèmes d'exécution concrète ont été signalés aux centres européens des consommateurs, par exemple en ce qui concerne la nécessité de faire traduire les décisions et le manque d’informations concernant les procédures d’exécution ou les coordonnées des agents chargés de l'application du droit dans les différents pays.[25] Seuls quelques États membres acceptent le formulaire D du règlement en anglais et quelques langues supplémentaires.[26] Cela entraîne des coûts additionnels pour la partie qui demande l’exécution de la décision. Les frais de traduction sont habituellement calculés par page, en dépit du fait que la plupart des informations sont déjà disponibles dans toutes les langues officielles et que seule la rubrique 4.3, où figure le contenu de la décision, doit être traduite.
6. Assistance aux parties
Peu de mesures particulières ont été adoptées dans les États membres pour s'assurer que les parties puissent bénéficier d’une aide pratique pour remplir les formulaires. Selon le rapport ECC-Net, 41 % des États membres ont signalé que cette aide n’était pas accessible aux citoyens et l'EB spécial n° 395 indique que 10 % des répondants ont cherché de l’aide sans en obtenir.
En conclusion, il semble que les États membres ne fournissent pas systématiquement d'assistance gratuite. Cela joue probablement un rôle dans l’utilisation limitée de la procédure européenne.
7. Obligations d'information incombant aux États membres
En vertu des articles 24 et 25, les États membres doivent fournir certaines informations nécessaires au déroulement de la procédure. Toutefois, on ne dispose actuellement d'aucune information sur plusieurs aspects qui varient considérablement entre les États membres: il s'agit d'informations sur les frais de justice et leurs modes de paiement, sur les procédures nationales de réexamen au titre de l’article 18, ainsi que sur la mise à la disposition des citoyens d’une assistance gratuite.
En raison de ce manque de transparence, les consommateurs et les entreprises perdent du temps à la recherche d'informations sur les coûts et ne peuvent pas décider en toute connaissance de cause s’il convient d’utiliser la procédure ou non.
8. Autres obstacles à l’application du règlement
8.1. Frais de justice disproportionnés par rapport à la valeur de la demande
L’évaluation montre que la disproportion des frais de justice est un frein important à l’utilisation de la procédure dans certains États membres. Il arrive que les frais de justice doivent être payés d'emblée, ce qui peut dissuader les demandeurs de saisir les tribunaux[27]. L'EB Flash n° 347 montre que 45 % des entreprises ne saisissent pas la justice parce que le coût de la procédure serait largement supérieur à la valeur de leur demande.[28] Un document de prise de position du BEUC[29] confirme que la disproportion des frais de justice est un facteur qui dissuade les consommateurs de recourir à la procédure.
Les frais de justice varient d'un État membre à l'autre en fonction des méthodes de calcul employées (frais fixes ou proportionnels à la valeur de la demande, ou combinaison des deux formules). Des frais de justice supérieurs à 10 % de la valeur de la demande peuvent être considérés comme disproportionnés. Cela vaut en particulier dans les affaires transfrontalières pour lesquels des coûts supplémentaires, tels que des frais de traduction, doivent être anticipés. Pour les demandes d'une valeur supérieure à 2 000 EUR, les frais de justice sont, dans la plupart des cas, proportionnels à cette valeur.
Dans de nombreux États membres, des frais de justice minimaux sont imposés pour prévenir les contentieux abusifs ou fantaisistes (affaires introduites sans preuves ou justifications suffisantes, ou demandes dont la valeur est dérisoire -10 EUR, par exemple).
8.2. Obstacles pratiques au paiement des frais de justice
Certaines difficultés pratiques ont été signalées à la Commission en ce qui concerne le paiement des frais de justice dans un autre État membre.
Les modalités de paiement diffèrent considérablement selon les États membres. Dans la plupart d'entre eux, il est possible d’utiliser au moins un mode de paiement électronique (carte de débit/crédit, paiement en ligne ou virement bancaire). Le virement télégraphique est autorisé dans certains États membres. Dans certains États membres cependant, l'acquittement des frais de justice passe par un paiement physique concret dans les locaux de la juridiction, ou par l'entremise d’un avocat, ou encore par l'utilisation de chèques, lesquels ne sont pas d'usage courant dans de nombreux États membres. Dans ces pays, les parties doivent donc supporter des frais de déplacement ou recruter un avocat dans l’État membre concerné afin de pouvoir s'acquitter des frais de justice.
9. Méconnaissance de l’existence et du fonctionnement de la procédure
Pour que la procédure européenne de règlement des petits litiges donne satisfaction, il faut que les acteurs concernés - les citoyens, les juridictions et les autres organismes de soutien et de conseil - en connaissent l'existence et le fonctionnement. Or, il s'avère que ni les citoyens ni les juridictions n'en sont encore bien informés:
l'EB spécial n° 395 indique que 86 % des citoyens n’ont jamais entendu parler de la procédure. Par conséquent, les demandeurs potentiels, en particulier les consommateurs, soit ne revendiquent pas leurs droits soit le font dans le cadre des procédures nationales.
En ce qui concerne les tribunaux et les juges, une enquête réalisée par le réseau ECC-Net dans tous les États membres a montré que près de la moitié des juridictions n’ont jamais entendu parler de la procédure, tandis que l’autre moitié n’en connaissait pas tous les détails. Il s'ensuit qu'un grand nombre de juridictions ne sont pas en mesure de proposer une assistance efficace aux citoyens, comme exigé par l’article 11 du règlement.
Les données indiquent que, malgré les efforts des États membres pour familiariser les tribunaux, la diffusion de l’information n’a pas été efficace. Là où des formations ont été proposées non seulement aux juges mais aussi aux huissiers de justice et aux agents chargés de l'application du droit, le recours à la procédure s'intensifie. Par ailleurs, la spécialisation des compétences peut, dans certains États membres, être une solution au faible niveau de sensibilisation des professions juridiques. En conclusion, le fait que les États membres consacrent davantage de ressources et de moyens au renforcement de leur politique de sensibilisation contribuerait au succès de la procédure.
La Commission, pour sa part, a tenté de résoudre le problème en lançant une série d’actions: publication d’information et mise à disposition de formulaires interactifs sur plusieurs sites internet de l’UE (RJE, Atlas judiciaire européen et portail e-Justice); modules de formation spécialisés pour les juges et les professionnels du droit et ateliers destinés aux formateurs dans le cadre du programme «Justice civile»; préparation, en collaboration avec le RJE, d'un guide pratique destiné aux professionnels du droit et d'un guide du citoyen en matière civile et commerciale, qui seront publiés en 2013.
La Commission a également encouragé par des moyens financiers l’application de la procédure dans le cadre du programme «Justice civile». En outre, les centres européens des consommateurs (CEC) apportent, dans une certaine mesure, une aide aux consommateurs qui recourent à la procédure européenne de règlement des petits litiges.
Les acteurs concernés semblent, par ailleurs, avoir des difficultés à choisir entre les différents instruments disponibles pour faire valoir leurs droits et obtenir satisfaction à l’étranger. En particulier, ils ne savent pas exactement quand recourir à la procédure de règlement des petits litiges ou à la procédure européenne d’injonction de payer, et dans quels cas cette dernière serait avantageuse. Un guide pratique comparant les deux instruments de façon à pouvoir les distinguer et à savoir dans quels cas les employer pourrait être utile tant aux citoyens qu'aux professionnels du droit.
10. Conclusion
Le présent rapport montre que l’application du règlement a, de manière générale, amélioré, simplifié et accéléré le traitement des demandes de faible importance dans les litiges transfrontaliers. Il relève néanmoins un certain nombre de lacunes.
Le règlement souffre d’un manque de notoriété. Pour résoudre ce problème, la Commission a pris un certain nombre de mesures, décrites ci-dessus.
Dans certains cas, le règlement n’a pas été correctement mis en œuvre. Il est possible d'y remédier en clarifiant les dispositions qui sont source de difficultés. Ces difficultés viennent, par exemple, du manque de transparence de certaines informations concernant les frais de justice, des modalités de paiement et de l'insuffisance de l’aide proposée pour remplir les formulaires.
Les autres problèmes sont essentiellement dus aux lacunes du règlement actuel, par exemple sa portée limitée en raison du plafond imposé et la définition restreinte des litiges transfrontaliers; les insuffisances de la procédure en raison de la priorité accordée à la signification ou notification par voie postale; l'utilisation marginale des techniques de communication à distance; le caractère disproportionné des frais de justice dans certains cas; l’absence de modes de paiement en ligne dans certains États membres; et les frais de traduction inutiles au stade de l’exécution.
Le présent rapport est donc accompagné d’une proposition en vue de la révision du règlement actuel et d'une analyse d’impact abordant les problèmes qui viennent d'être recensés.
[1] Deloitte, Assessment of the socio-economic impacts of the policy options for the future of the European Small Claims Regulation (Évaluation des incidences socioéconomiques des options stratégiques concernant le futur règlement sur la procédure européenne de règlement des petits litiges), juillet 2013 (ci-après l'«étude Deloitte»); disponible en anglais à l'adresse: http://ec.europa.eu/justice/civil/document/index_en.htm
[2] Tirés de plaintes individuelles et des rapports suivants: Centre européen de la Consommation/Europäischen Verbraucherschutz e.V, Procédure de règlement des petits litiges et injonction de payer européenne: des procédures simplifiées pas si simples dans la pratique, juillet 2011, disponible à l'adresse: http://www.europe-consommateurs.eu/uploads/media/4.4.3_procedure_de_reglement_des_petits_litiges.pdf (ci-après le «rapport CEC sur la procédure de règlement des petits litiges»); et ECC-Net, European Small Claims Procedure Report (Rapport sur la procédure européenne de règlement des petits litiges), septembre 2012, disponible en anglais à l'adresse: http://ec.europa.eu/consumers/ecc/docs/small_claims_210992012_en.pdf (ci-après le «rapport ECC-Net»). En outre, l’étude «Mise en œuvre des instruments optionnels dans le domaine du droit civil en Europe» élaborée pour le PE en 2011 par Mmes B. Fauvarque-Cosson et M. Behar-Touchais a été prise en compte (disponible à l'adresse: http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/juri/dv/pe462425_/pe462425_fr.pdf).
[3] Eurobaromètre spécial n° 395, European Small Claims Procedure (Procédure européenne de règlement des petits litiges), avril 2013 (ci-après l'«EB spécial n° 395»), disponible en anglais à l'adresse: http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_395_en.pdf.
[4] On ne dispose pas de données concernant le type d'affaires traitées et leur caractéristiques mais, compte tenu du plafond des 2 000 EUR, on peut supposer que le règlement a principalement été invoqué par des consommateurs. Par ailleurs, l'EB spécial n° 395 met l'accent sur la manière dont les citoyens européens perçoivent la procédure.
[5] D'après les renseignements fournis par l’Espagne en réponse au questionnaire, les destinataires des formations organisées dans ce pays étaient non seulement les tribunaux et les juges, comme dans la plupart des autres États membres où de telles formations ont été proposées, mais également les huissiers de justice et les autres agents chargés de l’application du droit. Voir également l'étude Deloitte, partie I, point 3.3.2.1, p. 73-74.
[6] Voir l'étude Deloitte, partie I, point 3.3.2.1, p. 66-67 (tableau 19), qui donne une vue d’ensemble des réponses apportées par les États membres concernant le nombre de demandes et de décisions dans le cadre de la procédure européenne.
[7] Seuls l’Autriche, la Bulgarie, Chypre, la Finlande et la République tchèque ne se sont pas dotés de telles procédures. Voir l'étude Deloitte, partie I, point 3.3.1.1, p. 53.
[8] Par exemple, en Espagne, en Estonie, en France, en Hongrie, en Irlande, en Italie, en Lituanie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Slovénie.
[9] Au Royaume-Uni, le plafond est passé de 5 000 à 10 000 GBP; aux Pays-Bas, de 5 000 à 25 000 EUR; voir l'étude Deloitte, partie I, point 3.3.1.1, p. 52-53.
[10] Eurobaromètre Flash n° 347, Businesses-to-Businesses, Alternative Dispute resolution in the EU (Résolution alternative des conflits interentreprises dans l’UE) (ci-après l'«EB Flash n° 347»), p. 40-42, disponible en anglais à l'adresse: http://ec.europa.eu/public_opinion/flash/fl_347_en.pdf.
[11] Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 12 du 16.1.2001, p. 1.
[12] De tels cas ont été signalés lors des discussions au sein du RJE.
[13] En Belgique, en Bulgarie, en Grèce, en Hongrie, en Lettonie, au Royaume-Uni (Irlande du Nord) et en Slovaquie.
[14] L’Autriche, Chypre, l’Estonie, la Finlande, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni (Écosse) et la Suède.
[15] Voir l'étude Deloitte, partie I, point 3.3.2.2, p. 76-77: l'Autriche, l'Estonie, Chypre, la République tchèque (mais, après l'introduction par courrier électronique ou par fax, l'original de la demande doit également être déposé), le Finlande, la France, les Pays-Bas (quoique non utilisé dans la pratique), le Portugal, la Slovénie et le Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles).
[16] Berlin, Brandebourg, Brême, Saxe et Hesse.
[17] En Allemagne, par exemple, la possibilité de déposer une demande par voie électronique dans toutes les juridictions est envisagée pour 2018.
[18] http://www.e-codex.eu/index.php/legal-community-benefits; voir également pour la procédure européenne de règlement des petits litiges: http://www.e-codex.eu/pilots/small-claims.html.
[19] Dix États membres ont répondu à la question. La procédure européenne dure 6 mois en Bulgarie, 4 mois en Estonie, 3 mois en Finlande, 4,6 mois en France, 6 mois à Malte, 6,3 mois en Pologne, 3 mois en Slovaquie, 4,3 mois en Slovénie, 8,2 mois en Espagne et de 3,4 à 5,3 mois en Allemagne.
[20] Voir https://e-justice.europa.eu/content_small_claims_forms-177-en.do.
[21] Voir rapport CEC sur la procédure de règlement des petits litiges et rapport ECC-Net.
[22] Règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer, JO L 399 du 30.12.2006, p. 1.
[23] Règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, JO L 143 du 30.4.2004, p. 15.
[24] Règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires, JO L 7 du 10.1.2009, p. 1.
[25] Rapport ECC-Net de septembre 2012 (p. 28), disponible en anglais à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/consumers/ecc/docs/small_claims_210992012_en.pdf
[26] Estonie (anglais), Chypre (anglais), Malte (anglais), Finlande (suédois et anglais), Suède (anglais), France (anglais, allemand, italien, espagnol) — Source: X.E. Kramer, Small claim, simple recovery? The European small claims procedure and its implementation in the member states, ERA Forum (2011) 12, p. 130.
[27] L'application de la règle selon laquelle la partie qui succombe supporte les frais de justice n’est pas de nature à rassurer les demandeurs puisque l’issue du litige est incertaine et que le demandeur devra d’abord «geler» ses propres fonds jusqu’à l’exécution de la décision.
[28] EB Flash n° 347, p. 31. Même si cette enquête porte de manière générale sur tous les types de litiges entre entreprises, elle souligne que la proportionnalité des coûts — et donc aussi des frais de justice — est le principal critère appliqué par les entreprises lorsqu'elles envisagent de porter une affaire devant la justice.
[29] Réf. X/2013/040; disponible en anglais à l'adresse: http://www.beuc.org/Content/Default.asp?PageID=606