Communication de la Commission européenne du 17 juillet 2013 : Mieux protéger les intérêts financiers de l'Union: instituer le Parquet européen et réformer Eurojust
COM/2013/0532 final
Par la présente communication, la Commission introduit un paquet de mesures législatives en vue de renforcer les aspects institutionnels de la protection des intérêts financiers de l'Union – et, partant, de l'argent des contribuables – conformément à la politique qu'elle a adoptée en 2011[1]. Ce paquet consiste en une proposition de règlement portant création du Parquet européen et une proposition de règlement relatif à l'Agence européenne de coopération judiciaire en matière pénale («Eurojust»). Il comprend en outre une communication sur la gouvernance de l'OLAF et le renforcement des garanties procédurales dans le cadre des enquêtes, dans la perspective de la création du Parquet européen.
1. Les principaux objectifs visés par la création d'un Parquet européen et par la réforme d'Eurojust
Ÿ Combattre la fraude: une priorité en période d'assainissement budgétaire
À l'heure où de nombreux États membres procèdent à des ajustements budgétaires qui font peser sur de nombreux citoyens un lourd fardeau, il importe plus que jamais de veiller à la protection effective des intérêts financiers de l'Union européenne, fournis par le contribuable. La création du Parquet européen telle qu'elle est proposée par le présent paquet permettra de mettre sur pied, pour la première fois, une entité dotée des pouvoirs et des ressources nécessaires pour enquêter, engager des poursuites et saisir la justice dans des affaires de fraude et d'autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, qu'elles soient nationales ou transfrontières.
Le Parquet permettra de dépasser les limites fonctionnelles des organes et agences de l'Union actuels car il sera un véritable organe d'enquête et de poursuite en mesure d'agir sur l'ensemble du territoire de l'Union de façon uniforme.
Ÿ Responsabiliser les poursuites au niveau de l'UE
Les propositions figurant dans le présent paquet s'inspirent des dispositions du traité de Lisbonne, qui a conféré à l'Union une compétence unique en vertu de l'article 86 TFUE pour ce qui est de créer un système de poursuites au niveau européen afin de protéger ses intérêts financiers et en vertu de l'article 85 TFUE pour ce qui est de renforcer l'efficacité d'Eurojust et la supervision démocratique de ses activités.
En fait, les propositions entendent améliorer la responsabilité de deux manières. Tout d'abord, le Parquet européen, tout en étant pleinement indépendant, sera responsable devant les institutions de l'Union, auxquelles il devra rendre compte de ses activités chaque année. Ensuite, du fait de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Parlement européen et les parlements nationaux seront associés à l'évaluation des activités d'Eurojust. Cette amélioration de la responsabilité démocratique d'Eurojust est consacrée dans la proposition de règlement relative à Eurojust. Le futur Parquet européen présentera un rapport annuel de ses activités au Parlement européen et aux parlements nationaux, ainsi qu'au Conseil et à la Commission européenne.
Ÿ Le niveau de protection des personnes faisant l'objet d'une enquête doit être renforcé
Le Parquet européen doit être créé de sorte à garantir le respect de l'État de droit à toutes les étapes des enquêtes et des poursuites. À cet effet, la proposition garantit le respect des principes reconnus en particulier par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et vise donc à fournir un niveau élevé de protection des droits des particuliers et des entreprises concernés par des enquêtes ou des poursuites relatives à des fraudes. Le texte comprend donc une série de garanties procédurales à l'échelle de l'Union, telles que l'accès à un avocat ou l'obtention d'une autorisation judiciaire en cas de mesures d'enquête particulièrement intrusives.
2. Pourquoi faut-il de telles réformes pour dépasser le statu quo?
Ÿ Le système actuel ne protège pas suffisamment les intérêts financiers de l'Union
Les efforts actuellement déployés au niveau national et au niveau de l'Union sont insuffisants pour résoudre le problème de la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union. L'Union et les États membres ont le devoir de combattre «la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union» et d'offrir «une protection effective» à ces intérêts[2]. Ce devoir revêt une importance toute particulière à une époque d'assainissement budgétaire où chaque euro compte. En dépit de cette obligation expresse imposée par les traités de l'UE et par la jurisprudence de la Cour européenne de justice[3], les intérêts financiers de l'Union restent insuffisamment protégés dans les États membres: les cas de fraude, de corruption et d'autres infractions portant atteinte au budget de l'Union sont légion et ne font l'objet, pour la plupart, d'aucune poursuite. La Commission a établi la valeur moyenne annuelle des fraudes présumées ces trois dernières années à quelque 500 millions d'euros, mais la valeur réelle est probablement beaucoup plus importante. L'absence de système répressif global et équivalent à l'échelle de l'Union a permis aux fraudeurs de développer un certain sentiment d'impunité.
À l'heure actuelle, l'Union n'a pratiquement aucun pouvoir d'intervention dans les affaires d'infraction portant atteinte à ses fonds. Les enquêtes ou les poursuites pénales concernant de telles infractions relèvent encore de la compétence exclusive des États membres. Des études[4] et des statistiques[5] montrent que les enquêtes pénales concernant des fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union sont souvent entravées par les différences de législation et le niveau inégal des efforts engagés par les États membres en matière répressive. Le taux de réussite des poursuites concernant des infractions portant atteinte au budget de l'UE varie considérablement d'un pays à l'autre dans l'UE (de 20 % environ à plus de 90 %)[6], en partie en raison de la complexité des affaires, de l'insuffisance des ressources nationales et de la nécessité fréquente de recueillir des éléments de preuve à l'extérieur du territoire national. Cela montre qu'il y a un écart important au niveau de l'efficacité des systèmes répressifs nationaux dans le domaine de la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union.
Les structures nationales ou européennes actuelles ne sauraient remédier à ces défaillances. Les organes répressifs et de poursuite nationaux ne peuvent agir qu'à l'intérieur des frontières nationales, ce qui limite leur capacité à s'attaquer aux crimes transfrontières. Les organes de l'Union, s'ils sont compétents à l'échelle de l'Union, ne sont pas habilités à mener des enquêtes et des poursuites dans les États membres. Les organes européens, tels que Eurojust, Europol et l'OLAF, ne peuvent agir que dans les limites de leurs compétences et de leurs fonctions respectives définies par le Traité, que les réformes à venir ne modifieront pas. Aucun de ces organes n'est habilité ou ne peut être habilité à mener des enquêtes pénales ou à poursuivre les auteurs d'infractions.
En outre, la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union n'est pas reconnue comme étant une priorité au niveau national. C'est particulièrement problématique dans le cas de fraudes transfrontières. Il existe peut-être des facteurs dissuasifs, même dans des affaires strictement intérieures: les priorités sont fixées au niveau national ou régional et concernent d'autres types de criminalité, où se concentrent les ressources ou l'expertise disponibles en matière de répression. De ce fait, il est fait peu cas de la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union et le cycle de la répression pénale est rompu. Les infractions constatées ne font pas l'objet d'une enquête ou, si une enquête est ouverte, elle est abandonnée à la moindre difficulté.
Ÿ Eurojust a besoin d'une réforme
Eurojust a besoin d'être réformé pour remédier aux insuffisances dans la mise en œuvre de son cadre actuel et ainsi améliorer son fonctionnement global et le rendre plus opérationnel. La réforme fera clairement la distinction entre les tâches opérationnelles du collège d'Eurojust[7] et les responsabilités administratives, en lui permettant de se concentrer sur les tâches opérationnelles sans avoir à traiter une multitude de questions administratives. Il est prévu de procéder à la mise en place d'un comité exécutif chargé d'assister le collège dans l'accomplissement de ses tâches administratives. Le fait que la décision instituant Eurojust devienne un règlement conformément au TFUE offre également l'occasion de garantir l'harmonisation des pouvoirs des membres nationaux et l'alignement de la structure d'Eurojust sur les normes prévues par l'approche commune sur les agences décentralisées de l'UE approuvée par le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne en juillet 2012.
Ÿ La création du Parquet européen et la réforme d'Eurojust doivent s'appuyer sur le traité de Lisbonne
Les propositions figurant dans le présent paquet tireront parti des possibilités offertes par le traité de Lisbonne, en particulier par les articles 86 et 85 TFUE. Une innovation importante du traité de Lisbonne est la participation du Parlement européen et des parlements nationaux à l'évaluation des activités d'Eurojust. Cette amélioration de la responsabilité démocratique d'Eurojust est prévue dans la proposition de règlement relative à Eurojust.
Une lecture simultanée de ces deux articles montre la nécessité de dégager les meilleures synergies possibles entre le Parquet européen et un Eurojust réformé, non seulement parce que l'article 86 TFUE dispose que le Parquet européen doit être institué «à partir d'Eurojust», mais aussi parce que ces deux organes devront travailler en étroite coopération sur des affaires relevant de leurs compétences respectives.
Étant donné que l'objectif du présent paquet est d'améliorer la protection des intérêts financiers de l'Union, la mise en œuvre de l'article 86 TFUE, associée à un fonctionnement efficace d'Eurojust, est considérée comme la solution optimale. Seule la possibilité d'instituer un Parquet européen consacré à l'article 86 TFUE offre l'ensemble des mesures nécessaires pour dûment mener des enquêtes et engager des poursuites en cas de fraudes commises au niveau de l'UE. Par exemple, le Parquet européen sera habilité non seulement à ouvrir des enquêtes, mais également à en ordonner la réalisation sous sa surveillance et sa responsabilité. Les compétences du Parquet européen vont au-delà de ce qu’Eurojust n’a jamais été habilité à faire, même si un usage optimal avait été fait de l'article 85 TFUE.
Le présent paquet complète et renforce les mesures déjà proposées par la Commission pour permettre à l'Union de prévenir et combattre la fraude et les autres infractions portant atteinte à ses intérêts financiers (ci-après la «fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union»). Parmi ces mesures figure la proposition législative de directive sur l'harmonisation des infractions en cause et des sanctions minimales[8] et de la stratégie antifraude de la Commission[9]. Le présent paquet répond plus précisément aux questions soulevées dans la communication[10] de 2011 dans le domaine des poursuites pénales. Deux ans après la publication de cette importante communication, il est d'autant plus urgent d'agir sur ces questions, notamment en adoptant le présent paquet.
3. Avantages du parquet européen
Principales caractéristiques du Parquet européen La proposition législative de la Commission européenne vise à créer un Parquet européen à partir d'Eurojust qui soit un office de l'Union indépendant, responsable et efficace. Le Parquet européen sera une structure décentralisée composée d'un procureur européen et de procureurs européens délégués des États membres. Afin de garantir l'efficacité du Parquet européen, le procureur européen fournira des instructions aux procureurs européens délégués, dont il coordonnera les activités et qui travailleront directement pour lui sur les infractions relevant de la compétence du Parquet européen tout en continuant à faire partie du système judiciaire de leur État membre («double casquette»). Cela permettra d'assurer la cohérence, la coordination, la rapidité de traitement et le contrôle ininterrompu des enquêtes et des poursuites en cours. Le Parquet européen agira de manière décentralisée: les affaires seront traitées au niveau le plus approprié, c'est-à-dire, dans la plupart des cas, au niveau des États membres, qui est celui du procureur européen délégué. Le choix d'une structure décentralisée qui sera intégrée dans les systèmes judiciaires des États membres permettra au Parquet européen d'agir avec rapidité, cohérence et efficacité afin de protéger les intérêts des contribuables, d'opérer une intégration homogène dans les systèmes judiciaires nationaux et de s'appuyer sur leur expertise et leurs ressources. Le Parquet européen s'appuiera sur un petit corpus de règles applicables dans toute l'UE — pour le champ des infractions relevant de sa compétence[11], l'harmonisation des pouvoirs et la protection des droits procéduraux — ainsi que sur le droit national pour l'accomplissement de ses tâches. En tant que structure indépendante, le Parquet européen offrira des garanties de non-ingérence dans ses enquêtes et ses poursuites. En tant qu'organe responsable, le Parquet européen répondra de ses actes devant les institutions de l'Union et sera tenu de rendre compte de ses activités chaque année. La création du Parquet européen «à partir d'Eurojust» signifie que des synergies optimales seront créées entre ce nouvel office et un Eurojust réformé.
Ÿ Remédier aux faiblesses institutionnelles au niveau national et au niveau de l'Union
Le Parquet européen disposera des pouvoirs et des ressources nécessaires pour entamer des enquêtes et des poursuites et porter ses affaires devant la justice, qu'elles soient nationales ou transfrontières. Il permettra de dépasser les limites fonctionnelles des agences actuelles de l'Union: il sera un véritable organe d'enquête et de poursuite en mesure d'agir dans l'ensemble de l'Union de manière uniforme. Alors que les procédures nationales continueront d'être applicables aux enquêtes pénales, l'Union sera considérée comme un espace juridique unique dans lequel le Parquet européen peut agir sans devoir recourir à des instruments d'entraide judiciaire. Le processus d'enquête et de poursuite pourra ainsi considérablement gagner en rapidité et en efficacité.
Ÿ Améliorer les poursuites
Le Parquet européen garantira la cohérence et la continuité de son action à toutes les étapes du cycle de répression: une fois détectés, les cas de fraude feront l'objet d'un suivi systématique par le Parquet européen dans le cadre de ses compétences jusqu'à ce qu'ils soient portés devant la justice. Le Parquet européen rétablira le cycle de répression et veillera à ce que la procédure suive son cours, étape par étape, jusqu'à ce que l'affaire soit jugée devant un tribunal. Ses enquêtes, pour lesquelles il pourra s'appuyer sur l'analyse et les services de renseignement d'Europol, ainsi que ses poursuites seront régies par une politique européenne commune en matière de poursuites qui reposera sur une compétence à l'échelle de l'Union. Cette compétence permettra de traiter les affaires transfrontières avec davantage d'efficacité en dirigeant et coordonnant l'action répressive et en veillant à ce que les ressources disponibles soient utilisées de façon optimale[12].
Ÿ Renforcer l'effet dissuasif des poursuites pénales
Le Parquet européen veillera à ce que chaque infraction présumée portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union fasse l'objet d'un suivi systématique et efficace par les autorités répressives et chargées des poursuites. La poursuite systématique des fraudeurs renforcera l'effet dissuasif et augmentera les chances de condamnation et de recouvrement des produits du crime au moyen de la confiscation. En définitive, les poursuites engagées par le Parquet européen devraient également avoir un effet préventif et réduire progressivement les dommages causés aux intérêts financiers de l'Union par de telles infractions pénales.
Ÿ Mener les enquêtes et les poursuites antifraude dans le respect de l'État de droit
La proposition relative au Parquet européen garantit le respect des principes reconnus en particulier par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et vise ainsi à assurer un haut niveau de protection des droits des personnes et des entreprises concernées par les enquêtes ou les poursuites antifraude dans l'Union. Elle comprend une série de garanties procédurales à l'échelle de l'Union, telles que l'accès à un avocat, la présomption d'innocence et le droit à l'aide juridictionnelle. Elle exige également que les mesures d'enquête soient soumises à l'autorisation judiciaire des juridictions nationales compétentes. Le régime de protection des données du Parquet européen fournira un niveau élevé de protection des données à caractère personnel, à l'instar du régime de protection des données d'Eurojust. Ensemble, ces garanties fourniront un niveau sans précédent de protection juridique aux suspects et autres personnes concernées par la lutte de l'Union contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union et favoriseront un système d'enquête et de poursuites respectueux de l'État de droit.
4. Les principaux éléments de la proposition concernant le Parquet européen
Compétence axée sur la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union: conformément à l'article 86, paragraphe 1, TFUE, le Parquet européen traiterait exclusivement des «infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union». Dans ce domaine, le Parquet européen bénéficierait d'une compétence exclusive de sorte à pouvoir garantir la continuité des enquêtes et en superviser le déroulement au niveau de l'Union. Étant donné cette compétence exclusive, de telles affaires ne peuvent plus faire l'objet d'enquêtes administratives de l'OLAF ou doivent être transférées dès lors qu'un soupçon d'infraction pénale existe.
Indépendance et obligation de rendre des comptes: l'indépendance du Parquet européen sera protégée par différentes garanties, notamment par ses procédures de nomination et de révocation et ses règles relatives au mandat et aux conflits d'intérêts. Son obligation de rendre des comptes sera régie de sorte que les autorités investies du pouvoir de nomination (les institutions de l'Union) soient tenues informées des travaux du Parquet européen et puissent demander à la Cour de justice de l'Union européenne la révocation du procureur européen en cas de faute grave.
Levée des immunités: à chaque fois que cela sera nécessaire pour ses enquêtes, le Parquet européen aura le pouvoir de demander la levée de l'immunité, que ce soit au niveau national ou de l'Union, conformément aux règles applicables.
Architecture intégrée et décentralisée: le Parquet européen sera organisé comme un office décentralisé et sera donc présent et en mesure d'agir dans tous les États membres. Les procureurs européens délégués, intégrés dans les systèmes judiciaires des États membres, seront en mesure de relayer, de coordonner et de mettre en œuvre les instructions du Procureur européen sur le terrain. Le Parquet européen œuvrera en étroite coopération avec les autorités judiciaires nationales et les autorités nationales chargées de la répression et des poursuites. Cette structure décentralisée présente de nombreux avantages, notamment l'intégration dans les systèmes judiciaires nationaux (connaissance du système judiciaire national, maîtrise de la langue locale, reconnaissance par la structure locale de l'action pénale et intégration dans cette structure, pratique du traitement des affaires devant les tribunaux locaux, etc.). L'architecture décentralisée se reflètera également dans la manière dont le Parquet européen arrête son propre règlement intérieur, en garantissant la participation des procureurs européens délégués à son processus d'adoption.
Lien fort entre le procureur européen et les procureurs européens délégués: en tant qu'office unique, le Parquet européen sera soutenu par une structure hiérarchique. Il sera dirigé par le procureur européen, qui sera chargé de donner des instructions aux procureurs européens délégués, lesquels porteront une «double casquette» et resteront sur le terrain dans les États membres lorsqu'ils travailleront sur des infractions relevant de la compétence du Parquet européen.
Efficacité: le procureur européen, assisté de ses adjoints et des procureurs européens délégués, prend la décision finale en matière de poursuites. Une délimitation hiérarchique claire permettra une prise de décision rapide et remédiera au faible niveau de priorité actuellement accordé à la lutte antifraude au niveau de l'UE. Le Parquet européen sera en mesure de mettre en commun les ressources en matière d'enquêtes et de poursuites pour répondre aux besoins dans une situation donnée, rendant ainsi la répression aux niveaux européen et national plus efficace.
Pouvoirs d'enquête uniformes: le Parquet européen sera à même de mettre en œuvre un large éventail de mesures d'enquête pour enquêter sur les cas de fraude. Ces mesures peuvent être ordonnées dans tous les États membres afin de garantir l'homogénéité de la lutte antifraude dans l'ensemble de l'Union. Les modalités spécifiques de ces mesures et leur exécution continueront d'être régies par le droit national. Comme les disparités des réglementations nationales régissant la collecte des preuves entraînent souvent des problèmes de recevabilité des éléments de preuve recueillis dans un autre État membre, il sera énoncé que les preuves recueillies légalement dans un État membre seront recevables dans tous les États membres, sauf si l'équité de la procédure est compromise ou si les droits de la défense sont lésés.
Garanties et contrôle juridictionnel: l'exercice des pouvoirs d'enquête doit s'accompagner d'un système de contrôle juridictionnel et de mesures permettant de préserver les droits des suspects, des témoins et des victimes. Pour une série de mesures particulièrement intrusives (telles que les perquisitions, les fouilles et les saisies, l'interception de télécommunications ou les enquêtes discrètes), le Parquet européen sera soumis à l'obligation, harmonisée au niveau de l'UE, d'obtenir une autorisation judiciaire préalable. Les droits des personnes concernées par les enquêtes du Parquet européen seront garantis par l'application de la législation de l'Union et de la législation nationale, ainsi que par la possibilité de saisir les juridictions nationales. Là aussi, l'avantage est que les procureurs européens délégués et les représentants légaux des personnes concernées travailleront dans un système national qui leur est familier, en s'assurant d'une manière qui leur est habituelle que leurs droits sont protégés.
Exploitation des ressources existantes: le Parquet européen ne générera pas de nouveaux coûts importants pour l'Union ou les États membres, car ses services administratifs seront gérés par Eurojust et ses ressources humaines proviendront d'entités existantes telles que l'OLAF, puisque ce dernier n'effectuera plus d'enquêtes administratives sur les affaires pénales impliquant des intérêts financiers de l'Union. Cette nouveauté a également des répercussions sur le nombre d'effectifs requis pour la mission de l'OLAF: il est prévu qu'un grand nombre de membres du personnel de l'OLAF sera transféré vers le Parquet européen, dont le coût de mise en place sera ainsi réduit. En dépit de cette réduction des effectifs, l'OLAF continuera de bénéficier d'une dotation en personnel suffisante afin de pouvoir exercer les compétences qu'il conserve[13]. Les coûts globaux des services répressifs seront plus équilibrés grâce aux gains d'efficacité (les doubles emplois pourront être évités, le temps d'enquête réduit et les problèmes de l'assistance mutuelle supprimés).
5. Les synergies entre le Parquet européen et Eurojust
L'article 86 TFUE dispose que le Parquet européen doit être créé «à partir d'Eurojust» et il existe de bonnes raisons d'établir entre eux un partenariat privilégié:
Ÿ Les affaires de fraude portant atteinte aux intérêts de l'Union seront transférées d'Eurojust au Parquet européen. Comme le Parquet européen sera seul compétent dans le domaine de la fraude et d'autres infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, la compétence d'Eurojust dans ce domaine (coordination de la coopération judiciaire dans les affaires transfrontières) sera transférée, par souci de cohérence.
Ÿ Le traitement des affaires mixtes nécessite une coordination opérationnelle quotidienne. Il existe et existera toujours des affaires exigeant l'intervention à la fois du Parquet européen et d'Eurojust, en particulier lorsque les suspects sont impliqués à la fois dans des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union et dans d'autres formes de criminalité. Cela signifie qu'une coopération étroite et permanente sera nécessaire. À cette fin, des dispositions ont été incluses dans le règlement sur le Parquet européen et dans celui concernant Eurojust, précisant que le Parquet européen peut demander qu'Eurojust, ou ses membres nationaux, intervienne, coordonne ou fasse de quel qu’autre manière usage de ses compétences dans une affaire donnée. En outre, en cas de chevauchement de compétence dans des affaires mixtes, Eurojust peut fournir une assistance dans le règlement de la question de la compétence.
Ÿ Pour assurer l'efficacité par rapport aux coûts, une mise en commun des ressources est nécessaire. Il est envisagé qu'Eurojust fournisse les services de soutien pratiques au Parquet européen dans les domaines administratifs tels que le personnel, les finances et les technologies de l'information. Cela permettra de faire des économies considérables et d'éviter la duplication inutile des fonctions. Entre autres économies, le Parquet européen pourra utiliser l'infrastructure informatique d'Eurojust, y compris son système de gestion des dossiers, ses fichiers de travail temporaires et son index. Les modalités de ce partage des ressources figureront dans un accord qui sera conclu entre le Parquet européen et Eurojust.
6. Impact du Parquet européen sur l'OLAF
Compte tenu de la compétence exclusive du Parquet européen pour traiter des infractions pénales portant préjudice aux intérêts financiers de l'Union, l'OLAF n'effectuera pas d'enquêtes administratives antifraude lorsqu'il existe des soupçons de comportement criminel. Il s'ensuit également qu'à l'avenir, l'OLAF informera le Parquet européen de tout soupçon d'infraction pénale dans les plus brefs délais, à la suite d'une évaluation préliminaire des allégations portées à son attention conformément au cadre juridique actuel. Cette nouveauté facilitera l'accélération du processus d'enquête et contribuera à éviter le chevauchement des enquêtes administratives et pénales portant sur les mêmes faits. De cette manière, des économies de ressources seront réalisées et les poursuites auront plus de chances d'aboutir. D'autres ajustements du cadre législatif de l'OLAF seront proposés pour tenir compte de la création du Parquet européen et devraient entrer en vigueur en même temps que le règlement l'instituant.
Dans l'intervalle, le règlement OLAF révisé, qui entrera très bientôt en vigueur, apportera des avantages substantiels. En outre, s'inspirant du renforcement substantiel des garanties procédurales qui résultera de la création du Parquet européen, la Commission a l'intention de proposer de nouvelles améliorations systémiques du règlement OLAF avant même que le Parquet européen ne soit institué. Ces éventuelles mesures, notamment les garanties procédurales dans le cadre des enquêtes, sont exposées plus en détail dans la communication sur la gouvernance de l'OLAF.
7. Procédure d'adoption de la proposition concernant le parquet européen
L'article 86 TFUE prévoit une procédure législative spéciale pour la création du Parquet européen, qui requiert l'unanimité au Conseil et l'approbation du Parlement européen. En outre, les parlements nationaux seront consultés, conformément aux protocoles n° 1 et 2 du traité de Lisbonne. La Commission tiendra le plus grand compte de ces avis.
La procédure au titre de l'article 86 TFUE prévoit également une deuxième étape fondée sur la «coopération renforcée», si le Conseil ne parvient pas à un accord unanime sur la proposition initiale de la Commission. En substance, cette procédure permet à un groupe d'au moins neuf États membres de soumettre la proposition au Conseil européen, qui soit parvient à un consensus sur le texte, soit, après quatre mois, est réputé avoir accordé l'autorisation à un groupe de neuf États membres disposés à instaurer une coopération renforcée. Cette procédure diffère de la coopération renforcée «ordinaire» en ce sens qu'elle ne requiert pas une autorisation formelle de la part du Conseil. Les dispositions pertinentes du traité (articles 326 à 334 TFUE) s'appliquent pour ce qui est des autres aspects. Les États membres participants doivent statuer à l'unanimité pour adopter la proposition.
8. Conclusion
Le paquet législatif présenté par la Commission par la présente communication est à la fois ambitieux et tourné vers l'avenir. Il modifiera le paysage actuel en matière de répression et de justice pénale dans l'Union et dans les États membres. Une fois adopté, le présent paquet aura un impact important et à long terme sur le cadre juridique et institutionnel de l'espace de liberté, de sécurité et de justice de l'Union. Le moment venu, la Commission fera soigneusement le point du degré de réalisation des objectifs visés par les mesures. Lors de ce bilan, le mandat du Parquet européen et le régime juridique applicable à ses activités feront également l'objet d'un examen.
[1] «Communication sur la protection des intérêts financiers de l'Union européenne par le droit pénal et les enquêtes administratives», 26 mai 2011, COM(2011) 293.
[2] Article 325 TFUE.
[3] Arrêt du 21 septembre 1989 dans l'affaire 68/88, Commission/Grèce, Rec. 1989, p. 2965.
[4] Euroneeds study. Un rapport préliminaire de cette étude peut être téléchargé sur le site web de Max Planck Institute for Foreign and International Criminal Law (http://mpicc.de).
[5] Rapport d'activité décennal de l'OLAF.
[6] Rapport annuel de l'OLAF 2011 - les chiffres ne comprennent pas les États membres dont le taux est de 0 % et de 100 %. Moyenne de l'UE: 43 %.
[7] Le collège est composé de membres nationaux, un par État membre de l'Union européenne. Le Collège d'Eurojust est chargé de l'organisation et du fonctionnement d'Eurojust. Eurojust peut accomplir ses tâches par l'intermédiaire d'un ou plusieurs membres nationaux ou en tant que collège.
[8] Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal - COM(2012) 363.
[9] COM(2011) 376.
[10] Communication de la Commission sur la protection des intérêts financiers de l'Union européenne par le droit pénal et les enquêtes administratives, COM (2011) 293 du 16.5.2011.
[11] Proposition de la Commission concernant une directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal, COM(2012) 363 du 11 juillet 2012.
[12] Le Parlement européen, dans sa résolution du 11 juin 2013 sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment des capitaux: recommandations sur des actions et des initiatives à entreprendre», appelle à la création d'un Parquet européen en insistant pour que «le futur Parquet européen soit doté d'une structure souple et rationnelle...».
[13] Proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 1073/1999 relatif aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) et abrogeant le règlement (Euratom) n° 1074/1999 du 17 mars 2011, COM (2011) 135.