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Rapport de la Commission européenne du 17 décembre 2009 sur la mise en œuvre de la décision-cadre 2004/757/JAI concernant l'établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue - COM/2009/0669 final

 

Rapport de la Commission européenne du 17 décembre 2009 sur la mise en œuvre de la décision-cadre 2004/757/JAI concernant l'établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue

 

COM/2009/0669 final


 


MÉTHODE

 

L'objectif de la décision-cadre 2004/757/JAI[1] est la mise en place de règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions de trafic de drogue et de précurseurs, qui permettent de définir une approche commune au niveau de l'UE dans la lutte contre ce trafic[2].

L'efficacité des efforts entrepris dépend essentiellement du rapprochement des mesures nationales de mise en œuvre[3], que la Commission est chargée d'évaluer dans le présent rapport[4]. A cette fin, elle a utilisé les critères d'évaluation habituellement employés pour analyser la mise en œuvre des décisions-cadre (effet utile, clarté et sécurité juridique, pleine application, transposition dans le délai requis)[5], ainsi que des critères spécifiques, notamment l'effectivité (mise en œuvre pratique) et l'efficacité (à l'égard de la coopération judiciaire internationale) de la décision-cadre.

A la date du 1er juin 2009, la Commission avait reçu la réponse de 21 Etats membres[6]. Par conséquent, ne se sont pas conformés à l'obligation de communication issue de l'article 9§2 de la décision-cadre et ne seront pas pris en compte par le rapport les six Etats membres suivants: Chypre, Espagne[7], Grèce[8], Italie, Malte, Royaume-Uni.

Analyse des mesures nationales de mise en œuvre

Définitions (article 1)

Pour la définition des drogues et des précurseurs, l'article 1 renvoie aux conventions des Nations Unies de 1961, 1971 et 1988[9], ratifiées par l'ensemble des Etats membres, ainsi qu'à la législation communautaire en matière de précurseurs, d'application directe[10].

Ainsi, en dépit du fait que certains Etats membres n’ont pas transmis leurs définitions (CZ, DE, HU, SI, BG), sur la base des éléments reçus des autres Etats membres, la Commission constate que, pour ces Etats membres, l’article 1 ne pose pas de problème de mise en œuvre, faisant l’objet de mesures nationales adéquates déjà en vigueur.

Pour le terme "personne morale", l'article 1§3 a recours à la définition standard employée par diverses décisions-cadre. Sept Etats membres n'ont pas transmis d'information (CZ, DE, LU, PT, SE, SI, SK)[11].

Infractions liées au trafic de drogues et de précurseurs (article 2)

Les comportements décrits aux termes de l'article 2 reprennent ceux énumérés par l'article 3 de la convention de 1988. Une différence de taille toutefois: la décision-cadre exclut de son champ d'application les comportements visant la consommation personnelle (article 2§2).

En outre, en matière de précurseurs de drogues, le rapport se limite aux infractions liées au trafic; il n'analyse pas par conséquent les sanctions des infractions aux dispositions des règlements communautaires en la matière.

Infractions liées au trafic de drogue (article 2§1 a) b) c))

De façon générale, l'ensemble des termes établis par l'article 2 n'est jamais entièrement repris par la législation nationale des Etats membres. Il s'avère que le cas échéant, l'emploi de formules génériques par la loi ou une interprétation large permettent de combler ces lacunes formelles. A titre d'exemple, il semble que les termes production et fabrication soient souvent interchangeables en pratique, ou encore que des comportements non prévus par la loi soient sanctionnés par le biais de l'interdiction de détention , pré-requis évident à toute forme de trafic.

Dix Etats membres (AT, BE, FI, HU, IE, LV, LU, NL, PT, RO) reprennent dans leur législation l'ensemble ou la quasi-totalité des comportements visés. Quatre Etats membres (DE, EE, FR, SE) n'en reprennent qu'une partie, mais respectent la décision-cadre grâce à l'emploi de termes génériques. Sept Etats membres (BG, CZ, DK, LT, PL, SI, SK) disposent d'une législation plus ambiguë[12], qui ne garantit pas une pleine application de la décision-cadre de façon suffisamment claire et précise

Infractions liées au trafic de précurseurs (article 2§1 d))

Le droit déjà en vigueur dans la majorité des Etats membres est conforme à l’article 2§1d), soit qu’il traite de la même façon le trafic de précurseurs et le trafic de drogue, en sanctionnant les mêmes comportements (BE, BG, CZ, DE, SI, SK), soit qu’il reconnaisse des infractions spécifiques au trafic de précurseurs, dont le champ d'application est plus large sans être assimilable au trafic de drogue pour autant (AT, EE, FI, HU, IE, LT, LU, LV, NL, PL, PT). Ainsi, l'importation, l'exportation ou la détention sont souvent incluses dans le champ de l'infraction (HU, IE, LU, LV, PT).

Suite à l’adoption de la décision-cadre, seuls deux Etats membres (RO, SE) ont amendé leur législation afin de se conformer à l'article 2§1 d).

Deux Etats membres (DK, FR) déclarent en revanche que le trafic de précurseurs n'est pas appréhendé en tant que tel dans leur droit pénal, mais peut être sanctionné en tant que tentative ou complicité de trafic de drogue. La Commission émet de sérieux doutes sur la conformité de ces systèmes, et s'interroge en particulier sur la mise en œuvre de l'article 3[13]: elle craint en effet que l'absence d'infraction autonome en matière de trafic de précurseurs ne constitue un obstacle à la prise en compte effective de ce trafic, notamment en matière de tentative, d'incitation et de complicité.

Ainsi, si les comportements interdits par la décision-cadre en matière de précurseurs le sont également en droit national, force est de constater l'influence réduite qu'a eue la décision-cadre.

Incitation, complicité et tentative (article 3)

L'article 3 n'a pas posé de problème majeur de mise en œuvre: la Commission estime que, sur les 21 Etats membres qui ont transmis les informations demandées, 18 Etats membres disposent d'une législation conforme[14]. Sur ces 18 Etats membres, deux d’entre eux ont modifié leur législation à cette fin (FI, SE) et deux autres (DE, SE) font également usage de la possibilité offerte par l'article 3§2.

Sanctions (article 4)

Infractions standard (article 4§1)

Les législations de cinq Etats membres (BG, LT, LV, NL, SE) posent des problèmes d'interprétation, dus notamment à un manque d'informations. Si le seuil d'un an est toujours respecté, les peines maximales sont en réalité bien plus élevées dans la plupart des Etats membres. Ainsi, douze Etats membres (BG, FR, HU, IE, LT, LV, NL, PL, PT, RO, SI, SK) disposent de sanctions équivalant à plus du double de la fourchette proposée par la décision-cadre, soit des peines maximales égales ou supérieures à six ans, allant parfois jusqu'à vingt ans ou même la prison à vie. Les disparités législatives entre les Etats membres semblent ainsi globalement inchangées.

Dans le même temps, les peines maximales ne prennent tout leur sens que par les poursuites effectivement enclenchées puis les sanctions effectivement prononcées par le juge: une comparaison de la pratique judiciaire dans chaque Etat membre permettrait d'évaluer dans quelle mesure l'objectif de rapprochement des systèmes nationaux est atteint en pratique.

A ce propos, la complexité du système hollandais et les controverses liées aux coffee-shops méritent une attention particulière. La vente de drogues douces dans les coffee-shops est le fruit d’une politique de tolérance -hautement réglementée- à l'égard d'une pratique qui reste considérée comme une infraction par la loi. Les lignes directrices du Ministère public, dans le cadre des coffee-shops, fixent à 5 grammes de cannabis par personne la limite pour laquelle l'affaire est classée sans suite. Par conséquent, si la législation hollandaise est conforme à l'article 4§1, la politique de tolérance à l'égard des coffee-shops dépend notamment du principe de l'opportunité des poursuites, sur lequel la Commission n'a pas à se prononcer. Par ailleurs, la décision-cadre visant les formes les plus graves d'infractions, la Commission s'interroge en particulier sur le problème de l'approvisionnement de tels coffee-shops par des réseaux criminels à plus grande échelle.

Ainsi, la Commission constate la conformité formelle de l’ensemble des législations nationales transmises[15], mais ne peut que regretter l’hétérogénéité de ces dernières et s’interroger sur leur application pratique.

Infractions aggravées en matière de trafic de drogue (article 4§2)

Vingt Etats membres sur les 21 qui ont répondu[16] satisfont au niveau de sanction requis par l'article 4§2. Toutefois, le curseur des sanctions oscille plutôt de 10 à 15 ans. En effet, dix Etats membres fixent une peine maximale de 10 ans (AT, BE, CZ, DK, EE, FI, HU, LT, LU, SE), et huit Etats membres fixent une peine maximale de 15 ans (BE, CZ, DK[17], DE, HU, LT, LV, SK). Six Etats membres connaissent des sanctions bien plus élevées (FR, HU, IE, LU, RO, SE), tandis que quatre Etats membres seulement fixent des peines maximales variant entre 5 et 8 ans (AT, LT, NL, PL).

Huit Etats membres prennent en compte les éléments de quantité et de dommages pour la santé (AT, CZ, DK, DE, FI, NL, SE, SK), tandis que huit autres prennent en compte un des deux éléments seulement (BE, EE, HU, LT, LU, LV, PL, RO). Enfin, les législations de cinq Etats membres n'en font pas mention (BG, FR, IE, PT, SI). Dans la mesure où la peine maximale prévue pour l'infraction de base dans ces Etats membres correspond déjà au niveau requis par l'article 4§2, voire le dépasse, cette éventuelle absence de différenciation n'est pas contestable.

La Commission estime ainsi que le niveau de mise en œuvre de l’article 4§2 est satisfaisant dans la mesure où l’échelle des peines est respectée. Il convient de noter en outre que ces dernières sont souvent plus sévères, et que treize Etats membres n’ont pas intégré dans leur législation les éléments de quantité et/ou de dommages pour la santé.

Infractions aggravées commises dans le cadre d'une organisation criminelle (article 4 paragraphes 3 et 4)

 

1. Infractions aggravées commises dans le cadre d'une organisation criminelle / Drogues (article 4§3)

 

La prise en compte du rôle du crime organisé par les législations pénales en matière de trafic de drogue est largement répandue dans l'UE. En effet, dix-sept Etats membres (AT, BE, CZ, DE, EE, FI, FR, HU, LT, LU, LV, NL, PL, PT, RO, SI, SK) appliquent des peines d'un maximum d'au moins 10 ans lorsque l'infraction a été commise dans le cadre d'une organisation criminelle. NL a modifié sa loi sur les stupéfiants de façon à y inclure spécifiquement l'infraction relative à la participation à une organisation criminelle, au-delà de la disposition générale du code pénal en la matière. DK, IE et SE ne connaissent pas de disposition spécifique au crime organisé mais respectent le niveau des peines prescrit. Enfin, pour trois Etats membres (BE, LU, SI) la Commission ne disposait pas des éléments nécessaires pour analyser la notion d'organisation criminelle.

Il faut par ailleurs souligner que les Etats membres n'exigent pas, comme le fait la décision-cadre, que l'infraction porte en outre sur des grandes quantités de drogue ou sur les drogues parmi les plus dommageables pour la santé[18].

Par ailleurs, plusieurs Etats membres disposent d'une gamme de sanctions différentes en fonction du rôle de l'auteur de l'infraction au sein de l'organisation criminelle (participation, direction, financement…). Pour une infraction classique (participation), il apparaît que les peines maximales sont de manière générale supérieures à 10 ans. En effet, dans huit Etats membres (BE, CZ, DE, LT, LV, NL, PT, SI) la peine maximale est de 15 ans ou plus, tandis que dans six Etats membres (EE, FR, LU, PT, RO, SK) elle est de 20 ans ou plus. Les infractions relatives au trafic de drogue dans le cadre d'une organisation criminelle sont ainsi passibles de peines bien plus sévères que celles établies par la décision-cadre, dont le seuil de sanction est par conséquent respecté.

 

2. Infractions aggravées commises dans le cadre d'une organisation criminelle / Précurseurs (article 4§4)

 

La prise en compte du rôle du crime organisé par les législations pénales en matière de trafic de précurseurs est également répandue dans l'UE, mais de façon légèrement plus contrastée qu'en matière de drogues.

Treize Etats membres (CZ, DE, FI, HU, LT, LU, LV, NL, PL, PT, RO, SI, SK) disposent d'une législation contre le trafic de précurseurs et prenant en compte le rôle du crime organisé. En matière de sanctions, on constate également une sévérité accrue. En effet, cinq Etats membres (CZ, FI, HU, LV, PL) fixent des peines maximales comprises entre 6 et 10 ans, tandis que huit Etats membres (DE, LT, LU, NL, PT[19], RO, SI, SK) fixent des peines maximales de 15 ans et plus[20].

Il convient de noter que sept Etats membres (AT, BE, DK, EE, FR, IE, SE) ne disposent pas de législation en matière d'organisation criminelle applicable aux précurseurs, ou ne l'ont éventuellement pas communiquée[21]. Ceci étant, force est de constater que les sanctions applicables aux infractions de base liées au trafic de précurseurs dans les Etats membres susmentionnés sont d'ores et déjà des peines maximales de 5 ans et plus. La mise en œuvre de l’article 4§4 est donc satisfaisante.

Confiscation (article 4§5)

Treize des 21 Etats membres qui ont répondu (AT, DE, DK, EE, FI, FR, LU, LV, PL, PT, RO, SE, SK) ont transmis leurs dispositions sur la confiscation spécifiquement prévues par leur loi sur les stupéfiants, tandis que six Etats membres (CZ, HU, IE, LT, NL, SI) ont fait part de dispositions issues du code pénal. BE et BG n’ont fourni aucune disposition. La confiscation des substances faisant l'objet de l'infraction est généralisée. Pour la confiscation des instruments, des produits et des biens dont la valeur est équivalente, la Commission renvoie à son rapport[22] sur la mise en œuvre de la décision-cadre 2005/212/JAI[23] du Conseil du 24 février 2005 concernant la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime.

Circonstances particulières (article 5)

L’article 5 permet aux Etats membres de prévoir un système de réduction de peines à l'égard de ceux qu’on appelle communément les « repentis ». Tous les Etats membres ont fourni des informations sur leur système national de réduction de peines, à l’exception de BG, FI, NL et SI. Six Etats membres (AT, HU, LU, LV, PT, RO) disposent en outre d’un système de réduction de peine spécifiquement prévu par leur loi sur les stupéfiants à l'attention de ces "repentis". De nombreux Etats membres distinguent selon que les poursuites ont déjà été engagées ou non, et certains prévoient parfois, outre une réduction, des dispenses de peines. Aucun toutefois n'a modifié sa législation suite à la décision-cadre.

Responsabilité et sanctions à l’encontre des personnes morales (articles 6 et 7)

Eu égard à l’article 6, la principale pierre d’achoppement réside dans la reconnaissance de la responsabilité passive de la personne morale (article 6§2). En effet, dix Etats membres (AT, DE, DK, FI, HU, IE, LT, NL, PL, RO) disposent d’une législation conforme à l’article 6, mais huit Etats membres (BE, BG, EE, FR, LU, LV, PT, SI) n’ont pas fourni suffisamment d’information, en particulier à l’égard de l’article 6§2. En outre, deux Etats membres ne disposent d’aucun cadre juridique établissant la responsabilité des personnes morales (CZ, SK), tandis que l’interprétation étroite de la notion de responsabilité passive par SE ne lui permet pas d'être en conformité totale avec l’article 6§2. L’article 6§3 ne pose quant à lui pas de problème majeur dans les Etats membres.

Eu égard à l’article 7, outre les deux Etats membres (CZ, SK) qui déclarent ne pas s’être encore dotés d’un cadre juridique en la matière, LU prévoit une forme de responsabilité des personnes morales qui n’entraîne pas de sanction pécuniaire, contrairement à ce que prescrit l’article 7§1. Dix Etats membres (AT, BE, DE, FI, FR, LT, LV, PL, RO, SE) ont transmis une législation formellement conforme à l’article 7, contrairement à huit autres Etats membres (BG, DK, EE, HU, IE, NL, PT, SI), qui ont fourni des informations lacunaires ou inexistantes, principalement quant au niveau des amendes.

Seuls trois Etats membres (FI, RO, SE) ont modifié leur législation en vue de se conformer aux articles 6 et 7. La Commission attire ainsi l'attention des Etats membres sur le faible niveau d'informations reçues sur la mise en œuvre de la décision-cadre à l'égard de la responsabilité des personnes morales.

Compétence et poursuites (article 8)

Tous les Etats membres admettant le principe de compétence territoriale (article 8§1a), l'analyse se concentre sur les points b) et c), lorsque l’infraction a été commise en dehors du territoire national. En outre, le paragraphe 3 n’a plus lieu d’être depuis l’entrée en vigueur du mandat d’arrêt européen.

A condition que l'on mette de côté l'absence d'information relative aux infractions commises en partie sur le territoire national, la Commission considère que onze Etats membres (AT, CZ, DE, DK, EE, FI, FR, LT, NL, PL, SE) disposent d'une législation conforme à l'article 8 dans son ensemble. En revanche, dix Etats membres (BE, BG, HU, IE, LU, LV, PT, RO, SI, SK) n'ont pas transmis les informations nécessaires.

En particulier, conformément à l’article 8§4, six Etats membres (AT, DE, DK, EE, FR, SE) ont informé la Commission de leur décision d’appliquer le paragraphe 2, et ont notamment déclaré exclure ou limiter leur compétence dès lors que l’infraction commise en dehors de leur territoire est commise pour le compte d’une personne morale établie sur leur sol (§1c).

Il n’en demeure pas moins que le niveau de mise en œuvre reste obscur dans la mesure où huit Etats membres (BE, BG, HU, IE, PT, RO, SI, SK) n’ont fourni aucune information suffisante ni déclaration à l’égard de la mise en œuvre du paragraphe 1 lettre c), tandis que cette dernière est conforme dans seulement cinq Etats membres (CZ, FI, LT, NL, PL).

Fonctionnement et effets sur la coopération judiciaire

La difficulté de l'étude du fonctionnement et des effets de la décision-cadre sur la coopération judiciaire réside essentiellement dans le recueil de données issues de la pratique judiciaire au sein des Etats membres. Pour ce faire, la Commission s'est appuyée sur des informations provenant d'Eurojust et du Réseau judiciaire européen (ci-après "RJE"). Eurojust a transmis le 14 novembre 2008 un document de synthèse sur les statistiques concernant les affaires de trafic de drogue enregistrées au sein d'Eurojust entre le 1er janvier 2004 et le 12 novembre 2008. Le RJE a quant à lui été sollicité par la Commission au moyen d'un questionnaire transmis à l'ensemble de ses points de contact[24].

Contribution d'Eurojust

Durant la période susmentionnée, 771 affaires de trafic de drogue ont été enregistrées au sein du Collège d'Eurojust, selon une nette augmentation : de 77 cas en 2004 à 207 cas en 2007. Les affaires de drogue représentent 20% des affaires traitées par Eurojust entre 2004 et 2008.

Les Etats membres qui ont transmis le plus grand nombre d'affaires de trafic de drogue à Eurojust sont l'Italie (81 cas), la France (72 cas), et les Pays-Bas (71 cas), tandis que les Etats membres les moins impliqués sont Malte (1 cas), Chypre (1 cas), l'Irlande (2 cas) et la Slovaquie (2 cas).

Les Etats membres les plus sollicités sont les Pays-Bas (264 fois), l'Espagne (243 fois) et l'Italie (171 fois), tandis que les Etats membres les moins sollicités sont Malte (3 fois), Chypre (8 fois), la Slovaquie (9 fois), et la Lettonie (9 fois).

D'une manière générale, les statistiques démontrent un engagement particulier des Pays-Bas, de l'Italie, de la France et de l'Allemagne, que ce soit en tant que pays demandeurs ou d'exécution. La Suède et le Portugal ont transmis un nombre relativement important d'affaires de trafic de drogue (respectivement 64 et 57), tandis que l'Espagne et le Royaume-Uni ont été largement sollicités par d'autres pays (respectivement 243 et 102 fois). A l'inverse les Etats membres les moins impliqués, que ce soit en tant que pays demandeurs ou d'exécution, sont Malte, Chypre, la Lettonie et la Slovaquie.

Enfin, il est intéressant de noter que sur 151 affaires de trafic de drogue associées à un ou plusieurs autres crimes, 65 d'entre elles sont associées à la participation à une organisation criminelle.

Ainsi, il ressort de ces informations qu'à travers Eurojust, la coopération judiciaire entre Etats membres progresse indubitablement en matière de trafic de drogue depuis 2004. Toutefois, il est à ce stade impossible d'isoler l'effet de la décision-cadre en tant que telle sur ladite coopération et d'en mesurer l'impact. C'est sur cette question que s'est concentré le questionnaire à l'égard du RJE.

Contribution du Réseau judiciaire européen

Les points de contact du RJE dans dix Etats membres (CZ, DE, FI, FR, HU, IE, LV, LU, PL, PT) ont répondu au questionnaire de la Commission.

L'idée générale qui ressort de leurs contributions est bien que si la décision-cadre est connue des praticiens, elle est considérée comme ayant une importance mineure dans la mesure où elle a entraîné peu de changements dans la législation nationale. En particulier, puisqu'elle ne concerne pas directement la coopération judiciaire d'une part, et qu'aucun pays ne semble disposer d'un système central lui permettant de mesurer l'évolution de la coopération judiciaire en matière de trafic de drogues d'autre part, la question de l'effet de la décision-cadre sur une telle coopération demeure entière. Les réponses apportées témoignent souvent de la relative perplexité des praticiens interrogés, comme en FI, FR et PT par exemple.

En Finlande, le point de contact estime que d'une part les changements intervenus depuis la décision-cadre sont mineurs et que cette dernière n'affecte pas la coopération judiciaire, et que d'autre part, étant donné l'absence de recul et l'absence de monitorage permettant d'évaluer un tel impact, il est impossible de tirer des conclusions objectives.

En France, le point de contact mentionne également l'absence de système permettant à l'administration centrale d'avoir une vision exacte de l'ensemble des demandes d'entraide en matière de stupéfiants. Les juridictions françaises constatent une amélioration globale de la qualité d’exécution de leurs demandes d’entraide en matière de trafic de stupéfiants, qui reste néanmoins très variable selon les pays concernés. Il est également relevé que l’intervention des magistrats de liaison ou des représentants d’Eurojust permet bien souvent de parvenir à des actions coordonnées complexes. Le point de contact conclut toutefois qu'il est difficile de déterminer si ces améliorations sont les conséquences de la transposition par les Etats membres de la décision-cadre, et que l’amélioration générale de la coopération depuis ces cinq dernières années semble davantage attribuée à l’acquisition d’une culture judiciaire européenne des magistrats plutôt qu’à la transposition de cet instrument.

Au Portugal, selon le point de contact, la décision-cadre est connue mais globalement peu utilisée dans la mesure où la législation nationale suivait déjà les mêmes lignes. Aucun changement particulier n'est noté en matière de coopération judiciaire et une utilisation plus importante des règles déjà existantes issues des nouveaux instruments de coopération est préconisée.

 

Conclusion

 

La mise en œuvre de la décision-cadre n'est pas pleinement satisfaisante. Certes, la plupart des Etats membres respectaient déjà souvent un certain nombre de dispositions. Mais plusieurs ont également démontré, dans des réponses souvent partielles, n'avoir pas toujours modifié leur législation en vigueur quand la décision-cadre l'exigeait. Surtout, six Etats membres n'ont fourni aucune information. Le rapprochement des mesures nationales dans la lutte contre le trafic de drogue a ainsi peu progressé. Le faible impact de la décision-cadre est confirmé par les contributions du RJE. Et il est difficile en l'état d'établir un lien entre la décision-cadre et la progression de la coopération judiciaire telle que présentée par Eurojust. La Commission invite par conséquent les Etats membres qui ne l'ont pas fait ou de façon partielle à respecter leurs obligations issues de l'article 9 de la décision-cadre et à transmettre à la Commission et au secrétariat général du Conseil dans les plus brefs délais l'ensemble de leurs mesures de mise en œuvre.

 

[1] JO L 335 du 11.11.2004, p. 8.

[2] Troisième considérant.

[3] Neuvième considérant.

[4] Article 9.

[5] COM(2001) 771 du 13.12.2001, point 1.2.2.

[6] Parmi eux toutefois, la Bulgarie n'a transmis que très partiellement les textes de loi auxquels elle fait référence dans sa réponse, dont il ne sera donc tenu compte qu'à titre indicatif et sous réserve.

[7] L'Espagne a toutefois fait part à la Commission en 2006 comme en 2008 du fait que les mesures de transposition font partie du projet de réforme du Code pénal actuellement en cours.

[8] La Grèce a toutefois fait part à la Commission en 2008 du fait qu'une loi de mise en œuvre doit être prochainement débattue au Parlement.

[9] Convention unique sur les stupéfiants de 1961 (telle que modifiée par le protocole de 1972 portant amendement de la convention unique sur les stupéfiants de 1961); Convention de Vienne de 1971 sur les substances psychotropes; Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988.

[10] Règlements (CE) n° 111/2005 et n° 273/2004, voir document de travail p. 7.

[11] BG a précisé que sa législation ne comportait aucune définition de la personne morale.

[12] Voir document de travail, p. 9.

[13] DK a précisé que la tentative de tentative (sic) ou de complicité était punissable, FR n'a pas fait de commentaire.

[14] Trois Etats membres (BG, HU, RO) n'ont pas fourni d'informations suffisantes.

[15] Voir le document de travail sur des réserves marginales à l’égard de BG, LT, LV, SE.

[16] Faute d'informations spécifiques, BG n'a pas été prise en compte.

[17] 16 ans.

[18] Seule l'Estonie l'associe au trafic de grandes quantités de drogue.

[19] Dans le cas de PT, la peine maximale de 10 ans est relevée d'un tiers, soit pas tout à fait 15 ans.

[20] LT, LU, NL, RO et SK prévoient en outre des peines maximales de 20 ans d'emprisonnement et plus.

[21] Pour DK et FR, voir commentaires sur l’article 2§1d).

[22] COM(2007) 805 final, adopté le 17 décembre 2007.

[23] JO L du 15.3.2005.

[24] Ces documents sont présentés dans le document de travail.

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