ARRÊ
T DE LA COUR (quatrième chambre)
5 juin 2014
Procédure pénale contre M.
«Convention d’application de l’accord de Schengen – Article 54 – Principe ‘ne bis in idem’ – Champ d’application – Ordonnance de non-lieu à renvoi devant une juridiction de jugement en raison de l’insuffisance de charges rendue par une juridiction d’un État contractant – Possibilité de réouverture de l’instruction judiciaire en cas de survenance de nouvelles charges – Notion de personne ayant été ‘définitivement jugée’ – Poursuites pénales dans un autre État contractant contre la même personne et à raison des mêmes faits – Extinction de l’action publique et application du principe ne bis in idem»
Dans l’affaire C‑398/12,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 35 UE, introduite par le Tribunale di Fermo (Italie), par décision du 11 juillet 2012, parvenue à la Cour le 29 août 2012, dans la procédure pénale contre
M,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, M. K. Lenaerts, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la quatrième chambre, MM. M. Safjan, J. Malenovský et Mme A. Prechal, juges,
avocat général: Mme E. Sharpston,
greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 septembre 2013,
considérant les observations présentées:
– pour Q et R, par Mes C. Taormina et L. V. Mascioli, avvocati,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement belge, par M. T. Materne et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Schillemans, M. de Ree, C. Wissels et B. Koopman, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement polonais, par MM. B. Majczyna, M. Arciszewski et M. Szpunar ainsi que par Mme M. Szwarc, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement suisse, par M. D. Klingele, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mme F. Moro et M. R. Troosters, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 février 2014,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19), signée à Schengen le 19 juin 1990 (ci-après la «CAAS»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée en Italie contre M, sur la base des mêmes faits que ceux ayant fait l’objet d’une instruction parallèle en Belgique, pour avoir commis, entre mai 2001 et février 2004, sur le territoire de ce dernier État membre, des violences sexuelles sur la personne d’une enfant mineure.
Le cadre juridique
La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
3 La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), comporte en annexe le protocole n° 7, signé à Strasbourg le 22 novembre 1984 et ratifié par 25 États membres de l’Union européenne (ci-après le «protocole n° 7 à la CEDH»), dont l’article 4, intitulé «Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois», est libellé comme suit:
«1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.
2. Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.
3. Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la [CEDH].»
Le droit de l’Union
La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
4 L’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), intitulé «Droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction», est rédigé comme suit:
«Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.»
Le protocole (n° 19) sur l’acquis de Schengen
5 Le protocole (n° 19) sur l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne, annexé au traité de Lisbonne (JO 2010, C 83, p. 290), énonce, à ses articles 1er et 2, que le Royaume de Belgique et la République italienne figurent parmi les États membres auxquels l’acquis de Schengen s’applique.
Le protocole (n° 36) sur les dispositions transitoires
6 Conformément à l’article 10, paragraphes 1 et 3, du protocole (n° 36) sur les dispositions transitoires, annexé au traité FUE, les attributions de la Cour en vertu du titre VI du traité UE, dans sa version antérieure au traité de Lisbonne, restent inchangées, pour les cinq premières années suivant la date d’entrée en vigueur de ce dernier traité, en ce qui concerne les actes de l’Union qui ont été adoptés avant l’entrée en vigueur dudit traité, y compris lorsqu’elles ont été acceptées conformément à l’article 35, paragraphe 2, UE.
La déclaration au titre de l’article 35, paragraphe 2, UE
7 Il ressort de l’information relative à la date d’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 1er mai 1999 (JO L 114, p. 56), que la République italienne a fait une déclaration au titre de l’article 35, paragraphe 2, UE, par laquelle cet État membre a accepté la compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel selon les modalités prévues à l’article 35, paragraphe 3, sous b), UE.
La CAAS
8 Fait partie de l’acquis de Schengen, notamment, la CAAS. Le titre III de celle-ci, intitulé «Police et sécurité», comprend un chapitre 3, lui-même intitulé «Application du principe ne bis in idem». Aux termes de l’article 54 de la CAAS, qui figure dans ce chapitre 3:
«Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie contractante de condamnation.»
Le droit belge
9 L’article 128 du code d’instruction criminelle belge (ci-après le «CIC») dispose que, lorsque le renvoi en jugement d’un inculpé est demandé, «[s]i la chambre du conseil est d’avis que le fait ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, ou qu’il n’existe aucune charge contre l’inculpé, elle déclare qu’il n’y a pas lieu à poursuivre».
10 L’article 246 du CIC énonce:
«L’inculpé à l’égard duquel la chambre des mises en accusation aura décidé qu’il n’y a pas lieu au renvoi à l’une de ces cours ne pourra plus y être traduit à raison du même fait, à moins qu’il ne survienne de nouvelles charges.»
11 L’article 247 du CIC dispose:
«Sont considérés comme charges nouvelles les déclarations de témoins, pièces et procès-verbaux qui n’ayant pas pu être soumis à l’examen de la chambre des mises en accusation sont cependant de nature soit à fortifier les preuves que la chambre des mises en accusation aurait trouvées trop faibles, soit à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité.»
12 Il ressort du dossier que, en Belgique, la Cour de cassation a jugé que les articles 246 et 247 du CIC régissent non seulement le non-lieu prononcé par la chambre des mises en accusation, mais s’appliquent également dans tous les cas où les juridictions d’instruction, y compris la chambre du conseil, ont clôturé une instruction judiciaire par une décision de non-lieu.
13 L’article 248 du CIC prévoit que, en cas de survenance de nouvelles charges, l’officier de police judiciaire ou le juge d’instruction adresse une copie des pièces et des charges au procureur général près la cour d’appel. Sur la réquisition de ce dernier, le président de la chambre des mises en accusation indique le juge devant lequel il sera, sur réquisition du ministère public, procédé à une nouvelle instruction.
Le droit italien
14 L’article 604 du code pénal italien prévoit que les violences sexuelles commises par des ressortissants italiens, bien que perpétrées à l’étranger, peuvent être poursuivies en Italie.
Le litige au principal et la question préjudicielle
15 M, ressortissant italien, réside en Belgique où, à la suite de plusieurs plaintes déposées par Q, sa belle-fille, il a fait l’objet, en 2004, de poursuites pénales pour des agissements constitutifs de violences sexuelles ou de comportements illicites à caractère sexuel, dont l’attentat à la pudeur sur la personne d’une mineure de moins de seize ans.
16 Ces faits auraient été commis sur le territoire belge entre les mois de mai 2001 et de février 2004, à l’encontre de N, sa petite-fille, née le 29 avril 1999, avec la complicité de son fils O, qui est le père de N.
17 À l’issue d’une instruction au cours de laquelle ont été rassemblés et examinés divers moyens de preuve, la chambre du conseil du tribunal de première instance de Mons (Belgique) a adopté, par une ordonnance du 15 décembre 2008, une décision de non-lieu à renvoi devant une juridiction de jugement en raison de l’insuffisance de charges (ci-après l’«ordonnance de non-lieu»).
18 La chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Mons (Belgique) a confirmé cette ordonnance de non-lieu par un arrêt du 21 avril 2009. Le pourvoi introduit contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation (Belgique), par un arrêt du 2 décembre 2009.
19 Parallèlement à l’instruction menée sur le territoire belge et à la suite d’une plainte déposée par Q, le 23 novembre 2006, auprès de la police italienne, des poursuites pénales ont été engagées contre M, à raison des mêmes faits que ceux mentionnés aux points 15 et 16 du présent arrêt, devant le Tribunale di Fermo.
20 Le 19 décembre 2008, à l’issue d’une instruction reprenant, pour l’essentiel, celle qui s’était déroulée en Belgique, le juge de l’audience préliminaire du Tribunale di Fermo a ordonné le renvoi en jugement de M devant la chambre collégiale de cette même juridiction.
21 Lors de l’audience du 9 décembre 2009 devant le Tribunale di Fermo, M a invoqué l’arrêt du 2 décembre 2009 de la Cour de cassation et le principe ne bis in idem.
22 Le ministère public et les avocats de Q, tout en admettant l’identité des faits qui ont fait l’objet de l’instruction tant en Belgique qu’en Italie, ont contesté l’existence d’un jugement au fond revêtu de l’autorité de chose jugée et ont, à cet égard, soutenu que l’ordonnance de non-lieu du 15 décembre 2008 ne faisait pas obstacle à la réouverture ultérieure de la procédure sur présentation de nouvelles charges.
23 La juridiction de renvoi indique que ladite ordonnance de non-lieu s’oppose à ce que l’inculpé soit renvoyé en jugement, à moins que ne surviennent de nouvelles charges contre celui-ci, telles que définies à l’article 247 du CIC.
24 La juridiction de renvoi relève également que, selon le droit belge, la réouverture de l’instruction judiciaire sur charges nouvelles ne peut avoir lieu que sur réquisition du ministère public.
25 Dans ces conditions, le Tribunale di Fermo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Un jugement définitif de non-lieu rendu par [une juridiction] d’un État membre de l’Union européenne, signataire de la CAAS, à l’issue d’une longue instruction menée lors de l’enquête diligentée dans le cadre d’une procédure qui pourrait faire l’objet d’une réouverture sur présentation de preuves nouvelles fait-il obstacle à l’ouverture ou au déroulement d’un procès tenu pour les mêmes faits et à l’encontre d’une même personne dans un autre État contractant?»
Sur la question préjudicielle
26 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 54 de la CAAS doit être interprété en ce sens qu’une ordonnance de non-lieu à renvoi devant une juridiction de jugement qui fait obstacle, dans l’État contractant où cette ordonnance a été rendue, à de nouvelles poursuites pour les mêmes faits contre la personne ayant bénéficié de ladite ordonnance, à moins qu’il ne survienne de nouvelles charges contre cette dernière, doit être considérée comme une décision portant jugement définitif, au sens de cet article, faisant ainsi obstacle à de nouvelles poursuites contre la même personne pour les mêmes faits dans un autre État contractant.
27 Ainsi qu’il ressort des termes mêmes de l’article 54 de la CAAS, aucune personne ne peut être poursuivie dans un État contractant pour les mêmes faits que ceux pour lesquels elle a déjà été «définitivement jugée» dans un autre État contractant.
28 Afin de déterminer si une décision judiciaire constitue une décision jugeant définitivement une personne, au sens de cet article, il convient de s’assurer que cette décision a été rendue à la suite d’une appréciation portée sur le fond de l’affaire (voir, en ce sens, arrêt Miraglia, C‑469/03, EU:C:2005:156, point 30).
29 À cet effet, la Cour a jugé qu’une décision des autorités judiciaires d’un État contractant, par laquelle un prévenu a été définitivement acquitté pour insuffisance de preuves, doit être considérée comme étant fondée sur une telle appréciation (voir, en ce sens, arrêt van Straaten, C‑150/05, EU:C:2006:614, point 60).
30 Il convient donc de constater qu’une ordonnance de non-lieu prononcée à la suite d’une instruction au cours de laquelle ont été rassemblés et examinés divers moyens de preuve doit être considérée comme ayant fait l’objet d’une appréciation portée sur le fond, au sens de l’arrêt Miraglia (EU:C:2005:156), dans la mesure où elle comporte une décision définitive sur le caractère insuffisant de ces preuves et exclut toute possibilité que l’affaire soit rouverte sur la base du même faisceau d’indices.
31 À cet égard, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que, pour qu’une personne puisse être considérée comme étant «définitivement jugée» pour les faits qui lui sont reprochés, au sens de l’article 54 de la CAAS, l’action publique doit avoir été définitivement éteinte, de sorte que la décision en cause donne lieu, dans l’État contractant où elle a été prise, à la protection conférée par le principe ne bis in idem (voir, en ce sens, arrêt Turanský, C‑491/07, EU:C:2008:768, points 32 ainsi que 35 et jurisprudence citée).
32 En effet, une décision qui, selon le droit de l’État contractant ayant engagé des poursuites pénales contre une personne, n’éteint pas définitivement l’action publique au niveau national ne saurait avoir, en principe, pour effet de constituer un obstacle procédural à ce que des poursuites pénales soient éventuellement entamées ou poursuivies, pour les mêmes faits, contre cette personne dans un autre État contractant (arrêt Turanský, EU:C:2008:768, point 36).
33 Or, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, à la suite de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 décembre 2009, l’ordonnance de non-lieu est passée en force de chose jugée. Dès lors, l’action publique doit être considérée comme éteinte, faisant ainsi obstacle, sur le territoire du Royaume de Belgique, à de nouvelles poursuites pénales contre M pour les mêmes faits et sur la base du même faisceau d’éléments que ceux ayant été examinés dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à cette ordonnance. En effet, les articles 246 à 248 du CIC disposent, en substance, que la procédure ne peut être rouverte que sur la base de nouvelles charges, à savoir, en particulier, des éléments de preuve non encore soumis à l’examen de la chambre des mises en accusation et susceptibles de modifier sa décision de non-lieu.
34 Par ailleurs, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l’a jugé au point 40 de son arrêt Bourquain (C‑297/07, EU:C:2008:708), à propos d’un jugement rendu par contumace, le seul fait que cette procédure pénale aurait impliqué, en vertu du droit national, la réouverture du procès, n’exclut pas, en tant que tel, que ce jugement soit tout de même qualifié de «définitif», au sens de l’article 54 de la CAAS.
35 En outre, il convient de relever que le droit de ne pas être poursuivi ou puni pénalement deux fois pour une même infraction étant également énoncé à l’article 50 de la Charte, l’article 54 de la CAAS doit être interprété à la lumière de celui‑ci.
36 À cet égard, il doit être relevé, d’abord, que l’appréciation du caractère «définitif» de la décision pénale en cause doit être faite sur la base du droit de l’État membre ayant rendu celle-ci.
37 Il doit ensuite être observé que, selon les explications relatives à l’article 50 de la Charte, lesquelles doivent être prises en considération en vue de son interprétation (arrêt Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 20 et jurisprudence citée), «en ce qui concerne les situations visées par l’article 4 du protocole n° 7, à savoir l’application du principe à l’intérieur d’un même État membre, le droit garanti a le même sens et la même portée que le droit correspondant de la CEDH». En effet, étant donné que l’article 54 de la CAAS fait dépendre le caractère «définitif» d’une décision de justice, aux fins de l’application du principe ne bis in idem à d’éventuelles poursuites exercées par un autre État contractant, du caractère définitif ou non de cette décision, dans l’État contractant où celle-ci a été rendue, ce point des explications est pertinent en l’espèce.
38 Or, il découle de l’article 4, paragraphe 2, du protocole n° 7 à la CEDH, que le principe ne bis in idem consacré au paragraphe 1 de cet article ne s’oppose pas à la possibilité de réouverture du procès «si des faits nouveaux ou nouvellement révélés» sont de nature à affecter le jugement intervenu.
39 À cet égard, il a été jugé dans l’arrêt de la Cour EDH, Zolotoukhine c. Russie (n° 14939/03, § 83, 10 février 2009), que l’article 4 du protocole n° 7 à la CEDH «entre en jeu lorsque de nouvelles poursuites sont engagées et que la décision antérieure d’acquittement ou de condamnation est déjà passée en force de chose jugée». En revanche, les recours extraordinaires ne sauraient être pris en compte lorsqu’il s’agit de déterminer si la procédure a été définitivement clôturée. Bien que ces voies de recours représentent une continuation de la première procédure, le caractère «définitif» de la décision ne saurait dépendre de leur exercice (Cour EDH, Zolotoukhine c. Russie, n° 14939/03, § 108, 10 février 2009).
40 En l’espèce, la possibilité de réouverture de l’instruction judiciaire en raison de la survenance de nouvelles charges, telle que prévue aux articles 246 à 248 du CIC, ne saurait remettre en cause le caractère définitif de l’ordonnance de non-lieu en cause au principal. Certes, cette possibilité n’est pas un «recours extraordinaire», au sens de ladite jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, mais elle implique l’engagement exceptionnel, et ce sur la base d’éléments de preuve différents, d’une procédure distincte, plutôt que la simple continuation de la procédure déjà clôturée. Par ailleurs, eu égard à la nécessité de vérifier le caractère véritablement nouveau des éléments invoqués pour justifier une réouverture, toute nouvelle procédure, fondée sur une telle possibilité de réouverture, contre la même personne et pour les mêmes faits, ne peut être engagée que dans l’État contractant sur le territoire duquel cette ordonnance a été rendue.
41 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 54 de la CAAS doit être interprété en ce sens qu’une ordonnance de non-lieu à renvoi devant une juridiction de jugement qui fait obstacle, dans l’État contractant où cette ordonnance a été rendue, à de nouvelles poursuites pour les mêmes faits contre la personne ayant bénéficié de cette ordonnance, à moins qu’il ne survienne de nouvelles charges contre cette personne, doit être considérée comme une décision portant jugement définitif, au sens de cet article, faisant ainsi obstacle à de nouvelles poursuites contre la même personne pour les mêmes faits dans un autre État contractant.
Sur les dépens
42 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
L’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990, doit être interprété en ce sens qu’une ordonnance de non-lieu à renvoi devant une juridiction de jugement qui fait obstacle, dans l’État contractant où cette ordonnance a été rendue, à de nouvelles poursuites pour les mêmes faits contre la personne ayant bénéficié de cette ordonnance, à moins qu’il ne survienne de nouvelles charges contre cette personne, doit être considérée comme une décision portant jugement définitif, au sens de cet article, faisant ainsi obstacle à de nouvelles poursuites contre la même personne pour les mêmes faits dans un autre État contractant.
Signatures
Langue de procédure: l’italien.