Communication de la Commission européenne du 19 mai 2005 : Communication sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière pénale et le renforcement de la confiance mutuelle entre les Etats membres
COM/2005/0195 final
1. INTRODUCTION
1. Présenté en 1999 comme la « pierre angulaire » de la construction de l’espace judiciaire européen lors du Conseil Européen de Tampere, et consacré dans le texte de la Constitution, le principe de reconnaissance mutuelle (RM) a vu son caractère essentiel réaffirmé dans le programme de La Haye qui lie son développement à l’accroissement de la confiance mutuelle entre Etats membres.
2. Presque 5 ans après l’adoption par le Conseil et la Commission du programme de reconnaissance mutuelle destiné à mettre en œuvre les orientations du Conseil européen de Tampere, la présente communication vise à présenter les réflexions de la Commission d’une part sur la poursuite des travaux de mise en œuvre du principe de RM à la lumière des premières expériences déjà réalisées, et d’autre part sur les éléments d’un programme d’action visant à renforcer la confiance mutuelle entre les Etats membres.
3. Cette communication s’inscrit dans la démarche générale de la Commission d’élaboration du plan d’action pour la mise en œuvre du programme de La Haye. Tout en traçant des perspectives générales pour les 5 ans à venir(voir SEC(2005) 641), elle insiste particulièrement sur la première phase de mise en œuvre (2005-2007), sachant qu’une révision à mi parcours sera rendue nécessaire suite à l’entrée en vigueur de la Constitution. En outre, le programme de La Haye ayant insisté sur l’importance de l’évaluation de la mise en œuvre des politiques, les résultats des évaluations menées devront être pris en compte et seront susceptibles d’amender les priorités dégagées.
2. POURSUIVRE LA MISE EN œUVRE DU PRINCIPE DE RECONNAISSANCE MUTUELLE
4. La mise en œuvre du principe de RM a été depuis quelques années un des domaines principaux d’activité de l’Union européenne en matière de justice pénale, et sans doute l’un des plus prometteurs. Après plus de quatre ans d’application du programme adopté en décembre 2000, la moitié environ des mesures envisagées a donné lieu à des instruments législatifs adoptés ou en cours d’adoption. Parmi ceux-ci toutefois, c’est seulement pour la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise[1] que le délai de transposition dans les législations nationales est échu.
5. La présente communication est axée sur les aspects non encore mis en œuvre du programme de RM afin de redessiner les priorités des années à venir à la lumière des orientations du programme de La Haye, et de l’analyse des premières réalisations achevées.
2.1. La reconnaissance mutuelle dans la phase préalable au procès pénal
2.1.1. Le principe de reconnaissance mutuelle et le recueil de la preuve[2]
6. Le programme de La Haye demande au Conseil d’adopter la proposition relative au mandat d’obtention de preuve avant la fin 2005. Après l’adoption de la décision-cadre sur le gel des avoirs[3], ce texte constitue la première étape importante pour l’application du principe de RM dans la phase de recherche de la preuve qui précède le procès pénal. Le mandat d’obtention de preuve ne couvrira cependant pas toute la gamme des preuves nécessaires. Des investigations telles que des interrogatoires de suspects, témoins, experts, ou la mise en place de surveillance de comptes bancaires ou de lignes téléphoniques devront également pouvoir être incluses dans des instruments de RM. L’objectif final est de créer un instrument législatif unique facilitant la recherche de la preuve pénale, quelle qu’elle soit, sur le territoire de l’Union. Selon la Commission, l’application en cette matière du principe de RM doit conduire à laisser la maîtrise des investigations à l’Etat d’émission, car la décision d’obtenir tel ou tel élément de preuve ne saurait être remise en cause dans l’Etat membre d’exécution. C’est notamment pour cette raison que la Commission préconise l’abandon du principe de double incrimination dans toutes les matières liées à la recherche de la preuve. En ce qui concerne les modalités d’obtention de la preuve, les règles nationales applicables dans chaque Etat membre pour le type d’investigations concernées devront être respectées, sous réserve de l’application, déjà prévue par l’article 4(1) de la Convention du 29 mai 2000, par l’Etat membre d’exécution de certaines formalités ou procédures expressément indiquées par l’Etat membre d’émission. Enfin, l’adoption d’éléments minimaux d’harmonisation en matière de recueil de la preuve (cf. infra 3.1.1.2.) devrait aider à faire en sorte que les éléments de preuve légalement recueillis sur le territoire d’un Etat membre puissent être utilisés devant les juridictions des autres Etats membres.
7. L’extension du principe de RM à l’ensemble du domaine de la recherche de la preuve conduira à s’interroger sur le devenir de la Convention du 29 mai 2000 relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’Union européenne[4] et de son protocole de 2001[5]qui ne sont d’ailleurs pas encore en vigueur, faute d’un nombre suffisant de ratifications. En complément de la mise en place d’un instrument global de reconnaissance mutuelle pour l’obtention de la preuve, il faudra envisager le reformatage du reliquat des dispositions de ces deux instruments après l’entrée en vigueur de la Constitution sous forme de loi ou loi-cadre européenne.
8. Au nombre des difficultés identifiées, il faut aussi noter les différences entre les compétences respectives des autorités judiciaires et policières dans les Etats membres. Celles-ci peuvent rendre floues les limites de chacun de ces types de coopération, qui, pour être complémentaires, n’en obéissent pas moins à des règles différentes. Des propositions seront formulées par la Commission à l’occasion de la mise en oeuvre du principe de disponibilité des informations en matière répressive.
2.1.2. La reconnaissance mutuelle des mesures de contrôle présentencielles non privatives de liberté
9. La Commission a publié en août 2004, un livre vert sur la RM des mesures de contrôle présentenciel non privatives de liberté[6]. Constatant que le recours excessif à la détention provisoire est une des causes du surpeuplement carcéral, et que les solutions alternatives existant en droit national sont souvent impossibles à mettre en œuvre lorsque la personne réside dans un autre Etat membre, le livre vert envisage différentes solutions. Au terme de la consultation engagée, la Commission formulera en 2005 des propositions législatives.
2.2. La reconnaissance mutuelle des décisions définitives
10. L’application du principe de RM implique que l’existence d’une décision définitive dans un Etat membre emporte une série de conséquences dans les autres Etats membres. Outre le mandat d’arrêt européen, deux aspects particuliers de cette question ont déjà été traités dans les propositions de décisions-cadre relatives à l’application du principe de RM respectivement aux sanctions pécuniaires[7], et aux décisions de confiscation[8]. Il reste néanmoins à examiner plusieurs aspects fondamentaux.
2.2.1. L’information mutuelle sur les condamnations
11. La RM des condamnations a pour préalable une bonne circulation entre les Etats membres des informations relatives à celles-ci. Reprenant une idée qui figurait déjà dans les conclusions du Conseil européen des 25 et 26 mars 2004, le programme de La Haye a invité la Commission à présenter des propositions « en vue d’intensifier l’échange d’informations issues des registres nationaux des condamnations et déchéances, notamment celles concernant les délinquants sexuels, afin que le Conseil puisse les adopter pour la fin 2005 ». La Commission a présenté en janvier 2005 un livre blanc qui analyse les principales difficultés de l’échange d’informations sur les condamnations pénales, et formule des propositions pour la création d’un système informatisé d’échange d’informations. Des propositions seront présentées en 2005 suite aux premières discussions du Conseil sur ce sujet.
2.2.2. Le principe de non bis in idem
12. Aux termes de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, « nul ne peut être légalement poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif ». La Charte élargit le champ d’application territoriale du principe du non bis in idem à tout le territoire de l’Union, ce qui constitue un progrès par rapport au protocole n°7 à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui prévoyait son application au seul territoire de chaque Etat partie.
13. Ce principe a donné lieu à deux importants arrêts de la Cour de justice des Communautés[9] qui en précise la portée aux termes des dispositions de la Convention d’application des accords de Schengen qui affirme et aménage déjà le principe du non bis in idem dans ses articles 54 à 58. De premiers travaux relatifs à l’application du principe de non bis in idem se sont déroulés sur la base d’une initiative présentée par la Grèce[10]. Ils ont été suspendus du fait de leur lien étroit avec le problème des conflits de compétence (voir infra). Ces deux questions feront l’objet d’un livre vert de la Commission en 2005, puis d’une proposition législative en 2006.
2.2.3. La prise en compte des condamnations des autres Etats membres dans les procédures pénales
14. Dans la plupart des Etats membres, l’existence de condamnations pénales antérieures a des effets à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale: la situation de récidive peut par exemple influencer les règles de procédure applicables, la qualification pénale retenue ou, plus fréquemment, modifier la nature et le quantum de la peine. La Commission vient de déposer une proposition de décision-cadre relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les Etats membres de l'Union Européenne qui pose pour règle générale que chaque Etat membre accorde à une condamnation prononcée dans un autre Etat membre les mêmes effets qu’à une condamnation nationale antérieure et précise certaines modalités d’application de cette règle. Un tel principe de reconnaissance de la récidive avait d’ailleurs déjà été affirmé à l’occasion de la décision-cadre du 6 décembre 2001 sur la protection de l’Euro[11]. Ce nouveau texte constituera un apport important au dispositif de RM des décisions finales.
2.2.4. L’exécution des décisions de condamnation
15. Une condamnation prononcée dans un Etat membre doit pouvoir être exécutée sur tout le territoire de l’Union. La Commission a lancé en avril 2004 une consultation sur le rapprochement, la RM et l’exécution des sanctions pénales sur la base d’un livre vert[12]. L’Autriche, la Suède et la Finlande ont déposé une initiative qui vise à permettre l’exécution dans l’Etat membre de nationalité ou de résidence d’une condamnation à une peine d’emprisonnement prononcée dans un autre Etat membre. Ce texte devrait également faciliter l’application de certaines dispositions du mandat d'arrêt européen qui autorisent le refus de remise lorsque la peine est mise à exécution dans l’Etat d’exécution.
16. Il n’aborde toutefois ni la question de l’exécution des mesures non privatives de liberté, ni celle du sursis et des conditions éventuelles de sa révocation par une peine prononcée dans un autre Etat membre. Ces questions donneront lieu à des propositions législatives de la part de la Commission en 2007.
2.2.5. La reconnaissance mutuelle des déchéances
17. Les condamnations pénales donnent fréquemment lieu à des déchéances de droits (droit de travailler avec des enfants, de participer à des marchés publics, de conduire…) qui selon les Etats membres résultent soit de dispositions légales, soit de décisions judiciaires, soit sont de nature administrative. Cette question est particulièrement délicate, à la fois en raison du caractère très divers de ces déchéances, et des difficultés de circulation des informations les concernant. De premiers progrès importants pourront être réalisés lorsqu’une bonne circulation des informations sur les condamnations pénales sera assurée grâce à la mise en place du système informatisé d’échange d’information sur les condamnations pénales. De manière générale, la Commission préconise d’adopter dans ce secteur une approche sectorielle, par type d’infraction pénale, et déposera en 2005 une communication sur le sujet. Déjà, la Belgique a présenté en novembre 2004, une initiative relative à la RM des déchéances du droit de travailler avec des enfants consécutives à des condamnations pour infractions relevant de la pédopornographie . Le travail sectoriel se poursuivra en 2006, avec le dépôt d’une proposition relative à la RM des déchéances du droit de conduire.
3. RENFORCER LA CONFIANCE MUTUELLLE
18. Le renforcement de la confiance mutuelle est la clef du bon fonctionnement de la RM. C’est un des messages importants du programme de La Haye et implique d’une part une action législative visant à assurer un niveau élevé de protection des droits des personnes sur le territoire de l’UE, et d’autre part, une série d’actions pratiques envers les professionnels de la justice visant à renforcer chez eux le sentiment de partager une « culture judiciaire commune ».
3.1. Renforcer la confiance mutuelle par des mesures législatives
19. Les premières applications du principe de RM, notamment avec le mandat d'arrêt européen, ont fait ressortir une série de difficultés qui pourraient en partie être réglées par l’adoption, au niveau de l’Union, de mesures législatives d’harmonisation. Celles-ci peuvent s’articuler autour de deux axes : d’une part s’assurer que les décisions de justice qui font l’objet de la RM répondent à des standards élevés en terme de garanties des droits des personnes, d’autre part s’assurer que les juridictions qui ont prononcé ces décisions étaient effectivement les mieux placées pour le faire. L’approfondissement de la RM pourra également impliquer de poursuivre la réflexion sur certaines mesures de rapprochement des législations de droit pénal matériel.
3.1.1. Harmonisation du droit pénal procédural
3.1.1.1. Améliorer les garanties dans les procédures pénales
20. En avril 2004, la Commission a déposé une proposition de décision-cadre relative à certains droits procéduraux accordés dans le cadre des procédures pénales dans l’Union européenne[13]. Celle-ci vise à assurer que les personnes mises en cause dans les procédures pénales bénéficient de droits minimaux définis et identifiés dans tous les Etats membres de l’Union, en matière d’accès à l’avocat et aux interprètes traducteurs, de droit à la communication, notamment avec les autorités consulaires, d’information sur les droits, et de protection des personnes vulnérables. Le Conseil européen a demandé l’adoption de cette décision-cadre avant la fin 2005.
21. Il ne s’agit là que d’une première étape. Les travaux en cette matière devront être poursuivis dans les années à venir et constituer un accompagnement permanent au développement de la RM. Trois domaines devront notamment faire l’objet de travaux : la présomption d’innocence, le recueil de la preuve pénale, les décisions in absentia[14]. Pour chacun de ces thèmes, un travail important d’analyse et de consultation préalable devra avoir lieu tant avec les 25 Etats membres, qu’avec les professionnels de la justice pénale afin de cerner les difficultés et les solutions envisageables tenant compte des traditions juridiques des Etats membres.
3.1.1.2. Renforcer la présomption d’innocence.
22. La présomption d’innocence constitue un des fondements essentiels du droit pénal. Affirmé par l’article 6 de la CEDH et repris dans l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il existe dans tous les Etats membres, mais ne recouvre pas partout les mêmes concepts. La Commission publiera un livre vert sur ce sujet en 2005, visant à cerner le contenu de cette notion, à examiner son renforcement et la détermination de ses limites éventuelles .
3.1.1.3. Elaborer des normes minimales en matière de recueil de la preuve
23. L’action judiciaire transfrontière implique que des éléments de preuve recueillis dans un Etat membre puissent être utilisés dans un autre. Le respect des droits de la défense implique néanmoins que certaines règles minimales relatives au recueil de la preuve soient respectées partout dans l’Union. Sur la base d’une étude[15], la Commission publiera en 2006 un livre vert proposant une harmonisation minimale des standards relatifs au recueil et à la divulgation de la preuve, aux critères d’admissibilité en justice, et aux éventuelles exceptions envisageables.
24. Au terme d’une consultation approfondie sur la base des deux livres verts ci-dessus mentionnés, la Commission présentera une proposition de décision-cadre sur la présomption d’innocence et les normes minimales en matière de recueil de la preuve.
3.1.1.4. Encadrer les décisions in absentia
25. La question des décisions in absentia a souvent fait l’objet de débats dans l’UE et revient régulièrement dans les différents instruments adoptés. Dans la pratique, elle donne également lieu à discussion et l’expérience, ainsi que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, montrent qu’elle suscite des difficultés. La Commission proposera en 2006 un livre vert qui pourra être suivi de propositions législatives en vue de surmonter les difficultés constatées et de renforcer la sécurité juridique.
3.1.1.5. Assurer la transparence quant au choix de la juridiction compétente
26. En matière pénale, lorsque plusieurs Etats membres sont compétents pour une même affaire, des investigations et des poursuites peuvent être entreprises simultanément par chacun d’entre eux. Ces poursuites multiples peuvent sérieusement affecter les droits des personnes et l’efficacité de l’action pénale. La mise en place d’une procédure permettant de déterminer le lieu le plus approprié pour l’exercice des poursuites s’avère donc de plus en plus nécessaire, et constituera un élément essentiel pour faciliter la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle. Elle devrait en effet faciliter tant la recherche de la preuve au stade avant jugement (les Etats membres s’étant préalablement mis d’accord sur le lieu de celui-ci, qui déterminera aussi le droit applicable) que l’exécution de la décision finale (les Etats membres ayant reconnu à l’avance que l’affaire a été jugée au lieu le plus approprié). Elle devrait également contribuer à éviter les cas dans lesquels le principe de non bis in idem trouverait à s’appliquer.
27. La Commission présentera en 2005 un livre vert sur les conflits de compétences et le non bis in idem, qui, sans toucher aux mécanismes nationaux de détermination de la compétence juridictionnelle, proposera des solutions pour régler les conflits de juridiction dans l’Union européenne, tenant compte notamment du rôle d’Eurojust aux termes de l’article III-273 de la Constitution et des demandes formulées par le programme de La Haye sur ce point.
3.1.2. Poursuivre le rapprochement du droit pénal matériel
28. Dans ce domaine un important travail de rapprochement a été accompli dans les années écoulées. Il doit être poursuivi en réfléchissant à l’intérêt de promouvoir au niveau de l’Union des types de sanction plus diversifiés, ne reposant pas uniquement sur les peines d’emprisonnement. L’accent devra également être mis d’une part sur l’évaluation de la mise en œuvre des instruments adoptés dont les premiers résultats sont décevants, et d’autre part sur le fonctionnement du mécanisme de la liste positive d’infractions donnant lieu à la suppression du contrôle de la double incrimination dans les instruments de RM afin, dans la mesure du possible, de remédier aux éventuelles difficultés identifiées.
29. De premières réflexions relatives à la nécessité de définir au niveau de l’Union des concepts tels que la responsabilité des personnes morales, ou le rapprochement des peines d’amendes ont été développées dans le livre vert sanctions. La Commission déposera sur ces sujets, suite au livre vert, une proposition de décision-cadre en 2007.
3.2. Renforcer la confiance mutuelle par des mesures d’accompagnement pratiques
3.2.1. Renforcer les mécanismes d’évaluation
30. Le Conseil européen a souligné que « l’évaluation de la mise en œuvre et des effets de chaque mesure est indispensable pour que l’action de l’Union soit efficace ». Les développements futurs du principe de RM en matière pénale devront effectivement dans l’avenir être étroitement liés à des mécanismes d’évaluation. Ceux-ci devraient permettre de remplir deux objectifs d’ordre méthodologique, qui sont distincts de la vérification de la transposition correcte et dans les délais prescrits des actes adoptés par l’Union.
- évaluer les besoins concrets de la justice, notamment identifier quels sont les obstacles potentiels, préalablement à l’adoption de nouveaux instruments ; et
- évaluer les conditions pratiques spécifiques de la mise en œuvre des instruments adoptés par l’UE, en particulier les « best practice » et notamment la façon dont ils répondent aux besoins identifiés dans la phase préalable.
Ces deux objectifs devront s’appliquer à tous les instruments. Ils nécessitent un renforcement des outils d’analyse des pratiques judiciaires dont dispose la Commission.
31. Un troisième objectif, celui de procéder à une évaluation plus générale des conditions dans lesquelles sont élaborées les décisions de justice afin de s’assurer qu’elles répondent à des standards de qualité élevés permettant de renforcer la confiance mutuelle entre systèmes judiciaires, sans laquelle la RM ne pourra fonctionner, suppose une action plus globale et à plus long terme. Le programme de La Haye affirme le principe selon lequel « la confiance mutuelle doit reposer sur la certitude que tous les citoyens européens ont accès à un système judiciaire satisfaisant aux exigences de qualité les plus élevées », et demande la mise en place « d’un système d’évaluation objective et impartiale de la mise en œuvre des politiques de l’UE qui, dans le même temps, respecte pleinement l’indépendance du pouvoir judiciaire ». S’agissant de fortifier la confiance mutuelle par la certitude que les systèmes judiciaires qui produisent des décisions pouvant être exécutées sur tout le territoire de l’Union respectent des standards de qualité élevés, cette évaluation doit permettre d’appréhender les systèmes judiciaires nationaux dans leur globalité. La crédibilité et l’efficacité d’un système judiciaire doivent faire l’objet d’une appréciation d’ensemble, portant à la fois sur les mécanismes institutionnels et sur les aspects procéduraux. C’est là assurément une démarche délicate qui doit respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité ainsi que l’indépendance du judiciaire. Cet exercice devra permettre de produire des rapports réguliers, élaborés selon des critères stricts d’indépendance et de transparence, mettant particulièrement en lumière les bonnes pratiques.
32. Le Parlement européen a adopté une recommandation sur ce sujet en février 2005[16], et, après une concertation étroite avec les organisations et institutions judiciaires, la Commission élaborera en 2006 une communication sur l’évaluation de la qualité de la justice .
3.2.2. Favoriser la mise en réseau des professionnels de la justice et développer la formation judiciaire
33. Le programme de La Haye insiste sur l’importance d’améliorer la compréhension mutuelle entre les autorités judiciaires et les différents systèmes juridiques. Pour cela, il préconise en premier lieu de développer des réseaux d’organisations et d’institutions judiciaires tels que le réseau des Conseils supérieurs de la magistrature et le réseau européen des Cours de cassation avec lesquels la Commission souhaite développer des relations étroites. En multipliant les rencontres entre professionnels, et en favorisant la réflexion notamment sur la mise en œuvre des instruments de l’Union et des thèmes de préoccupation transversaux tels que la qualité de la justice, de tels réseaux, qui doivent également inclure les avocats, devront jouer un rôle clef dans la constitution progressive d’une « culture judiciaire commune ».
34. En second lieu, le programme de La Haye insiste sur l’importance de la formation pour favoriser le développement de la confiance mutuelle. A la demande du Parlement européen, la Commission met en place depuis 2004, en complément au programme AGIS, un programme d’échanges à l’intention des magistrats, dans le cadre d’un projet pilote. Ce programme se poursuivra en 2005 et fera l’objet d’une évaluation en 2006 avant de donner lieu à des propositions.
35. Le développement du principe de RM a pour conséquence de donner à la décision judiciaire un impact s’étendant très largement au-delà des frontières nationales. En conséquence, la dimension européenne de la fonction judiciaire doit être pleinement intégrée dans les cursus de formation, à tous les stades de la carrière des juges et des procureurs. La formation des autorités judiciaires repose sur des entités nationales responsables de son organisation et de la détermination des contenus de formation. Celles-ci sont regroupées au sein d’un réseau qui fonctionne aujourd’hui sous une forme associative. Le programme de La Haye insiste sur l’importance de renforcer ce réseau afin qu’il devienne une structure efficace de rencontres et de coopération entre les autorités judiciaires. Après consultation, la Commission présentera, à la fin de l’année 2005, une communication sur la formation judiciaire dans l’Union européenne.
3.2.3. Supporter le développement d’une justice de qualité
36. Pour les prochaines perspectives financières 2007-2012, la Commission a déposé trois propositions de programmes d’action comportant un programme spécifique relatif à la justice pénale. Ce programme doit renforcer le soutien de l’Union à la coopération judiciaire, au développement de la RM et au renforcement de la confiance mutuelle entre les Etats membres. Il a notamment pour objectifs de favoriser les contacts et les échanges entre praticiens, de renforcer la formation judiciaire, et d’améliorer les conditions d’accès des citoyens à la justice.
[1] JO L 190 du 18 7 2002 p 1
[2] Voir aussi sur ce sujet le livre vert de la Commission sur la protection pénale des interêts financiers communautaires et la création d’un procureur européen COM (2001) 715 final du 11.12.2001
[3] JO L 196 du 2.3.2003 p 45; délai de transposition 2 août 2005
[4] JO C 197 du 12.7.2000
[5] JO C 326 du 21.11.2001
[6] COM(2004) 562 final
[7] JO L76 du 22.3.2005 p.16
[8] JO C 184 du 2.8.2002
[9] Affaires C-187/01 et C-385/01 Gozütok et Brugge , du 11 février 2003 et affaire C-469/03 Miraglia du 10 mars 2005
[10] JO C 100 du 26.4.2003 p 24
[11] JO L 329 du 14.12.2001 p3
[12] COM (2004) 334 final
[13] COM (2004) 328 final
[14] Voir aussi sur ce sujet le livre vert de la Commission sur la protection pénale des interêts financiers communautaires et la création d’un procureur européen COM (2001) 715 final du 11.12.2001
[15] “Study of the laws of evidence in criminal proceedings throughout the EU”, October 2004
[16] Recommandation du Parlement européen à l’intention du Conseil sur la qualité de la justice pénale et l’harmonisation de la législation pénale dans les Etats membres Final A6-0036/2005