Livre vert de la Commission européenne du 20 décembre 2002 sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance
COM/2002/0746 final
SOMMAIRE
Objectifs du Livre vert
Consultation sur le Livre vert avec toutes les parties intéressées
1. CHAPITRE I: INTRODUCTION
1.1. L'applicabilité d'un instrument européen uniquement aux litiges transfrontaliers, ou également aux litiges purement internes
1.2. Le choix d'un instrument approprié pour continuer le rapprochement du droit procédural
2. CHAPITRE II: UNE PROCÉDURE EUROPÉENNE D'INJONCTION DE PAYER
2.1. INTRODUCTION
2.1.1. Accès à une justice efficace lorsque les débiteurs n'honorent pas leurs obligations sans qu'il y ait pourtant contestation sur la justification, la nature et le montant de la créance en cause
2.2. Définition de la procédure d'injonction de payer
2.3. Nécessité d'agir au niveau communautaire
2.4. CONTEXTE
2.4.1. Initiatives en faveur de la création d'une procédure européenne d'injonction de payer avant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam
2.5. Le traité d'Amsterdam et ses ramifications
2.6. Les conclusions de Tampere
2.7. Le programme de reconnaissance mutuelle
2.8. Le titre exécutoire européen pour les créances incontestées: premier niveau d'une approche à deux échelons
2.9. Le Livre vert: deuxième volet de cette approche
3. LA PROCÉDURE EUROPÉENNE D'INJONCTION DE PAYER
3.1. Approche générale
3.1.1. Aperçu succinct des différents modèles existant dans les États membres
3.2. Champ d'application de l'instrument
3.2.1. Limitation aux demandes pécuniaires?
3.2.2. La procédure doit-elle être applicable uniquement à certains types de demandes ou doit-elle exclure de son champ d'application certains types de demandes?
3.2.3. Un plafond doit-il être fixé pour le montant faisant l'objet de la demande? (ou, si les demandes non pécuniaires sont admises, pour la valeur de la demande)
3.2.4. L'utilisation de la procédure doit-elle être obligatoire?
3.3. Règles régissant la procédure
3.3.1. Juridiction internationale dans les affaires transfrontalières: attribution de la compétence au domicile du défendeur?
3.3.2. Règles régissant la compétence dans l'État membre dont les juridictions sont compétentes
3.3.3. Règles déterminant qui exactement est en charge de la procédure
3.3.4. Demande de délivrance d'une injonction de payer
3.3.5. Champ d'examen de la demande par la juridiction
3.3.6. Décision de la juridiction sur l'injonction de payer
3.3.7. Information du défendeur sur ses droits et ses obligations procéduraux dans le cadre de la décision
3.3.8. Signification de l'injonction de payer au défendeur
3.3.9. Opposition du défendeur
3.3.10. Effets de l'opposition
3.3.11. Effets de l'absence d'opposition dans le délai fixé
3.3.12. Règles sur la représentation par un avocat
3.3.13. Règles relatives aux coûts (frais de justice et autres dépenses) et à leur remboursement
3.3.14. Exécution
4. CHAPITRE III: MESURES DESTINÉES À SIMPLIFIER ET À ACCÉLÉRER LE RÈGLEMENT DES LITIGES DE FAIBLE IMPORTANCE
4.1. DROIT COMMUNAUTAIRE EN VIGUEUR - INITIATIVES COMMUNAUTAIRES ANTÉRIEURES
4.2. CONTEXTE
4.3. PROCÉDURES RELATIVES AUX DEMANDES DE FAIBLE IMPORTANCE DANS LES ÉTATS MEMBRES
4.3.1. Seuil
4.3.2. Types de litiges
4.3.3. La procédure pour les créances de faible montant: option ou obligation
4.3.4. Introduction de la procédure
4.3.5. Représentation et assistance
4.3.6. Règlement alternatif des litiges
4.3.7. Assouplissement de certaines règles en matière de preuve
4.3.8. Introduction de la possibilité d'une procédure purement écrite
4.3.9. Assouplissement des règles relatives au contenu de la décision et aux délais
4.3.10. Coûts
4.3.11. Exclusion ou restriction de la possibilité de recours
4.4. NÉCESSITÉ D'ACTION AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE
5. CHAMP D'APPLICATION D'UN INSTRUMENT RELATIF AUX DEMANDES DE FAIBLE IMPORTANCE
5.1. Seuil
5.2. Types de litiges
5.3. La procédure pour les créances de faible montant: option ou obligation
6. SIMPLIFICATION DES RÈGLES DE PROCÉDURE
6.1. Normes minimales communes des formulaires
6.2. Représentation et assistance
6.3. Autre formule de règlement des litiges
6.4. Assouplissement de certaines règles en matière de preuve
6.5. Introduction de la possibilité d'une procédure purement écrite
6.6. Assouplissement des règles relatives au contenu de la décision et aux délais
6.7. Coûts
6.8. Exclusion ou restriction de la possibilité de recours
6.9. Autres possibilités de simplification
7. LISTE DES QUESTIONS
Objectifs du Livre vert
Le présent Livre vert lance une consultation avec toutes les parties intéressées sur les mesures qui peuvent être mises en oeuvre au niveau communautaire:
* pour créer une procédure européenne d'injonction de payer, c'est-à-dire une procédure spécifique rapide et économique pour le règlement des litiges qui sont censés n'être pas contestés, qui soit disponible dans tous les États membres; et
* pour simplifier et accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance, un domaine dans lequel il importe particulièrement de rationaliser les mécanismes et de limiter leur coût afin de faire en sorte que le règlement des litiges de ce type ne devienne pas déraisonnable en termes économiques.
Ce document repose sur une étude comparative de la manière dont les États membres gèrent actuellement les questions de procédure pertinentes. Cette présentation entend faciliter l'identification des meilleures pratiques qui pourraient servir de source d'inspiration pour l'élaboration d'instruments européens.
Consultation sur le Livre vert avec toutes les parties intéressées
Les chapitres 1, 2, 3 et 5 du document énoncent une série de questions sur les problèmes que la Commission estime les plus importants dans l'évaluation des initiatives potentielles d'une part pour la définition d'une procédure européenne d'injonction de payer et, d'autre part, pour la simplification et l'accélération du règlement des litiges de faible importance. Une synthèse de ces questions figure également à la fin du Livre vert. La Commission souhaiterait recevoir des réponses argumentées à ces questions de la part de toutes les parties intéressées. Les parties intéressées ne doivent naturellement pas se sentir prisonnières de ces questions si elles souhaitent formuler des commentaires sur d'autres aspects pertinents, évoqués ou non dans le document. Les réponses aux questions et les autres commentaires doivent être adressés au plus tard le 31 mai 2003 à:
La Commission européenne Direction générale Justice et Affaires intérieures, Unité A.3 B-1049 Bruxelles Télécopie: +32 2 299.64.57
Courrier électronique: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Afin de faciliter la gestion du dossier, les parties intéressées qui communiquent leurs réponses et commentaires par des moyens différents (par courrier électronique et par écrit, par exemple) sont priées d'indiquer, le cas échéant, que le même document a déjà été envoyé précédemment à la Commission. Les réponses et les commentaires pourront être publiés sur le site Internet de la Commission sauf si leur auteur le refuse expressément. Au printemps 2003 la Commission examinera s'il y a lieu d'organiser une audition publique afin de débattre des thèmes soulevés dans ce document.
1. CHAPITRE I: INTRODUCTION
Comme son nom l'indique, le programme des mesures de mise en oeuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale [1], programme de travail actuel de la Commission, traite essentiellement des moyens de faciliter la reconnaissance et l'exécution des décisions rendues dans un autre État membre, et non du rapprochement ou de l'harmonisation du droit procédural. Ce programme reconnaît néanmoins que, dans certains domaines, la suppression des mesures intermédiaires encore requises pour permettre la reconnaissance et l'exécution des décisions pourrait coïncider avec la mise en place d'une procédure spécifique, établie au sein de la Communauté, qu'il s'agisse d'une procédure uniforme définie dans un règlement ou d'une procédure harmonisée établie par chaque État membre en application d'une directive.
[1] JO 12 du 15.01.2001, p. 1.
Dans le droit fil des conclusions du Conseil européen de Tampere, le programme de reconnaissance mutuelle préconise explicitement l'établissement de règles communes:
* relatives à une procédure spécifique permettant le recouvrement rapide et efficace des créances incontestées (procédure européenne d'injonction de payer); et
* relatives à la simplification et à l'accélération du règlement des litiges sur les montants de faible importance.
Bien que les procédures relatives aux litiges sur des montants de faible importance et la procédure européenne d'injonction de payer appartiennent à deux domaines distincts du droit procédural, les questions soulevées par l'harmonisation des procédures ou la création d'une procédure européenne uniforme sont en partie identiques ou se chevauchent. Il s'agira en fin de compte des premières initiatives dans le domaine de la coopération judiciaire civile concernant directement les règles qui régissent la procédure d'obtention d'une décision exécutoire.
Les deux questions essentielles concernant la marche à suivre pour élaborer la législation européenne appropriée et qui sont communes aux deux sujets (bien que les solutions choisies ne doivent pas nécessairement être identiques) sont les suivantes:
1.1. L'applicabilité d'un instrument européen uniquement aux litiges transfrontaliers, ou également aux litiges purement internes
Il est envisageable d'élaborer des règles applicables exclusivement aux litiges sur des montants de faible importance ou aux injonctions de payer impliquant deux parties domiciliées dans deux États membres différents et, donc, de prévoir une procédure européenne d'injonction de payer ou de règlement des demandes de faible importance uniquement pour les litiges transfrontaliers. La dimension transfrontalière d'une affaire peut cependant n'apparaître que lorsque le créancier en arrive à demander l'exécution de la décision et qu'il se rend compte que cette exécution doit être demandée dans un autre État membre parce que le débiteur y a déménagé ou parce qu'il ne dispose de ressources susceptibles d'être saisies que dans cet État. En outre, il ne serait guère satisfaisant qu'une procédure européenne spécifique efficace ne s'applique qu'aux créances ayant une dimension internationale, alors que, dans les affaires purement internes, les justiciables n'ont peut-être d'autre choix que de recourir à un système contraignant de procédure civile ordinaire, qui ne répond pas à leurs besoins légitimes. Au-delà des questions de praticabilité et d'équité, un déséquilibre notable, en termes d'efficacité, entre les moyens procéduraux fournis aux créanciers de différents États membres pour recouvrer leurs créances, qu'elles soient de faible importance ou incontestées, pourrait avoir une incidence directe sur le bon fonctionnement du marché intérieur. Une telle incidence serait discutable si les justiciables de l'Union européenne ne bénéficiaient pas tous d'instruments à l'efficacité identique, alors que l'égalité des citoyens et des partenaires économiques au sein d'un espace intégré présuppose une égalité d'accès à l'arsenal juridique. De toute évidence, une entreprise opérant dans un État membre dont le système judiciaire assure une exécution rapide et efficace des demandes pourrait jouir d'un atout compétitif substantiel par rapport à une entreprise exerçant ses activités dans un environnement juridique dépourvu de voies de recours d'une efficacité comparable. De telles disparités pourraient même aboutir à ce que les entreprises soient dissuadées de mettre en pratique le droit à la liberté d'établissement dans les autres États membres que leur confère le traité CE. En conséquence, l'utilisation éventuelle d'instruments relatifs à l'injonction de payer et aux litiges portant sur de faibles montants pourrait être considérée comme nécessaire aussi dans des affaires purement internes.
Question 1:
Des instruments européens relatifs à la procédure d'injonction de payer ou au règlement des litiges de faible importance doivent-ils être applicables uniquement aux affaires transfrontalières ou également aux affaires purement internes? Veuillez présenter vos observations sur les avantages et les inconvénients d'un champ d'application réduit ou élargi de ces deux instruments.
1.2. Le choix d'un instrument approprié pour continuer le rapprochement du droit procédural
Les répercussions du choix de l'instrument juridique considéré comme approprié pour poursuivre le rapprochement du droit procédural sont d'une importance considérable. Une directive pourrait se limiter aux principes fondamentaux et laisser aux États membres une certaine marge de manoeuvre pour adapter la procédure à leurs propres besoins. Cependant, l'obligation de rendre le droit interne conforme aux exigences de la directive implique inévitablement le remplacement de l'ancien système national. En revanche, un règlement, en raison de son applicabilité directe, ne laisse aux États membres aucune marge de manoeuvre. Toutefois, l'introduction d'une procédure européenne uniforme ne supplante pas nécessairement la législation nationale. Cette nouvelle procédure européenne pourrait également être considérée comme une option supplémentaire, coexistant harmonieusement avec le système national de règlement des créances incontestées ou de faible importance.
La question se pose de savoir quel degré d'uniformité doit être prévu, au regard du principe de subsidiarité, pour obtenir le gain d'efficacité et de convivialité souhaité. Il faut en outre déterminer la marge de manoeuvre qui peut être accordée aux États membres sans compromettre l'objectif initial de faciliter l'équité et l'égalité d'efficacité dans l'accès à la justice.
Il convient également de rappeler à cet égard que la ligne qui sépare les procédures uniformes et les procédures harmonisées n'est pas aussi nette qu'il pourrait sembler. Même dans le cas de l'adoption d'un règlement, toutes les questions qui ne sont pas expressément réglées par cet instrument resteraient ouvertes et nécessiteraient en fait des règles nationales complémentaires. On pourrait très bien, par exemple, préférer un règlement car il permet mieux de garantir l'uniformité totale des principes essentiels d'une procédure européenne d'injonction de payer, tout en laissant aux États membres la possibilité, pour les questions moins fondamentales, d'élaborer éventuellement des règles divergentes, en fonction de leurs besoins particuliers. Dans le même temps, une directive peut sembler plus appropriée, compte tenu des éléments fondamentaux d'une procédure relative aux créances de faible importance. Quoi qu'il en soit, il est indispensable de définir ces aspects procéduraux essentiels, qui justifient une harmonisation et doivent être couverts par un instrument législatif, qu'il s'agisse d'un règlement ou d'une directive. La suite du présent document s'attachera à dégager ces aspects fondamentaux pour la procédure européenne d'injonction de payer, d'une part, et pour le règlement des créances de faible importance, d'autre part.
Question 2:
Quel est l'instrument législatif approprié pour une procédure d'injonction de payer et le règlement des créances de faible importance: un règlement ou une directive?
2. CHAPITRE II: UNE PROCÉDURE EUROPÉENNE D'INJONCTION DE PAYER
2.1. INTRODUCTION
2.1.1. Accès à une justice efficace lorsque les débiteurs n'honorent pas leurs obligations sans qu'il y ait pourtant contestation sur la justification, la nature et le montant de la créance en cause
Il est constant que le principal objectif d'un grand nombre de procédures judiciaires dans les États membres n'est pas d'obtenir une décision impartiale et faisant autorité sur des questions litigieuses de fait ou de droit. Il est en effet de moins en moins exceptionnel qu'en l'absence de différend avéré, le créancier doive s'adresser au pouvoir judiciaire pour obtenir un titre exécutoire lui permettant de recouvrer, par exécution forcée, une créance que le débiteur ne veut ou ne peut simplement pas honorer [2].
[2] La Commission a entamé en 2000 une étude sur les procédures spécifiques applicables aux litiges de faible importance existant dans les États membres. Le questionnaire adressé aux États membres dans ce cadre contenait également quelques questions sur les créances non contestées. Lorsque des données statistiques complètes sont disponibles, les réponses des États membres, telles que résumées dans un tableau du rapport final d'Évelyne Serverin, Directeur de recherche au CNRS IDHE-ENS CACHAN (Des procédures de traitement judiciaire des demandes de faible importance ou non contestées dans les droits des États membres de l'Union européenne, Cachan 2001, p. 30), font apparaître que le pourcentage de demandes non contestées oscille entre quelque 50 % (Irlande) et plus de 80 % (Allemagne, Autriche, Suède) du total des affaires traitées par les tribunaux civils ordinaires de première instance.
Cette situation soulève un enjeu polymorphe pour les systèmes judiciaires des États membres. Il est désormais essentiel de distinguer au stade le plus précoce possible de la procédure les demandes réellement contentieuses des affaires qui ne reposent sur aucun différend juridique réel. Cette distinction est une condition indispensable, quoique insuffisante, pour faire un usage efficace des ressources exiguës affectées à la justice. Elle permet de se concentrer sur les affaires controversées et de les trancher dans un délai raisonnable. Toutefois, ce résultat souhaité ne peut être atteint que si une procédure rapide et efficace de règlement des demandes non contestées est disponible et allège effectivement la charge de travail des instances judiciaires de manière à prévenir les retards importants. Eu égard à la proportion des affaires non contentieuses évoquée plus haut, l'existence d'une législation procédurale qui assure leur règlement efficace constitue donc un paramètre déterminant pour le bon fonctionnement du système judiciaire tout entier.
Le recouvrement rapide des créances dont la justification ne soulève aucune contestation revêt une importance primordiale pour les opérateurs économiques dans l'Union européenne. Un cadre juridique ne garantissant aux créanciers le règlement rapide des créances non contestées peut offrir aux débiteurs de mauvaise foi une certaine impunité et les inciter à ne pas acquitter leurs dettes à leur propre avantage [3]. Les paiements tardifs sont une des principales causes de faillite, qui menace la pérennité des entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises, et qui provoque de nombreuses pertes d'emplois. La nécessité d'engager une procédure judiciaire longue, contraignante et onéreuse, même pour le recouvrement de créances non contestées, aggrave inévitablement ces effets économiques néfastes.
[3] D'après les conclusions d'une étude menée en 1984 (« European Late Payement Survey » - Intrum Justitia), dans sa communication au Conseil et au Parlement européen, intitulée « Vers une efficacité accrue dans l'obtention et l'exécution des décisions au sein de l'Union européenne », JO C 33 du 31.01.1998, p. 3, point 38, la Commission a estimé à 35 % la proportion des retards de paiement intentionnels à travers l'Union européenne.
2.2. Définition de la procédure d'injonction de payer
Tous les États membres tentent de résoudre le problème des multiples recouvrements de créances incontestées dans le cadre national et en tenant compte de leurs traditions et de leurs systèmes de procédure. Il n'est guère surprenant que les solutions trouvées présentent de grandes différences, tant sur le plan technique qu'en ce qui concerne leur succès. Dans certains États membres, les décisions rendues par défaut, les procédures spécifiques en référé dans le cadre de la procédure civile ordinaire, voire les mesures provisoires qui, en pratique, sont quasi définitives car rarement suivies de procédures au principal [4], sont les instruments procéduraux les plus utilisés pour régler les créances ne faisant pas l'objet d'un litige.
[4] Aux Pays-Bas, l'absence de procédure rapide, simple et économique de recouvrement des dettes a favorisé une utilisation abondante des mesures provisoires (kort geding) par les tribunaux.
Dans plusieurs États membres, cependant, une procédure spécifique d'injonction de payer s'est révélée particulièrement utile pour garantir le recouvrement rapide et efficace des créances qui ne font l'objet d'aucune contestation juridique. À ce jour, dans onze États membres (Autriche, Belgique, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Italie, Luxembourg, Portugal, Espagne et Suède) une telle procédure fait partie intégrante du droit procédural en matière civile [5], l'injonction de payer française et la Mahnverfahren allemande en étant les exemples les plus connus. En fait, au cours de ces dernières années, des procédures d'injonction de payer ont été introduites dans deux États membres (l'Espagne et le Portugal) qui ne proposaient auparavant aux créanciers aucune décision exécutoire de cette nature [6]. Cette évolution montre l'intérêt grandissant porté à ce type de procédure dans toute l'Union européenne.
[5] À l'exception de la Belgique, où la procédure sommaire d'injonction de payer s'est finalement avérée plus lourde qu'une procédure civile ordinaire en raison de déficiences structurelles (l'injonction de payer doit être précédée par un avis officiel, par exemple) et n'a dès lors pas été très bien acceptée par les acteurs juridiques.
[6] Au Portugal, la législation sur la procédure d'injonction de payer, adoptée en 1993, a subi en 1998 une réforme qui a sensiblement rehaussé son efficacité. En Espagne, le proceso monitorio a été instauré en 1999.
Les procédures d'injonction de payer existant dans les États membres diffèrent considérablement par certains aspects fondamentaux, tels que leur champ d'application, l'attribution de la compétence pour délivrer une injonction ou les conditions de forme ou de fond à remplir pour obtenir une décision favorable. Malgré ces disparités, qui seront examinées plus à fond dans la suite du présent Livre vert, les différents modèles de législation en vigueur ont tous en commun les caractéristiques décrites ci-dessous, qui pourraient servir de base pour élaborer une définition de la procédure d'injonction de payer.
Sur demande du plaignant, la juridiction ou toute autre autorité compétente prend une décision sur la créance en cause au cours d'une procédure non contradictoire, c'est-à-dire que le défendeur ne peut pas y participer. Cette décision est notifiée au défendeur, qui est prié soit de se conformer à l'injonction, soit de contester la créance dans un délai fixé. Si le défendeur ne réagit pas, l'injonction de payer devient exécutoire. Ce n'est que s'il fait opposition que l'affaire peut être examinée selon la procédure ordinaire. Contrairement aux règles de procédure habituelles, c'est donc au destinataire de l'injonction de payer qu'incombe d'engager la procédure contradictoire. Ce transfert de responsabilité, que le français appelle, en des termes particulièrement explicites, « inversion du contentieux », ainsi que la protection des droits de la défense, concrétisée par la possibilité d'empêcher qu'une décision devienne exécutoire, constituent les caractéristiques essentielles de la procédure d'injonction de payer.
2.3. Nécessité d'agir au niveau communautaire
Il semble aller de soi que la durée et le coût d'une procédure civile ordinaire, qui n'est pas appropriée pour les demandes qui ne soulèvent aucun litige juridique, tendent à enregistrer une hausse encore plus disproportionnée dans les affaires ayant des implications transfrontalières. L'ignorance des systèmes juridiques des autres États membres et la nécessité qui en résulte de consulter un avocat, le temps nécessaire pour signifier des documents judiciaires aux parties dans un État membre différent de celui dans lequel la procédure se déroule, ainsi que les dépenses liées à la traduction, ne sont que les éléments les plus flagrants qui compliquent l'action des titulaires de créances transfrontalières. Ces problèmes sont inhérents à toute affaire transfrontalière, qu'elle fasse ou non l'objet d'une contestation. Le contraste entre une procédure de recouvrement rapide applicable aux affaires purement internes, d'une part, et les délais et les frais incontournables lorsque les parties sont domiciliées dans différents États membres, d'autre part, devient toutefois insupportable si le défendeur ne conteste même pas la justification de la créance en cause. Cette situation avantage les débiteurs de mauvaise foi dans les relations transfrontalières et elle peut dissuader les opérateurs économiques d'étendre leurs activités en dehors de leur État membre d'origine, ce qui freine les échanges commerciaux entre États membres. Même l'existence dans tous les États membres d'une procédure nationale efficace pour le recouvrement des dettes non contestées, un voeu pieu dans la situation actuelle [7], n'apporterait pas nécessairement une amélioration déterminante dès lors que les profondes différences entre ces procédures et leur méconnaissance dresseraient d'importants obstacles au règlement des affaires transfrontalières. Une procédure européenne harmonisée d'injonction de payer serait un progrès substantiel dans la simplification de l'accès à une justice efficace.
[7] Même dans les États membres qui se sont dotés d'une procédure d'injonction de payer, celle-ci n'est souvent pas applicable si le défendeur est domicilié à l'étranger (c'est le cas en Autriche, en Belgique, en Italie et au Luxembourg).
Il convient également de garder à l'esprit que les affaires ayant des implications transfrontalières ne se limitent aucunement à celles dans lesquelles la procédure principale concerne des parties issues de différents États membres. Une affaire à l'origine purement nationale peut acquérir une dimension internationale parce qu'une décision rendue dans un État membre doit être exécutée dans un autre, par exemple si le débiteur y a déménagé ou parce qu'il ne dispose de ressources susceptibles d'être saisies que dans cet État. La déclaration de la force exécutoire (exequatur), indispensable pour autoriser l'exécution sur le territoire d'un autre État membre que celui dans lequel la décision a été prononcée [8], est une cause de retards et de coûts, à telle enseigne que le Conseil et la Commission ont inscrit la suppression de ces mesures intermédiaires parmi leurs principales priorités dans le programme de mesures sur la mise en oeuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale [9]. La possibilité, sous réserve des règles juridiques internationales, d'obtenir une décision exécutoire dans l'État membre où l'exécution doit être réalisée, au moyen d'une procédure harmonisée d'injonction de payer, éliminerait la nécessité même de se rendre à l'étranger aux fins de l'exécution dans bon nombre d'affaires. Lorsque l'exécution dans un autre État membre que celui où la décision a été rendue est inévitable, l'introduction générale d'une injonction de payer européenne pourrait faciliter sensiblement les procédures de reconnaissance et d'exécution, voire les rendre obsolètes [10]. L'octroi du droit de refuser l'exécution d'une décision étrangère résulte dans une large mesure de la diversité des législations nationales et du manque de connaissance des dispositions étrangères, en ce qui concerne notamment leur compatibilité avec les exigences indiquées dans la liste des motifs de refus ou de révocation de l'exequatur [11]. Pour ce qui est des décisions par défaut, considérant qu'une injonction de payer est une décision par défaut en ce qu'elle devient exécutoire uniquement si le défendeur reste passif et ne la conteste pas [12], ce raisonnement s'applique en particulier au problème délicat du respect des droits de la défense inscrits à l'article 34, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil. Si une procédure européenne d'injonction de payer énonçait des règles communes uniformes, y compris des règles préservant les droits de la défense, il serait possible de supprimer entièrement toute mesure intermédiaire destinée à la reconnaissance et à l'exécution des décisions [13].
[8] La procédure d'exequatur, établie initialement aux articles 31 et suiv. de la Convention de Bruxelles de 1968 sur la juridiction et l'exécution des décisions judiciaires en matière civile et commerciale (version consolidée: JO C 27 du 26.01.1998, p. 1), a été modifiée et est aujourd'hui régie par les articles 38 et suiv. du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, JO L 12, p. 1, qui est entré en vigueur le 1er mars 2002.
[9] JO C 12 du 15.01.2001, p. 1.
[10] Cette position a déjà été exprimée dans la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen intitulée « Vers une efficacité accrue dans l'obtention et l'exécution des décisions au sein de l'Union européenne », JO C 33 du 31.01.1998, p. 3.
[11] Article 45, paragraphe 1, en conjonction avec les articles 34 et 35 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil.
[12] La Cour européenne de justice a examiné la conformité de l'injonction de payer à l'article 27, paragraphe 2, de la Convention de Bruxelles de 1968, qui s'applique aux décisions rendues par défaut de comparution, dans l'affaire Hengst Import BV contre Campese (C-474/93), 13.07.1995, Rec. 1995, p. I-2113 (procedimento d'ingiunzione italen) et dans l'affaire Klomps contre Michel (C-166/80), 16.06.1981, Rec. 1981, p. 1593 (Mahnverfahren allemande).
[13] Le risque inévitable d'interprétation ou d'application inadéquates de ces règles dans une affaire particulière ne constitue pas un obstacle à cet égard dès lors que des erreurs de cette nature n'entravent pas la force exécutoire d'une décision dans une affaire purement interne, excepté si la partie condamnée conteste la décision elle-même.
Envisager une procédure européenne d'injonction de payer qui soit uniquement applicable aux seules affaires transfrontalières est discutable. Outre les réflexions générales sur cette question dans le cadre des multiples interrogations du présent Livre vert [14], les considérations suivantes doivent aussi être prises en compte. Étant donné que, par essence, une procédure d'injonction de payer est une méthode de recouvrement massif de dettes non contestées, qui est appliquée par les tribunaux puisqu'ils détiennent le monopole de la délivrance de décisions exécutoires, on pourrait raisonnablement considérer qu'une situation impliquant un déséquilibre du marché au niveau de l'efficacité des outils procéduraux mis à la disposition des créanciers dans les différents États membres s'apparente à une distorsion de concurrence au sein du marché intérieur [15]. La création d'une injonction de payer européenne pourrait être une avancée particulièrement utile vers une harmonisation, dans le respect du principe de subsidiarité, dès lors que cette procédure n'est pas indissociable des autres règles régissant les procédures civiles, mais constitue plutôt un chapitre distinct. C'est la fin de la procédure d'injonction de payer engagée par l'opposition du défendeur qui déclenche le passage éventuel à une procédure civile ordinaire. L'instauration d'une procédure européenne d'injonction de payer ne nécessiterait donc pas un rapprochement supplémentaire de la législation procédurale nationale.
[14] Cf. supra au point 1.1.
[15] D'après la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen intitulée « Vers une efficacité accrue dans l'obtention et l'exécution des décisions au sein de l'Union européenne », JO C 33 du 31.01.1998, p. 3, point 38, une étude (European Payment Habits Survey, Intrum Justitia) a démontré que la proportion de retards de paiement intentionnels est largement inférieure à la moyenne communautaire de 35 % dans les États membres où l'obtention et l'exécution des décisions sont rapides, peu coûteuses et efficaces.
À la lumière des observations qui précèdent, et afin de permettre à la Commission de mieux évaluer le degré de nécessité d'une intervention au niveau communautaire, ainsi que la nature de l'intervention requise, le présent Livre vert a également pour objectif de recueillir de plus amples informations sur le fonctionnement des règles de procédure pour le recouvrement des créances non contestées, qu'il s'agisse d'une procédure d'injonction de payer ou d'une autre procédure, dans les États membres. L'analyse du cadre juridique en vigueur ne permet pas en soi de tirer des conclusions pertinentes quant à l'efficacité d'une procédure donnée dans son utilisation quotidienne. Plus les divergences sont grandes dans l'acceptation et le succès des méthodes destinées à simplifier et à accélérer l'obtention d'une décision exécutoire sur une demande qui n'est pas contestée, plus le déséquilibre évoqué plus haut s'accentue et plus la nécessité d'un rapprochement au sein de la Communauté est pressante.
Question 3:
Quels problèmes se posent, le cas échéant, dans l'application de la procédure d'injonction de payer ou de toute autre procédure de recouvrement des créances non contestées existant dans votre État membre? Veuillez indiquer le niveau d'acceptation et de succès des procédures en vigueur. Ces procédures sont-elles applicables aussi aux affaires transfrontalières, lorsque le plaignant ou le défendeur est domicilié dans un autre État membre? Dans l'affirmative, quels problèmes, le cas échéant, surviennent dans leur application? Dans la négative, comment les créances non contestées dans une affaire transfrontalière doivent-elles être réglées?
2.4. CONTEXTE
2.4.1. Initiatives en faveur de la création d'une procédure européenne d'injonction de payer avant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam
2.4.1.1. Proposition Storme
En 1993, un groupe de travail constitué de spécialistes du droit procédural, chapeauté par le professeur Marcel Storme, a soumis à la Commission un projet de proposition de directive pour le rapprochement des législations et des dispositions des États membres relatives à certains aspects de procédure en matière civile (un texte appelé « proposition Storme ») [16]. Cette première tentative globale d'aborder les aspects les plus fondamentaux de la procédure civile [17], motivée par la logique du marché intérieur [18], comprend une section décrivant les règles détaillées d'une procédure d'injonction de payer, et reconnaît ainsi l'importance particulière d'une harmonisation dans ce domaine [19]. Bien que cette proposition n'ait jamais donné lieu à une initiative législative de la Commission, elle offre un paramètre de référence et une source d'inspiration de grande valeur.
[16] Le texte a été publié en 1995, Storme (éd.), Rapprochement du droit judiciaire de l'Union européenne - Approximation of judiciary law in the European Union, Dordrecht/Boston/Londres.
[17] Il convient de souligner que, préalablement à cette proposition, le Conseil de l'Europe avait affirmé dans sa recommandation R (81) 7, du 14.05.1981, sur les mesures visant à faciliter l'accès à la justice que « des dispositions doivent être prises en ce qui concerne les créances non contestées ou certaines portant sur des sommes d'argent afin que, dans ces affaires, une décision définitive soit rendue rapidement, sans formalités, comparutions ou dépenses superflues ».
[18] Le préambule du professeur Marcel Storme traite abondamment de la nécessité d'harmoniser le droit procédural civil résultant de la mise en place d'un marché intérieur, aussi bien du point de vue économique qu'au regard du fondement juridique de la législation communautaire à ce propos.
[19] Le groupe de travail était chargé initialement de rédiger un modèle européen complet de code de procédure civile. La proposition finale se caractérise toutefois par une différence marquée entre certains domaines (tels que l'injonction de payer), qui sont traités en détail et pour lesquels une procédure harmonisée commune est suggérée, et d'autres, qui se limitent à proclamer des principes généraux ou des normes minimales.
2.4.1.2. Directive concernant la lutte contre le retard de paiement
En 1998, la Commission a présenté la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales [20]. S'appuyant sur le raisonnement selon lequel les conséquences d'un retard de paiement, telles qu'un intérêt prohibitif exigible par le créancier après l'expiration du délai normal, ne sont dissuasives que si elles sont assorties de procédures de recours rapides, efficaces et peu onéreuses [21], la proposition contenait, à l'article 5, une disposition imposant aux États membres de mettre en place une procédure accélérée de recouvrement des créances pour des dettes non contestées et énumérant quelques éléments fondamentaux minimaux de cette procédure. Bien que l'expression « injonction de payer » ne figurait pas dans le texte, on peut supposer sans risque que les auteurs de la proposition avaient surtout à l'esprit une procédure de ce type [22]. La directive qui a finalement été adoptée le 29 juin 2000 [23] sur la base de l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne a opté pour une approche plus circonspecte. Au lieu de la mise en place d'une procédure spécifique (éventuellement nouvelle), l'article 5 invite les États membres à veiller à ce qu'un titre exécutoire puisse être obtenu dans les 90 jours en conformité avec leurs dispositions législatives respectives [24]. Il reste à déterminer si la transposition de l'article 5 entraînera des modifications significatives dans les systèmes procéduraux des États membres [25]. En tout état de cause, cette disposition doit être assimilée à une première étape prudente, et non à la dernière étape du processus menant à l'établissement d'une procédure européenne de recouvrement efficace pour les créances non contestées.
[20] COM (98) 126 final, JO C 168 du 03.06.1998, p. 13.
[21] Considérant 14 de la proposition, devenu le considérant 20 de la directive.
[22] La note explicative de la proposition faisait expressément référence à l'injonction de payer française et à la Mahnverfahren allemande.
[23] Directive 2000/35/CE, JO L 200 du 08.08.2000, p. 35. Le délai fixé pour la transposition a pris fin le 8 août 2002.
[24] L'article 5 (« Procédures de recouvrement pour des créances non contestées ») prévoit ce qui suit: « 1. Les États membres veillent à ce qu'un titre exécutoire, quel que soit le montant de la dette, puisse être obtenu normalement dans les quatre-vingt-dix jours civils après que le créancier a formé un recours ou introduit une demande auprès d'une juridiction ou d'une autre autorité compétente, lorsqu'il n'y a pas de contestation portant sur la dette ou des points de procédure. Les États membres s'acquittent de cette obligation en conformité avec leurs dispositions législatives, réglementaires et administratives respectives. 2. Les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales respectives s'appliquent dans les mêmes conditions à tous les créanciers qui sont établis dans la Communauté européenne. 3. Les périodes mentionnées ci-après ne sont pas prises en compte dans le calcul du délai de quatre-vingt-dix jours civils visé au paragraphe 1: a) les délais requis pour les notifications et significations; b) tout retard causé par le créancier, tel que les délais nécessaires à la rectification de recours et de demandes. 4. Les dispositions du présent article sont également sans préjudice des dispositions de la convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des jugements en matière civile et commerciale. » Le considérant 23 note expressément que les États membres ne sont pas tenus d'adopter une procédure spécifique ou de modifier leurs voies de droit existantes d'une manière spécifique.
[25] Il ne paraît pas improbable que la plupart, voire la totalité, des États membres prétendent que leur législation procédurale satisfait d'ores et déjà à ces conditions. Beaucoup dépend à cet égard de l'interprétation du terme « normalement ». Prend-il en considération uniquement le cadre juridique ou également les faits empiriques de l'efficacité réelle des tribunaux dans la pratique?
2.5. Le traité d'Amsterdam et ses ramifications
L'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam a impliqué le transfert de la coopération judiciaire en matière civile du troisième pilier (article K.1, paragraphe 6, du traité UE) au premier pilier. Aux termes des articles 61, paragraphe c), et 65 du traité instituant la Communauté européenne, la Communauté prend des mesures dans le domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontalière et dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur. Conformément à l'article 65, paragraphe c), ces mesures visent, entre autres, à éliminer les obstacles au bon déroulement des procédures civiles, au besoin en favorisant la compatibilité des règles de procédure civile applicables dans les États membres.
Cette nouvelle compétence communautaire a imprimé un nouvel élan aux discussions sur un rapprochement étendu de la législation procédurale, notamment dans le domaine des créances non contestées [26].
[26] Cela ne signifie pas, toutefois, que les articles 61(c) et 65 soit la seule base juridique possible d'une procédure d'injonction de payer européenne.
2.6. Les conclusions de Tampere
Le Conseil européen réuni à Tampere les 15 et 16 octobre 1999 a proclamé le principe de la reconnaissance mutuelle des jugements et des autres décisions émanant des autorités judiciaires en tant que pierre angulaire de la coopération judiciaire qui devait être instaurée au sein de l'Union. Sous le titre « Convergence accrue dans le domaine du droit civil », il a invité le Conseil et la Commission à élaborer de nouvelles dispositions de droit procédural dans les affaires transfrontalières, concernant, en particulier, les éléments qui contribuent à faciliter la coopération judiciaire et à améliorer l'accès au droit. Les injonctions de payer ont été mentionnées expressément parmi ces éléments fondamentaux [27].
[27] Point 38 des conclusions de la présidence.
Le Conseil européen a demandé au Conseil et à la Commission d'adopter, pour décembre 2000, un programme de mesures destinées à mettre en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle et, dans ce cadre, d'entamer des travaux sur le titre exécutoire européen et sur les aspects du droit procédural pour lesquels la fixation de normes minimales communes est considérée comme nécessaire pour faciliter l'application du principe de reconnaissance mutuelle.
2.7. Le programme de reconnaissance mutuelle
Le programme conjoint de la Commission et du Conseil portant mesures pour la mise en oeuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale, adopté par le Conseil le 30 novembre 2000, a inscrit la suppression de l'exequatur pour les créances incontestées parmi les priorités de la Communauté. Attirant l'attention sur la contradiction par laquelle la procédure d'exequatur retarde l'exécution des décisions relatives à des créances non contestées par le débiteur, le programme a désigné ce domaine comme l'un des premiers dans lesquels l'exequatur devait être supprimé, dès lors que le recouvrement rapide des impayés est une nécessité absolue pour le commerce et représente une préoccupation constante des milieux économiques concernés par le bon fonctionnement du marché intérieur [28].
[28] JO C 12 du 15.01.2001, p. 1, chapitre I, section B, point 3.
Ainsi que cela a déjà été évoqué, le programme pour la reconnaissance mutuelle s'attache essentiellement à faciliter la reconnaissance et l'exécution des décisions judiciaires rendues dans un autre État membre. Il ne s'agit pas d'un programme d'harmonisation du droit procédural national. Le rapprochement de la législation procédurale par la fixation de normes minimales ou une harmonisation n'est pas envisagé comme un objectif en soi, mais comme une mesure complémentaire qui, dans certains domaines, pourrait conditionner les progrès à accomplir pour pouvoir peu à peu se passer de la procédure d'exequatur [29]. Dans le même document, il est noté que, dans certains domaines, la suppression de l'exequatur pourrait se traduire par l'établissement d'un véritable titre exécutoire européen, obtenu à l'issue d'une procédure spécifique, uniforme ou harmonisée, établie au sein de la Communauté [30]. Il convient de souligner que la suppression de l'exequatur et l'harmonisation du droit procédural sont deux sujets distincts. La première suppose le prononcé d'une décision et porte sur l'accès à l'exécution lorsqu'une frontière doit être franchie aux fins de l'exécution, tandis que la seconde a trait à l'efficacité de l'accès à la justice pour obtenir une décision, que cette décision doive être exécutée dans l'État de la juridiction ou à l'étranger. En dépit de l'imbrication de ces questions, selon les remarques formulées plus haut, il importe de garder à l'esprit leur nature distincte et le fait que les deux peuvent être analysées indépendamment, suivant leurs caractéristiques propres. Il suffira de rappeler que dans une affaire transfrontalière la suppression de l'exequatur n'a aucun intérêt pour un créancier qui doit poursuivre un défendeur dans un autre État membre dépourvu de procédure efficace de recouvrement des dettes non contestées. À l'inverse, l'application de cette procédure aboutissant à une décision rendue dans l'État du domicile du défendeur élimine dans l'écrasante majorité des cas la nécessité d'exécuter la décision dans un État membre tiers. Toutefois, il y aura toujours des décisions judiciaires ou d'autres titres exécutoires relatifs à des demandes non contestées (règlements judiciaires ou actes authentiques), même obtenus par des procédures non harmonisées, qui devront être exécutés dans un État membre autre que leur État d'origine.
[29] Il est révélateur à cet égard que le programme aborde les sujets qui se prêtent à l'harmonisation ou à la fixation de normes minimales sous le titre « Mesures d'accompagnement de la reconnaissance mutuelle ».
[30] Chapitre II, section A, point 2, sous b), du programme. Bien que ce passage ne mentionne pas expressément la procédure d'injonction de payer (ni aucune autre procédure spécifique), la proposition ultérieure d'une procédure européenne d'injonction de payer pour les créances incontestées, au premier stade de la mise en oeuvre, au chapitre III, section A, démontre qu'une harmonisation dans cet esprit a été envisagée, tout spécialement, pour le recouvrement des créances incontestées.
2.8. Le titre exécutoire européen pour les créances incontestées: premier niveau d'une approche à deux échelons
Eu égard aux facteurs précités, la Commission s'est lancée dans une stratégie à deux échelons, qui poursuit pour objectifs à la fois:
* la suppression de l'exequatur à condition que soient respectées certaines normes minimales pour tous les titres exécutoires pour des créances incontestées, quelle que soit la procédure qui a abouti à la décision ou au titre exécutoire;
et
* la création d'une procédure spécifique harmonisée pour le recouvrement des dettes dont on suppose qu'elles demeureront incontestées, à savoir l'injonction de payer européenne;
quoique non simultanément dans un même instrument législatif. Cette approche permet des progrès rapides en rendant superflue la procédure d'exequatur dans toutes les situations qui se caractérisent par l'absence de litige sur la nature et le montant d'une dette (pas seulement les injonctions de payer), tout en préparant soigneusement l'établissement d'une procédure harmonisée d'injonction de payer.
En avril 2002, la Commission a adopté la proposition de règlement du Conseil portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances non contestées [31]. Cette initiative législative marque la première étape de la stratégie à deux échelons et prévoit la suppression de l'exequatur pour tous les titres exécutoires pour des créances incontestées. De plus, son champ d'application ne se confine pas aux décisions résultant d'une procédure spécifique. L'élimination des mesures intermédiaires exige le respect d'un ensemble de règles procédurales minimales sur la notification et la signification des documents, y compris les procédés de notification, le délai entre la notification et le jugement permettant la préparation d'une défense et la bonne information du défendeur. Seule la satisfaction de ces exigences, attestée par la juridiction d'origine, autorise l'omission d'un contrôle du respect des droits de la défense dans l'État membre où la décision doit être exécutée. Ce système de certification par le biais de formulaires uniformes multilingues devrait procurer un avantage concret aux créanciers, qui pourraient ainsi obtenir une exécution rapide et efficace à l'étranger, en évitant l'implication du système judiciaire de l'État membre dans lequel l'exécution doit être réalisée, ainsi que les délais et les coûts connexes.
[31] COM (2002) 159 final.
2.9. Le Livre vert: deuxième volet de cette approche
Le présent Livre vert représente le deuxième volet de cette stratégie et s'inscrit dans le sillage de la politique de la Commission visant à régler les problèmes mentionnés dans le programme de reconnaissance mutuelle en ce qui concerne les créances non contestées dans leur ensemble.
Il résulte logiquement des considérations qui précèdent à propos de la mise en oeuvre du programme de reconnaissance mutuelle et des réflexions générales relatives à la raison d'être d'une procédure européenne d'injonction de payer [32] que les objectifs d'une harmonisation procédurale visés par le présent Livre vert et d'une simplification de la reconnaissance et de l'exécution des décisions ne s'excluent pas mutuellement, pas plus qu'ils ne sont contradictoires ou même qu'ils ne se chevauchent. Les deux initiatives de la Commission sont au contraire complémentaires. Non seulement l'existence d'une procédure européenne d'injonction de payer mettrait sur un pied d'égalité les créanciers et les débiteurs de tous les États membres en leur offrant un accès égal à la justice, mais elle pourrait également apporter des progrès supplémentaires dans le domaine de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en rendant superflue même l'obligation de certification imaginée dans la proposition de titre exécutoire européen.
[32] Cf. supra au point 2.3.
3. LA PROCÉDURE EUROPÉENNE D'INJONCTION DE PAYER
3.1. Approche générale
Le présent document a pour objectif d'entamer une large concertation sur les stratégies possibles pour créer une procédure européenne d'injonction de payer spécifique, uniforme ou harmonisée. À cette fin, les règles qui président à une procédure de ce type seront analysées une par une, si possible dans l'ordre chronologique d'une procédure. Chaque aspect sera présenté sur la base d'un résumé succinct de la législation pertinente dans les États membres. Cette étude doit inspirer les discussions qui devront identifier les meilleures pratiques qui existent dans l'Union européenne ou, le cas échéant, des nouvelles solutions inédites, et transposer les conclusions de cette analyse dans une nouvelle procédure d'injonction de payer de dimension européenne qui apporte une valeur ajoutée aux citoyens européens.
L'examen séparé des caractéristiques spécifiques d'une procédure d'injonction de payer, une à une, serait toutefois incomplet et insuffisant s'il était isolé, dès lors qu'il perdrait nécessairement de vue le tableau d'ensemble, autrement dit, l'objectif d'élaborer une procédure dont les différentes composantes se combinent harmonieusement et forment un tout équilibré. Avant d'évoquer les spécificités, un bref aperçu sera par conséquent présenté sur les différentes « familles » de procédures d'injonction de payer qui se côtoient en Europe afin de permettre une meilleure compréhension des traits de procédure que les systèmes nationaux conjuguent généralement. En examinant les divers aspects de la procédure, il convient de prendre en considération les relations qui peuvent exister entre eux. Une décision lourde de conséquences devra être arrêtée en s'inspirant de l'un des modèles prédominants ou en imaginant une procédure entièrement neuve, en associant des éléments de plusieurs systèmes en vigueur, et, éventuellement, des caractéristiques novatrices.
3.1.1. Aperçu succinct des différents modèles existant dans les États membres
Grosso modo, on distingue en Europe deux types de procédures d'injonction de payer. En dépit de disparités dans certains domaines particuliers, toutes les législations nationales des États connaissant une injonction de payer peuvent être réparties dans l'une de ces deux catégories.
La caractéristique essentielle de ce que l'on pourrait appeler le modèle « par preuve » (appliqué en Belgique, en France, en Grèce, au Luxembourg, en Italie et en Espagne) est l'obligation pour le plaignant de produire une preuve écrite qui justifie la créance en cause. Sans ce document justificatif, la demande d'injonction de payer est réputée irrecevable. Cette obligation constitue un garde-fou contre les demandes fantaisistes. Il convient de la replacer dans le cadre d'un système permettant la délivrance d'une injonction de payer uniquement après un examen rapide du fond de l'affaire par un juge. C'est au stade de cet examen que le document justificatif joue un rôle essentiel. Ce document justificatif existe-t-il et corrobore-t-il suffisamment l'existence de la créance pour justifier la décision du juge de délivrer une injonction de payer? L'obligation incombant au juge de se pencher sur ces questions constitue un moyen de protéger le défendeur, y compris au stade de la procédure non contradictoire, au cours de laquelle celui-ci ne peut se prononcer lui-même sur la justification de la demande. Les créances non fondées, voire basées exclusivement sur les informations fournies par le plaignant, ou qui ne peuvent pas être étayées par des documents écrits, doivent être rejetées par le juge lui-même dès le stade initial de la procédure. Par contre, la délivrance d'une injonction de payer garantit le caractère raisonnable de la créance. Dans la plupart des États membres appartenant à la famille « par preuve » (France, Grèce, Italie et Espagne), le défendeur ne dispose que d'une seule possibilité de s'opposer à la créance. Après expiration du délai imparti pour faire opposition, l'injonction de payer acquiert immédiatement force de chose jugée et n'est plus susceptible d'appel.
La procédure d'injonction de payer « sans preuve », pour laquelle ont opté l'Autriche, la Finlande, l'Allemagne, la Suède et le Portugal, se caractérise en revanche par l'absence totale d'examen au fond de la créance en cause par la juridiction. Dès qu'une demande est recevable et satisfait aux conditions formelles de base, la juridiction délivre une injonction de payer sans évaluer plus avant le bien-fondé de la demande [33]. Alors que l'école « par preuve » juge apparemment indispensable que la juridiction assure une protection minimale du défendeur, le modèle « sans preuve » met surtout l'accent sur la responsabilité du défendeur lui-même. Dans un certain sens, il s'agit d'une application pure et simple du principe de « l'inversion du contentieux », puisque l'issue de l'affaire dépend entièrement de la réaction (ou de l'absence de réaction) du défendeur, sans autre intervention de la juridiction. Si le défendeur dispose de la possibilité d'empêcher l'adoption d'une décision exécutoire en y opposant un simple refus, c'est-à-dire en contestant la créance, aucune autre garantie n'est jugée nécessaire. Les autres grandes différences sont les conséquences logiques de cette autre approche. Si aucun examen n'a lieu, il n'est évidemment pas nécessaire de présenter un document justificatif de la créance, qui ne sert qu'à permettre ce contrôle. En outre, si la créance n'est pas examinée par la juridiction et que l'intégralité de la procédure revêt un caractère plutôt administratif [34], il ne semble pas nécessaire d'y faire participer un juge; par conséquent, dans tous les États membres appliquant ce modèle, le pouvoir de délivrer une injonction de payer est délégué soit aux greffiers de la juridiction, soit, comme en Suède, aux autorités d'exécution, qui sont des instances administratives n'appartenant pas au pouvoir judiciaire. Il est assez intéressant de relever que, dans les États membres appartenant à cette catégorie, l'absence de protection par l'examen au fond de la créance par une juridiction est souvent quelque peu compensée par l'octroi au défendeur de deux possibilités de faire opposition, au lieu d'une. En Finlande, en Allemagne et en Suède, à défaut d'opposition dans le délai imparti, une deuxième décision (exécutoire) est rendue; elle n'est pas définitive, mais peut être contestée par le défendeur qui dispose pour ce faire d'un nouveau délai. Ce n'est que si le défendeur laisse passer cette seconde chance que l'injonction de payer acquiert force de chose jugée.
[33] Il y a lieu de noter toutefois que la législation adoptée récemment en Autriche impose une évaluation rapide du fond de la demande par le tribunal. Cf. infra au point 3.3.5 pour plus de détails.
[34] L'emploi du terme « administratif » fait référence à l'absence d'examen du bien-fondé de la demande. Il ne doit pas être interprété à tort comme une remise en question du caractère judiciaire de la procédure à proprement parler. Seule la Suède s'est avancée au point de confier à un organe administratif la prise en charge des procédures d'injonction de payer.
Cela dit, il convient cependant de souligner que deux États membres se sont éloignés de ce modèle dans leur législation. L'Autriche et le Portugal ont tous deux adopté le modèle « sans preuve », mais pour en accroître l'efficacité ils ont choisi la procédure en une seule étape. Lorsque le défendeur a laissé passé sa seule possibilité de faire opposition, aucune autre décision susceptible d'appel ou d'opposition ne doit être prise, car l'injonction de payer devient définitive sur-le-champ.
Les exemples autrichien et portugais illustrent la possibilité d'assembler les éléments les plus positifs des deux modèles classiques des procédures d'injonction de payer. La Mahnverfahren autrichienne allie la simplicité du modèle « sans preuve » (pas de document justificatif, pas d'examen de la demande, pas d'intervention d'un juge) et la restriction substantielle des possibilités de recours inhérente au système « par preuve » et elle permet au créancier d'obtenir une décision qui est non seulement exécutoire, mais possède également force de chose jugée, le tout en un peu plus de deux semaines [35]. Une solution de niveau européen peut-elle s'inspirer de cet hybride [36]? Faut-il plutôt s'en tenir à l'un des systèmes généraux décrits plus haut? Le fossé culturel entre les traditions « par preuve » et « sans preuve » peut-il être comblé, et de quelle manière? Quel degré de responsabilité doit être laissé au défendeur? Faut-il instaurer une norme de protection minimale du défendeur par la juridiction contre la poursuite de demandes non fondées au moyen d'une procédure d'injonction de payer?
[35] Il faut cependant ajouter que le délai de 14 jours actuellement prévu pour la formation d'une opposition sera doublé à 4 semaines à compter du 1er janvier 2003. Cf. infra au point 3.3.9.1.
[36] Il mérite d'être précisé à cet égard que l'Autriche et le Portugal limitent le champ d'application de leur système d'injonction de payer à un montant maximal. Ce plafond peut s'assimiler à une mesure de précaution destinée à éviter les résultats inadmissibles d'une nouvelle procédure extrêmement efficace.
L'examen des stratégies possibles pour aborder les moindres détails d'une procédure d'injonction de payer doit être perçu à la lumière de ces questions globales. Les solutions trouvées par différents États membres ne peuvent pas et ne doivent pas être analysées indépendamment de l'approche générale qu'ils ont choisie. Toute proposition d'une procédure européenne d'injonction de payer doit par ailleurs établir son propre équilibre au vu des interactions complexes entre les multiples aspects de la procédure. Dans les points qui suivent, une attention particulière sera consacrée, à chaque fois que cela semblera approprié, aux conséquences de certains choix pour le caractère de la procédure dans son ensemble.
3.2. Champ d'application de l'instrument
3.2.1. Limitation aux demandes pécuniaires?
Alors que dans la plupart des États membres (Autriche, Belgique, Allemagne, Grèce, Luxembourg, Portugal et Espagne) le champ d'application d'une procédure spécifique pour l'obtention d'une décision exécutoire, qui repose sur l'hypothèse selon laquelle la demande demeurera incontestée et implique l'inversion du contentieux, se limite aux affaires pécuniaires jusqu'à un montant déterminé, la France, la Finlande, l'Italie et la Suède l'étendent également à d'autres obligations. Dans ces derniers États, la portée de l'injonction de payer est transcendée et une « injonction de faire » peut être délivrée. La liste des demandes éligibles est variable, mais elle inclut généralement la livraison ou la restitution de biens meubles et l'expulsion [37].
[37] En Italie, conformément à l'article 639 du c.p.c., les demandes portant sur une quantité fixée de biens fongibles ou sur la restitution d'un bien meuble spécifique sont recevables. La procédure suédoise de « l'assistance ordinaire » (handräckning) peut s'appliquer à l'expulsion, à la remise de biens meubles, à l'accomplissement d'une obligation de livraison, à l'enlèvement de biens, à l'exécution d'un contrat de travail et à la mise en oeuvre d'une interdiction ou d'une autorisation d'accès à un immeuble bâti ou non. En France, aux termes de l'article 1425-1 du N.C.P.C, une injonction de faire peut être délivrée pour toutes les obligations non monétaires fondées sur un contrat si l'une des parties au contrat au moins n'est pas un commerçant professionnel.
Pour déterminer si une procédure européenne harmonisée doit couvrir ou non les demandes non pécuniaires, il convient de garder à l'esprit que, eu égard à la nette prédominance des demandes de paiement dans les affaires civiles, une injonction de faire n'aurait qu'un intérêt pratique relativement faible par comparaison avec une injonction de payer [38]. En outre, par définition, ces obligations se prêtent moins à une normalisation, par exemple par l'utilisation de formulaires et le traitement de données, dès lors que la demande elle-même (et la formulation d'une décision exécutoire) requiert toujours une description précise dont le libellé est sensiblement plus délicat que la simple expression d'une demande pécuniaire en euros et en cents (ou dans une autre monnaie).
[38] Il importe de souligner à ce propos que la procédure française d'injonction de faire n'est guère couronnée de succès et que le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris a préconisé sa suppression dans une proposition de réforme.
Question 4:
Une procédure européenne d'injonction de payer doit-elle être limitée aux demandes pécuniaires? Dans la négative, quels types de demandes non pécuniaires doit-elle inclure?
3.2.2. La procédure doit-elle être applicable uniquement à certains types de demandes ou doit-elle exclure de son champ d'application certains types de demandes?
Dans le domaine des demandes pécuniaires, plusieurs États membres (Autriche, Belgique, Grèce, Italie, Espagne et Suède [39]) ne limitent pas la procédure d'injonction de payer par rapport à la nature ou à la base légale de la demande en cause. Parmi les autres États membres, deux approches peuvent être observées pour rétrécir le champ d'application de cette procédure. La France et le Portugal autorisent uniquement la délivrance d'une injonction de payer pour les demandes qui émanent d'obligations contractuelles, et excluent donc les affaires impliquant un délit [40]. Au lieu d'énumérer les demandes éligibles à la délivrance d'une injonction de payer, l'Allemagne, la Finlande et le Luxembourg interdisent ce type de décision dans certaines situations bien définies [41].
[39] L'exigence d'une obligation inconditionnelle et échue est supposée évidente et n'est pas comprise dans les limitations au sens du présent chapitre du Livre vert.
[40] En France, outre les obligations contractuelles, l'article 1405 du N.C.P.C. autorise la délivrance d'une injonction de payer pour certaines obligations légales telles que les cotisations au fonds de retraite.
[41] Au Luxembourg, une injonction de payer ne peut être délivrée pour une demande qui résulte d'un contrat d'occupation d'un immeuble, d'un contrat de travail ou d'apprentissage. En Allemagne, les limitations sont nettement plus réduites et ne concernent que le crédit à la consommation si le taux d'intérêt dépasse le seuil établi à l'article 688 (II) (I) du ZPO. En Finlande, cette procédure ne peut pas s'appliquer aux affaires pour lesquelles un règlement extrajudiciaire entre les parties est interdit.
Il faut cependant souligner que les différences esquissées ci-dessus ne sont pas aussi manifestes qu'elles peuvent le paraître à première vue. Il est particulièrement intéressant de rappeler dans ce cadre que bon nombre d'États membres subordonnent la délivrance d'une injonction de payer à la production d'un document justificatif à l'appui de la demande. Cette condition ne peut presque jamais être remplie pour une demande fondée sur une responsabilité délictuelle. Dans la pratique, un écart marginal sépare donc l'injonction de payer applicable uniquement aux obligations contractuelles et la procédure applicable à tous les types de demandes, mais uniquement sur présentation d'un document justificatif (comme en Belgique, en Grèce, en Italie et en Espagne).
Il s'impose dès lors d'examiner soigneusement si le champ d'application d'une procédure européenne d'injonction de payer doit se limiter à certains types de demandes, et dans l'affirmative, dans quelle mesure et par quelles méthodes. L'admission de toutes les demandes (pécuniaires) offrirait bien entendu la solution la plus simple, dès lors que toute restriction susciterait inévitablement des difficultés d'interprétation quant à la distinction entre les demandes éligibles et non éligibles [42] et exigerait un examen par la juridiction ou l'autorité compétente avant la délivrance de l'injonction. Une limitation semblerait se justifier seulement en cas de nécessité impérieuse d'exclure certaines affaires du champ d'application de la procédure. Ainsi pourrait-on considérer qu'une faiblesse structurelle typique des défendeurs dans des domaines particuliers compromet la protection appropriée des droits de la défense, en dépit de la possibilité de contester la demande, et interdit par conséquent la délivrance d'une décision exécutoire.
[42] Ainsi, les demandes de dommages et intérêts qui découlent d'une relation précontractuelle (culpa in contrahendo) sont réputées de nature contractuelle dans certains États membres (l'Allemagne, par exemple) et sont assimilées à des affaires délictuelles dans d'autres (la France, par exemple).
Question 5:
Une procédure européenne d'injonction de payer doit-elle être applicable aux demandes portant sur certains domaines du droit civil et commercial uniquement ou doit-elle exclure de son champ d'application certains types de demandes? Dans les deux cas, veuillez préciser les catégories de demandes qui doivent être incluses ou exclues.
3.2.3. Un plafond doit-il être fixé pour le montant faisant l'objet de la demande? (ou, si les demandes non pécuniaires sont admises, pour la valeur de la demande)
L'applicabilité d'une procédure d'injonction de payer peut être limitée non seulement par la définition de la nature des demandes recevables, mais aussi par l'introduction d'un plafond pour le montant pouvant faire l'objet de la demande (ou pour la valeur de la demande si les demandes non pécuniaires doivent être admises). Certains États membres (Autriche, Belgique, Portugal, Espagne) n'autorisent l'injonction de payer qu'à concurrence d'un montant maximal [43], tandis que d'autres (Finlande, France, Allemagne, Grèce, Italie, Luxembourg et Suède) s'abstiennent de limitation en ce sens [44].
[43] Les montants adoptés comme plafonds varient sensiblement entre les États membres. Ils s'élèvent à environ 1 850 EUR en Belgique, 3 750 EUR au Portugal et 30 000 EUR en Espagne. En Autriche, une nouvelle législation a récemment été promulguée selon laquelle le plafond sera relevé de 10 000 à 30 000 EUR à partir du 1er janvier 2003.
[44] Au Luxembourg, deux procédures distinctes (ordonnance constitutionnelle de paiement et provision sur requête) peuvent être mises en oeuvre en fonction du montant de la demande. La provision sur requête, applicable aux demandes supérieures à 10 000 EUR, a été introduite en 1997 seulement et s'inspire largement des règles régissant l'ordonnance conditionnelle de paiement. Elle s'en distingue toutefois en ce qu'elle est principalement une mesure provisoire et ne peut pas acquérir force de chose jugée.
Dès lors que la procédure d'injonction de payer est conçue pour permettre le règlement rapide et économique non des demandes portant sur des montants de faible importance, mais bien des demandes incontestées, et dès lors que le caractère incontesté d'une demande n'est aucunement lié à l'importance du montant impliqué, la justification d'une limitation d'accès de ce type ne saurait se trouver que dans la protection du défendeur contre le risque d'un préjudice irréparable dans le cas de l'exécution d'une décision qui serait annulée ultérieurement [45]. Il semble toutefois que ce raisonnement ne soit valable que si la procédure ordinaire à laquelle doit recourir le plaignant offre réellement au défendeur passif une protection supérieure à celle de la procédure d'injonction de payer. Cette propriété peut être mise en doute dès lors que presque tous les États membres autorisent la délivrance d'une décision par défaut si le défendeur ne comparaît pas à une audition du tribunal, quelle que soit la valeur de la demande en cause, et sans examen approfondi de la justification de la demande par rapport à la procédure d'injonction de payer [46]. Il est intéressant de noter que l'analyse comparative de la législation des États membres en matière d'injonction de payer ne révèle aucune corrélation claire entre un accès illimité à cette procédure et une meilleure protection des droits du défendeur. En réalité, hormis l'Autriche la plupart des États membres qui n'exigent pas de document justificatif ou d'examen du bien-fondé d'une demande et chargent des fonctionnaires autres que des juges de prononcer la décision (Allemagne, Suède et Finlande) n'imposent aucun plafond pour l'accès à l'injonction de payer. Le cas échéant, la limitation du montant de la demande au Portugal et en Espagne peut s'expliquer en partie par l'introduction récente de l'injonction de payer dans les systèmes procéduraux de ces États membres et par la prudence qui en découle [47].
[45] Le plafond autrichien émane de l'intention de prévenir le risque d'anéantissement des moyens de subsistance du défendeur. Dans le débat récent sur l'élévation du plafond, la relation entre la valeur d'une demande et la probabilité de sa contestation a également joué un rôle considérable. Ce critère doit être observé à la lumière de la circonstance que la procédure d'injonction de payer est obligatoire en Autriche (cf. infra au point 3.2.4). Dans tous les autres États membres, il appartient au plaignant d'opter pour cette procédure s'il considère suffisamment probable que le défendeur ne contestera pas la demande.
[46] Il convient toutefois de prendre en considération que d'une manière générale une décision par défaut peut faire l'objet d'un appel par une procédure ordinaire, tandis que ce n'est pas le cas d'une injonction de payer dans plusieurs États membres (cf. infra au point 3.3.11.2).
[47] Il convient également de signaler que, en Autriche et au Portugal, le plafond a récemment été relevé sensiblement et une nouvelle adaptation à la hausse vient d'être décidée (Autriche) ou fait actuellement l'objet de discussions.
Suite aux réflexions qui précèdent, la question se pose de savoir si une limitation du montant qui peut être réclamé dans une procédure d'injonction de payer doit être considérée comme nécessaire, et dans l'affirmative, pour quelles raisons, et quelle doit être la hauteur de cette limitation, ou si la procédure doit être applicable quelle que soit l'importance de la demande.
Question 6:
Une procédure européenne d'injonction de payer doit-elle être applicable uniquement aux créances jusqu'à une certaine valeur? Dans l'affirmative, quelle doit être cette valeur maximale?
3.2.4. L'utilisation de la procédure doit-elle être obligatoire?
À la seule exception de l'Autriche, tous les États membres disposant d'une procédure d'injonction de payer la proposent en tant que méthode facultative de recouvrement des créances, que les créanciers ne choisissent en général que lorsqu'ils ont de bonnes raisons de penser que la justification de leur demande ne sera pas contestée. En Autriche, la Mahnverfahren est obligatoire et ne dépend pas d'une demande du plaignant. L'application de la procédure d'injonction de payer comme première étape obligatoire de toute procédure traitant d'une demande pécuniaire en deçà du plafond établi par le droit autrichien peut s'expliquer par les circonstances spécifiques de cet État membre [48], mais il reste à déterminer si ce raisonnement est approprié à l'échelle européenne. Contrairement à son objectif, une procédure obligatoire d'injonction de payer peut provoquer des retards supplémentaires si les parties doivent effectuer le parcours complet alors que, dès le départ, il n'est pas douteux que le défendeur contestera la demande [49].
[48] Avant la réforme de la Mahnverfahren, en 1983, la contestation du défendeur invalidait purement et simplement l'injonction de payer. Pour continuer de poursuivre sa demande, le créancier était contraint d'engager une nouvelle action judiciaire, selon les règles des procédures ordinaires, qui étaient considérées comme excessivement fastidieuses et réduisaient fortement l'acceptation générale de cette procédure. L'introduction d'une procédure obligatoire d'injonction de payer, qui se poursuit automatiquement par une procédure ordinaire en cas de contestation de la demande, est apparemment perçue comme une solution satisfaisante à ce problème. L'ouverture obligatoire d'une procédure par le biais d'une demande d'injonction de payer ne paraît toutefois pas être une condition indispensable pour un passage sans heurt à une procédure ordinaire si le défendeur fait opposition à la demande.
[49] Les autorités autrichiennes affirment cependant que l'obligation d'engager une procédure d'injonction de payer ne cause aucun retard car le délai de contestation de la demande sert simultanément à la préparation de la défense et contribue ainsi à un règlement accéléré de l'affaire dans la procédure ordinaire.
Question 7:
L'utilisation d'une procédure européenne d'injonction de payer doit-elle être obligatoire ou facultative seulement si le créancier pense que la demande demeurera incontestée?
3.3. Règles régissant la procédure
3.3.1. Juridiction internationale dans les affaires transfrontalières: attribution de la compétence au domicile du défendeur?
Si le plaignant et le défendeur sont domiciliés dans deux États membres différents, la compétence internationale est régie par les dispositions du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, aux termes desquelles les défendeurs doivent en principe être poursuivis devant les juridictions de l'État membre où ils ont leur domicile (article 2, paragraphe 1). Ce règlement énonce toutefois une liste impressionnante d'exceptions, qui donnent la possibilité au plaignant de désigner une juridiction supplémentaire à celle du domicile du défendeur ou autorisent même une juridiction exclusive quel que soit le domicile du défendeur.
Il est manifestement opportun de déterminer si un instrument législatif instituant une procédure européenne d'injonction de payer doit contenir des dispositions spéciales sur la compétence internationale, qui primeraient le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil. On pourrait envisager, dans ce type de procédure, d'attribuer la compétence exclusive aux tribunaux de l'État membre où le défendeur est domicilié. Le plaignant serait ainsi privé de la possibilité de poursuivre le défendeur dans l'État membre où il a lui-même son domicile, ou à tout le moins, dans l'État membre qui détient la compétence (exclusive) pour la procédure ordinaire principale en cas d'opposition. En conséquence, si le défendeur fait opposition à la demande, il est possible que l'action doive être transférée dans un autre État membre aux fins de la procédure contradictoire, dès lors qu'une règle spécifique à l'injonction de payer n'affecterait pas les règles générales de juridiction concernant une procédure ordinaire. Un tel transfert pourrait soulever des difficultés de procédure considérables. Ces inconvénients potentiels dans un petit nombre de cas pourraient toutefois être compensés par la sécurité juridique qui résulterait d'une règle simple et claire sur la compétence internationale. Cette disposition pourrait également contribuer dans une large mesure à garantir les droits de la défense. En particulier, autoriser une procédure d'injonction de payer uniquement dans l'État membre où le défendeur a son domicile ferait qu'aucune frontière ne devrait être franchie pour la signification de l'injonction de payer au défendeur. Compte tenu de l'importance primordiale de la signification de cet acte pour les droits de la défense [50], les obstacles et les retards potentiels d'une signification transfrontalière pourraient être évités. La procédure gagnerait ainsi en rapidité et en efficacité. Quoiqu'il en soit, il faut examiner avec soin si les avantages éventuels d'une règle juridictionnelle à cet effet justifient qu'on s'écarte du système équilibré de la juridiction internationale mis en place par le règlement du Conseil (CE) 44/2001.
[50] Pour plus de précisions à ce sujet, cf. infra au point 3.3.8.
Question 8:
Les juridictions de l'État membre où le défendeur est domicilié doivent-elles avoir la compétence exclusive pour une procédure européenne d'injonction de payer dans les affaires transfrontalières?
3.3.2. Règles régissant la compétence dans l'État membre dont les juridictions sont compétentes
À propos de l'attribution de compétence pour la procédure d'injonction de payer dans un État membre, les législations des États membres possédant une telle procédure présentent de grandes différences. Dans certains États membres (Autriche, Italie et Luxembourg), les règles générales sur la compétence dans les procédures ordinaires sont applicables, tandis que d'autres ont adopté des règles spécifiques. Dans la quasi-totalité des États membres, les juridictions du domicile du défendeur sont compétentes pour les procédures d'injonction de payer. Souvent, le plaignant a également la possibilité de faire appel à la juridiction du lieu où l'obligation en cause (la plupart du temps le paiement) doit être exécutés et/ou du lieu où l'exécution de l'injonction sera sollicitée. L'Allemagne constitue une exception de taille en ce que normalement les juridictions du domicile du plaignant ont toujours la compétence aux fins de la Mahnverfahren [51].
[51] Article 689, paragraphe 2, du ZPO. Cette particularité est sans doute destinée à accroître la commodité du système pour les gros créanciers, qui ont l'avantage de pouvoir s'adresser à une seule juridiction pour l'ensemble de leurs demandes, quels que soient les domiciles des défendeurs. Il faut également remarquer que la procédure d'injonction de payer est purement écrite, et que l'endroit d'où provient l'injonction ou auquel le défendeur doit signaler son opposition ne fait guère de différence pour lui. Il convient toutefois de signaler que l'article 703 d modifie cette règle si le défendeur n'est pas domicilié en Allemagne. Dans ce cas, la compétence est attribuée à la juridiction qui serait compétente pour la procédure principale (si le défendeur contestait la demande) conformément aux règles générales de compétence. Le même principe vaut pour la procédure d'injonction de payer auprès des juridictions du travail. De manière générale, l'existence de règles de compétences distinctes, d'une part, pour la Mahnverfahren, et d'autre part, pour la procédure ordinaire implique la nécessité de transférer l'affaire à une autre juridiction si le défendeur fait opposition et déclenche ainsi l'ouverture d'une procédure ordinaire. De plus, l'article 689, paragraphe 3, du ZPO autorise les Länder à concentrer la compétence en matière d'injonction de payer afin de faciliter un traitement plus rapide et plus efficace de ces dossiers, principalement par le recours intensif au traitement automatique des données, qui permet le déroulement de la procédure et l'obtention d'une décision exécutoire sans qu'une quelconque personne ne doive intervenir (pour plus de détails à ce sujet, cf. infra au point 3.3.4.4). Plusieurs Länder ont fait usage de cette possibilité et créé des tribunaux qui traitent essentiellement de ces affaires. Afin que l'analyse soit complète, il faut mentionner que, en Italie, les titulaires de certaines professions libérales, tels que les avocats, les notaires ou les huissiers de justice, peuvent solliciter la délivrance d'une injonction de payer devant la juridiction auprès de laquelle l'association du barreau ou une autre association professionnelle à laquelle ils appartiennent est enregistrée (article 637 du c.p.c.).
Des règles identiques dans toute l'Union européenne seraient bien entendu d'une utilisation plus aisée pour les plaignants d'autres États membres, qui ne devraient pas faire face aux particularités du système juridique de l'État membre dans lequel a lieu la procédure. Il est toutefois contestable qu'un instrument européen énonce des dispositions sur l'attribution de compétences internes au sein des États membres. Il serait plus conforme au règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil de limiter les règles de compétence à la désignation de l'État membre compétent dans les affaires transfrontalières. Quoi qu'il en soit, des règles de compétences différentes nécessiterait de mettre des informations à ce sujet à la disposition du grand public, par exemple au moyen du Réseau judiciaire européen.
Question 9:
Un instrument européen instituant une procédure d'injonction de payer doit-il contenir des règles désignant les juridictions compétentes dans les États membres? Dans l'affirmative, quelles doivent être ces règles?
3.3.3. Règles déterminant qui exactement est en charge de la procédure
L'un des principaux traits distinctifs entre l'école dite « par preuve » et l'école dite « sans preuve » réside dans le fait que la première (Belgique, France, Grèce, Italie, Luxembourg et Espagne) réserve le droit de délivrer une injonction de payer au juge compétent, tandis que la seconde (Autriche, Finlande, Allemagne, Portugal et Suède [52]) confie ce pouvoir aux greffiers du tribunal (Rechtspfleger) ou, dans le cas de la Suède, aux fonctionnaires des autorités d'exécution.
[52] Cette délégation de pouvoir aux greffiers des juridictions en cas d'absence de contestation de la demande s'observe également dans les États membres qui ne possèdent pas de procédure d'injonction de payer, par exemple au Royaume-Uni dans la procédure par défaut. En Autriche, cette délégation de pouvoir est quelque peu limitée dans la pratique en ce que les juges eux-mêmes traitent habituellement des procédures d'injonction de payer dans les juridictions de grands arrondissements ou dans les juridictions qui ne disposent pas de greffiers pour ce faire. De plus, le juge compétent peut toujours décider d'intervenir et de se prononcer à n'importe quel stade de la procédure.
Ainsi que cela a été évoqué plus haut, cette divergence est imputable, tout au moins en partie, aux différences structurelles entre les décisions qui sont le fruit d'un examen sommaire du fond de l'affaire sur la base de documents justificatifs et celles qui reposent sur le simple fait que le défendeur n'a pas contesté la demande.
En décidant de choisir entre ces modèles, de combiner différents éléments de chacun d'entre eux ou de laisser cette question à l'appréciation des États membres, il ne faut pas oublier que l'instauration d'une procédure d'injonction de payer gérée par les greffiers des juridictions peut contribuer sensiblement à alléger la charge de travail des juges et leur permettre ainsi de se focaliser sur les affaires réellement « épineuses ». Il faut néanmoins être conscient que, même si le défendeur ne conteste pas la demande, la personne chargée de mener à bien concrètement la procédure d'injonction de payer peut être confrontée à des problèmes juridiques complexes. Elle devrait alors se pencher sur plusieurs questions: le document qui a ouvert la procédure a-t-il été dûment signifié au défendeur? Le plaignant a-t-il fourni une justification de la demande qui est contradictoire en soi ou pourrait même cacher un acte frauduleux? Le plaignant a-t-il suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles il a droit à un taux d'intérêt supérieur au taux légal? Le défendeur qui a laissé s'écouler le délai d'opposition et sollicite la suspension des effets de l'expiration du délai n'a-t-il pas été en mesure de faire opposition en temps utile sans qu'une faute puisse lui être reprochée [53]? Il va sans dire que la capacité des greffiers de s'acquitter de cette mission dépend de l'ampleur et de la qualité de leur formation juridique, laquelle semble varier considérablement d'un État membre à l'autre [54].
[53] En Autriche au moins, les décisions sur l'application d'une suspension (Wiedereinsetzung in den vorigen Stand), et le cas échéant, le rejet de l'opposition (en cas de dépassement du délai, par exemple) relèvent des compétences du Rechtspfleger (sous réserve des limitations exposées dans la note en bas de page précédente), tandis que ces questions incombent en Allemagne à un juge.
[54] En Autriche et en Allemagne, les greffiers des juridictions (Rechtspfleger) suivent une formation juridique de plusieurs années.
Si l'option retenue était une délégation de pouvoir, il conviendrait dès lors d'étudier attentivement les limites des compétences des greffiers dans le traitement d'une injonction de payer européenne. Certains États membres ont, semble-t-il, tenté de surmonter ce problème en donnant la possibilité ou en imposant l'obligation aux greffiers de référer les cas « difficiles » au juge compétent [55]. Dans ce dernier cas, les critères entraînant l'intervention d'un juge devront sans doute être clairement définis.
[55] Au Portugal, les dossiers dans lesquels le greffier a un doute doivent être tranchés par un juge. Dans la procédure finlandaise d'injonction de payer, les greffiers, qui ne possèdent pas nécessairement une formation juridique, doivent soumettre les cas « difficiles » à une personne formée juridiquement, c'est-à-dire un notaire ou un juge.
Question 10:
Un instrument instituant une procédure européenne d'injonction de payer doit-il contenir des dispositions désignant la personne précise d'une juridiction (juge ou greffier) qui doit mener à bien la procédure et qui possède le pouvoir de délivrer une injonction de payer? Dans l'affirmative, quelles doivent être ces règles?
3.3.4. Demande de délivrance d'une injonction de payer
3.3.4.1. Contenu de la demande, en particulier description de la créance et de sa base légale
À première vue, les informations élémentaires que doit contenir une demande de délivrance d'une injonction de payer, notamment l'identité et l'adresse des parties, le montant réclamé, y compris, le cas échéant, les intérêts et les coûts, et les circonstances du fondement de la créance, sont relativement évidentes et ne prêtent guère à controverse. Un aspect susceptible d'alimenter le débat a trait à la teneur des exigences concernant une description jugée suffisante de l'origine de la créance. La législation actuelle des États membres sur la procédure d'injonction de payer va de conditions identiques à celles d'un mandat ordinaire (Italie) à une simple référence très brève au fondement de la créance (Suède, Autriche, Allemagne et Finlande) [56]. L'approche à privilégier à cet égard est intimement liée aux décisions relatives à d'autres aspects plus fondamentaux soulevés dans le présent Livre vert. De toute évidence, la qualité et la précision requises pour la justification de la créance dépendent dans une large mesure de l'importance de l'examen de la demande par la juridiction. Si l'injonction de payer résulte d'un examen juridique (rapide) par la juridiction, le compte rendu des faits sous-jacents qui étayent prétendument la demande doit être suffisamment détaillé pour permettre l'examen du tribunal. Si, au contraire, seul le défendeur peut obtenir un examen sur le fond en contestant la demande et si, en l'absence de contestation, l'injonction de payer est délivrée sans même un contrôle superficiel de sa justification, il suffit de communiquer des informations permettant au défendeur d'identifier la demande et de décider ensuite s'il souhaite ou non s'y opposer.
[56] La brochure d'information suédoise jointe au formulaire de demande standard présente les critères d'une déclaration claire sur le motif de la créance en citant l'exemple de l'achat d'une voiture, inscr. n° BMG 689 du 19 janvier 1996. Le système autrichien remanié qui entrera en vigueur le 1er janvier 2003 et prévoit un examen rapide de la justification de la créance en cause débouchera probablement sur la nécessité d'ajouter un peu plus de précisions à la description du fondement de la créance afin de donner les moyens aux juridictions d'accomplir leur mission.
Question 11:
Quelles doivent être les exigences relatives au contenu de la demande de délivrance d'une injonction de payer européenne? En particulier, quelles conditions doivent s'appliquer à la description des circonstances invoquées comme fondement de la créance?
3.3.4.2. Obligation de présenter un document justificatif prouvant la créance
L'obligation de fournir un document justificatif prouvant la créance a été définie plus haut comme la caractéristique essentielle du modèle « par preuve » d'une procédure d'injonction de payer. L'avantage évident pour la protection du défendeur contre une demande non fondée dépend d'un examen juridique du fond de l'affaire par la juridiction sur la base de l'exposé des faits et des documents justificatifs produits par le plaignant. Cet effet doit être mis en parallèle avec les pertes d'efficacité qui résultent de la nécessité de cet examen et des difficultés de concilier la production indispensable de documents justificatifs avec le traitement électronique des données. En termes simples, la question se résume à déterminer si un contrôle du bien-fondé apparent de la demande par le tribunal est considéré comme indispensable ou, à l'inverse, si la responsabilité de contester la demande peut être entièrement laissée au défendeur et si l'absence d'opposition en soi suffit alors à justifier une décision en faveur du plaignant.
Afin d'évaluer de manière approfondie le sens et l'incidence d'une obligation de présentation d'un document justificatif, il est de la plus haute importance de déterminer le degré de générosité ou de rigueur avec lequel elle doit être interprétée, autrement dit, les types de documents qui peuvent être admis comme preuve suffisante du bien-fondé d'une demande. Des conditions très strictes, exigeant la reconnaissance explicite de la demande par le défendeur, ôteraient à la procédure d'injonction de payer une grande partie de son intérêt pratique. À l'opposé, des règles trop laxistes pourraient affaiblir le contrôle que le tribunal peut exercer au point de remettre en question l'utilité de l'obligation de présentation d'un document justificatif. Les États membres appartenant à l'école « par preuve » (Belgique, France, Grèce, Luxembourg, Italie et Espagne) n'appliquent pas les mêmes critères à cet égard, loin s'en faut. Le degré de précision et de détail des dispositions relatives à cet aspect fluctue largement. En France, l'article 1407 du NCPC se borne à affirmer que la requête doit être accompagnée de documents justificatifs [57], sans autre indication quant aux éléments qui pourraient être jugés nécessaires pour satisfaire à cette condition, laissant donc aux tribunaux le soin d'élaborer dans leur jurisprudence des lignes directrices plus concrètes. La législation belge, franchissant un pas supplémentaire, exige un document émanant du défendeur, tout en précisant qu'il ne doit pas s'agir d'une reconnaissance de dette [58]. Le droit espagnol et plus encore le droit italien contiennent des listes et des définitions longues et précises sur les éléments qui constituent un document justificatif au sens de la procédure d'injonction de payer [59]. L'analyse approfondie de tous les documents couverts par ces dispositions sort des limites du présent Livre vert. Il suffira d'indiquer que, dans ces deux États membres, la requête peut être accompagnée de documents qui ne sont pas signés de la main du défendeur, mais qui ont été obtenus unilatéralement par le plaignant [60].
[57] Article 1047, alinéa 3: « La requête doit être accompagnée des documents justificatifs. » L'article 11, paragraphe 2, point 4, de la « proposition Storme », qui stipule « La requête (...) doit être accompagnée de tous les documents justificatifs à l'appui de la créance » semble tout aussi imprécis en termes qualitatifs, mais plus exigeant sur le plan quantitatif.
[58] Article 1338 du Code judiciaire belge: « (...) un écrit émanant du débiteur ». Les travaux préparatoires relatifs à cette disposition mentionnent un bon de commande, une confirmation de livraison signée par le défendeur et une facture acceptée comme exemples de pièces valables.
[59] En Espagne, article 812 du NLEC; en Italie, articles 633 à 636 du c.p.c. Dans les deux cas, les listes ne sont pas exhaustives.
[60] La loi espagnole accepte les documents obtenus unilatéralement par le plaignant qui font foi, soit des circonstances de la créance concrète en cause, soit, en tant que document complémentaire d'un autre mentionnant le montant réclamé, d'une relation de longue durée entre les parties. La loi italienne privilégie certaines catégories de créanciers en les autorisant à produire eux-mêmes les documents recevables en tant que preuves dans une procédure d'injonction de payer. Sous réserve de certaines conditions, les avocats et notaires peuvent ainsi soumettre leurs propres factures, les banques peuvent présenter un relevé du solde d'un compte, et l'État ou des autorités d'État peuvent s'appuyer sur leurs livres et registres.
Compte tenu de ces disparités, il semble que l'on doive se garder de sous-estimer la complexité d'une définition des documents recevables comme justification dans une procédure d'injonction de payer. Cet aspect doit également être pris en considération, le cas échéant, dans l'examen de la question générale visant à déterminer si la délivrance d'une injonction de payer européenne doit être subordonnée à la production d'un document justificatif à l'appui de la créance.
Question 12:
La production d'un document justificatif à l'appui de la créance en cause doit-elle être obligatoire dans la demande de délivrance d'une injonction de payer européenne? Dans l'affirmative, quels types de documents doivent être considérés comme suffisants en tant que justification de la créance?
3.3.4.3. Exigences formelles - Utilisation de formulaires uniformes
Plusieurs États membres ayant une procédure d'injonction de payer fournissent des formulaires uniformes officiels (Autriche, Allemagne, Luxembourg, Portugal et Suède) [61], mais leur utilisation n'est obligatoire que dans certains d'entre eux [62] et constitue une formule facultative remplaçant le mandat dans d'autres [63]. Dans les États membres où un mandat peut ou doit être soumis, les exigences varient de celles correspondant à un mandat dans une procédure civile ordinaire [64] à une version simplifiée indiquant uniquement les parties et leur domicile, le montant de la créance et son origine [65].
[61] En France, des formulaires uniformes non officiels sont distribués par des maisons d'édition privées.
[62] En Autriche, en Allemagne (sauf lorsque le document doit être signifié à l'étranger) et au Portugal (sauf si le formulaire ne convient pas à l'affaire en cause).
[63] C'est le cas au Luxembourg, où une introduction simplifiée de la procédure est également possible au moyen d'une déclaration orale ou écrite au greffe (requête présentée au greffe du tribunal).
[64] Italie.
[65] Espagne (article 814 du NLEC).
L'utilisation de formulaires uniformes est une façon particulière de structurer les informations indispensables à l'ouverture de la procédure d'injonction de payer. Elle peut avoir plusieurs objectifs distincts. Premièrement, elle aide le plaignant, surtout s'il n'est pas représenté par un avocat, en lui fournissant la liste complète des thèmes qui doivent être abordés pour soumettre une requête éventuelle, accompagnée de préférence de quelques remarques explicatives pour chaque rubrique. Deuxièmement, un tel formulaire est un outil précieux pour faciliter le traitement électronique des données, en particulier s'il est possible aussi de transmettre électroniquement la requête au tribunal. Dans les affaires transfrontalières, l'existence d'un formulaire uniforme multilingue peut en outre contribuer beaucoup à simplifier et à accélérer la procédure en réduisant au strict minimum les besoins de traduction et les coûts et délais connexes. Enfin, une requête uniforme semble être la condition requise pour une décision uniforme qui pourrait ensuite circuler librement dans toute la Communauté aux fins de son exécution.
L'élaboration d'un formulaire européen uniforme, s'il est estimé nécessaire vu les considérations qui précèdent, soulèverait toutefois de multiples problèmes techniques. Dans toute une série de questions, telles par exemple que les catégories de coûts dont le remboursement peut être exigé les règles nationales divergent largement et ce facteur doit probablement se refléter à la fois dans le formulaire et dans les remarques explicatives. Peut-être une limitation de l'uniformité aux questions centrales, laissant aux États membres la latitude d'adapter certaines questions à leurs besoins spécifiques ou d'insérer des rubriques supplémentaires, offrirait-elle une stratégie acceptable pour faire face à ces complexités.
Question 13:
Doit-il être obligatoire d'utiliser un formulaire uniforme pour soumettre une requête d'injonction de payer européenne? Dans l'affirmative, quel doit être le contenu de ce formulaire uniforme?
3.3.4.4. Soumission de la requête au tribunal par voie électronique et utilisation du traitement électronique des données en général
La communication entre la juridiction et les parties
La communication entre la juridiction et les parties par voie électronique, en particulier par courrier électronique, pourrait rationaliser davantage encore la procédure et permettre des économies substantielles aussi bien en termes d'argent que de temps. Cet argument acquiert une pertinence particulière dans les affaires transfrontalières compte tenu des délais considérables qui s'écoulent fréquemment lors d'un envoi postal ordinaire ou lors de la signification officielle d'un document d'un État membre à un autre. De surcroît, l'utilisation croissante du traitement électronique des données dans les juridictions des États membres pour la gestion des procédures d'injonction de payer pourrait être facilitée par la soumission électronique des requêtes (uniformes), puisqu'ainsi les juridictions éviteraient de devoir répéter les opérations déjà accomplies par le plaignant dans la rédaction de la requête sur son ordinateur. La communication électronique d'un document à la juridiction par le plaignant semble être moins un enjeu juridique que technique, dès lors qu'elle n'implique pas les mêmes complications que la signification officielle de documents judiciaires à l'aide des moyens de communication électroniques.
En conséquence, plusieurs États membres autorisent la soumission d'une requête par voie électronique ou mènent en tout cas des expériences en ce sens [66]. Sans surprise, les États membres les plus avancés à cet égard sont aussi ceux qui font l'usage le plus intensif du traitement électronique des données dans la gestion des procédures d'injonction de payer de manière générale.
[66] En Allemagne, une requête peut uniquement être soumise en ligne dans certains arrondissements judiciaires où les compétences en matière d'injonction de payer ont été centralisées (cf. supra au point 3.2.2, note en bas de page n° 50) et où la gestion de ces procédures est entièrement informatisée. En France, les requêtes peuvent être soumises par Minitel, une méthode française particulière de communication électronique. En Suède, une autorisation spéciale est requise pour garantir que le demandeur est en mesure d'utiliser le support électronique de façon sûre et appropriée sur le plan technique. Bien qu'un millier de requêtes soient nécessaires chaque année pour assurer la rentabilité de cette procédure, plus de la moitié des requêtes sont communiquées par voie électronique aux autorités d'exécution. Ces chiffres mettent en exergue l'importance toute particulière d'une procédure d'injonction de payer pour les gros créanciers, qui retireraient également les plus grands avantages de l'utilisation des moyens de communication électroniques. En Finlande, en règle générale, les parties peuvent adresser divers types de documents aux juridictions par télécopie, courrier électronique ou traitement de données, et les mêmes modes de transmission sont acceptés pour les communications aux parties, à l'exception de la signification d'une citation à comparaître. Les gros créanciers peuvent solliciter l'autorisation d'entretenir avec les juridictions une communication plus étendue que les formes précitées. En vertu d'un accord entre le ministère de la Justice et la poste finlandaise, les documents judiciaires peuvent en outre être transmis par voie électronique à un bureau de poste à proximité du domicile du défendeur, où ils sont imprimés puis signifiés au défendeur.
Un instrument législatif instituant une procédure européenne d'injonction de payer doit encourager, et non entraver, une plus grande ouverture aux progrès technologiques, afin de favoriser un traitement plus efficace des affaires lorsque ce procédé ne fait peser aucune menace sur le droit des parties à un procès équitable. On peut néanmoins douter qu'une proposition doive imposer des modes de communication spécifiques avec les juridictions, car cela pourrait trop solliciter les ressources des États membres qui n'ont pas encore développé les infrastructures informatiques de leurs systèmes judiciaires. L'opportunité d'utiliser ces outils pour la signification des documents aux parties, et le degré de cette utilisation, dépendent des futurs développements techniques, notamment en ce qui concerne la sécurité et la fiabilité des communications électroniques [67].
[67] En ce qui concerne la signification des documents, pour plus de détails voir 3.3.8.
Gestion de l'affaire par la juridiction
L'utilisation potentielle des technologies de l'information ne s'arrête pas à la communication entre les juridictions et les parties. Elles peuvent également être un instrument puissant dans la gestion des affaires par les juridictions. L'élimination de toutes les tâches qui peuvent être informatisées permet aux juridictions de consacrer plus de temps aux affaires réellement complexes. Dès lors que les affaires faisant l'objet de procédures d'injonction de payer sont « faciles », pour autant qu'elles restent incontestées, et dès lors qu'elles doivent être soumises aux juridictions sous forme uniformisée, elles semblent très bien se prêter à l'intensification du traitement électronique des données.
À l'heure actuelle, plusieurs États membres (Autriche, Finlande, France et Suède) appliquent le traitement des données à titre purement accessoire dans leurs procédures respectives d'injonction de payer, pour l'inscription des affaires au registre, le suivi des délais, le calcul des coûts, etc. La décision de son application à l'injonction de payer à proprement parler incombe à la personne en charge de la procédure, qu'il s'agisse d'un juge ou d'un greffier de la juridiction. L'Allemagne, quant à elle, a notablement élargi le traitement électronique des données en informatisant entièrement la procédure dans plusieurs arrondissements judiciaires. Le logiciel employé en conjonction avec des formulaires uniformes spécifiques permet un contrôle automatique des informations manquantes, de la recevabilité ou de toute autre circonstance exceptionnelle (défendeur domicilié à l'étranger, taux d'intérêt anormalement élevé, etc.) [68]. Si des problèmes sont repérés au cours de ce contrôle, et seulement dans ce cas, l'affaire est portée à l'attention du greffier de la juridiction. Sinon, le système envoie lui-même l'injonction de payer et, en l'absence de contestation du défendeur, il envoie ensuite la deuxième décision, l'ordre d'exécution et une facture sans la moindre intervention humaine. Si le défendeur fait opposition dans le délai imparti, le dossier est automatiquement transféré à la juridiction pour ouverture d'une procédure ordinaire.
[68] Un contrôle similaire est également opéré automatiquement en Autriche.
Les paragraphes ci-dessus se sont attachés à illustrer l'importance et la multiplicité des possibilités d'application des technologies informatiques et des communications électroniques. Étant donné que ces aspects sont intimement liés à d'autres décisions stratégiques sur les principes fondamentaux d'une procédure européenne d'injonction de payer [69], le présent Livre vert devrait servir de base à une large discussion sur le rôle des communications électroniques et du traitement des données dans un instrument européen.
[69] Il va de soi qu'une procédure informatisée calquée sur le modèle allemand, tel que décrit dans le corps du texte, n'est envisageable que dans l'hypothèse où la juridiction ne se livre pas à un examen du fond de l'affaire, qui ne peut être effectué que par un être humain.
Question 14:
Quel doit être le rôle des technologies informatiques et du traitement électronique des données
a) dans la communication entre les juridictions et les parties et
b) dans la gestion par les juridictions de la procédure européenne d'injonction de payer?
3.3.5. Champ d'examen de la demande par la juridiction
De toute évidence, une juridiction qui reçoit une requête de délivrance d'injonction de payer doit contrôler d'office la recevabilité de la requête (la demande en cause tombe-t-elle dans le champ d'application de la procédure d'injonction de payer? Entre autres, est-ce une demande de droit civil, est-ce une demande pécuniaire, un formulaire uniforme obligatoire a-t-il été dûment complété, la requête est-elle signée?) et sa propre compétence [70].
[70] En vertu de l'article 26, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, "lorsque le défendeur domicilié sur le territoire d'un État membre est attrait devant une juridiction d'un autre État membre et ne comparaît pas, le juge se déclare d'office incompétent si la compétence n'est pas fondée aux termes du présent règlement".
Pour ce qui est du fond de l'affaire, le clivage entre les types « par preuve » et « sans preuve » des procédures d'injonction de payer apparaît à nouveau au grand jour. En règle générale, dans les États membres ayant adopté le modèle « par preuve », une injonction de payer peut uniquement être délivrée si l'évaluation des informations fournies et des documents justificatifs produits par le demandeur aboutit à la conclusion que la demande est fondée. À l'inverse, dans l'école « sans preuve », une décision en faveur du plaignant ne dépend d'aucun examen préalable de la justification de la demande en cause [71]. Le choix de l'une de ces solutions ne peut être dissocié de l'adoption de l'un des deux systèmes et de ses caractéristiques distinctives générales. Ainsi que cela a été rappelé à propos de l'obligation de justification de la demande ou de la nécessité de l'implication d'un juge, la philosophie selon laquelle le défendeur assume l'entière responsabilité d'éviter une décision à son détriment et d'engager une procédure contradictoire est contraire au principe d'une protection minimale du défendeur.
[71] En Autriche, conformément à l'article 448, paragraphe 2, du ZPO, une injonction de payer ne peut être délivrée si la créance ne peut manifestement pas donner lieu à des poursuites (dettes de jeu, par exemple) ou n'est pas encore échue. Outre ces critères, en l'absence de dispositions explicites à ce sujet, des débats se sont tenus dans la littérature juridique pour déterminer si le bien-fondé de la demande en cause devait être examiné, et dans quelle mesure. La pratique des juridictions était extrêmement généreuse à cet égard. Dans la nouvelle législation qui prendra effet le 1er janvier 2003, il a toutefois été précisé expressément que la juridiction doit mener un examen rapide de la justification de la demande, selon les mêmes lignes directrices qu'auparavant, avant de prononcer une décision par défaut, c'est-à-dire fondée sur les informations factuelles du plaignant qui n'ont pas été contestées.
En vue de faire un choix définitif, il peut être instructif de prendre en considération les aspects suivants de la mise en oeuvre concrète de ces deux principes.
Il importe de garder à l'esprit que même les États membres qui refusent un examen institutionnalisé du fond de l'affaire disposent d'un « garde-fou » en ce sens que, sur la base de dispositions explicites à cette fin ou d'une pratique établie, les requêtes qui ne sont manifestement pas fondées sont rejetées [72]. En d'autres termes, la nécessité d'une certaine protection des défendeurs qui restent passifs face à des demandes fantaisistes est reconnue même dans le modèle « sans preuve ». Un instrument européen inspiré de ce modèle devrait éventuellement contenir une prescription explicite définissant les obligations des juridictions à cet égard en termes aussi clairs que possible.
[72] Selon la section 23 de la loi suédoise sur les procédures en référé, « s'il peut être supposé que la requête du demandeur (...) est infondée ou injustifiée, la requête doit être traitée comme si elle avait été contestée par le défendeur ». Les exemples suivants sont cités dans la littérature juridique: - une demande de dommages et intérêts pour des pertes non pécuniaires qui ne sont manifestement pas reconnues dans le droit suédois; - une demande reposant sur une dette de jeu illégale non protégée par le système juridique suédois; - une demande de dommages et intérêts qui est raisonnable en soi, mais absurde au niveau du montant réclamé. En Allemagne, des exemples presque identiques sont évoqués pour illustrer des demandes manifestement non fondées, qui sont sanctionnées par le refus de la délivrance d'une injonction de payer. Conformément à l'article 691, paragraphe 1, du ZPO, le plaignant doit avoir la possibilité de corriger les défauts (tant formels que substantiels) avant le rejet de la requête. En Finlande, une requête est réputée infondée si elle est illicite ou s'il est connu de manière générale qu'elle n'est pas justifiée. En Autriche, lorsque la juridiction soupçonne un acte frauduleux, elle peut demander au plaignant de fournir des informations ou des preuves complémentaires et rejeter la requête à défaut d'une réponse suffisante de sa part. Dans la pratique, cette possibilité est mise à profit principalement pour lutter contre les demandes excessives sur le plan du taux d'intérêt ou du remboursement des coûts.
En réalité, les différences pratiques entre, d'un côté, la protection minimale assurée par l'élimination des demandes manifestement non fondées et, de l'autre, le nécessaire examen de la demande dans la procédure d'injonction de payer « par preuve » ne peuvent faire l'objet d'une analyse correcte que si des informations suffisantes sont disponibles sur la portée de l'examen. Eu égard à la nature unilatérale de la procédure préalable à la décision, il semble inévitable que le contrôle pratiqué par les juridictions s'assimile plutôt à un contrôle de plausibilité ou de crédibilité qu'à une étude approfondie de la justification de la demande. La possibilité pour la juridiction de mener un examen plus que superficiel sur le fond de l'affaire dépend dans une large mesure des exigences imposées pour les documents justificatifs et l'exposé du plaignant [73]. Le simple fait que, dans tous les États membres qui ont opté pour le modèle « par preuve », le juge délivre une injonction de payer uniquement s'il considère la demande fondée n'exclut pas des différences sensibles dans l'application pratique de ce principe et ne garantit pas en soi un niveau élevé de protection du défendeur. Afin de garantir le respect de règles égales partout en Europe, il pourrait s'avérer nécessaire d'élaborer des lignes directrices générales sur la portée de l'examen du fond de l'affaire.
[73] Le fait que, en Italie et en Grèce, la juridiction puisse inviter le demandeur à fournir des documents complémentaires ou à expliquer plus avant certains aspects ou détails si elle considère que la requête initiale est insuffisante, peut être interprété comme une indication d'un examen quelque peu plus rigoureux de la justification de la demande. En définitive, des informations supplémentaires sur l'application habituelle de ces règles dans tous les États membres adhérant à la tendance « par preuve » seraient nécessaires pour décortiquer entièrement ces questions.
Question 15:
Un examen de la justification de la demande doit-il être réalisé avant la délivrance d'une injonction de payer européenne? Dans l'affirmative, quels doivent être les critères de cet examen?
3.3.6. Décision de la juridiction sur l'injonction de payer
3.3.6.1. Une injonction de payer partielle doit-elle être possible?
Si la requête ne satisfait aux conditions de forme ou de fond qu'à concurrence d'une partie de la créance en cause, mais pas de la totalité, on peut se demander si une injonction de payer doit être délivrée pour la fraction conforme aux exigences [74]. Plusieurs États membres (Allemagne, Luxembourg) répondent à cette question par la négative dans leurs systèmes nationaux et ont une attitude rigide du « tout ou rien ». Si l'injonction de payer ne peut être délivrée dans son intégralité, y compris le taux d'intérêt et les coûts réclamés, elle doit être entièrement refusée [75].
[74] Cette situation doit être distinguée de l'hypothèse d'une injonction de payer délivrée pour une créance que le défendeur conteste ensuite partiellement.
[75] Article 691, paragraphe 1, du ZPO allemand. En Autriche, la même règle s'applique seulement si la requête est partiellement infondée. Si toutefois la requête est partiellement irrecevable, une injonction de payer peut être délivrée pour le solde de la créance.
Les systèmes français et belge adoptent une approche différente. Si le juge compétent considère que la créance en cause n'est que partiellement justifiée, il délivre une injonction de payer pour la fraction valable de la demande. Aucun appel ne peut être opposé à cette décision, mais le plaignant a deux possibilités pour réagir au refus partiel. S'il est résolu à exiger la totalité de la créance, y compris la fraction rejetée par la juridiction, il ne doit pas signifier l'injonction de payer au défendeur et il doit engager une procédure ordinaire. S'il procède à la signification et à l'exécution de l'injonction de payer, il perd le droit d'introduire une nouvelle procédure judiciaire pour le solde de la créance [76].
[76] Article 1409 du NCPC: « Si, au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le juge rend une ordonnance portant injonction de payer pour la somme qu'il retient. (...) Si le juge ne retient la requête que pour partie, sa décision est également sans recours pour le créancier, sauf à celui-ci à ne pas signifier l'ordonnance et à procéder selon les voies de droit commun. » En Belgique, l'article 1343, paragraphe 4, section 2, énonce une disposition comparable. Il convient toutefois de remarquer que l'applicabilité de ce système dépend de la capacité du plaignant à décider lui-même en définitive si l'injonction doit être signifiée ou non au défendeur. En d'autres termes, ce système n'est opérationnel que dans les États membres où le plaignant est chargé de la signification (comme en France et en Belgique, où le plaignant doit confier la signification à un huissier de justice mandaté et payé par ses soins). Il semble quelque peu difficile d'extrapoler ce système aux États membres où la signification incombe aux juridictions elles-mêmes.
Toutefois il ne faut pas perdre de vue que les différences entre ces deux systèmes peuvent s'amenuiser dans une large mesure dans leur mise en oeuvre quotidienne. Si, par exemple, une juridiction, obéissant à une pratique établie ou même à une obligation à cet effet, donne la possibilité au plaignant, avant de rejeter la requête, de rectifier les défauts de la requête ou de la ramener à un montant ou à un taux d'intérêt permettant la délivrance d'une injonction de payer [77], cela revient pratiquement à lui laisser la décision soit de se contenter du montant considéré comme justifié par la juridiction, soit de recourir à une procédure ordinaire pour le recouvrement de la créance dans son intégralité.
[77] Une telle obligation existe en Allemagne en vertu de l'article 691, paragraphe 1, du ZPO.
Quoi qu'il en soit, les deux méthodes décrites ont en commun d'éviter l'éclatement d'une affaire unique en deux procédures distinctes, à savoir une procédure d'injonction de payer partielle et une procédure civile ordinaire partielle, et la complexité qui en résulterait et qui irait à l'encontre de l'objectif principal d'une procédure d'injonction de payer: simplifier le recouvrement des créances dont on suppose qu'elles demeureront incontestées.
Question 16:
Doit-il être possible de délivrer une injonction de payer européenne uniquement pour une partie de la créance en cause?
3.3.6.2. Uniformisation du format de la décision
Ainsi que cela a été évoqué, l'utilisation de formulaires uniformes tant pour la requête que pour la décision procure les avantages similaires, quoique, naturellement, à des stades différents de la procédure. Alors qu'un formulaire de requête uniforme faciliterait l'accès à la justice, une décision uniforme allégerait le fardeau inhérent à son exécution dans un État membre autre que celui dans lequel l'injonction de payer a été délivrée.
Si l'injonction de payer européenne doit être directement exécutoire dans tous les États membres, l'ensemble des informations nécessaires à l'exécution doivent y figurer clairement et sans ambiguïté. Pour ne citer qu'un exemple des difficultés concrètes, dans certains États membres un taux d'intérêt déterminé est ajouté automatiquement à la demande et l'ordonnance ne le mentionne pas ou y fait simplement allusion en tant que taux d'intérêt légal. Cela peut paraître évident aux yeux des autorités d'exécution dans l'État membre où la décision a été rendue, mais cette pratique est incompréhensible et ne peut donc pas être suivie à l'étranger. Le format uniforme éventuel d'une injonction de payer européenne devrait donc indiquer expressément en chiffres le taux d'intérêt applicable, même si généralement cette précision n'est pas nécessaire selon le droit de l'État membre où l'injonction est délivrée. Pour élaborer un formulaire qui réponde à ces exigences aussi complètement que possible, la Commission apprécierait que les États membres et les acteurs expérimentés en la matière l'informent des problèmes typiques, semblables à ceux décrits, rencontrés régulièrement lors de l'exécution d'une décision rendue dans un autre État membre.
Question 17:
L'injonction de payer européenne doit-elle être délivrée dans un format uniformisé? Dans l'affirmative, quel doit être le contenu d'une décision uniformisée?
3.3.6.3. Possibilité pour le plaignant de former un appel contre un refus (partiel) de délivrer une injonction? Possibilité pour le plaignant de déposer des requêtes successives de délivrance d'une injonction de payer?
Parmi les États membres qui connaissent une procédure d'injonction de payer, il est apparemment courant d'exclure une possibilité d'appel contre une décision rejetant la demande de délivrance d'une injonction de payer. L'explication à cette absence de recours juridique, simple et convaincante, tient à ce que rien n'interdit au plaignant d'engager une procédure civile ordinaire pour la même créance. Plusieurs États membres autorisent même la présentation d'une nouvelle demande d'injonction de payer après la correction des défauts de forme ou de fond qui ont motivé le refus d'une décision favorable à la première présentation [78]. Il serait judicieux d'étudier la possibilité de formuler une disposition explicite à ce sujet dans un instrument européen [79].
[78] Cela semble être le cas au moins en Italie, au Luxembourg et en Allemagne. Dans les autres États membres, le libellé des dispositions pertinentes ne prévoit pas expressément cette possibilité.
[79] La proposition Storme précise, dans son article 11, paragraphe 4, que « si la juridiction refuse la demande en tout ou en partie, son refus n'a pas force de chose jugée. Aucun appel ne peut être interjeté contre ce refus. »
Question 18:
Un appel contre le refus (partiel) de délivrance d'une injonction de payer doit-il être recevable? Doit-il être possible d'introduire une nouvelle demande de délivrance d'une injonction de payer européenne pour la même créance après un tel refus?
3.3.7. Information du défendeur sur ses droits et ses obligations procéduraux dans le cadre de la décision
Afin d'assurer un procès équitable, le défendeur doit être mis parfaitement au courant de ses droits et obligations procéduraux dans le cadre de l'injonction de payer. On ne peut en aucun cas supposer que le défendeur maîtrise les particularités d'une procédure d'injonction de payer. Une information concise, quoique complète, constitue dès lors une condition indispensable pour assurer que les délais restent brefs et que le défendeur puisse décider, à l'intérieur de ce laps de temps, s'il souhaite ou non contester la créance en pleine connaissance de cause des conséquences sans devoir recourir à des conseils juridiques. Bien que le contenu précis de cette notification varie quelque peu d'un État membre à l'autre, les éléments essentiels suivants semblent communément admis:
* la possibilité d'opposition et le délai, ainsi que les exigences de forme pour l'introduction de l'opposition, y compris l'adresse de la juridiction ou de l'autorité où la déclaration d'opposition doit être envoyée;
* la force exécutoire de l'injonction de payer si la créance n'est pas contestée dans le délai fixé.
Si la juridiction n'a pas examiné la demande sur le fond avant de délivrer une injonction de payer européenne, il pourrait être utile de porter cette circonstance à l'attention du défendeur afin qu'il ne croit pas pouvoir compter sur une évaluation de la demande aboutissant au constat qu'elle n'est pas fondée sans intervention active de sa part [80]. De plus, dans le cas d'une procédure en une seule étape, sans autre possibilité de recours ordinaire contre la décision en l'absence d'opposition, il pourrait être opportun d'adresser une mise en garde au défendeur [81].
[80] L'article 692, paragraphe 1, point 2, du ZPO allemand impose cette mention. De même, en Autriche, il est notifié au défendeur que l'injonction de payer repose sur les informations fournies par le plaignant, sans contrôle quant à leur exactitude.
[81] L'article 1413 du NCPC français contient une obligation à cet effet.
L'obligation d'informer correctement le défendeur soulève bien entendu le problème des conséquences juridiques de son non-respect. À ce propos, il convient de noter que dans certains États membres, mais pas la totalité, le non-respect des règles applicables entraîne la nullité de l'injonction de payer [82]. En Autriche et en Italie, par exemple, le fait de ne pas attirer suffisamment l'attention du défendeur sur le délai de contestation de la demande n'a aucune incidence dès lors que c'est le défendeur qui est censé recueillir les informations nécessaires à la préparation d'une défense et que le délai légal s'applique, qu'il ait été notifié ou non en même temps que l'injonction de payer. Vu cette différence substantielle, il faudra inévitablement définir une norme uniforme dans le cadre d'un instrument européen afin de garantir une protection égale des droits de la défense dans toute la Communauté.
[82] En France, l'article 1413 du NCPC, et au Luxembourg, l'article 134 du NCPC sont extrêmement clairs à cet égard (« à peine de nullité »).
Question 19:
Quels éléments l'information du défendeur sur ses droits et obligations procéduraux accompagnant l'injonction de payer européenne doit-elle inclure? Quelles doivent être les conséquences du non-respect de cette obligation?
3.3.8. Signification de l'injonction de payer au défendeur
S'il fallait identifier le composant potentiellement le plus important et le plus complexe d'une Mahnverfahren européenne, les règles régissant la signification de l'injonction de payer au défendeur seraient en bonne place.
L'importance particulière des règles de signification dans une procédure d'injonction de payer se comprend aisément. La signification n'amorce pas seulement le compte à rebours du délai, comme dans de nombreux autres domaines du droit procédural, servant ainsi de référence pour déterminer si le défendeur a respecté l'échéance de contestation de la demande. Un trait distinctif de l'injonction de payer réside dans le fait qu'elle est délivrée et devient exécutoire uniquement si le défendeur s'abstient de participer à la procédure judiciaire. L'idée de base est que cette passivité résulte d'une décision réfléchie, prise après avoir évalué la justification de la créance en cause, ou d'un mépris délibéré de l'action en justice. L'absence de réaction explicite du défendeur fait de la signification en bonne et due forme et en temps utile des documents l'informant de la créance en cause, de ses droits et obligations dans la procédure et de la conséquence de sa non-participation, la seule preuve que le défendeur a été mis en mesure de choisir délibérément de ne pas faire opposition.
Les États membres ont élaboré des règles sur la signification des documents qui reposent sur des philosophies manifestement divergentes. À la base, on peut supposer sans risque qu'il est évidemment souhaitable de signifier un document personnellement au destinataire lui-même, mais que, dans la pratique, des difficultés surviennent fréquemment et d'autres méthodes de signification doivent être autorisées pour rendre le système opérationnel. Toutefois les États membres ont mis au point des solutions qui pourrait difficilement être plus hétéroclites. Il suffira, pour témoigner de cette diversité, de citer brièvement les règles de procédure britanniques et françaises. Au Royaume-Uni, le courrier normal de première catégorie, sans un accusé de réception, constitue la principale méthode de signification. Le système s'appuie sur la présomption que le document est effectivement parvenu au défendeur, en l'absence de toute preuve à cet effet, et suppose une grande confiance dans la fiabilité du service postal. Dans les cas exceptionnels où la signification ne s'est pas déroulée correctement, la victime de ce dysfonctionnement dispose du recours procédural consistant à demander qu'une décision judiciaire prise par suite d'une signification défaillante soit suspendue. Dans un contraste tranché par rapport à cette approche pragmatique et économique, la législation française réserve la signification d'une injonction de payer aux titulaires de professions libérales spécialisées (huissiers de justice) ayant une formation juridique poussée, qui non seulement doivent remettre le document au défendeur, mais sont également tenus d'expliquer au destinataire le sens juridique de ce document, outre les instructions écrites contenues dans la décision judiciaire elle-même. Si le destinataire ne peut pas être trouvé et qu'un autre mode de signification doit être employé, le droit procédural français témoigne de son manque de confiance dans ces méthodes en ôtant à la signification la plupart de ses conséquences juridiques. Même la signification en main propre d'une injonction de payer, par exemple au conjoint du défendeur, ne provoque pas l'ouverture du délai de contestation de la demande, qui commence seulement à courir à partir du premier acte d'exécution contre ses biens, dernier moment imaginable auquel il peut prendre connaissance de la procédure. Il ne fait aucun doute que le système français assure une protection solide des droits de la défense, mais on aura compris aussi que le recours à des juristes ayant reçu une longue formation pour signifier des documents doit se payer.
Il serait possible, en théorie, d'élaborer un instrument législatif instituant une procédure européenne d'injonction de payer sans règles sur la signification des documents en laissant ces questions au droit national, ou dans les affaires transnationales, au droit national en conjonction avec le règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale [83].
[83] JO L 160 du 30.06.2000, p. 37.
Il serait néanmoins quelque peu difficile d'imaginer une procédure réellement européenne d'injonction de payer sans un certain rapprochement des règles de signification et de notification. L'attribution automatique d'une force exécutoire aux décisions dans tous les États membres, qui doit faire partie intégrante d'une procédure européenne d'injonction de payer, ne serait guère concevable en l'absence de règles communes sur la signification et la notification. C'est l'enseignement sans équivoque tiré des travaux préparatoires de la proposition de règlement adoptée récemment et portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, durant lesquels, vu l'importance pratique de l'article 27, paragraphe 2, de la Convention de Bruxelles de 1968 [84] en tant qu'obstacle substantiel à la reconnaissance et à l'exécution, les intervenants ont estimé à l'unanimité que certaines règles minimales de signification et de notification devaient impérativement être garanties afin de pouvoir supprimer l'exequatur. Cette proposition comporte des prescriptions minimales relativement détaillées à cet égard, sans obligation légale toutefois pour les États membres d'adapter leur législation à ces exigences. Le respect de ces règles constitue plutôt une condition pour la certification d'une décision judiciaire en tant que titre exécutoire européen, ce qui permet la libre circulation du jugement aux fins de son exécution.
[84] Désormais, avec une légère modification, l'article 34, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, entré en vigueur le 1er mars 2002.
Il semble inévitable que, faute de dispositions communes contraignantes sur la signification et la notification, une injonction de payer européenne devrait être soumise au même mécanisme de certification ou même à une procédure d'exequatur. Afin d'éviter cette conséquence regrettable, qui ôterait à la procédure une grande partie de son intérêt, toute nouvelle initiative législative devrait, en principe, aller bien plus loin et viser à un véritable rapprochement des règles régissant la signification et la notification des documents [85].
[85] Il convient également de remarquer que le programme pour la reconnaissance mutuelle déclare, au chapitre II, section B, point 1, qu'afin « d'accroître la sécurité, l'efficacité et la rapidité de la signification et de la notification des actes judiciaires, qui constituent à l'évidence l'un des fondements de la confiance réciproque entre systèmes judiciaires nationaux, il sera envisagé une harmonisation des règles applicables en cette matière, ou l'élaboration de normes minimales ». La procédure d'injonction de payer apparaît comme le domaine par excellence dans lequel des progrès à cet égard sont indispensables.
Toutes les questions qui se posent dans ce cadre sont ouvertes aux discussions. Citons-en simplement quelques-unes: le rapprochement doit-il être limité à la procédure d'injonction de payer, instaurant ainsi un ensemble de règles distinctes pour un type de procédure spécifique, ou doit-il être étendu à la signification et à la notification des documents en général, éventuellement par le biais d'un instrument législatif séparé? Faut-il privilégier l'approche des normes minimales ou vouloir une harmonisation de plus grande ampleur? Quelles méthodes de signification et de notification et, en particulier, quelles méthodes de substitution doivent être admises? Les dispositions pertinentes de la proposition de règlement du Conseil relatif au titre exécutoire européen peuvent-elles servir de modèle à cet égard?
Le présent Livre vert est destiné à ouvrir un large débat sur tous ces problèmes, en mettant principalement l'accent sur la signification d'un document spécifique - l'injonction de payer - dans un contexte particulier, sans oublier toutefois les ramifications potentielles en-dehors de ce domaine.
Question 20:
Un instrument législatif sur une procédure européenne d'injonction de payer doit-il inclure des dispositions sur la signification et la notification des documents pour cette procédure spécifique, ou doit-il s'accompagner d'une harmonisation des règles générales de signification et de notification? Dans ce cas, quel doit être le contenu de ces règles?
3.3.9. Opposition du défendeur
3.3.9.1. Délais d'opposition
Le délai de contestation d'une demande dans la législation nationale varie d'une semaine [86] à soixante jours [87] à partir de la signification de l'injonction de payer au défendeur, la majorité des États membres prévoyant plus ou moins deux semaines [88]. Certains États membres (Italie et Suède) n'imposent pas de délai fixe, mais ajoutent un degré de flexibilité en confiant le soin à la juridiction ou à l'autorité compétente d'adapter le délai aux circonstances particulières de chaque affaire, dans certaines limites. La France et le Portugal établissent un lien direct entre la méthode de signification de l'injonction de payer et la durée ou le calcul du délai, de manière à être plus généreux pour le défendeur qui n'a pas reçu l'injonction de payer directement, en main propre, de la personne qui a effectué la signification [89]. En Allemagne, le délai est plus que doublé, par une prolongation à un mois, si le défendeur est domicilié dans un autre État membre ou dans un pays signataire de la Convention de Lugano.
[86] En Allemagne, le délai d'une semaine s'applique uniquement aux procédures traitées par les tribunaux du travail. En Suède, le délai est déterminé au cas par cas, mais une période de dix jours est généralement considérée comme suffisante pour les affaires ordinaires.
[87] En Italie, le délai légal normal est fixé à 40 jours, mais il peut être adapté aux exigences de l'affaire en cause pour être réduit à 10 jours au minimum ou étendu à 60 jours au maximum.
[88] Belgique (15 jours), Finlande (généralement, 14 jours), Allemagne (14 jours pour les procédures traitées par les tribunaux ordinaires), Grèce (15 jours), Luxembourg (15 jours), Portugal (15 jours) et Espagne (20 jours). En Suède, le délai ne peut dépasser deux semaines sans raisons particulières. En Autriche, le délai actuel de 14 jours sera porté à 4 semaines à partir du 1er janvier 2003, simultanément à l'augmentation à 30 000 EUR du montant maximal qui peut être réclamé par le biais d'une procédure d'injonction de payer. En France, le défendeur dispose d'un mois pour s'opposer à la demande.
[89] Au Portugal, le délai est prolongé de 5 jours (soit 20 jours au total) dans ce cas. En France, le défaut de signification personnelle au défendeur lui-même entraîne des conséquences bien plus importantes en ce que le délai reste inchangé, mais commence seulement à courir à partir de la première mesure d'exécution prise contre les biens du défendeur (article 1416 du NCPC).
Cet aperçu succinct montre que la grande diversité des possibilités en matière de délai va bien au delà de la simple détermination d'un nombre donné de jours ou de semaines. La fixation d'un délai est en définitive une question technique qui, selon toute vraisemblance, ne devrait pas soulever de difficultés majeures. Il convient néanmoins de garder à l'esprit que le temps nécessaire à la préparation d'une défense s'accroît lorsque les exigences de forme et de fond d'un exposé de défense sont plus rigoureuses. De plus, l'importance du délai d'opposition dépend dans une large mesure de savoir si la procédure dans son ensemble comprend une ou deux étapes. Si le défendeur jouit d'une deuxième possibilité de contester la créance en s'opposant à une deuxième décision, rendue après l'expiration du délai, une opposition tardive à la première décision devrait simplement être interprétée comme une opposition à la deuxième décision [90]. Dans une procédure en une seule étape, au contraire, après l'expiration du délai d'opposition, l'injonction de payer non seulement devient exécutoire, mais elle acquiert en même temps force de chose jugée.
[90] En Allemagne, où l'injonction de payer ne devient pas elle-même exécutoire après l'expiration du délai, mais doit être suivie d'un titre exécutoire délivré à la demande du plaignant, l'article 694 du ZPO indique qu'une manifestation d'opposition tardive à l'injonction de payer doit être admise aussi longtemps qu'un titre exécutoire n'a pas été délivré (en d'autres termes, cette opposition interdit la délivrance d'un titre exécutoire, quel que soit le retard avec lequel elle est émise) et qu'elle doit être considérée comme une opposition au titre exécutoire si celui-ci a déjà été délivré. La situation est similaire au Luxembourg.
Question 21:
Quel doit être le délai de contestation de la demande? La durée du délai d'opposition doit-elle être influencée par certaines caractéristiques de l'affaire en cause, et dans l'affirmative, lesquelles?
3.3.9.2. Exigences d'une déclaration d'opposition
Dans bon nombre d'États membres (France, Allemagne et Suède), les exigences de forme comme de fond pour la contestation d'une demande sont limitées au minimum absolu. Il suffit au défendeur de présenter une déclaration écrite, mentionnant qu'il s'oppose à la demande, sans qu'une explication plus poussée ne soit nécessaire. Souvent, l'injonction de payer s'accompagne même d'un formulaire standard très simple pour la déclaration d'opposition; il doit, le cas échéant, être rempli, signé et renvoyé à la juridiction [91].
[91] En Allemagne, par exemple, le défendeur doit simplement indiquer en cochant des cases s'il conteste la demande en tout ou en partie, et dans ce dernier cas, spécifier la fraction de la demande qu'il conteste.
Dans d'autres États membres (Italie, Luxembourg, Portugal et Espagne), la déclaration d'opposition doit toutefois contenir au moins un résumé des motifs de contestation. En Italie, le défendeur doit même soumettre une liste complète des raisons qui justifient son opposition, faute de quoi il lui est interdit d'invoquer de nouveaux arguments à un stade ultérieur de la procédure. En Autriche, à la suite de la récente réforme de la procédure d'injonction de payer, une déclaration d'opposition non motivée est uniquement recevable auprès de la juridiction d'arrondissement compétente pour les créances jusqu'à 10 000 EUR (Bezirksgericht). Pour les créances plus importantes (auprès de la Gerichtshof), la réplique du défendeur doit être conforme aux règles procédurales ordinaires relatives aux exposés de la défense [92].
[92] Compte tenu de la jurisprudence des tribunaux autrichiens dans les procédures ordinaires, on peut toutefois prévoir qu'une déclaration d'opposition sera réputée recevable même si elle ne satisfait pas aux prescriptions relatives à son contenu. Le non-respect de ces règles a pour seules conséquences l'interdiction pour le défendeur de contester ultérieurement la compétence de la juridiction et certains aspects des coûts.
Cette exigence risque néanmoins de soulever de nombreux problèmes juridiques complexes si une norme minimale donnée, concernant le contenu de la déclaration d'opposition au fond de la demande, doit être considérée comme une condition pour la recevabilité de l'opposition elle-même [93]. La question peut être complexe car la transparence et la compréhensibilité d'une procédure d'injonction de payer ne seraient pas améliorées si la juridiction pouvait déclarer une opposition irrecevable et la rejeter parce qu'elle n'est pas suffisamment motivée. En effet, même le défaut évident de justification d'une opposition ne change rien au fait que la demande a été contestée et ne peut pas être considérée comme incontestée, sauf si la déclaration du défendeur atteint un tel degré d'absurdité qu'elle ne constitue même pas une opposition. La décision quant au bien-fondé des motifs de contestation d'une demande a trait au fond de l'affaire et doit être arrêtée dans le cadre d'une procédure civile ordinaire.
[93] C'est le cas dans la procédure finlandaise d'injonction de payer, selon laquelle le défendeur qui souhaite faire opposition est tenu de présenter les motifs de son opposition et d'indiquer les preuves qu'il a l'intention de soumettre, et l'affaire est uniquement transférée à une procédure ordinaire si le défendeur a fourni des motifs raisonnables de contestation. Dans un esprit similaire, en Suède, l'opposition du défendeur peut être rejetée si elle est manifestement non fondée. Le degré de différence entre ces deux approches dépend de leur interprétation et de leur application quotidiennes dans la pratique.
Il serait préférable d'imposer l'obligation d'énoncer les motifs de contestation au stade le plus précoce possible, c'est-à-dire dans la déclaration d'opposition, non pas pour conditionner la recevabilité de l'opposition, mais pour permettre une préparation correcte et pour simplifier la procédure ordinaire consécutive [94]. On ne peut toutefois admettre que des exigences rigoureuses à cet égard restent sans conséquences sur le délai accordé au défendeur pour présenter son opposition. Il faut pondérer la perte éventuelle d'efficacité et de rapidité de la procédure d'injonction de payer en fonction de l'effet bénéfique de l'obligation de soumettre une déclaration d'opposition motivée pour la suite de la procédure.
[94] Ce raisonnement sous-tend la nouvelle solution autrichienne en ce qui concerne les procédures devant la Gerichtshof erster Instanz.
Si la procédure d'injonction de payer est envisagée comme procédé rapide et efficace pour déterminer si une créance est contestée par le défendeur et pour délivrer une décision exécutoire si tel n'est pas le cas, il semblerait conforme à cette logique de ne pas exiger davantage qu'un simple « non » pour faire opposition.
Question 22:
Certaines exigences de forme ou de fond doivent-elles être imposées à la déclaration d'opposition? Dans l'affirmative, quelles doivent être ces exigences?
3.3.10. Effets de l'opposition
Si le défendeur conteste la demande dans le délai fixé, l'injonction de payer ne devient pas exécutoire. Si le plaignant souhaite obtenir une décision exécutoire, il doit poursuivre ses efforts dans une procédure civile ordinaire. Tous les systèmes d'injonction de payer partagent ces caractéristiques [95], mais ils permettent une certaine diversité, notamment en ce qui concerne les deux sujets suivants, qui méritent quelques brèves remarques.
[95] Il est utile de mentionner à ce propos que, au Luxembourg, une injonction de payer contestée est uniquement poursuivie selon les règles d'une procédure civile ordinaire auprès du juge de paix. Dans les affaires qui relèvent de la compétence du tribunal d'arrondissement, les règles de la procédure de référé (mesures provisoires) sont applicables.
En premier lieu, les États membres ont choisi des stratégies différentes pour le devenir de l'injonction de payer à proprement parler après une opposition. Dans plusieurs États (France, Grèce, Italie et Luxembourg), l'injonction de payer devient l'objet de la procédure ordinaire qui suit. En d'autres termes, la décision judiciaire finale maintient ou annule l'injonction de payer. Dans d'autres (Autriche, Allemagne et Suède [96]) la déclaration d'opposition elle-même annule virtuellement l'injonction de payer et la procédure ordinaire consécutive est menée comme si la première procédure n'avait jamais eu lieu. Dès lors que ce choix ne porte pas directement sur la procédure d'injonction de payer, mais plutôt sur la procédure ordinaire qui fait suite à une déclaration d'opposition, il n'est pas certain que ce sujet doive être abordé dans un instrument européen. Si cela était jugé nécessaire, un choix devrait être fait.
[96] Il faut se rappeler que l'Allemagne et la Suède appliquent un système à deux étapes. La première phase de la procédure, non contradictoire, aboutit à une décision judiciaire qui ordonne au défendeur d'honorer la créance ou de la contester, mais qui ne devient en aucun cas exécutoire. Si le défendeur ne paie pas et ne forme pas opposition, la juridiction doit délivrer une deuxième décision qui, elle, est exécutoire (appelée en Allemagne Vollstreckungsbescheid, ou titre exécutoire) et possède un statut équivalent à une décision par défaut. Les effets de l'opposition décrits dans le corps du texte se produisent uniquement si le défendeur forme opposition dès la première décision. S'il laisse s'écouler le premier délai et forme seulement opposition contre l'arrêt d'exécution, cette deuxième décision judiciaire devient alors l'objet de la procédure ordinaire qui s'ensuit.
Le second thème à mentionner a trait au passage à une procédure ordinaire si le défendeur conteste la demande en cause. Dans certains États membres (Autriche, Italie, Portugal et Espagne) ce passage est la conséquence automatique de l'opposition, tandis que dans d'autres (Allemagne, Luxembourg, Suède et Espagne [97]) il nécessite une requête de l'une des deux parties [98] à cet effet [99]. La poursuite automatique étant certainement la solution la plus rapide et la moins compliquée, l'obligation d'introduire une demande supplémentaire exigerait une justification convaincante. On pourrait éventuellement alléguer que, dans certains cas, le plaignant ne souhaite pas s'engager dans une procédure ordinaire en raison de sa durée et de son coût, par exemple pour une créance de faible importance, et préfère donc limiter ses tentatives de recouvrement à la procédure d'injonction de payer. Une solution acceptable pourrait être trouvée sous la forme d'une requête qui pourrait être soumise dès le stade de la demande initiale, simplement en cochant une case du formulaire uniformisé.
[97] Ce n'est pas par erreur que l'Espagne est citée dans les deux catégories, dès lors que, selon l'article 818 du NLEC, en dessous du seuil de 3 000 EUR, les parties sont automatiquement convoquées pour une audition, tandis que pour une demande d'un montant supérieur, le plaignant doit déposer une requête à cette fin. En Suède et en Espagne, le droit d'initiative semble limité au plaignant.
[98] En Allemagne et au Luxembourg, les deux parties ont la possibilité de soumettre l'affaire à une procédure civile, dès lors que dans certaines circonstances, il peut être dans l'intérêt du défendeur d'obtenir une décision ayant force de chose jugée qui établit l'inexistence de la créance invoquée.
[99] En Espagne, en Suède et au Luxembourg, la requête doit être déposée respectivement dans un délai d'un mois, quatre semaines et six mois à compter de l'opposition. En Allemagne (article 696, paragraphe 1, du ZPO) et au Luxembourg, le plaignant peut formuler la requête en cas d'opposition dès la demande initiale de délivrance d'une injonction de payer.
Question 23:
Un instrument créant une injonction de payer européenne doit-il énoncer des règles qui déterminent si une déclaration d'opposition annule l'injonction de payer ou si l'injonction de payer devient l'objet de la procédure ordinaire qui s'ensuit? Dans l'affirmative, quelles doivent être ces règles?
Question 24:
Si la demande est contestée, l'affaire doit-elle être transférée à une procédure ordinaire automatiquement ou uniquement à la demande de l'une des parties?
3.3.11. Effets de l'absence d'opposition dans le délai fixé
3.3.11.1. Nécessité d'une décision supplémentaire - procédure en une seule étape ou en deux étapes
Une différence fondamentale entre les différents types de procédures d'injonction de payer réside dans le fait qu'elles comportent une ou deux étapes.
Le modèle à une seule étape (Autriche, France, Italie, Portugal et Grèce [100]) se caractérise par le fait que la juridiction ne rend qu'une décision sur le fond de la demande, à savoir l'injonction de payer qui est délivrée au terme de la phase non contradictoire de la procédure. Si le délai d'opposition s'écoule sans que le défendeur ne conteste la demande, cette unique décision devient exécutoire. Généralement, l'expiration du délai et la force exécutoire qui en résulte sont simplement certifiées par un greffier de la juridiction, qui ajoute une formule exécutoire à l'injonction de payer [101].
[100] La contribution G. Nikolopoulos, Order for Payment in Greece, à Walter Rechberber/Georg Kodek (éd.), Orders for payment in the European Union, Kluwer Law International 2001, pp. 165 et 167, n'est pas tout à fait claire à cet égard en ce qu'elle indique que le plaignant peut signifier l'injonction de payer une nouvelle fois au défendeur, avec pour conséquence l'ouverture d'un délai supplémentaire de dix jours pour la contestation de la demande. Si cette deuxième signification est facultative, ainsi que le laisse entendre la formulation employée par l'auteur, on se demande pourquoi un plaignant qui a déjà obtenu une décision définitive et exécutoire choisirait de créer une nouvelle possibilité d'opposition. Si la deuxième signification est en réalité obligatoire, l'injonction de payer grecque doit être identifiée comme une procédure à deux étapes.
[101] En France, conformément à l'article 1422 du NCPC, l'ajout d'une formule exécutoire n'est pas effectué automatiquement par la juridiction, mais requiert une demande distincte du plaignant. En Autriche, la force de chose jugée et la force exécutoire ne sont pas certifiées par le personnel administratif de la juridiction, mais par un juge ou un Rechtspfleger. Cette certification peut également être contestée par la voie ordinaire sans limite de temps (article 7, paragraphe 3, de l'EO).
Dans les autres États membres dotés d'une procédure d'injonction de payer (Belgique, Finlande, Allemagne, Luxembourg et Suède), l'injonction de payer originale ne peut devenir elle-même exécutoire, mais doit être suivie d'une deuxième décision exécutoire, qui sera appelée ci-après « titre exécutoire » [102]. Le fardeau supplémentaire imposé au plaignant et surtout à la juridiction par le simple fait qu'une deuxième décision doit être délivrée présente des variantes d'un État membre à l'autre et dépend des modalités de procédure de la législation nationale. Si, comme au Luxembourg, le titre exécutoire doit être délivré par un juge, cela signifie que la même affaire doit être examinée deux fois par un juge dans le déroulement d'une procédure d'injonction de payer. Dès lors, les juges ne seraient guère dispensés de traiter des affaires simples et incontestées, alors que c'est un des principaux objectifs de la procédure d'injonction de payer dans certains États membres. Si, toutefois, le titre exécutoire est délivré par un greffier de la juridiction, comme en Allemagne, ou par l'organe d'exécution, comme en Suède, la différence réelle entre la délivrance d'un titre exécutoire et l'ajout d'une formule exécutoire dans une procédure à une seule étape peut paraître minime.
[102] En Suède et en Finlande, la première étape n'est pas une invitation à payer, mais une invitation à répondre et à indiquer si la créance en cause est acceptée ou contestée. Au sens strict, elle ne constitue donc pas une injonction de payer. Toutes les procédures à deux étapes ont toutefois le trait distinctif que la juridiction (ou en Suède, l'organe d'exécution) doit étudier l'affaire à deux reprises, et que seule la deuxième étape aboutit à une décision exécutoire. Dans un souci de simplicité, les expressions « injonction de payer » et « titre exécutoire » seront donc utilisées ci-après pour désigner les première et deuxième étapes dans toutes les procédures à deux étapes, bien qu'elles ne soient pas parfaitement correctes sur le plan technique pour ces deux États membres.
Dès lors que, d'une manière générale, le modèle à une seule étape semble offrir le plus grand potentiel d'efficacité, il convient de rechercher les éventuelles raisons convaincantes, voire contraignantes, qui justifieraient l'introduction d'une deuxième étape. Si l'objectif essentiel est de contraindre le plaignant à indiquer si un paiement complet ou partiel a été effectué dans le délai fixé [103], d'autres méthodes qui ne nécessitent pas une deuxième décision judiciaire peuvent être imaginées. Une autre formule potentielle, celle d'un titre exécutoire ouvrant un délai d'appel, est subordonnée à la nécessité de l'existence d'un appel, qui sera examinée au point suivant.
[103] En Allemagne et au Luxembourg, le titre exécutoire n'est délivré qu'à la demande du plaignant, qui doit être soumise à la juridiction au plus tard six mois après l'expiration du délai de paiement ou d'opposition. En Allemagne, conformément à l'article 699, paragraphe 1, du ZPO, la demande ne peut être soumise avant l'expiration de ce délai et doit indiquer si le défendeur a effectué un paiement et le cas échéant son montant, se rapportant à la créance en cause.
Question 25:
Une procédure européenne d'injonction de payer doit-elle comprendre une ou deux étapes? En d'autres termes, la décision initiale doit-elle devenir exécutoire ou une deuxième décision (« titre exécutoire ») est-elle indispensable après l'expiration du délai de contestation de la créance?
3.3.11.2. Appel contre l'injonction de payer
Il existe une corrélation claire entre le choix d'une procédure à une ou deux étapes et la création d'une deuxième possibilité de contestation de la demande par la voie d'un appel ordinaire après l'expiration du délai d'opposition [104]. Alors que, dans les États membres qui ont opté pour une seule étape, l'injonction de payer devient exécutoire et définitive en même temps si le défendeur n'a soulevé aucune objection, les exemples de procédures en deux étapes observés dans l'Union européenne offrent systématiquement au défendeur une deuxième possibilité de contester la demande et de soumettre l'affaire à une procédure ordinaire en s'opposant au titre exécutoire [105]. Ces deux aspects doivent par conséquent être examinés conjointement.
[104] Bien entendu, cela n'exclut pas la possibilité d'un appel extraordinaire, tel qu'une demande de suspension de l'expiration du délai de contestation de la demande, par exemple, si le défendeur n'a pas reçu l'injonction de payer sans qu'une faute ne puisse lui être imputée et n'a donc pas eu la possibilité de faire opposition.
[105] Dans ces États membres, la décision possède généralement le même statut qu'un jugement par défaut et est susceptible des mêmes moyens d'appel ordinaire qu'un jugement par défaut. En Allemagne, le titre exécutoire (Vollstreckungsbescheid) peut faire l'objet d'un appel jusqu'à deux semaines après la signification (une semaine dans les affaires traitées par un tribunal du travail). Au Luxembourg, une opposition peut être introduite jusqu'à 15 jours après la signification. En Suède, le défendeur peut solliciter une mesure dite de réouverture de l'affaire jusqu'à un mois après la délivrance du titre. Aux termes de l'article 1343, paragraphe 3, du Code judiciaire belge, le défendeur peut choisir entre deux modes de contestation de la décision, soit l'appel (examen judiciaire par une instance supérieure, une cour d'appel), soit l'opposition (procédure contradictoire devant la juridiction qui a délivré la décision elle-même). En Finlande, la décision est en fait appelée « jugement par défaut », et sa signification au défendeur est généralement réalisée simultanément à l'exécution elle-même. Le défendeur dispose de 30 jours après la signification pour interjeter appel.
Ainsi que cela a été indiqué, l'existence d'une possibilité d'appel supplémentaire peut, dans un certain sens, compenser le fait qu'aucun document justificatif ne doive être produit et qu'un juge n'examine pas le fond de l'affaire avant la délivrance de l'injonction de payer. Dans certains États membres qui limitent la procédure à une seule étape et n'autorisent pas d'appel supplémentaire (Autriche [106] et Portugal), la juridiction ne pratique aucun examen quel qu'il soit de la demande en cause. À l'opposé, en Belgique et au Luxembourg le titre exécutoire délivré au terme de deux étapes peut faire l'objet d'un appel bien qu'il ait été délivré par un juge sur base d'une appréciation juridique fondée sur des justificatifs écrits. Il faut également considérer que l'existence d'une possibilité d'appel contre un titre exécutoire dans une procédure à deux étapes ne garantit pas nécessairement une meilleure protection des droits de la défense, en particulier ceux préservés par les règles sur la signification et la notification des documents. Si le titre doit amorcer le délai d'appel, il doit être signifié officiellement au défendeur à l'instar de l'injonction de payer [107]. La probabilité que des problèmes se posent lors de la signification d'un document ne semble pas diminuer pour la simple raison qu'un autre document a déjà été signifié à la même personne. En dépit de la bonne transmission de l'injonction de payer au défendeur, la juridiction pourrait donc être amenée à se prononcer sur une demande de suspension des effets de l'expiration du délai d'appel parce que le titre exécutoire n'est pas parvenu au défendeur. Si le défendeur a bien reçu l'injonction de payer et a été dûment informé de la procédure en cours, y compris de l'interdiction de faire appel après que le délai d'opposition est écoulé, on peut s'interroger sur les raisons qui justifieraient qu'il puisse contester la demande par un appel ordinaire. En revanche, le scénario d'une procédure ne comprenant qu'une étape, sans appel et sans examen de la demande par la juridiction, confère sans aucun doute une responsabilité considérable, et peut-être même excessive, à des défendeurs qui comme des consommateurs, ne connaissent pas les règles régissant les procédures judiciaires.
[106] Pour ce qui est de l'Autriche, cette remarque est seulement valable jusqu'au 31 décembre 2002, dès lors qu'après cette date, les juridictions devront procéder à un examen rapide du bien-fondé de la demande. Cf. supra au point 3.3.5 pour plus de détails à ce sujet.
[107] Il convient de noter que, en Finlande, la signification de la deuxième décision incombe au plaignant et n'est pas une condition indispensable de l'exécution, mais est généralement effectuée en même temps que le début de l'exécution. Ce système peut atténuer le risque de problèmes, dès lors que le moment auquel le défendeur a indéniablement pris connaissance de l'existence d'une décision exécutoire est plus facile à démontrer que la simple signification d'un document.
Question 26:
Un appel ordinaire doit-il être possible contre une injonction de payer européenne (ou, dans une procédure à deux étapes, contre un titre exécutoire) après l'expiration du délai d'opposition?
3.3.11.3. Force de chose jugée de la décision
Dans la grande majorité des États membres (Autriche, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Italie, Espagne, Suède, et en partie, Luxembourg [108]), que la procédure compte une ou deux étapes, la décision exécutoire de la juridiction a force de chose jugée si le défendeur n'a pas fait opposition à la demande et n'a pas interjeté appel contre l'injonction de payer dans le délai prévu dans les États membres qui autorisent un appel. Sans prétendre lancer un débat approfondi sur la philosophie juridique aux fins du présent Livre vert, la force de chose jugée doit être comprise comme le règlement définitif du motif de l'action en cause entre les parties, qui se traduit non seulement par l'inexistence d'une possibilité d'appel contre la décision, mais également par l'impossibilité de soumettre cette décision à un nouvel examen dans une procédure judiciaire ultérieure.
[108] Au Luxembourg, la procédure devant le tribunal d'arrondissement porte sur des mesures provisoires et ne peut donc aboutir qu'à une décision provisoire. Seules les injonctions de payer délivrées par le juge de paix peuvent acquérir force de chose jugée.
La Belgique et le Portugal constituent une exception à cette règle du fait que, dans ces États membres, le défendeur peut encore soulever des objections quant à l'existence ou à la justification de la demande en cause après que la possibilité d'appel contre l'injonction de payer ait disparu, soit par une procédure ordinaire ultérieure [109] soit par une contestation de l'exécution de la décision [110].
[109] Cette possibilité est prévue en Belgique.
[110] Au Portugal, puisque seul un jugement peut acquérir force de chose jugée, et puisque l'injonction de payer délivrée par un greffier de la juridiction sans examen de la demande n'équivaut pas à un jugement, en l'absence de disposition traitant expressément de la force de chose jugée, on peut conclure que le défendeur peut appuyer son opposition à l'exécution de l'injonction de payer sur l'inexistence de la dette.
Afin d'assurer la sécurité juridique et de mettre en place une procédure qui ne soit pas provisoire, mais aboutisse à une décision définitive sur l'affaire, il semblerait préférable d'exclure la possibilité de remettre en question l'injonction de payer, même après l'expiration des délais d'opposition et/ou d'appel, à moins que des raisons impérieuses ne motivent ou n'exigent une telle possibilité [111]. Il convient néanmoins de se rappeler que huit des dix États membres qui appliquent une procédure d'injonction de payer donnent force de chose jugée aux décisions de ce type et qu'ils en sont satisfaits. Si les règles de procédure applicables protègent correctement les droits de la défense, accorder à l'injonction de payer le statut d'une décision réellement définitive ne doit pas poser de problème majeur.
[111] Bien entendu, cela n'exclurait pas la possibilité d'un appel extraordinaire, tel qu'une demande de suspension de l'expiration du délai d'objection ou d'appel (relèvement de forclusion, Wiedereinsetzung in den vorigen Stand), par exemple, s'il s'avère que l'injonction de payer n'a pas été dûment signifiée au défendeur et que celui-ci n'en a donc pas eu connaissance, sans qu'une faute ne puisse lui être reprochée.
Question 27:
Une injonction de payer européenne doit-elle acquérir force de chose jugée après l'expiration des délais d'opposition et/ou d'appel?
3.3.12. Règles sur la représentation par un avocat
Les États membres ont résolu très différemment la question de savoir si dans une procédure d'injonction de payer la représentation par un avocat est obligatoire et dans quelle mesure. Ce problème est intrinsèquement lié aux systèmes généraux relatifs à la nécessité d'une représentation dans une procédure judiciaire au sens large. En Italie, en Belgique et en Grèce, l'obligation de se faire représenter par un avocat est absolue et s'applique à la fois à la demande de délivrance d'une injonction de payer et à la déclaration d'opposition. En Finlande, en France, en Allemagne, au Luxembourg, au Portugal et en Suède, la représentation n'est obligatoire ni pour le plaignant, ni pour le défendeur. En Espagne, la demande de délivrance d'une injonction de payer peut être déposée sans l'aide d'un avocat, mais la déclaration d'opposition doit être signée par un fondé de pouvoir si nécessaire selon les règles générales relatives à l'obligation de représentation dans les procédures ordinaires [112]. En Autriche, enfin, le plaignant doit être représenté par un avocat si la créance en cause dépasse le seuil qui donne lieu à l'obligation de représentation dans une procédure ordinaire, tandis que le défendeur peut toujours faire opposition lui-même et n'a besoin d'un avocat que pour la procédure ordinaire qui s'ensuit [113].
[112] Articles 814, paragraphe 2, et 818, paragraphe 1, du NLEC.
[113] Le seuil est établi actuellement à 4 000 EUR. À partir du 1er janvier 2003, le champ d'application de la procédure d'injonction de payer sera étendu aux créances comprises entre 10 000 et 30 000 EUR. Pour ces créances, la représentation par un avocat sera obligatoire pour les deux parties, y compris pour la déclaration d'opposition elle-même. Dans les procédures d'injonction de payer menées auprès des tribunaux du travail de première instance, la représentation reste toutefois facultative pour les deux parties, quelle que soit la valeur de la créance.
Il n'est donc pas évident qu'un instrument européen créant une procédure spécifique doive énoncer des dispositions sur l'obligation (ou le caractère facultatif) de la représentation par un avocat, et partant, entrer en conflit avec les règles générales en la matière dans un ou plusieurs États membres. Cependant, il pourrait être avantageux de maintenir les exigences imposées pour former opposition aussi faibles que possible et de libérer le défendeur de l'obligation de se faire représenter par un avocat simplement pour répondre "non" à l'allégation selon laquelle la créance en cause serait incontestée.
Question 28:
Un instrument créant une injonction de payer européenne doit-il inclure des règles sur l'absence d'obligation de représentation par un avocat dans la procédure d'injonction de payer? Dans l'affirmative, quelles doivent être ces règles?
3.3.13. Règles relatives aux coûts (frais de justice et autres dépenses) et à leur remboursement
Afin de permettre la bonne exécution d'une injonction de payer dans d'autres États membres, dont les autorités d'exécution ne connaissent pas la législation pertinente de l'État membre d'origine, sans parler du mode de calcul des coûts à rembourser, l'injonction de payer européenne doit mentionner expressément ces coûts dans une forme non ambiguë. Eu égard aux profondes disparités qui séparent les législations des États membres à ce propos [114], on peut douter de l'opportunité d'énoncer dans un instrument créant une procédure européenne d'injonction de payer des règles de fond sur le remboursement des frais juridiques, lesquelles pourraient entrer en contradiction avec le droit applicable dans les procédures ordinaires.
[114] L'exemple de la Suède suffit à illustrer cette diversité sachant que, selon les sections 46 et 48 de la loi sur les procédures en référé et une ordonnance du gouvernement, la possibilité pour le plaignant d'obtenir le remboursement de ses dépenses est plafonnée en ce que le défendeur ne peut être contraint de le rembourser pour ses propres travaux et conseils au-delà d'un certain montant limité (à l'heure actuelle 315 couronnes suédoises).
On pourrait estimer préférable de tenter d'identifier une série de questions particulières, qui revêtent une importance primordiale pour la procédure d'injonction de payer et qui sont essentielles pour déterminer sa rentabilité et son attrait pour les parties. Ainsi pourrait-on juger utile de veiller à ce que, en cas d'opposition à la demande de la part du défendeur, la procédure d'injonction de payer n'engendre pas de coûts supplémentaires pour les parties, mais que les frais de justice et les honoraires d'avocat soient englobés dans le calcul des coûts de la procédure ordinaire qui s'ensuit, faute de quoi les plaignants pourraient être dissuadés d'engager une procédure d'injonction de payer pour des motifs purement liés aux coûts.
Question 29:
Un instrument créant une injonction de payer européenne doit-il inclure des dispositions sur les coûts de la procédure et leur remboursement? Dans l'affirmative, quelles doivent être ces dispositions?
3.3.14. Exécution
Bien que, dans les grandes lignes, les règles régissant l'exécution ne semblent pas nécessiter de rapprochement aux fins de ce sujet, les deux aspects suivants méritent réflexion.
3.3.14.1. Force exécutoire provisoire
Les questions inhérentes au caractère exécutoire provisoire d'une injonction de payer sont fortement conditionnées par le nombre d'étapes de la procédure et par la possibilité connexe d'un appel contre l'injonction. Si, dans une procédure à une seule étape, l'injonction acquiert immédiatement force de chose jugée lorsque le délai de contestation de la demande s'est écoulé, et qu'aucun autre appel n'est possible, une exécution provisoire peut uniquement être mise en oeuvre avant l'expiration du délai ou après l'introduction d'une opposition. Dans une harmonie générale, à l'exception notable de la Grèce [115], les États membres qui ont limité leur procédure à une seule étape (Autriche, France, Italie, Portugal et Espagne) n'attribuent pas une force exécutoire provisoire à l'injonction elle-même, mais exigent l'expiration du délai avant qu'une formule exécutoire puisse y être ajoutée. Quelques exceptions sont tolérées pour les demandes qui reposent sur des documents justificatifs très solides, tels qu'un chèque ou une lettre de change produit devant la juridiction [116]. Si une déclaration d'opposition est introduite en temps utile, pour autant qu'elle n'annule pas purement et simplement l'injonction de payer [117], l'injonction ne peut être exécutée à titre provisoire [118].
[115] Dans ce pays, le défendeur qui forme opposition peut demander la suspension de l'exécution jusqu'à la décision finale sur l'affaire.
[116] Article 642 du C.P.C. italien, dont l'article 649 prévoit également la possibilité de suspendre cette force exécutoire provisoire à la demande du défendeur si des raisons impérieuses justifient cette suspension. En Autriche, il existe pour ces types de créances une procédure d'injonction de payer spécifique (Mandats- und Wechselmandatsverfahren) qui autorise l'exécution provisoire même après que le défendeur a fait opposition, sans que le plaignant ne doive démontrer un risque particulier pour la créance. La possibilité de prendre des mesures protectrices en cas de risque de dommage irréparable (si, par exemple, le plaignant peut démontrer une certaine probabilité que le défendeur tente de se soustraire au paiement ou de détourner des actifs) est intégrée dans le système d'exécution provisoire dans certains États membres (article 642 du C.P.C. italien, par exemple). Le présent Livre vert n'aborde pas cette question, qui relève plutôt du domaine des mesures provisoires sur un plan général.
[117] Cf. supra au point 3.3.10 à ce sujet.
[118] L'Italie constitue une exception à cet égard, dès lors que l'article 648 du C.P.C. permet que l'injonction soit déclarée exécutoire à titre provisoire malgré sa contestation dans certaines circonstances, par exemple, si la déclaration d'opposition n'est fondée sur aucun document justificatif.
La plupart des États membres dont la procédure comporte deux étapes (Finlande, Allemagne, Luxembourg et Suède) ont en commun que la première décision de la juridiction (« injonction de payer ») n'a aucune force exécutoire, tandis que la deuxième décision, arrêtée après l'expiration du délai d'opposition (« titre exécutoire »), est « seulement » exécutoire à titre provisoire jusqu'à ce que l'appel contre cette décision ait été tranché. Les autres conditions d'exécution provisoire (l'obligation pour le plaignant de fournir une garantie, par exemple) témoignent de grandes divergences [119].
[119] En Allemagne, par exemple, l'injonction de payer est en principe exécutoire à titre provisoire sans garantie (articles 700, paragraphe 1, et 708, paragraphe 2, du ZPO). Le défendeur peut demander une suspension de l'exécution, qui ne peut être accordée que s'il fournit une garantie, hormis dans des cas exceptionnels (articles 719 et 707 du ZPO). Au Luxembourg, le titre exécutoire délivré par un tribunal d'arrondissement est une mesure provisoire par essence; l'exécution provisoire peut être accordée avec ou sans garantie. Il est également intéressant de noter que le système suédois repose sur la présomption qu'une demande de délivrance d'injonction de payer est simultanément une demande d'exécution de cette injonction lorsqu'elle a été délivrée. En conséquence, à la différence de la plupart des autres États membres, où le plaignant doit entreprendre une démarche supplémentaire pour lancer l'exécution, l'organe d'exécution suédois prend automatiquement en charge l'exécution, sauf si le plaignant a refusé expressément cette exécution automatique dans le formulaire de demande.
Question 30:
Une injonction de payer européenne doit-elle être exécutoire à titre provisoire? Dans l'affirmative, quelles doivent être les exigences de la force exécutoire provisoire et de la suspension de l'exécution provisoire?
3.3.14.2. Exécution transfrontalière - l'injonction de payer en tant que titre exécutoire européen sans exequatur
Étant entendu que le Conseil adoptera en temps utile un règlement sur la base de la proposition de règlement de la Commission portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées [120], qui a pour objectif de supprimer l'exequatur, dans certaines conditions, pour toutes les décisions judiciaires relatives à des demandes pécuniaires incontestées, il apparaît clairement qu'une injonction de payer européenne tomberait également dans le champ d'application de ce règlement. Idéalement, toutefois, l'institution d'une procédure européenne d'injonction de payer devrait aller plus loin et libérer le plaignant de l'obligation d'obtenir la certification de la décision en tant que titre exécutoire européen par la juridiction d'origine. Ce statut potentiel de l'injonction de payer européenne en tant que titre exécutoire européen de plein droit suppose que la protection appropriée des droits de la défense, assurée par le contrôle du respect de certaines normes minimales concernant principalement la signification de l'acte qui a ouvert la procédure, soit considérée comme supperflue. Cette condition ne paraît elle-même réaliste que si l'instrument créant une Mahnverfahren européenne comporte lui-même des règles contraignantes ou des normes minimales sur la signification des documents, ce qui nous ramène aux questions déjà analysées plus haut [121].
[120] COM (2002) 159 final du 18.04.2002.
[121] Cf. supra au point 3.3.8.
Question 31:
Une injonction de payer européenne devrait-elle être exécutoire dans d'autres États membres sans exequatur et sans attestation de l'État membre d'origine, comme l'envisage actuellement le titre exécutoire européen pour les créances incontestées? Dans l'affirmative, de quelles conditions l'exécution directe devrait-elle être assortie?
4. CHAPITRE III: MESURES DESTINÉES À SIMPLIFIER ET À ACCÉLÉRER LE RÈGLEMENT DES LITIGES DE FAIBLE IMPORTANCE
Les citoyens et les petites et moyennes entreprises des États membres semblent considérer de plus en plus que leurs systèmes judiciaires ne répondent pas parfaitement à leurs exigences. Pour beaucoup, les systèmes judiciaires sont trop onéreux, trop lents et trop difficiles à gérer. Moins la demande est importante, plus ces défauts se font sentir car les coûts, les délais et les tracasseries (« l'hydre à trois têtes » [122]) ne diminuent pas nécessairement en proportion du montant de la créance. Cet état de fait a entraîné la création de procédures civiles simplifiées pour les demandes de faible importance dans de nombreux États membres.
[122] Jacob, J., Justice between man and man, dans: Problèmes juridiques actuels, 1985, p. 211.
Dans le même temps, le nombre potentiel de litiges transfrontaliers augmente en raison de l'exercice croissant du droit de libre circulation des personnes, des biens et des services, consacrés par le traité CE. Les obstacles à l'obtention d'une décision rapide et peu coûteuse augmentent de toute évidence dans un contexte transfrontalier: un litige transfrontalier nécessitera, par exemple, de recourir aux services de deux avocats, de supporter des coûts de traduction et d'interprétation, ainsi que des frais de déplacement supplémentaires pour les parties, les témoins, les avocats, etc. Les problèmes possibles sont nombreux: un particulier peut être impliqué dans un accident pendant ses vacances ou pendant un déplacement d'affaires à l'étranger, ou il peut acheter un produit qui s'avère ensuite défectueux ou dangereux. Par le biais d'Internet, un consommateur peut commander à l'étranger des produits qui ne lui sont jamais envoyés ou qui se révèlent défectueux. De toute évidence, les problèmes potentiels ne se limitent pas à des litiges entre particuliers. Les propriétaires de petites entreprises peuvent également se heurter à des difficultés lorsqu'ils souhaitent faire valoir leurs créances dans un autre État membre. Ainsi, le propriétaire d'un hôtel dont une facture demeure impayée doit avoir la possibilité de faire valoir ses droits légitimes. Cependant, en l'absence d'une procédure « proportionnelle » au montant du litige, rien ne garantit, vu les obstacles auxquels le créancier est susceptible d'être confronté, qu'il soit raisonnable sur le plan économique de saisir la justice. À l'heure actuelle, les dépenses à engager pour obtenir une décision contre un défendeur domicilié dans un autre État membre sont souvent disproportionnées par rapport aux sommes en jeu. Devant le coût des procédures, et intimidées par les difficultés pratiques qu'elles devront probablement surmonter, beaucoup de personnes abandonnent tout espoir de récupérer ce qui, selon elles, leur revient légitimement.
Avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, et dans le droit fil des conclusions du Conseil européen de Tampere, l'Union européenne est confrontée à la tâche délicate de veiller à ce que, dans un véritable Espace européen de justice, l'incompatibilité ou la complexité des systèmes juridiques et judiciaires des États membres ne dissuadent ni n'empêchent les citoyens et les entreprises d'exercer leurs droits. Ce problème étant particulièrement aigu dans le cas des demandes de faible importance, l'action a été considérée comme la plus pressante dans ce domaine particulier de la procédure civile.
4.1. DROIT COMMUNAUTAIRE EN VIGUEUR - INITIATIVES COMMUNAUTAIRES ANTÉRIEURES
L'influence du droit communautaire sur la législation nationale en matière de procédure civile reste relativement limitée. Une exception néanmoins: la Cour européenne de justice a interprété l'article 12 du traité CE (ex-article 6) (Interdiction de la discrimination exercée en raison de la nationalité) en ce sens qu'il fixe des limites à l'application du droit intérieur en matière de procédure civile lorsque celui-ci conduirait à une discrimination fondée sur la nationalité.
Elle a statué dans plusieurs affaires [123] qu'une « règle de procédure civile nationale d'un État membre, telle que celle qui oblige les ressortissants et les personnes morales d'un autre État membre à constituer une [sûreté] lorsqu'ils entendent agir en justice à l'encontre d'un de ses ressortissants ou d'une société y établie, entre dans le champ d'application du traité CE au sens de l'article 6, premier alinéa de celui-ci et est soumise au principe général de non-discrimination posé par cet article ».
[123] Cf. affaire C-323/95, Hayes-Kronenberger, Rec. 1997, p. I-1171; affaire C-43/95, Data Delecta Aktiebolag, Rec. 1996, p. I-4661; et affaire C-122/96, Saldanha, Rec. 1997, p. I-5325.
Il avait toutefois été reconnu précédemment que cette influence limitée sur le droit national ne serait pas suffisante, dès lors que seules les pires conséquences des dispositions nationales seraient écartées, et que le bon fonctionnement du marché intérieur nécessitait davantage. Un rapprochement des législations nationales serait indispensable pour procurer aux citoyens et aux entreprises un meilleur accès à la justice.
C'est pourquoi la Commission, en 1990, a chargé un groupe d'experts, baptisé « Commission Code judiciaire européen », de rédiger une étude sur le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres sur certains aspects de la procédure en matière de poursuites civiles. Le rapport ainsi produit (appelé « rapport Storme » [124]) a été publié en 1994. Il énonçait une série de propositions destinées à rapprocher de multiples aspects des procédures civiles, qui n'ont toutefois pas été appliquées.
[124] Storme, M., « Étude sur le rapprochement de la législation et de la réglementation des États membres concernant certains aspects des procédures en matière de poursuites civiles », rapport final, Dordrecht, 1994.
Par le passé, la question des demandes de faible importance a été abordée à l'échelon communautaire de deux manières.
D'une part, cette question a été examinée dans le cadre de l'amélioration de l'accès des consommateurs à la justice: [125] se fondant sur le Livre vert sur l'accès des consommateurs à la justice et le règlement des litiges de consommation dans le marché unique [126] de 1993, la Commission a adopté, en 1996, un Plan d'action sur l'accès des consommateurs à la justice et le règlement des litiges de consommation dans le marché intérieur. [127] Dans ce Plan d'action, la Commission proposait d'introduire un formulaire européen simplifié afin d'améliorer l'accès aux procédures judiciaires.
[125] Cf. aussi dans ce contexte les documents COM (1984) 692 final et COM (1987) 210 final.
[126] COM (1993) 576 final.
[127] COM (1996) 13 final.
D'autre part, dans sa proposition de directive concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, la Commission a proposé, en 1998, d'introduire des procédures pour les créances de faible montant dans tous les États membres. [128]
[128] Proposition, présentée par la Commission, de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO C 168 du 03.06.1998, p. 13). Son article 6 prévoyait des « procédures légales simplifiées pour les créances de faible montant ». La directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO L 200 du 08.08.2000, p. 35) ne comprend cependant pas de disposition de ce type.
4.2. CONTEXTE
La présente initiative a pour toile de fond l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam et les conclusions du Conseil européen de Tampere, qui ont énoncé l'objectif d'établir progressivement un « espace de liberté, de sécurité et de justice ». Au regard du rapport Storme, cette approche présente une portée plutôt exiguë dès lors qu'elle ambitionne d'instaurer des règles de procédure communes non pour toutes les procédures civiles, mais uniquement pour un type particulier de litiges, à savoir les demandes de faible importance.
La nécessité de prendre des mesures dans ce domaine a été exprimée à plusieurs reprises:
- le Plan d'action de Vienne [129] a estimé qu'il fallait recenser « les règles de procédure civile ayant des implications transfrontalières, qu'il est urgent d'harmoniser afin de faciliter l'accès des citoyens européens à la justice et envisager des mesures complémentaires pertinentes pour améliorer la compatibilité des procédures civiles »;
[129] Plan d'action du Conseil et de la Commission concernant les modalités optimales de mise en oeuvre des dispositions du Traité d'Amsterdam relatives à l'établissement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, JO C 19 du 23.01.1999, p. 1, point 41, sous d).
- les conclusions du Conseil européen de Tampere (octobre 1999) ont appelé à la simplification et à l'accélération du règlement des litiges transfrontaliers concernant des demandes de faible importance en matière civile et commerciale: « V. Un meilleur accès à la justice en Europe 30. Le Conseil européen invite le Conseil à établir, sur la base de propositions de la Commission, des normes minimales garantissant un niveau approprié d'aide juridique pour les affaires transfrontalières dans l'ensemble de l'Union ainsi que des règles de procédure spéciales communes en vue de simplifier et d'accélérer le règlement des litiges transfrontaliers concernant les demandes de faible importance en matière civile et commerciale ainsi que les créances alimentaires, et les créances certaines. Les États membres devraient également mettre en place des procédures de substitution extrajudiciaires. 31. Il faudrait fixer des normes communes minimales pour les formulaires ou les documents multilingues à utiliser dans les procédures judiciaires transfrontalières dans l'ensemble de l'Union. La validité de ces documents ou formulaires serait ensuite reconnue par les autres États membres dans toutes les procédures judiciaires se déroulant dans l'Union. »
- des réunions d'experts de la Commission tenues le 29 novembre 1999 et le 28 mai 2002 ont identifié les procédures relatives aux demandes de faible importance comme un thème prioritaire;
- le programme du Conseil pour la reconnaissance mutuelle [130] appelle à « la simplification et à l'accélération du règlement des litiges transfrontaliers de faible importance »;
[130] JO C 12 du 15.01.2001, p. 1.
- le Parlement européen a également souligné la nécessité de simplifier et d'accélérer le règlement des litiges transfrontaliers de faible importance en matière civile et commerciale. [131]
[131] JO L 146 du 17.05.2001, p. 4.
4.3. PROCÉDURES RELATIVES AUX DEMANDES DE FAIBLE IMPORTANCE DANS LES ÉTATS MEMBRES
Dans le prolongement des conclusions de Tampere, la Commission a transmis un questionnaire à tous les États membres afin qu'ils décrivent les procédures nationales applicables aux créances de faible montant. Les réponses fournies par les États membres [132] ont fait l'objet d'une étude. [133]
[132] La Grèce n'a pas répondu au questionnaire. Selon le Livre vert sur l'accès des consommateurs à la justice, COM (1993) 576 final, il existe une procédure pour les créances de faible montant en Grèce (articles 466 à 472 du code de procédure civile). En Italie, il existe une procédure spécifique (« Giudice di Pace », articles 316 et suivants du code de procédure civile), qui n'est toutefois pas simplifiée au niveau de la procédure. Le juge tranche en effet sur les demandes inférieures à 1 000 EUR sur la base de l'équité, et non du droit.
[133] Des procédures de traitement judiciaire des demandes de faible importance ou non contestées dans les droits des États membres de l'Union européenne, Exploitation de l'enquête de la Commission européenne « Les procédures judiciaires applicables aux demandes de faible importance », Rapport final: Évelyne Serverin, Directeur de recherche au CNRS IDHE-ENS CACHAN, Cachan, 2001. Le présent Livre vert repose sur les réponses des États membres et leur évaluation dans l'étude.
Des procédures simplifiées pour les créances de faible montant existent en Allemagne, en Espagne, en France, en Irlande, en Suède et au Royaume-Uni. Leurs principales caractéristiques sont les suivantes:
- en Espagne, en Irlande, en Suède et au Royaume-Uni (Angleterre, pays de Galles, Écosse et Irlande du Nord), il existe des procédures spécifiques pour les créances de faible montant, simplifiées à divers égards par rapport à la procédure ordinaire: dans de nombreux cas, l'introduction de la demande est facilitée, souvent, par un formulaire spécifique. Certaines règles relatives à l'obtention de preuves sont assouplies, et la possibilité d'une procédure purement écrite existe. Les possibilités de recours sont exclues ou limitées;
- en Allemagne, il n'existe pas de procédure spécifique pour les créances de faible montant, mais les juridictions peuvent choisir la procédure appropriée dans le cas de créances de ce type; [134]
[134] Article 495a du ZPO (code de procédure civile).
- la France ne connaît pas de procédure spécifique pour les créances de faible montant, mais, pour ces créances, il existe une manière simplifiée d'engager la procédure devant le Tribunal d'instance par une simple « déclaration au greffe ».
Il n'existe pas de procédures spécifiques pour les créances de faible montant en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Finlande, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Portugal [135].
[135] Cette conclusion se déduit des réponses des États membres au questionnaire. Dans deux de ces États membres, il existe cependant des procédures pour les créances de faible montant selon le Livre vert sur l'accès des consommateurs à la justice, COM (1993) 576: aux Pays-Bas, une nouvelle procédure devant le « Kantongerecht » a été instaurée par une loi du 30 décembre 1991. Au Portugal, il existe le « processo sumarissimo » (articles 793 et suivants du code de procédure civile). La Commission serait reconnaissante pour la rectification de toute donnée incorrecte ou incomplète dans les réponses au questionnaire.
En Finlande, le code de procédure civile comporte toutefois un grand nombre de solutions de substitution simplifiées à la procédure ordinaire. Ainsi, des formulaires peuvent être employés pour introduire une demande ou pour s'y opposer, les juges et les autres membres de la juridiction peuvent être contraints de fournir des conseils aux parties, aucune référence juridique n'est nécessaire, les parties ne sont pas obligées de se faire représenter par un avocat, les règles relatives à l'obtention de preuves sont assouplies, les preuves d'experts ne sont pas utilisées et une procédure purement écrite peut être appliquée. Le choix entre la procédure ordinaire et ses formes simplifiées n'est toutefois pas arrêté en fonction du montant réclamé (c'est-à-dire sur une base quantitative), mais plutôt à la lumière de critères qualitatifs. Des formes de procédures simplifiées sont mises en oeuvre dans les affaires plus simples et moins complexes, quel que soit le montant de la créance en cause.
En Autriche également, le code de procédure civile contient des dispositions qui simplifient les règles relatives aux procédures devant les juridictions d'arrondissement (« Bezirksgerichte »), qui détiennent la compétence pour les créances allant jusqu'à 10 000 EUR. Les simplifications concernent la représentation (facultative) par un avocat, l'obligation pour le juge de procurer une aide à une partie non représentée par un avocat, l'introduction de la procédure, l'assouplissement de certaines règles relatives à l'obtention de preuves, et les restrictions des possibilités de recours. Bien que ce système puisse ne pas être considéré comme une procédure spécifique pour les créances de faible montant au sens strict, les simplifications prévues sont expliquées en détail ci-après.
Les caractéristiques les plus importantes des procédures existantes pour les créances de faible montant peuvent être résumées comme suit.
4.3.1. Seuil
Tous les États membres ayant une procédure applicable aux demandes de faible importance ont fixé des seuils pour cette procédure, lesquels toutefois varient considérablement [136]:
[136] Seuils en monnaie nationale (avant le 1er janvier 2002) convertis en euros.
600 EUR (Allemagne), 1 235 et 2 470 EUR (Écosse [137]), 1 270 EUR (Irlande), 2 038 EUR (Suède), 3 005 EUR (Espagne), 3 294 EUR (Irlande du Nord), 3 811 EUR (France), et 8 234 EUR (Angleterre/pays de Galles) [138].
[137] En Écosse, il existe deux procédures simplifiées: la Small Claims Procedure (montant inférieur à 750 GBP), prévue pour les non-professionnels, et la Summary Cause Procedure (montant inférieur à 1 500 GBP), qui concerne, grosso modo, les demandes introduites par les consommateurs, les actions en recouvrement de créances, introduites par les entreprises, et les demandes de propriétaires souhaitant récupérer la possession de biens susceptibles d'être hérités.
[138] Les intérêts sur la créance au principal et les frais ne sont pas inclus. Il convient de relever que le seuil fixé à l'article 6 de la proposition, présentée par la Commission, de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO C 168 du 03.06.1998, p. 13) était nettement plus élevé (20 000 EUR minimum).
4.3.2. Types de litiges
Dans la plupart des États membres qui possèdent une procédure pour les litiges de faible importance, ces procédures ne sont pas applicables uniquement aux demandes monétaires.
En Écosse [139], en Irlande [140] et en Angleterre et au pays de Galles [141], les procédures simplifiées sont réservées à certains types de litiges.
[139] En Écosse, la Small Claims Procedure est réservée aux demandes de paiement d'un montant ne dépassant pas 750 GBP au principal (hors intérêts et frais) autres que les demandes relatives aux créances alimentaires et aux créances alimentaires provisoires et les actions en diffamation, et pour les actions ad factum praestatum (destinées à obtenir l'exécution d'un acte autre que le paiement d'une somme d'argent) ou pour le recouvrement, il est prévu, en variante à la demande, une demande de paiement d'un montant ne dépassant pas 750 GBP (hors intérêts et frais).
[140] En Irlande, la Small Claims Procedure s'applique pour les produits ou ouvrages défectueux, les dommages mineurs aux biens et la non-restitution des dépôts de location.
[141] En Angleterre, la Small Claims Procedure s'applique pour les demandes relatives à un préjudice personnel lorsque les dommages et intérêts réclamés sont inférieurs à 1 000 GBP, les demandes relatives à la dégradation d'un logement lorsque la demande de réparation est inférieure à 1 000 GBP et toutes les autres demandes d'une valeur inférieure à 5 000 GBP.
En Angleterre et au pays de Galles [142], en Irlande [143] et en Suède [144], l'utilisation d'une procédure simplifiée est interdite pour certains types de litiges.
[142] En Angleterre et au pays de Galles, les demandes relatives au harcèlement ou à l'expulsion illicite concernant un immeuble résidentiel sont exclues de la Small Claims Procedure.
[143] En Irlande, les demandes relatives à des contrats, des accords d'achat/vente à crédit, des délits civils et des faits de droit de la famille sont exclues de la Small Claims Procedure.
[144] En Suède, la procédure pour les créances de faible montant est exclue en matière de droit de la famille.
En Allemagne [145], la procédure simplifiée n'est limitée à aucune catégorie d'action.
[145] La procédure pour les créances de faible montant peut être appliquée à n'importe quel litige qui relève de la compétence des juridictions civiles compétentes. Le tribunal civil n'est pas compétent pour le droit du travail, les demandes à l'encontre des autorités fiscales selon le droit relatif à la fonction publique et les demandes à l'encontre des juridictions et des fonctionnaires pour avoir abusé de leurs pouvoirs ou ne pas avoir accompli un acte officiel.
4.3.3. La procédure pour les créances de faible montant: option ou obligation
En Allemagne [146], en Angleterre et au pays de Galles [147], en Écosse [148], en Espagne [149] et en Suède [150], l'utilisation de la procédure simplifiée est obligatoire (pour les demandes inférieures au seuil fixé), mais dans la plupart de ces États membres, un litige peut faire l'objet d'une procédure ordinaire ou plus formelle sur l'initiative du juge ou à la demande d'une partie. En France et en Irlande, la procédure pour les créances de faible montant est optionnelle. En Irlande du Nord, les demandes inférieures à 2 000 GBP font l'objet de la procédure spécifique sauf si l'affaire concerne une dette ou une somme d'argent et si le demandeur opte pour un effet civil ordinaire. Même dans ces circonstances, le défendeur peut toutefois déposer une déclaration d'intention de défense comportant une requête pour que l'affaire soit traitée comme une demande de faible importance, et la juridiction est alors tenue de donner droit à cette requête.
[146] En Allemagne, les parties ne peuvent solliciter l'ouverture d'une procédure normale. Il est du ressort exclusif de la juridiction de recourir à une procédure normale à n'importe quel moment, mais elle le fait exceptionnellement dans la pratique.
[147] En Angleterre et au pays de Galles, la juridiction peut toutefois transférer une demande de faible importance dans une autre procédure (la fast track, ou voie rapide, par exemple).
[148] En Écosse, la juridiction peut toutefois soumettre la demande à une procédure plus formelle, de sa propre initiative ou à la demande d'une des parties, lorsqu'elle a la conviction que l'affaire implique une question de droit difficile ou une question de fait d'une complexité inhabituelle. La juridiction est tenue de transférer l'affaire si les parties déposent une demande conjointe à cette fin.
[149] En Espagne, la procédure orale (pour les demandes inférieures à 500 000 pesetas) est obligatoire.
[150] En Suède, une partie peut solliciter l'application de la procédure ordinaire si la demande revêt une importance particulière pour la relation juridique entre les parties, qui dépasse l'objet de la demande.
4.3.4. Introduction de la procédure
À l'heure actuelle, un formulaire peut être utilisé pour l'introduction d'une demande en Angleterre et au pays de Galles [151], en Écosse [152], en Irlande du Nord [153], en Suède [154], en Irlande [155], en Espagne [156] et en France.
[151] Un formulaire standard est disponible pour toutes les demandes, y compris les demandes de faible montant.
[152] L'utilisation d'un formulaire standard est obligatoire. Il existe des brochures d'orientation pour compléter le formulaire et une aide orale peut être obtenue auprès des greffiers de la juridiction.
[153] Un formulaire est imposé dans les règles judiciaires qui doivent être appliquées.
[154] Un formulaire standard est disponible pour toutes les demandes, y compris les demandes de faible montant.
[155] En Irlande, des formulaires spécifiques pour l'introduction de la demande et pour la réponse du défendeur peuvent être obtenus auprès du greffier, qui aide les parties à remplir ces documents.
[156] L'introduction d'un formulaire est actuellement en cours de préparation (en application des articles 437 et 812 du code de procédure civile).
En France, une méthode simplifiée est disponible pour l'introduction d'une procédure relative à une demande de faible importance auprès du Tribunal d'instance par une simple « déclaration au greffe ». Il existe également un formulaire, dont l'utilisation n'est pas obligatoire. La déclaration au greffe peut être effectuée oralement. Dans cette procédure, le greffier informe les parties de l'audience par lettre (ou également oralement).
En Allemagne, aucun formulaire n'est prévu, mais l'ensemble des demandes et des déclarations peuvent également être effectuées oralement.
En Autriche, la demande peut être consignée au registre du tribunal d'arrondissement du lieu de résidence du demandeur, et c'est lui qui détermine la juridiction compétente et lui transfère ensuite l'affaire.
Aucun État membre n'impose l'obligation de mentionner des références de droit dans la demande, seules des références de fait sont donc nécessaires. En conséquence, les plaignants ne doivent pas nécessairement faire appel à un avocat.
4.3.5. Représentation et assistance
Dans la majorité des États membres, un greffier de la juridiction ou un bureau d'assistance soutient le demandeur dans l'introduction de la procédure (Allemagne, Angleterre et pays de Galles, Écosse, Irlande du Nord, Suède, Irlande et Autriche). En outre, lors de l'audience le juge aide les parties qui ne sont pas représentées par un avocat (en particulier, sur les questions de procédure), tout en respectant le principe d'impartialité (Irlande, France, Allemagne, Suède [157], Angleterre et pays de Galles, Irlande du Nord [158] et Autriche).
[157] En s'adressant à un tribunal de première instance ou à un service public de recouvrement forcé, il est possible de recevoir une assistance pour l'engagement d'une procédure. La base juridique de cette assistance est l'obligation générale faite à l'administration publique de servir les citoyens. Cette obligation de service implique que les citoyens peuvent téléphoner ou se rendre dans un tribunal de première instance pour recevoir des conseils d'ordre général sur la procédure et les règles y afférentes. Par ailleurs, le président du tribunal est tenu au cours de la phase préparatoire d'une instance de veiller à ce que toutes les questions relatives au litige soient clarifiées et à ce que les parties fassent connaître tous les éléments dont elles peuvent se prévaloir.
[158] Le juge d'arrondissement accompagne les parties tout au long de l'audience et fournit une aide aux parties qui en ont besoin. Il les soutient dans la formulation des questions à soumettre aux témoins et interroge lui-même les témoins après que chaque partie a procédé à l'examen et au contre-examen.
À ce jour, aucun État membre ne prescrit une obligation de représentation par un avocat dans les procédures relatives aux demandes de faible importance. [159] En France, dans la pratique, les parties se défendent habituellement sans l'aide d'un avocat et se présentent à l'audience avec un dossier relativement complet.
[159] En Espagne, la représentation est toutefois obligatoire si la valeur de la créance dépasse 150 000 pesetas. En Autriche, les créances inférieures à 4 000 EUR n'impliquent pas d'obligation de représentation.
Toutefois, la représentation par un avocat est autorisée dans toutes les procédures applicables aux créances de faible montant.
En Suède, en Allemagne, en Angleterre et au pays de Galles, en Écosse et en Irlande du Nord, une personne non qualifiée en tant qu'avocat peut également représenter une partie.
4.3.6. Règlement alternatif des litiges
Plusieurs États membres ont instauré des procédés de règlement alternatif des litiges dans le cadre des procédures judiciaires.
En Irlande, ces méthodes sont directement associées à la procédure relative aux demandes de faible importance. Le greffier en charge des litiges portant sur des créances de faible importance facilite la conciliation, la médiation et les discussions informelles dans le but de parvenir à un règlement sans qu'un jugement ne doive être prononcé.
En Écosse, les règles actuelles ne mentionnent pas expressément la possibilité pour le Sheriff de régler le litige par le biais d'une conciliation ou d'une médiation. Il est toutefois prévu que le Sheriff s'efforce, dans la mesure du possible, d'identifier les problèmes en cause entre les parties dès la première audience, sans devoir recourir à des preuves. Cette politique est renforcée par les nouvelles règles qui sont élaborées dans le cadre de l'examen actuel et qui, si elles sont approuvées, disposeront expressément que le Sheriff doit tenter d'aplanir le litige en essayant de négocier un règlement. Un système de consultance judiciaire parrainé par l'État, expérimenté en ce moment dans une juridiction de Sheriff, comprend un mécanisme de médiation, auquel les affaires peuvent être référées. Les renvois peuvent être décidés par le conseiller ou par la juridiction. Le succès de ce service fait aujourd'hui l'objet d'une évaluation.
D'autres États membres ont également adopté des dispositions facilitant le règlement alternatif des litiges dans le cadre des procédures judiciaires, indépendamment des procédures relatives aux créances de faible montant, lorsqu'elles existent. Ces dispositions prévoient notamment d'accorder la possibilité de recourir au règlement alternatif des litiges (en Belgique [160] et en France [161], par exemple), de l'encourager (en Espagne, [162] en Italie, [163] en Suède [164] et en Angleterre et au pays de Galles [165]), ou même d'établir l'obligation préalable de tenter un règlement alternatif conformément à la loi ou à une décision du juge (en Allemagne [166], en Belgique [167] et en Grèce [168], par exemple).
[160] L'article 665 du code judiciaire, introduit par la loi du 21 janvier 2001 sur la médiation familiale, autorise le juge, à la demande conjointe des parties ou de sa propre initiative, mais avec l'accord des parties, à désigner un médiateur.
[161] Cf. articles 131-1 à 131-15 du nouveau code de procédure civile sur la médiation judiciaire.
[162] Les articles 414 et 415 de la loi n° 1/2000, entrée en vigueur le 9 janvier 2001, stipulent que le juge doit intervenir pour inviter les parties, au début de la procédure « ordinaire », à une conciliation ou à une transaction lorsqu'elles ont exprimé leurs requêtes respectives.
[163] Les articles 183, 185 et 350 du code de procédure civile stipulent que le juge doit prendre toutes les mesures nécessaires pour évaluer dans la pratique si les conditions requises sont réunies pour annuler la décision rendue par un document établissant la conciliation effective entre les parties.
[164] Conformément au chapitre 42, section 17, du code de procédure, la juridiction doit prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre le règlement à l'amiable du litige.
[165] Conformément aux règles 26.4 et 44.5 du code de procédure civile de l'Angleterre et du pays de Galles, qui est entré en vigueur le 26 avril 1999, la juridiction peut suspendre une affaire pour permettre aux parties de recourir à la médiation. Les juridictions peuvent condamner les parties à des amendes financières si elles refusent la médiation.
[166] Conformément à la loi fédérale du 15 décembre 1999, à l'article 15a, paragraphe 1, de la loi de mise en oeuvre des règles de procédure civile (EGZPO), les Länder peuvent légiférer afin d'établir qu'aucune déclaration de créance ne puisse pas être soumise à une juridiction civile si le montant en cause est inférieur ou égal à 750 EUR, ou dans certaines affaires de dommages et disciplinaires, jusqu'à ce qu'un organe d'arbitrage reconnu ait tenté de résoudre le problème; toute déclaration de créance introduite en l'absence de toute tentative de conciliation de ce type serait irrecevable et devrait être rejetée. À ce jour, quatre Länder ont instauré cette obligation de tentative de règlement extrajudiciaire. Lorsqu'une action a été ouverte, l'article 279 du ZPO impose aux juridictions d'étudier la possibilité de régler le litige ou le sujet de dispute spécifique à l'amiable en toute circonstance. Elles peuvent donc présenter aux parties des propositions de règlement à n'importe quel stade des procédures, pendant les audiences orales ou écrites, ou ordonner aux parties de tenter de régler leur différend à l'amiable. Dans les procédures menées au titre de l'article 495a du ZPO (procédures relatives aux demandes de faible importance), les juridictions peuvent également, à leur entière discrétion, suspendre les procédures afin de permettre la réalisation de tentatives de règlement extrajudiciaire.
[167] Le recours aux procédures extrajudiciaires est obligatoire, aux termes du code judiciaire, par exemple, dans les litiges impliquant un contrat de travail ou un bail à ferme. Un projet de loi actuellement à l'étude envisage une réforme en profondeur dans le cadre du code judiciaire et la possibilité pour les juges d'ordonner une procédure de médiation.
[168] L'article 214 du code de procédure civile stipule que les litiges qui relèvent des compétences de la juridiction de première instance ne peuvent être entendus si une tentative de conciliation n'a pas été réalisée au préalable.
4.3.7. Assouplissement de certaines règles en matière de preuve
L'assouplissement des règles relatives à l'obtention de preuves figure parmi les éléments essentiels de la procédure applicable aux litiges portant sur des montants de faible importance dans la plupart des États membres. Bien souvent, le juge jouit à cet égard d'un certain pouvoir discrétionnaire.
Dans les procédures relatives aux demandes de faible importance en Angleterre et au pays de Galles, ainsi qu'en Irlande du Nord, les règles strictes en matière de preuve sont levées. En Angleterre et au pays de Galles, aucun expert ne peut fournir de preuve, qu'elle soit écrite ou verbale, à l'audience sans l'autorisation de la juridiction. La juridiction n'a pas à recueillir de preuves sous serment et peut limiter les examens contradictoires. Les témoins peuvent soumettre une déclaration écrite, mais dans la pratique courante, leur participation au procès ou à l'audience finale est encouragée. La juridiction peut adopter toute méthode de travail qu'elle considère comme équitable. Le juge peut poser des questions directement à n'importe quel témoin avant d'autoriser les autres personnes à le faire.
En Écosse et en Suède également, les règles normales en matière de preuve sont assouplies. En Écosse, l'audience est suivie d'une audience supplémentaire aux fins de la présentation de preuves lorsque cela s'avère nécessaire. Dans la mesure du possible le juge doit s'efforcer de déterminer les griefs opposant les parties dès la première audience, sans devoir obtenir des preuves. Des plaidoiries écrites détaillées à l'appui de la demande sont superflues. Les règles normales en matière de preuve sont assouplies sans restrictions des preuves. Les déclarations écrites de témoins ont valeur de documents justificatifs.
En Allemagne, les juridictions sont libres d'obtenir les éléments de preuve par les procédés qu'elles jugent appropriés et ne sont pas tenues de respecter des règles de preuve définies par la loi ou des procédures spécifiques en la matière. Le pouvoir des juridictions est toutefois limité par le principe d'une audience équitable, le droit à une audience inscrit dans la législation, l'interdiction de l'arbitraire et les principes de mesure et d'impartialité
En Autriche, les juridictions peuvent, dans certaines circonstances, rejeter la fourniture de preuves proposées par les parties. [169]
[169] À ce jour, cette possibilité existe pour les demandes mineures (non supérieures à 10 %) par rapport à la demande totale. À compter du 1er janvier 2002, elle sera étendue à toutes les demandes inférieures à 1 000 EUR.
En Angleterre et au pays de Galles, en Irlande du Nord, en Suède [170] et en Allemagne, les entretiens téléphoniques sont possibles.
[170] L'audience peut se tenir par téléphone s'il est jugé opportun de le faire compte tenu de l'objet de l'affaire, des frais de comparution en personne et des inconvénients que peut entraîner la comparution en personne des parties. Les vues des parties sont également prises en compte. Il arrive dans la pratique que les parties comparaissent par téléphone, surtout dans le cadre des demandes de faible importance.
En Espagne [171], en Suède [172], en Allemagne et en Irlande, les témoins peuvent présenter des dépositions écrites au lieu de comparaître devant la juridiction. En Irlande du Nord, les déclarations écrites de témoins sont permises mais elles ne sont pas couramment utilisées.
[171] En Espagne, les dépositions écrites sont autorisées dans des cas spécifiques (article 381 du code de procédure civile).
[172] Les déclarations écrites des témoins (dites attestations de témoignage) ne sont admises que si l'audition des témoins ne peut avoir lieu au cours ou en dehors de l'audience principale ou encore à l'intérieur du tribunal, ou s'il existe des raisons particulières quant aux frais ou aux inconvénients qu'est jugée engendrer une audience au cours ou en dehors de l'audience principale, à l'apport qu'est jugée constituer une telle audience, à l'importance de la déclaration ou à d'autres circonstances. Cette méthode est rare et les règles sont par conséquent appliquées de manière restrictive.
4.3.8. Introduction de la possibilité d'une procédure purement écrite
À l'heure actuelle, la possibilité d'une procédure purement écrite (au lieu d'une procédure orale) existe en Suède [173], en Irlande du Nord [174], en Écosse [175], en Allemagne, en Angleterre et au pays de Galles, et en Espagne.
[173] Cette possibilité est appliquée dans les cas où les débats oraux ne sont pas nécessaires compte tenu de l'instruction de l'affaire et où aucune des parties ne l'exige.
[174] Bien que la législation autorise une procédure purement écrite, elle n'est pas fréquemment appliquée dans la pratique. Elle a toutefois pour effet que les demandeurs résidant à l'extérieur de la juridiction peuvent étayer leur demande par une déclaration écrite au lieu de comparaître au tribunal, et mettent effectivement ce droit à profit. Si l'affaire est contestée, le demandeur se trouve toutefois dans une situation de désavantage s'il ne comparaît pas à l'audience et se repose uniquement sur ses déclarations.
[175] En Écosse, la procédure écrite est réservée aux affaires non contentieuses.
En Allemagne, la procédure écrite constitue la règle dans la pratique. Les parties peuvent toutefois solliciter une audience orale.
En Angleterre, une décision peut uniquement être fondée sur une procédure écrite si le juge la considère appropriée et si les parties sont d'accord, mais ces conditions sont rarement réunies.
4.3.9. Assouplissement des règles relatives au contenu de la décision et aux délais
En Allemagne, la décision rendue dans une procédure relative à une créance de faible importance ne doit pas nécessairement mentionner les faits de l'affaire. Pour ce qui est du raisonnement juridique, il suffit que les grandes lignes soient consignées.
Un calendrier général pour la résolution d'une affaire n'existe dans aucun État membre.
À ce jour, un délai est fixé pour la délivrance de la décision en Espagne [176] (10 jours), en Suède (14 jours), en Écosse (28 jours) et en Autriche (4 semaines) [177].
[176] Il n'y a toutefois pas de conséquences juridiques si le délai n'est pas respecté.
[177] Il n'y a toutefois pas de conséquences juridiques si le délai n'est pas respecté.
4.3.10. Coûts
Les règles de procédure relatives au remboursement des coûts connaissent d'importantes différences. Dans de nombreux États membres, s'il perd le défendeur doit supporter seul l'ensemble des coûts.
En Angleterre et au pays de Galles, en Écosse, en France [178], en Irlande, en Irlande du Nord [179] et en Suède, le remboursement est toutefois limité. Les dispositions en la matière vont d'une absence totale de remboursement (Irlande), à une limitation aux frais de justice (Irlande du Nord) et à un montant maximal déterminé, qui dépend dans certains cas du montant de la créance (Angleterre et pays de Galles, Écosse et Suède).
[178] Le remboursement des coûts est limité conformément à l'article 695 du nouveau code de procédure civile.
[179] Seuls les frais de justice appropriés sont accordés, sauf si le juge d'arrondissement a la conviction que l'une des parties a fait preuve d'une attitude déraisonnable (auquel cas il peut condamner cette partie au paiement des coûts et des frais liés aux témoins), ou si la procédure a été dûment ouverte par un effet civil (auquel cas des coûts peuvent être imposés).
4.3.11. Exclusion ou restriction de la possibilité de recours
Le droit des États membres en ce qui concerne la possibilité d'interjeter appel contre les décisions rendues dans le cadre de procédures relatives aux créances de faible importance présente des différences marquées.
Les décisions relatives aux demandes de faible importance sont susceptibles d'appel sans aucune restriction en Irlande et en Espagne [180].
[180] En Espagne, des restrictions sont toutefois imposées en ce qui concerne les preuves autorisées (article 460 du code de procédure civile).
En Écosse, le recours ne peut porter que sur des points de droit.
En Suède le recours est soumis à une autorisation accordée en cas de circonstances particulières, comme l'importance de l'affaire pour l'application du droit.
En Angleterre et au pays de Galles, le recours est toujours soumis à une autorisation, sauf cas particuliers concernant la liberté d'une personne.
En Irlande du Nord, le droit de recours est actuellement très limité dans les procédures relatives aux demandes de faible importance [181]. Des modifications législatives élargissant le droit de recours ont toutefois été proposées.
[181] Le juge d'arrondissement peut déférer à la Haute Cour toute question de droit résultant d'une décision arbitrale. Ce droit devient une obligation si la Haute Cour l'y enjoint.
Des seuils sont fixés pour autoriser un recours en France (25 000 FRF, soit 3 811 EUR) et en Allemagne (600 EUR), ce qui signifie dans la pratique qu'il n'est pas possible d'interjeter appel dans les procédures relatives aux demandes de faible importance. En Allemagne, le recours est cependant admis si l'affaire revêt une importance générale.
En Autriche, un recours contre une décision relative à une créance inférieure à 2 000 EUR est possible uniquement pour des motifs de nullité (autrement dit en cas de vices de procédure extrêmement graves) ou des points de droit [182].
[182] Les recours fondés sur des questions factuelles et l'évaluation des preuves sont interdits (article 501 du code de procédure civile).
4.4. NÉCESSITÉ D'ACTION AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE
Ainsi que cela a été évoqué plus haut, les coûts, les délais et les tracasseries inhérents aux actions judiciaires ne diminuent pas proportionnellement au montant de la créance. Au contraire, plus la demande porte sur un montant limité, plus l'importance de ces obstacles s'accroît. C'est pourquoi de nombreux États membres ont instauré des procédures civiles simplifiées pour les demandes de faible importance.
Une étude sur le coût des obstacles judiciaires pour les consommateurs dans le marché unique, en 1995 [183], a permis les constats suivants pour les demandes de faible importance en matière civile; toutefois ils présentent également un intérêt plus général:
[183] Cost of Judicial Barriers for Consumers in the Single Market, Hanno von Freyhold, Volkmar Gessner, Enzo L. Vial, Helmut Wagner (éd.), Rapport de la Commission européenne (Direction générale XXIV), Zentrum für Europäische Rechtspolitik an der Universität Bremen, octobre/novembre 1995, disponible sur le site Internet suivant: http://www.freyvial.de/Publications/ egi-2.pdf
* 24 % des citoyens des États membres achètent sporadiquement (généralement, lors de déplacements à l'étranger) des biens ou des services d'une valeur maximale de 2 000 EUR dans d'autres États de l'Union [184]. 10 % de ces consommateurs sont mécontents et les deux tiers d'entre eux ne sont pas en mesure de faire valoir leurs demandes ou ne désirent pas le faire. Cette étude montre également qu'il n'existe pas vraiment un marché unique pour les biens durables. Les citoyens achètent rarement ce type de biens à l'étranger en raison des risques de ne pas pouvoir exiger une réparation ou un remboursement.
[184] Étude EUROBAROMÈTRE du 17 mai 1995 (43.0).
* En fonction de la combinaison d'États membres, le coût total pour faire valoir une créance transfrontalière d'une valeur de 2 000 EUR fluctue entre 980 et 6 600 EUR et atteint en moyenne 2 489 EUR pour une procédure menée dans l'État de résidence du défendeur. Le coût minimal moyen d'une procédure menée dans l'État de résidence du plaignant est environ 3 % inférieur et le coût maximal est même de 11 % inférieur par rapport à une procédure menée dans l'État de résidence du défendeur. Dès lors que le plaignant doit prendre en charge une partie des coûts, même s'il obtient gain de cause, et qu'il court toujours le risque de devoir supporter la totalité des coûts s'il est débouté, un consommateur raisonnable n'entamera des poursuites pour 2 000 EUR.
* De plus, les consommateurs tiennent compte de la durée des poursuites judiciaires. Des éléments décisifs à cet égard sont la procédure (y compris la signification des documents) et l'exécution. Alors que certains États membres mènent à bien des procédures dans un délai maximal d'une année, les juridictions compétentes pour examiner les réclamations de consommateurs portant sur des montants de faible importance en Irlande et plus encore en Italie ont besoin de plusieurs années pour trancher le litige. La durée moyenne de poursuites transfrontalières en Europe est de près de 2 ans dans l'État de résidence du défendeur et augmente de six mois dans l'État de résidence du plaignant (où la signification du processus et la procédure de reconnaissance et d'exécution s'ajoutent à la durée requise).
* Ces données révèlent une insécurité juridique pour les consommateurs dans le marché unique. En conséquence, les consommateurs informés évitent les marchés anonymes et les consommateurs non informés s'exposent à des risques lorsqu'ils effectuent des achats à l'étranger. Les structures disponibles pour le règlement des litiges civils transfrontaliers sont loin d'être fiables, accessibles et efficaces. Les calculs des coûts directs pour les consommateurs démontrent que les coûts cumulés de l'insécurité juridique dans les affaires civiles transfrontalières sont considérables. Additionnées les différentes catégories de coûts représentent au total un montant de l'ordre de 7 230 à 73 790 millions d'euros.
Le fait que les obstacles à l'obtention d'une décision rapide et peu coûteuse augmentent manifestement dans un contexte transfrontalier est souligné aussi dans le Rapport de la conférence pluridisciplinaire d'experts sur la résolution des litiges portant sur des montants de faible importance au-delà des frontières européennes, qui a eu lieu en 1998 sous la présidence britannique de l'Union européenne. [185] La méconnaissance des systèmes juridiques des autres États membres et la nécessité qui en résulte de recourir à un avocat, le délai plus long nécessaire pour transmettre documents à une partie résidant dans un autre État membre et les coûts de traduction ne sont qu'un échantillon des facteurs en cause. À l'heure actuelle, le coût d'obtention d'une décision contre un défendeur résidant dans un autre État membre est donc souvent disproportionné par rapport aux sommes en jeu, en particulier lorsque la demande porte sur un montant modeste. Si, dans un tel cas, il n'existe aucune procédure « proportionnelle » au montant du litige parce que le système juridique d'un État membre ne prévoit pas de procédure de ce type ou exclut son application aux affaires transfrontalières, le créancier peut se heurter à des obstacles tels que l'opportunité de poursuites judiciaires peut être mise en doute sur le plan économique. Face aux frais des procédures, beaucoup de créanciers, intimidés par les difficultés pratiques qu'ils devront probablement surmonter, abandonnent tout espoir de récupérer ce qui d'après eux leur revient légitimement.
[185] Conférence pluridisciplinaire d'experts, Résolution des demandes de faible importance au-delà des frontières européennes, 22 et 23 juin 1998, Down Hall, Hatfield Heath, Hertfordshire.
Pour donner les moyens à la Commission de mieux apprécier le degré de nécessité d'une action au niveau communautaire, ainsi que le type d'action qui s'impose, le présent Livre vert a notamment pour objectif de recueillir davantage d'informations sur le fonctionnement des procédures existantes pour les demandes de faible importance. Une simple analyse du cadre procédural en place ne suffit pas à tirer les conclusions appropriées quant à l'efficacité d'une procédure particulière dans son usage quotidien. Plus les divergences s'accroissent dans l'acceptation et la réussite des procédures destinées à simplifier et à accélérer le règlement des litiges de faible importance entre États membres, plus le déséquilibre présenté plus haut s'aggrave et plus le besoin d'un rapprochement dans toute la Communauté devient impératif.
Dans ce contexte il faudrait préciser aussi qu'un éventuel futur instrument communautaire concernant les créances d'un faible montant relèverait de l'actuel acquis communautaire dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile et d'autres éventuels instruments futurs dans ce domaine. Dans les affaires de créances transfrontalières de faible importance, les documents seraient signifiés conformément au règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale [186]. Le fait qu'un débiteur conteste une demande faite dans une éventuelle future procédure d'injonction de payer, comme exposé dans la partie II du présent Livre vert, n'aurait aucune incidence sur le point de savoir si, après l'aboutissement de la procédure d'injonction de payer, la procédure ordinaire ou la procédure relative aux créances de faible montant suivrait (à condition que l'action concerne une créance de faible montant). Enfin, un jugement incontesté rendu dans une procédure portant sur les créances de faible montant justifierait un titre exécutoire européen (une fois qu'un règlement du Conseil portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées aura été adopté [187] et pourvu que les autres conditions requises pour une remise de ce titre soient remplies).
[186] JO L 160 du 30 juin 2000, p. 37.
[187] Voir COM(2002) 159 final, Proposition de règlement du Conseil portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées.
Question 32:
Quels problèmes, le cas échéant, se posent dans l'application des procédures relatives aux demandes de faible importance dans votre État membre? Veuillez indiquer le niveau d'acceptation et de succès des procédures en vigueur.
Ces procédures sont-elles applicables aussi aux affaires transfrontalières, lorsque le plaignant ou le défendeur est domicilié dans un autre État membre? Quels problèmes se posent actuellement lorsqu'une demande de faible importance fait l'objet de poursuites transfrontalières?
Dans la perspective de l'acceptation et du succès des procédures actuelles, il conviendrait en outre de souligner qu'après l'adoption d'un futur instrument communautaire concernant les faibles créances, un aspect essentiel pour les citoyens sera de les informer de l'existence de la procédure relative aux créances de faible importance afin de garantir en pratique un accès efficace à la justice. Un moyen de fournir ces informations serait que les autorités nationales compétentes coopèrent pour fournir au public et aux milieux professionnels les informations nécessaires sur la procédure relative aux créances de faible importance, notamment par le biais du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale créé par la décision du Conseil n° 2001/470/CE [188].
[188] Décision du Conseil du 28 mai 2001 relative à la création d'un réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, JO L 174 du 27.6.2001, p. 25.
Question 33:
Quelles seraient les meilleures manières envisageables pour informer les citoyens sur un futur instrument communautaire concernant la procédure relative aux créances de faibles montants?
5. CHAMP D'APPLICATION D'UN INSTRUMENT RELATIF AUX DEMANDES DE FAIBLE IMPORTANCE
Outre les deux questions mentionnées dans l'introduction (Chapitre I: instrument juridique approprié, application aux affaires transfrontalières uniquement ou aux affaires purement nationales également), l'éventuel futur instrument communautaire relatif aux demandes portant sur des montants de faible importance soulève d'autres problèmes spécifiques. Deux types de questions doivent être distingués:
- le premier a trait au champ d'application de l'instrument relatif aux demandes de faible importance. Le champ d'application concerne, entre autres, le seuil à fixer pour les « demandes de faible importance », les types de litiges pour lesquels la procédure relative aux demandes de faible importance doit être applicable, et son caractère obligatoire ou facultatif. Ces questions seront analysées dans le présent chapitre;
- le second a trait aux règles de procédure concrètes qui peuvent séparer la procédure relative aux demandes de faible importance de la procédure ordinaire, en d'autres termes, les règles de procédure qui peuvent être envisagées et pourraient être appropriées pour assurer que rien n'empêche ni ne dissuade les citoyens et les entreprises d'exercer leurs droits. Les règles de procédure relatives à ces paramètres concernent toutes les phases d'une procédure civile, à savoir l'introduction de la procédure, la procédure proprement dite, la décision et ses coûts, la force exécutoire de la décision et la possibilité de recours. Ces questions feront l'objet du chapitre suivant (6).
Un futur instrument communautaire applicable aux demandes de faible importance soulève des questions spécifiques quant à son champ d'application. Dans une certaine mesure, une corrélation unit les trois aspects, qui sont le seuil de la procédure applicable aux demandes portant sur des montants de faible importance, les types de litiges pour lesquels cette procédure doit être applicable et le caractère facultatif ou obligatoire de cette procédure.
5.1. Seuil
Dès lors que le concept de demandes de faible importance a une connotation quantitative, il paraît indispensable d'établir un seuil quantitatif (basé sur la valeur de la créance), en deçà duquel une demande doit être considérée comme étant « de faible importance ». Dans certains systèmes juridiques, il est vrai que le choix entre la procédure ordinaire et ses formes simplifiées n'est pas arrêté en fonction du montant réclamé (c'est-à-dire sur une base quantitative), mais plutôt à la lumière de critères qualitatifs (cf. point 4.3). Des formes de procédure simplifiées sont mises en oeuvre dans les affaires plus simples et moins complexes, quel que soit le montant de la créance en cause. Une définition quantitative des demandes de faible importance semble toutefois préférable, dès lors qu'une demande qui ne soulève aucune question juridique substantielle et pour laquelle les faits sont limpides, mais qui porte néanmoins sur une somme élevée, peut difficilement être qualifiée de demande « de faible importance ».
Tous les États membres ayant une procédure relative aux demandes de faible importance ont fixé des seuils pour cette procédure; toutefois ils varient sensiblement (entre 600 EUR et 8 234 EUR). Une tendance générale à relever ces seuils (et non à les diminuer) semble se dessiner dans les États membres.
Le seuil ne doit pas être fixé trop bas afin d'assurer que l'application de la procédure relative aux demandes de faible importance présente un intérêt pratique suffisant et, conformément aux conclusions de Tampere, ait une influence directe sur la vie des citoyens. À l'opposé, un seuil trop élevé pourrait également se révéler problématique. La simplification des règles de procédure se justifie uniquement lorsque les coûts de l'action judiciaire sont disproportionnés par rapport à la créance en cause. Un seuil trop haut pourrait faire obstacle à l'introduction de simplifications de procédure significatives en raison de considérations liées à une protection juridique efficace des citoyens. Un seuil situé entre 1 000 et 2 000 EUR pourrait constituer un compromis acceptable. Il pourrait être fixé à un niveau supérieur dans le cas d'une procédure facultative (cf. point 5.3) dès lors que la mise en oeuvre de la procédure ordinaire reste autorisée en toute circonstance.
On pourrait également envisager de déterminer un seuil minimal commun en dessous duquel la procédure relative aux créances de faible importance serait applicable dans tous les États membres, mais qui laisserait la possibilité aux États membres de fixer un seuil plus élevé. Dans cette hypothèse, la fixation d'un seuil maximal complémentaire pourrait également être envisagé.
Question 34:
Un seuil quantitatif doit-il être fixé pour les demandes de faible importance?
Dans l'affirmative, quel doit être ce seuil?
Un seuil commun doit-il être fixé pour tous les États membres?
Au contraire, un seuil communautaire minimal (et maximal) est-il suffisant?
5.2. Types de litiges
À la différence de la procédure d'injonction de payer, qui entend aboutir dans un délai raisonnable à la délivrance d'un titre exécutoire pour les créances incontestées (le cas échéant, par le biais du traitement des données), la procédure relative aux demandes de faible importance s'applique aux créances qui sont bel et bien contestées par le défendeur. Peu d'arguments peuvent donc être soutenus pour limiter la procédure relative aux demandes de faible importance aux seules demandes monétaires. Dès lors qu'un juge aura à connaître de l'affaire, dans une forme de procédure simplifiée quelle qu'elle soit, il n'est pas nécessaire que le libellé de la décision s'insère dans un formulaire qu'il suffit de compléter en cochant des cases (ce qui peut être difficile pour les demandes autres que pécuniaires). Dans la plupart des États membres qui possèdent une procédure pour les litiges de faible importance, ces procédures ne sont donc pas réservées aux demandes pécuniaires.
En outre, la question se pose de savoir si la procédure doit être limitée à certains types de litiges, ou si certains litiges doivent être exclus de la procédure. La législation de plusieurs États membres énonce de telles limitations.
Les conclusions de Tampere parlent de règles de procédure spéciales communes en vue de simplifier et d'accélérer le règlement des litiges transfrontaliers concernant « les demandes de faible importance en matière civile et commerciale ainsi que les créances alimentaires ».
La procédure relative aux demandes de faible importance a pour finalité d'éviter des procédures longues et coûteuses pour des demandes de ce type. A priori, il semblerait donc logique d'appliquer cette procédure à tous les types de litiges en matière civile et commerciale. Des problèmes pourraient toutefois surgir lorsque des mesures substantielles et coûteuses d'obtention de preuves (des expertises, par exemple) sont nécessaires. Des règles flexibles pourraient néanmoins être imaginées à propos de l'obtention de preuves, en accordant au juge une marge de manoeuvre étendue à cet égard (cf. infra au point 6.4). De surcroît, il pourrait être difficile d'identifier certains types de litiges qui, typiquement, sont plus complexes et ne se prêtent donc pas à une procédure relative aux demandes de faible importance. Même dans les affaires de demande de dommages et intérêts pour un préjudice subi, qui pourraient être plus complexes, les expertises éventuelles pourraient être présentées par écrit, et une procédure écrite serait par conséquent réalisable. Dans cet ordre d'idées, les questions du remboursement des coûts et du caractère facultatif ou obligatoire de la procédure ne doivent pas être éludées non plus. Si le remboursement des rapports d'experts (qui peuvent être indispensables même dans des affaires portant sur un simple litige contractuel) doit être limité dans une procédure obligatoire portant sur des demandes de faible importance, il pourrait ne pas être raisonnable sur le plan économique d'engager des poursuites pour lesquelles des preuves de ce genre doivent être apportées.
En déterminant les types de litiges appropriés, il convient par ailleurs de garder à l'esprit que, dans certains États membres, des demandes particulières (certaines affaires de droit de la famille, par exemple) ne sont pas traitées selon une procédure civile ordinaire. Il pourrait dès lors être difficile d'instaurer une procédure pour les demandes de faible importance (soit une procédure civile simplifiée) pour ces types de litiges.
Dans les affaires non financières, c'est habituellement le plaignant qui fixe la valeur de la demande. Si la procédure relative aux litiges de faible importance est obligatoire, il lui appartiendra donc de décider si cette procédure s'applique ou non à sa demande. Afin de prévenir les abus éventuels, le juge contrôle dans certains États membres la fixation de la valeur du litige.
Question 35:
Les demandes de faible importance doivent-elles être limitées aux demandes pécuniaires?
Question 36:
À quels types de litiges la procédure relative aux demandes de faible importance doit-elle s'appliquer?
Certains litiges civils et commerciaux doivent-ils être exclus?
Au contraire, la procédure doit-elle s'appliquer uniquement à certains litiges civils et commerciaux spécialement désignés?
5.3. La procédure pour les créances de faible montant: option ou obligation
Procédure facultative
Une procédure facultative (comme la connaissent actuellement la France, l'Irlande et l'Irlande du Nord) pourrait être instituée sous la forme d'une procédure européenne supplémentaire, qui ne porterait pas atteinte aux procédures nationales existantes. Il pourrait cependant en résulter que la procédure relative aux demandes de faible importance ne serait que rarement utilisée dans la pratique, en particulier si elle s'applique uniquement aux affaires ayant une dimension transfrontalière.
Il convient également de réfléchir aux parties qui seraient autorisées à choisir la procédure relative aux demandes de faible importance. Afin de garantir l'égalité des droits de procédure entre les parties, il semble raisonnable que le plaignant puisse engager les poursuites par une procédure relative aux demandes de faible importance, mais que le défendeur puisse s'y opposer et provoquer ainsi l'ouverture d'une procédure ordinaire. En définitive, la procédure relative aux demandes de faible importance s'appliquerait donc uniquement si les deux parties y consentent. Étant donné toutefois qu'elles poursuivront fréquemment des intérêts contradictoires et ne seront pas toujours toutes deux favorables à une procédure rapide, le champ d'application pratique de la procédure pourrait être sensiblement rétréci.
Procédure obligatoire
Une procédure obligatoire (comme en Allemagne, en Angleterre et au pays de Galles, en Écosse, en Espagne et en Suède) assurerait un champ d'application plus large de la procédure relative aux demandes de faible importance, surtout si elle ne concerne pas uniquement les affaires ayant une dimension transfrontalière. Dans certains cas, il pourrait toutefois être préférable d'appliquer une procédure normale même si la valeur de la demande est inférieure au seuil fixé. Afin d'éviter que cette décision soit laissée aux parties, il pourrait être envisagé de confier à l'appréciation du juge de « transformer » une procédure relative à une demande de faible importance en une procédure ordinaire. Cette décision entraînerait des répercussions pour toutes les autres simplifications formelles de la procédure relative aux demandes de faible importance (limitations de la possibilité de recours, etc., par exemple). Le juge penchera en outre le plus souvent pour une transformation en procédure ordinaire car il souhaite appliquer les règles normales en matière de preuves. Au lieu d'une transformation de la procédure, on pourrait dès lors n'envisager d'autoriser le juge à n'appliquer que les règles normales sur l'obtention de preuves. L'application des autres simplifications de procédure ne relèverait pas du pouvoir du juge (cf. infra au point 6.4).
Il convient d'être attentif au lien entre cette question et les possibilités de simplification des règles de procédure, comme la nécessité d'une audience orale ou les conséquences des limitations du remboursement des coûts.
Question 37:
La procédure relative aux demandes de faible importance doit-elle être obligatoire ou facultative?
La juridiction doit-elle pouvoir transformer une demande de faible importance en une procédure ordinaire?
Dans l'affirmative, dans quelles conditions?
Les parties doivent-elles pouvoir transformer une demande de faible importance en une procédure ordinaire?
Dans l'affirmative, dans quelles conditions?
6. SIMPLIFICATION DES RÈGLES DE PROCÉDURE
Les simplifications potentielles des règles procédurales dans une procédure relative aux litiges de faible importance, par rapport à une procédure ordinaire, concernent toutes les étapes d'une procédure (l'ouverture de la procédure, la procédure à proprement parler, la décision et ses coûts, et la possibilité de recours). Les options énumérées dans ce chapitre peuvent être observées sous une forme ou une autre dans les procédures existantes pour les litiges de faible importance (ainsi que, dans une certaine mesure, dans les procédures ordinaires d'autres États membres), mais elles représentent un éventail de possibilités plus large encore. Les propositions suivantes de simplification des règles procédurales ont pour objectif d'alléger la procédure, eu égard à la faible importance du litige, et de la rendre aussi simple que possible tout en garantissant néanmoins au citoyen une protection juridique efficace, conforme à une procédure fondée sur le respect du droit.
6.1. Normes minimales communes des formulaires
Un formulaire uniforme, qui pourrait être rempli facilement et se limiterait aux éléments absolument indispensables, faciliterait beaucoup l'introduction d'une procédure.
Ses éléments essentiels pourraient être les suivants:
- l'identité et l'adresse des parties et de la juridiction;
- la demande, avec description succincte des faits;
- la date et la signature.
Les conclusions de Tampere (point 31) mentionnent également la fixation de normes minimales communes pour formulaires multilingues.
L'objectif doit être l'élaboration d'un formulaire ne contenant aucune information pour laquelle le plaignant aurait besoin de l'aide d'un avocat (des observations juridiques ou le libellé juridiquement exact de la décision requise, par exemple). Au besoin, le juge ou un greffier de la juridiction peut donner des instructions aux parties sur les modifications nécessaires au fil de la procédure qui s'ensuit (cf. infra au point 6.2). Afin de prévenir les problèmes, le formulaire pourrait comprendre des instructions à suivre pour le remplir. Le formulaire européen simplifié, proposé en 1996 par la Commission dans son Plan d'action sur l'accès des consommateurs à la justice et le règlement des litiges de consommation dans le marché intérieur [189], et l'actuel Formulaire européen de réclamation pour le consommateur [190] pourraient servir de références.
[189] COM (1996) 13 final.
[190] http://europa.eu.int/comm/consumers/ policy/developments/acce_just/acce_just03_fr.html
Dans le Plan d'action, la Commission proposait l'introduction d'un formulaire européen simplifié afin d'améliorer l'accès aux procédures judiciaires.
On pourrait également envisager d'introduire des formulaires pour les étapes ultérieures de la procédure (la réplique du défendeur, par exemple).
Ces formulaires pourraient aussi être disponibles sur Internet. Les choses seraient ainsi facilitées, en particulier, pour les parties résidant dans un autre État membre que celui de la juridiction, notamment si, malgré tous les efforts d'harmonisation entre les États membres, de légères disparités entre les formulaires s'avéraient inévitables.
On pourrait en outre autoriser l'utilisation des moyens de communication modernes, tels que la télécopie et le courrier électronique, pour introduire la procédure et pour la suite des communications entre les parties et la juridiction. Les communications par télécopie sont aujourd'hui de plus en plus acceptées par les juridictions, mais les communications électroniques sont possibles uniquement dans des cas exceptionnels et par le biais de systèmes spécifiques de transfert de données. Le courrier électronique soulève également certains problèmes compte tenu de la difficulté de contrôler l'authenticité d'un document. Compte tenu du cadre législatif communautaire relatif aux signatures électroniques [191], l'introduction d'une procédure par courrier électronique pourrait toutefois devenir monnaie courante à l'avenir. Il convient par ailleurs de garder à l'esprit que les méthodes de communication techniques sont une question générale de procédure civile plutôt qu'un problème particulier aux demandes de faible importance.
[191] Cf. notamment directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 1999, sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, JO L 13 du 19.01.2000, p. 12.
Question 38:
Des normes minimales communes pour les formulaires doivent-elles être adoptées?
Dans l'affirmative, quelles normes peuvent être envisagées?
Pour quelles étapes de la procédure les formulaires doivent-ils être utilisés?
Des moyens de communication modernes doivent-ils être introduits?
6.2. Représentation et assistance
Dès lors que la procédure relative aux litiges de faible importance doit notamment permettre aux parties d'obtenir une décision rapidement et à moindres frais, la représentation par un avocat n'est obligatoire dans aucun État membre. La représentation est toutefois possible dans tous les États membres. Ce cadre semble satisfaisant puisque la procédure relative aux litiges de faible importance entend assurer un accès aisé à la justice, en particulier pour les non-professionnels, et puisqu'aucune objection n'est émise contre la présentation de l'affaire par un avocat.
La possibilité de représentation par une personne autre qu'un avocat, qui existe d'ores et déjà dans plusieurs États membres (Allemagne, Angleterre et pays de Galles, Écosse et Irlande du Nord), pourrait apporter une amélioration supplémentaire. Elle pourrait intéresser tout spécialement les entreprises qui, surtout dans des affaires faciles, pourraient se faire représenter par des membres de leur personnel.
Dans la pratique, souvent les parties ne sont pas représentées par un avocat. Afin d'apporter à ces personnes une aide efficace, de nombreux États membres prévoient une assistance par des greffiers de la juridiction pour introduire la procédure et notamment pour remplir un formulaire. Cette aide peut permettre d'éviter les retards provoqués par des demandes incomplètes et la nécessité de rectifications à un stade ultérieur.
Souvent, les non-professionnels peuvent aussi avoir besoin d'une aide aux étapes ultérieures de la procédure. Les procédures relatives aux demandes de faible importance appliquées dans la plupart des États membres prévoient en conséquence que des plaidoiries détaillées ne sont pas obligatoires et que le juge a l'obligation de fournir des instructions aux parties. Il doit clarifier les faits et aider les parties, notamment sur les questions de procédure. Afin d'accroître la commodité de la procédure relative aux demandes de faible importance, il pourrait être utile d'imposer au juge l'obligation de fournir des instructions aux parties. Cette obligation pourrait avoir une grande portée, mais elle impliquerait de toute évidence que le juge conserve sa neutralité et ne puisse mener sa propre enquête sur initiative personnelle.
La possibilité d'introduire une demande directement auprès de la juridiction, en la faisant enregistrer oralement, pourrait parachever l'assistance aux non-professionnels et atténuer les craintes des personnes qui ne sont pas habituées à traiter avec les autorités.
Question 39:
Une aide pour les questions de procédure doit-elle être assurée aux parties non représentées par un avocat?
Dans l'affirmative, dans quelle mesure?
La représentation par une personne autre qu'un avocat doit-elle être possible?
6.3. Autre formule de règlement des litiges
Un autre droit procédural qui mériterait d'être étudié serait l'introduction d'une autre formule de règlement des conflits (tels que la conciliation, la médiation et les discussions informelles) dans les procédures relatives aux demandes de faible importance. Il aurait l'avantage d'alléger la charge de travail des juridictions et de réduire les coûts. Des économies substantielles pourraient ainsi être réalisées sur les frais de justice et autres dépenses liées aux poursuites, mais aussi sur le temps et l'énergie des parties et des juges. Selon toute vraisemblance, un compromis pourrait aussi être trouvé dans des délais plus brefs que la délivrance et l'exécution d'une décision. La résolution alternative des conflits peut donc contribuer utilement à comprimer les coûts et à abréger les délais, ce qui importe pour toutes les procédures civiles et commerciales, mais, pour des raisons évidentes, revêt une importance considérable pour les demandes de faible importance.
Différentes options peuvent être étudiées quant à la nature facultative ou obligatoire d'autres modes de règlement des litiges. Ainsi, la possibilité de recourir à une résolution alternative peut être prévue dans une procédure judiciaire, ou encore les juridictions peuvent les encourager expressément. On peut même imaginer une obligation de tenter une résolution alternative avant qu'une décision ne puisse être rendue.
Il convient néanmoins de garder à l'esprit que les modes alternatifs de règlement des litiges sont une question générale de procédure civile, et non une question propre aux demandes de faible importance. La Commission a d'ailleurs analysé spécialement ce sujet dans un Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial [192].
[192] Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial, COM (2002) 196 final (http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/gpr/ 2002/com2002_0196fr01.pdf). Dans le contexte des demandes de faible importance, un intérêt particulier revient au chapitre du Livre vert intitulé « ADR dans le cadre de procédures judiciaires ».
Question 40:
Des modes alternatifs de résolution des conflits doivent-ils être introduits pour les procédures relatives aux demandes de faible importance?
Dans l'affirmative, la mise en oeuvre de modes alternatifs de résolution des conflits doit-elle être facultative ou obligatoire?
6.4. Assouplissement de certaines règles en matière de preuve
Un aspect primordial dans la plupart des procédures existantes pour les demandes de faible importance a trait à la simplification des règles concernant l'obtention de preuves, dans le but de raccourcir la procédure et d'alléger les coûts.
Dans cette perspective, on pourrait envisager de limiter les moyens de preuve recevables. Ainsi, les moyens de preuve particulièrement coûteux (tels que les rapports d'expertise) pourraient être exclus. Dans certaines circonstances, l'établissement des faits pourrait toutefois s'en trouver pratiquement impossible.
Presque toutes les procédures relatives aux demandes de faible importance prévoient dès lors des simplifications des règles en matière de preuve, et non des limitations des moyens de preuve.
Les possibilités suivantes pourraient être étudiées:
- Acceptation des déclarations écrites des témoins et/ou des parties Cela réduirait sensiblement les frais de déplacement, en particulier dans les affaires transfrontalières.
- Conférence téléphonique et vidéoconférence Cette possibilité éviterait également des frais de déplacement et elle offrirait l'avantage supplémentaire de créer une relation directe entre la juridiction et les parties ou les témoins. Elle pourrait faciliter l'examen des preuves par la juridiction et elle permettrait un examen croisé. Les conditions techniques devraient bien entendu définies.
- Présentation de certains moyens de preuve pour acceptation par le juge
Afin d'élargir autant que faire se peut le champ d'application de la procédure relative aux demandes de faible importance et de permettre son application aux types de demandes les plus disparates, il semble opportun d'instaurer des règles souples sur l'obtention de preuves. On pourrait également prévoir, dans un cas particulier, de laisser l'acceptation de moyens de preuve spécifiques à l'appréciation du juge, qui ne serait donc pas tenu par les règles normales en matière de preuves. Confronté à une affaire spécifique, le juge pourrait alors déterminer lui-même, sur la base de sa formation et de son expérience, les moyens de preuve nécessaires et conduire une procédure plus ou moins formelle selon les circonstances de l'affaire en cause. À première vue, cette option peut sembler avoir une portée considérable. Il convient néanmoins de déterminer si une solution aussi simple et souple serait acceptable pour accélérer et simplifier la procédure compte tenu de la faible valeur de la demande. Elle a été appliquée avec succès en Allemagne. Le cas échéant, on pourrait également préciser que le droit à un procès équitable, inscrit à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être respecté en toute circonstance.
Cette mesure pourrait être associ&