Livre blanc de la Commission européenne du 25 janvier 2005 relatif à l’échange d’informations sur les condamnations pénales et à l’effet de celles-ci dans l’Union européenne
COM/2005/0010 final
Introduction
La mise en place d’un espace de liberté, de sécurité et de justice suppose une bonne circulation, entre les autorités habilitées des Etats membres, des informations relatives aux condamnations et aux déchéances dont ont été l’objet les personnes, ressortissantes communautaires ou non, qui séjournent sur le territoire des Etats membres, ainsi que la possibilité de leur attacher des conséquences en dehors du territoire de l’Etat membre qui les a prononcées.
Cette problématique est apparue à plusieurs reprises dans les travaux de l’Union tant en ce qui concerne l’échange d’information sur les condamnations que les effets à attacher à celles-ci. Les mesures 2, 3, 4, 14, 20, 22 et 23 du programme de mesures destiné à mettre en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales[1], traitent de ces questions. L’amélioration de la qualité des échanges d’informations sur les condamnations pénales a été entérinée comme une priorité par le Conseil européen des 25 et 26 mars 2004 dans sa déclaration relative à la lutte contre le terrorisme et réaffirmée lors du Conseil Justice et Affaires Intérieures du 19 juillet 2004. Le programme de La Haye a invité la Commission à présenter des propositions « en vue d’intensifier l’échange d’information issues des registres nationaux des condamnations et déchéances, notamment celles concernant les délinquants sexuels, afin que le Conseil puisse les adopter pour la fin 2005 ». Le présent livre blanc vise à répondre à cette demande.
Il a pour objet d’une part de faire un état de lieux des conditions de circulation des informations relatives aux condamnations et aux déchéances sur le territoire de l’Union et de proposer un programme d’action ambitieux, visant à créer un système informatisé d’échange d’informations sur les condamnations pénales entre les Etats membres. Il vise d’autre part à engager une réflexion sur les différents aspects de la prise en compte par les Etats membres des condamnations prononcées par les autres Etats membres. Cet aspect devra faire l’objet de travaux complémentaires nombreux à mener au cours des prochaines années, et le présent livre blanc n’est sur ce point qu’une première approche de la problématique de l’effet des condamnations pénales sur le territoire de l’Union.
ETAT DES LIEUX
Une grande diversité des systèmes nationaux d’enregistrement des condamnations
Les tableaux en annexe présentent l’organisation des casiers judiciaires nationaux telle qu’elle résulte des réponses aux questionnaires envoyés par la Commission aux Etats membres. Ils témoignent de la grande diversité des systèmes nationaux d’enregistrement des condamnations (annexe 1).
La centralisation et la large informatisation des registres nationaux : les registres nationaux sont centralisés dans la quasi totalité des Etats membres. L’autorité auprès de laquelle sont centralisées les données varie (ministère de la justice, ministère de l’intérieur, police). La très grande majorité des registres sont informatisés, et lorsqu’ils ne le sont pas, des projets en ce sens semblent exister.
Le contenu : les informations retranscrites dans les registres nationaux ne sont pas identiques. Certains contiennent toutes les condamnations et d’autres se limitent aux infractions les plus graves. Certains retranscrivent les condamnations prononcées à l’encontre des personnes morales, et d’autres non. Certains se limitent aux décisions ayant une valeur de chose jugée (« res judicata »), d’autres inscrivent, au moins à titre provisoire les décisions susceptibles de recours. Certains registres contiennent également une section consacrée aux poursuites en cours ainsi que certaines décisions d’acquittement ou de relaxe, notamment pour irresponsabilité mentale. Dans certains Etats membres, les décisions retranscrites émanent uniquement des juridictions pénales. Dans d’autres cas, des décisions d’autorités administratives, ou de juridictions commerciales imposant par exemple des sanctions disciplinaires ou des incapacités d’exercer certaines professions figurent également au casier judiciaire. Les informations sur les mesures d’exécution des peines varient également.
L’accès aux registres nationaux : les législations nationales ne sont pas homogènes quant aux autorités ayant accès au registre des condamnations. Dans certains cas, l’accès à l’intégralité des données contenues est réservé aux seules autorités judiciaires ou aux seules autorités policières. Cet accès peut être direct ou indirect. Ailleurs, un accès est également prévu pour des autorités administratives auxquelles cet accès est nécessaire à l’accomplissement de leur mission. Leur accès peut être total ou ciblé. Dans un nombre très limité d’Etats membres, le casier judiciaire est accessible à des tiers (associations professionnelles, employeurs privés, enquêteurs privés, etc.). Enfin, la plupart des législations permettent un accès des personnes concernées aux données enregistrées sous leur nom. Cet accès peut toutefois être limité à une information verbale ou à la réception d’un extrait ne contenant pas toutes les informations.
Le délai d’effacement des informations incluses dans le registre varie fortement. Certains Etats membres ne prévoient pas de système d’effacement, dans d’autres, l’effacement peut être automatique ou sur demande.
L’échange d’informations sur les condamnations pénales
L’information sur les condamnations prononcées dans les autres Etats membres est actuellement régie par les articles 13 et 22 de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale de 1959[2] (ci-après « la Convention de 1959 ») complétés par l’article 4 du protocole additionnel à cette Convention, du 17 mars 1978.
Ces dispositions régissent d’une part les conditions de communication des extraits du casier judiciaire entre les parties à la Convention, et d’autre part instaurent une obligation de se transmettre, une fois par an, les condamnations dont leurs ressortissants ont fait l’objet.
Si la Convention de 1959 constitue le cadre actuel des échanges, les mécanismes qu’elle prévoit ont une portée limitée. Il ressort des différentes études menées[3] et des informations dont dispose la Commission que la circulation des informations se fait mal. Les disfonctionnements sont au nombre de trois :
la difficulté à identifier rapidement les Etats membres dans lesquels une personne a déjà fait l’objet de condamnations ;
la difficulté d’obtenir l’information rapidement et selon une procédure simple ;
la difficulté à comprendre l’information éventuellement transmise.
La difficulté à identifier rapidement les Etats membres dans lesquels une personne a fait l’objet de condamnations : il est en pratique difficile pour un Etat membre de savoir rapidement, de manière exhaustive et fiable, si une personne a déjà fait l’objet d’une condamnation pénale dans un autre Etat membre. Trois types de situations doivent être distinguées :
pour les ressortissants d’Etats non signataires de la Convention de 1959, le mécanisme de centralisation des informations dans l’Etat de nationalité prévu par l’article 22 de la Convention ne fonctionne pas. Dans ce cas, il n’est pas possible, sauf à interroger tous les Etats membres, de connaître l’existence d’une condamnation antérieure sur le territoire de l’Union.
Pour les non nationaux, ressortissants d’Etats parties à la Convention de 1959, le mécanisme de centralisation des condamnations dans l’Etat membre de nationalité devrait en principe fonctionner. Néanmoins, si la Convention oblige les Etats parties à la Convention à transmettre les condamnations prononcées contre des ressortissants étrangers, elle n’impose pas aux Etats de nationalité d’inscrire ces condamnations dans leurs registres nationaux. De fait, plusieurs Etats parties à la Convention ne procèdent pas à cette inscription, ou y procèdent de manière restrictive. D’autres ne procèdent qu’à l’inscription des condamnations et des peines qui correspondent à des situations connues dans leur système. Il en résulte que le casier judiciaire de l’Etat de nationalité est souvent incomplet. En conséquence, si un autre Etat s’adresse à l’Etat de nationalité pour connaître les antécédents pénaux d’une personne, il n’obtiendra qu’une information partielle. En outre, l’Etat de nationalité va sans doute soumettre les condamnations prononcées par les autres Etats à son propre régime juridique en matière d’inscription ou d’effacement. Il en résulte qu’une même condamnation pourra suivre deux régimes juridiques différents dans l’Etat de condamnation et dans celui de nationalité, ce qui génère une certaine confusion.
En ce qui concerne les nationaux , la connaissance des condamnations prononcées dans les autres Etats parties à la Convention devrait être meilleure du fait de l’obligation de transmission prévue par la Convention de 1959. Celle-ci est toutefois parcellaire, pour des raisons juridiques et pratiques. Juridiquement, la transmission des informations est parfois limitée par les réserves à la Convention. Par ailleurs certaines situations ne sont pas réglées de manière satisfaisante (par exemple le cas des binationaux). On a vu également que certains Etats membres n’inscrivent pas dans leur registre national les condamnations prononcées par d’autres Etats. En pratique enfin, cette transmission est parfois lacunaire (par exemple lorsque les registres nationaux ignorent la nationalité des personnes condamnées) ou tout simplement omise.
La difficulté d’obtenir l’information rapidement et selon une procédure simple : Lorsque les autorités nationales souhaitent connaître les antécédents pénaux des non nationaux, elles peuvent en faire la demande dans le cadre d’une demande d’entraide (article 13 de la Convention de 1959). En pratique, ce mécanisme fonctionne mal, et les juridictions nationales considèrent souvent que la procédure pour obtenir les antécédents pénaux dans un autre Etat membre est trop lourde, peu familière et incompatible avec le rythme de la procédure nationale. De fait, elles prononcent fréquemment des peines contre des ressortissants d’autres Etats membres à la seule vue du relevé des condamnations produit par leur registre national, et en totale méconnaissance des condamnations éventuellement prononcées dans d’autres Etats membres, en particulier dans l’Etat membre de nationalité ou de résidence.
La difficulté à comprendre l’information reçue : les informations en provenance d’autres Etats membres, communiquées aux autorités judiciaires, ne sont pas toujours comprises. Les difficultés de traduction expliquent en partie cette incompréhension, mais les difficultés juridiques sont encore plus grandes. En effet, il existe une très grande diversité dans les informations qui figurent dans les casiers judiciaires nationaux. Celles-ci sont le reflet des systèmes nationaux, et le contenu des informations, tout particulièrement en ce qui concerne les peines, est parfois déroutant pour les autorités qui les reçoivent.
Le 13 octobre 2004, la Commission a adopté une proposition de décision du Conseil relative à l’échange d’informations extraites du casier judiciaire[4]. Cette proposition a pour objet d’améliorer à court terme les mécanismes actuels d’échanges d’informations entre les Etats membres. Elle ne les modifie pas fondamentalement et n’apportera qu’une réponse partielle aux disfonctionnements identifiés ci-dessus, auxquels tout projet futur d’amélioration du système devra remédier.
La problématique des déchéances
Les déchéances constituent une catégorie particulière de sanctions qui posent des problèmes spécifiques en matière de disponibilité et d’échange d’informations ainsi que de leurs effets. On ne considère ici que celles qui sont susceptibles d’être rattachées à une condamnation pénale. Elles peuvent être expressément prononcées par le juge pénal lors de la condamnation ou découler automatiquement de celle-ci. Elles peuvent également être prononcées dans le cadre de procédures civiles, administratives ou disciplinaires, qui tirent les conséquences d’une condamnation pénale. Du fait de ces différences de nature, les informations relatives aux déchéances ne figurent pas toujours dans les casiers judiciaires nationaux et circulent de manière très aléatoire. Par ailleurs, lorsque cette information est disponible, elle n’est pas toujours utilisable car le défaut d’harmonisation constitue un obstacle réel à la reconnaissance mutuelle. La Commission déposera en 2005 une communication sur le sujet. Une approche sectorielle, par type d’infraction pénale, semble appropriée. Déjà, la Belgique a présenté en novembre 2004, une initiative relative à la reconnaissance mutuelle des déchéances du droit de travailler avec des enfants consécutives à des condamnations pour infractions relevant de la pédopornographie, qui constitue un premier pas en cette matière.
AMÉLIORER LA CIRCULATION DE L’INFORMATION PAR LA MISE EN PLACE D’UN SYSTÈME INFORMATISÉ
Objectif : Tout système d’échange d’information sur les condamnations pénales doit avoir pour objectif de permettre à l’utilisateur final d’obtenir, par l’intermédiaire de son casier judiciaire national, dans des délais très brefs, de manière électronique et sécurisée, des informations exhaustives et facilement compréhensibles sur les condamnations pénales dont une personne a fait l’objet sur le territoire de l’Union.
Les options possibles
Le programme de reconnaissance mutuelle envisageait (mesure 4) trois options susceptibles d’améliorer la circulation des informations relatives aux condamnations entre les Etats membres: ( i ) la facilitation des échanges bilatéraux , ( ii ) la mise en réseau des fichiers nationaux et ( iii ) la constitution d’un véritable fichier européen .
Les deux premières options présentent l’avantage de maintenir les informations au niveau national, de respecter les règles de gestion et d’accès des législations nationales sur ces informations sensibles, et d’éviter leur duplication. Elles ont en revanche trois inconvénients majeurs :
elles impliquent pour bénéficier d’une information exhaustive sur les condamnations prononcées d’interroger systématiquement tous les registres nationaux, ce qui aurait pour conséquence d’accroître de manière considérable le nombre d’interrogations auxquelles sont soumis les systèmes nationaux.
elles supposent respectivement l’organisation de 25 X 24 = 600 possibilités d’échanges ou l’aménagement d’autant de capacités d’accès à partir d’architectures différentes.
Elles ne permettent pas de fournir aux autorités demanderesses, une information compréhensible et immédiatement utilisable.
La troisième option permet de remédier à ces difficultés, et repose sur la création d’un format standard d’échanges, selon lequel les informations seraient stockées au niveau central. Elle s’avère cependant disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis. Elle impliquerait en effet que l’information contenue dans les fichiers nationaux soit dupliquée au niveau européen. Elle supposerait également la création d’un système ad hoc de maintenance, d’accès, ainsi que la définition d’un régime juridique pour ces informations.
La solution proposée
Afin de parvenir dans des délais raisonnables à la mise en place d’un mécanisme efficace d’échanges d’informations sur les condamnations pénales, une solution « mixte », entre la constitution d’un fichier européen et la mise en réseau des fichiers nationaux doit être envisagée. Elle doit avoir pour objectif de répondre aux trois disfonctionnements majeurs identifiés ci-dessus. Sa mise en œuvre impliquerait une approche en deux temps :
dans une première phase, la mise en place d’un système d’identification des Etats membres dans lesquels une personne a des antécédents pénaux et de l’infrastructure technique et électronique permettant l’échange rapide et sécurisé d’informations relatives aux condamnations pénales ;
dans un second temps, l’élaboration d’un « format européen standardisé » d’échanges permettant à l’utilisateur final d’obtenir une information compréhensible et utilisable ;
La première phase devra permettre de repérer rapidement le ou les Etats membres dans lesquels la personne a déjà été condamnée. La recherche des antécédents pénaux d’une personne se fait aujourd’hui en interrogeant le casier judiciaire de l’Etat de sa nationalité, mais on a vu que les résultats obtenus ainsi sont peu fiables.
Elle implique la création d’un index européen des personnes ayant fait l’objet de condamnations. Cet index reprendrait uniquement les éléments permettant d’identifier la personne (nom, prénom, lieu et date de naissance, nationalité, etc.) et l’Etat membre dans lequel elle a déjà été condamnée, à l’exclusion de toute information sur le contenu et la forme de la condamnation, tout en respectant les législations nationales et le droit européen relatifs à la protection de la vie privée. En interrogeant l’index, un Etat membre saura immédiatement dans quel autre Etat membre il existe déjà une condamnation, qu’il pourra obtenir en s’adressant directement à cet Etat (voir schéma en annexe 2).
.La création de cet index implique également l’adoption au niveau de l’Union d’une définition commune de la notion de condamnation pénale. En effet, selon les Etats membres, les casiers judiciaires peuvent inclure une série de décisions, notamment procédurales, prises dans la phase préalable au procès (voir point 6 supra). La qualité de l’échange d’informations, et la fiabilité de l’index qu’il est proposé de constituer, supposent que l’on s’accorde sur le type de décisions qui doivent donner lieu à l’inscription d’une personne dans l’index. A l’occasion de la proposition de décision relative à l’échange d’informations extraites du casier judiciaire, la Commission avait proposé une définition de la notion de condamnation. Cette définition, qui se voulait délibérément restrictive en ne couvrant que les décisions finales des tribunaux pénaux établissant la culpabilité de la personne auxquelles s’ajoutaient certaines décisions mixtes (administratives/pénales) entrant habituellement dans le champ de la coopération judiciaire, pourrait être reprise.
Le système doit fonctionner entre autorités centrales nationales . Il incombera à chacune d’elles, conformément au droit national, d’abord de s’assurer que l’autorité ou la personne demanderesse a accès à l’information demandée et ensuite de lui donner une réponse complète intégrant, outre les informations disponibles au niveau national, toutes les informations existantes au niveau européen.
Techniquement, cette solution correspond à des mécanismes connus et éprouvés dans le cadre d’autres systèmes d’information européens tels que le SIS ou Eurodac. Les infrastructures existantes dans le cadre de ces deux systèmes pourraient d’ailleurs être réutilisées, ce qui permettrait de faire des économies d’échelles significatives, tout en préservant d’une façon complète l’autonomie de chacun des systèmes, puisque la réutilisation d’infrastructures ne suppose aucun partage de données.
Cette proposition comprend aussi la mise en place de l’infrastructure technique nécessaire à un échange sécurisé et rapide entre registres nationaux. Dès la première phase, les demandes et les réponses pourront donc transiter de manière rapide et sécurisée entre autorités nationales par voie électronique (transmission électronique de documents scannés).
La mise en place du système décrit ci-dessus permettra de répondre à une partie des difficultés actuelles constatées, mais non d’obtenir des informations immédiatement compréhensibles et utilisables, en l’absence de standardisation de l’information échangée.
Ce sera l’objet de la deuxième phase qui devra permettre d’accélérer encore la circulation des informations. Les informations actuellement contenues dans les registres nationaux sont très hétérogènes. Mettre en place un système informatisé d’échanges d’informations suppose de déterminer un « format européen standardisé », reconnu par tous les Etats membres, et qui devra permettre de transmettre les informations de manière aisément traduisible et juridiquement compréhensible par tous.
Ce format devrait notamment permettre d’intégrer
des informations relatives à la personne faisant l’objet de la décision (nom, prénoms, date de naissance, lieu de naissance, pseudonyme ou alias le cas échéant, sexe, nationalité, forme juridique, siège social pour les personnes morales...) ;
des informations relatives à la forme de la décision (date et lieu, nom et nature de l’autorité l’ayant prise, nature: jugement définitif, décision du procureur non susceptible de recours…) ;
des informations relatives aux faits ayant donné lieu à la décision (date, lieu, nature, qualification juridique, texte de répression…) ;
des informations relatives au contenu de la décision (mesure prononcée, peine, peines accessoires éventuelles, mesures de sûreté, durée de la peine ou de la mesure, éléments postérieurs relatifs à l’exécution de la peine, déchéance éventuelle…).
Afin de faciliter la transmission des informations, chacune de ces données devra faire l’objet d’une définition précise, et si possible, être codifiée afin de faciliter la traduction. Lorsque ce « format européen standardisé» sera mis en place, l’autorité demanderesse recevra, dans des délais très brefs, des informations dans sa langue. Afin de surmonter les difficultés liées aux différences entre les notions juridiques utilisées, le mécanisme pourrait être assorti d’un « dictionnaire » expliquant la nature et la signification des mentions portées. Ce mécanisme, sans régler les difficultés liées aux différences dans la nature des peines, permettrait au moins d’assurer une bonne transparence et un niveau acceptable de compréhension mutuelle pour les utilisateurs finaux.
Programme de travail
Au terme d’une première étude de faisabilité technique, la Commission déposera, au printemps 2005, une proposition de décision relative à la mise en place d’un mécanisme européen informatisé d’échange d’informations sur les condamnations, correspondant à la phase 1 qui vient d’être présentée. En 2005 également, les éléments relatifs au « format européen standardisé» feront l’objet d’une seconde étude de faisabilité portant à la fois sur les aspects juridiques et techniques, et visant à préparer la phase 2 du projet. Un début de réalisation de la phase 1 pourrait intervenir dès 2006.
L’UTILISATION DES INFORMATIONS SUR LES CONDAMNATIONS PRONONCÉES DANS LES AUTRES ETATS MEMBRES DE L’UNION EUROPÉENNE
L’amélioration de la qualité de l’échange d’informations sur les condamnations pénales n’a de sens que dans la mesure où celles-ci peuvent être utilisées. L’impact d’une décision de condamnation sur l’ordre juridique des autres Etats membres peut être de plusieurs types.
Un des premiers effets est l’interdiction de procéder de nouveau à des poursuites pour les mêmes faits dans un autre Etat membre (non bis in idem). Ce principe est affirmé dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et est intimement lié à la question de la compétence juridictionnelle. Ce sujet fera l’objet d’un livre vert au premier semestre 2005. Il faut toutefois noter que le mécanisme envisagé d’information sur les condamnations ne suffira pas pour assurer une bonne circulation des informations au titre du non bis in idem. En effet, les décisions de non culpabilité (relaxe ou acquittement) ne sont le plus souvent pas inscrites aux casiers judiciaires nationaux, mais doivent être prises en compte au titre du non bis in idem.
Une condamnation prononcée dans un Etat membre peut également avoir des effets dans un autre Etat membre quand celui-ci doit l’exécuter. Il s’agit ici d’une problématique différente où la question de l’information sur la condamnation est secondaire puisque la mise à exécution d’une condamnation suppose une démarche active soit de l’Etat membre de condamnation soit de l’Etat membre qui souhaite exécuter (par exemple pour refuser l’exécution d’un mandat d'arrêt européen). Ces questions doivent faire l’objet de travaux séparés. Une initiative autrichienne sur ce sujet a récemment été déposée.
Le présent livre blanc se limite donc à engager la réflexion sur les conséquences à attacher aux informations obtenues par le biais du mécanisme d’échange ci-dessus évoqué à l’occasion d’une nouvelle poursuite dans un autre Etat membre pour des faits différents.
La Convention de 1959 est muette sur les effets juridiques à accorder aux condamnations étrangères. La Convention du 28 mai 1970 relative à la valeur internationale des jugements répressifs[5] prévoyait des mesures en cette matière, mais n’a été ratifiée que par très peu d’Etats membres. Au niveau de l’Union, un seul texte relatif à la protection de l’euro vise la récidive[6].
A l’heure actuelle, la possibilité de donner effet aux condamnations étrangères est laissée aux législations nationales. Celle-ci est souvent limitée.
Dans un cadre juridique national, les effets des condamnations pénales antérieures peuvent être de plusieurs types. Ils peuvent influer :
sur les règles juridiques régissant la poursuite elle-même (type de procédure applicable, règles de détention provisoire par exemple) ;
sur le type de procédure applicable lors du jugement (par exemple choix de la juridiction compétente), sur la qualification de l’infraction et sur le choix de la peine (impossibilité de prononcer une peine avec sursis pour une personne déjà condamnée par exemple);
sur le régime d’exécution de la peine (les mesures de libération anticipée, ou d’aménagement de peine peuvent s’appliquer dans des conditions différentes pour les personnes ayant déjà été condamnées), et sur la possibilité de « confusion » des peines.
Selon les Etats membres, les effets des condamnations pénales antérieures sont encadrés par la loi ou laissés à la simple appréciation du juge. Dans les deux cas, la possibilité de tenir compte des condamnations prononcées dans les autres Etats membres est souvent restreinte. Afin de remédier à ces dysfonctionnements, la Commission déposera un projet de décision-cadre sur la prise en compte des décisions de condamnations, qui permettra de réaliser les objectifs évoqués dans la mesure 2 du programme de reconnaissance mutuelle.
[1] JO C 12 du 15.01.01, p.10.
[2] Conseil de l’Europe, Série des traités européens n°30.
[3] Voir l’étude réalisée en 2000 par l’Institute of Advanced Legal Studies (ISLA) dans le cadre du programme Falcone (2000/FAL/168). Etude réalisée en 2001 par l’Institute for International Research on Criminal Policy (IRCP) dans le cadre du programme Grotius ( 2001/GRP/024)
[4] COM (2004) 664 final.
[5] Série des traités n°070. Cette Convention a été ratifiée par 9 Etats membres à la date du 19 octobre 2004.
[6] JO L 329/3, 14/12/2001