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Rapport de suivi de la Commission européenne du 19 mars 2003 du Livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un Procureur européen - COM/2003/0128 final

 

Rapport de suivi de la Commission européenne du 19 mars 2003 du Livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un Procureur européen

 

COM/2003/0128 final

 

 

TABLE DES MATIÈRES

 

1. Introduction

L'objet du Livre vert

La méthode de consultation

2. Evaluation générale

2.1. Bilan général de la consultation publique sur le Livre vert

2.1.1. Bilan des réponses écrites au Livre vert

2.1.2. Bilan des opinions exprimées lors de l'audition publique

2.2. La plus-value du procureur européen

2.2.1. Appréciation d'une poursuite pénale effective de la fraude communautaire

2.2.2. Critères d'évaluation de la plus-value du procureur européen

3. Evaluation thématique

3.1. Questions institutionnelles

3.1.1. Statut et organisation interne

3.1.2. Articulation avec Europol, Eurojust et OLAF

3.1.3. Relations avec les pays tiers

3.2. Questions juridiques

3.2.1. Droit pénal matériel

3.2.2. Droit pénal procédural

4. Suivi

4.1. Suites politiques du Livre vert

4.2. Réforme institutionnelle

4.3. Approfondissement des questions relatives à la mise en oeuvre du procureur

 

1. INTRODUCTION

 

Afin de combattre de manière plus effective la criminalité portant atteinte aux finances communautaires, la Commission a proposé la création d'un procureur européen pour la protection des intérêts financiers des Communautés, ci-après appelé procureur européen, pour ainsi remédier au morcellement de l'espace pénal en ce domaine [1].

[1] COM(2000)34; contribution complémentaire de la Commission à la Conférence intergouvernementale sur les réformes institutionnelles - La protection pénale des intérêts financiers communautaires: un procureur européen, 29.09.2000, COM(2000)608.

L'objet du Livre vert

Un tel projet suppose une révision du Traité CE. Les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Nice en décembre 2000 n'ont pas donné suite à cette idée, faute de temps et d'approfondissement. C'est pourquoi, conformément à son plan d'action 2001-2003 pour la protection des intérêts financiers des Communautés [2], la Commission a organisé un large débat en Europe sur ce thème tout au long de l'année 2002.

[2] COM(2000)254.

Le Livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un procureur européen [3], adopté à cette fin le 11 décembre 2001, avait pour la Commission deux objectifs : préciser la réflexion, en dégageant des options et des préférences pour la mise en oeuvre de la proposition d'origine ; élargir le débat à tous les cercles concernés, à la veille de l'élargissement et dans la perspective de la révision constitutionnelle des traités.

[3] COM (2001) 715 ; http://europa.eu.int/comm/anti_fraud/ green_paper/index_fr.html

La contribution de la Commission à la Conférence intergouvernementale de 2000 proposait déjà d'intégrer dans le traité les caractéristiques essentielles du procureur européen (nomination, démission, indépendance, mission). Elle renvoyait au droit dérivé pour les règles et modalités nécessaires à son fonctionnement. Le droit dérivé devrait en effet définir au niveau communautaire les incriminations (fraude, corruption, blanchiment, etc.) et les peines relatives aux activités préjudiciables aux intérêts financiers des Communautés. Il devrait déterminer l'articulation du nouveau dispositif communautaire avec les systèmes pénaux nationaux. Il devrait également traiter des modalités de saisine du procureur européen, ainsi que de ses pouvoirs de recherche et de poursuite devant les juridictions nationales. Il devrait enfin prévoir le contrôle juridictionnel des actes du procureur européen.

La méthode de consultation

La consultation publique sur le Livre vert, qui portait principalement sur ce que pourrait être ce droit dérivé, a répondu aux attentes. Un véritable débat, large et ouvert, a ainsi été déclenché en Europe. Tant par leur nombre que par leur qualité, les réactions et les discussions générées par le Livre vert témoignent de la richesse et de la vigueur de cette consultation. Tous les milieux intéressés ont pu ainsi y participer : parlements et gouvernements nationaux, institutions et organes communautaires, professions liées au procès pénal, praticiens et universitaires, organisations non gouvernementales concernées, etc., en répondant en tout ou partie aux 19 questions qui structurent le Livre vert [4].

[4] Compte tenu du flux des réponses, le délai de la consultation a été prorogé du 1.6.2002 au 1.12.2002. En outre, des commentaires peuvent encore être envoyés à l'adresse suivante : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Ce dernier a été diffusé à plus de 12.500 exemplaires. Plus de 70 réponses écrites, parfois individuelles, plus souvent collectives, ont été reçues et mises à disposition sur Internet afin de maximiser la transparence de la consultation [5]. Provenant des différents Etats membres, pays candidats et professions concernées, ces réponses contribuent d'une manière substantielle au débat, tant par une analyse critique que par des suggestions constructives. Plusieurs gouvernements [6] et parlements nationaux [7] ainsi que de nombreux représentants des autorités judiciaires [8] ont exprimé leur position sur le projet. Par ailleurs, diverses associations d'avocats [9], barreaux nationaux [10], groupements de juristes européens [11] et organisations non gouvernementales actifs dans le domaine de la criminalité financière et la protection des droits des citoyens [12] ont pris position sur la question de la création du procureur européen. Le sujet a également fait l'objet d'analyses approfondies élaborées par des universitaires, notamment au sein de certains centres de recherche juridique réputés en Europe [13].

[5] http://europa.eu.int/comm/anti_fraud/ green_paper/contributions/date.html. La liste complète des réponses reçues jusqu'au 1.12.2002, publiées et évaluées par la Commission, figure en annexe 1.

[6] Voir réponses écrites 15, 17, 20bis, 30, 43, 45, 61 et 65. Les numéros renvoient à la liste de l'annexe 1.

[7] Voir réponses écrites 5, 38 et 71.

[8] Voir réponses écrites 11, 21, 23, 27, 28, 29, 44, 67, 68, 69 et 72.

[9] Voir réponses écrites 55 et 57.

[10] Voir réponses écrites 19 et 66.

[11] Voir réponses écrites 1bis, 3, 4, 10, 14, 35, 40, 41, 58 et 62.

[12] Voir réponses écrites 2, 34 et 70.

[13] Voir réponses écrites 6, 25, 31, 32 et 33.

Depuis l'adoption du Livre vert, la Commission a en outre participé à une vingtaine de séminaires nationaux ou conférences internationales consacrés au thème du procureur européen, dans les Etats membres et pays candidats. En conclusion, elle a organisé, les 16 et 17 septembre 2002, une audition publique avec les représentants des acteurs intéressés, qui a rassemblé trois cents participants dont un panel représentatif d'une centaine d'orateurs. Leurs discours ont également été publiés sur le site Internet précité, afin de leur donner une large audience [14].

[14] http://www.europa.eu.int/comm/anti_fraud/ green_paper/public_hearing/index_en.html

Le rapport de suivi

Ont ainsi été recueillies des centaines de réactions au Livre vert, écrites ou orales. Le présent rapport en propose une synthèse, en se plaçant dans la perspective de la révision constitutionnelle des traités. Il se compose d'une évaluation générale, suivie d'une évaluation thématique des réponses reçues. La première rend compte des opinions concernant la nécessité de la création d'un procureur européen et conduit à réaffirmer, en la précisant, sa valeur ajoutée (2). La seconde met en évidence les questions institutionnelles et juridiques qui doivent désormais être approfondies pour faciliter la réalisation d'un tel projet (3).

 

2. EVALUATION GENERALE

 

2.1. Bilan général de la consultation publique sur le Livre vert

 

Par delà la grande diversité des réactions et nonobstant les critiques reçues, souvent constructives, les participants au débat ont apprécié la qualité du Livre vert et approuvé la démarche d'une large consultation.

Sur le fond, les réactions sont en majorité favorables au principe de la création d'un procureur européen, les autorités gouvernementales sur ce point restant globalement en retrait par rapport aux praticiens et aux représentants de la société civile. Une minorité y demeure fermement opposée. Les réactions apparaissent cependant assez variées en ce qui concerne la manière dont ce projet devrait être réalisé. Il convient pour plus de précision, d'examiner deux sources distinctes que sont, d'une part, les interventions prononcées lors de l'audition publique, pour le panorama complet des opinions qu'elles offrent, d'autre part, les contributions écrites au Livre vert, lesquelles sont, en règle générale et par nature, beaucoup plus détaillées [15].

[15] Afin de permettre leur analyse, les réponses reçues sont considérées comme représentatives des catégories d'acteurs auxquelles elles correspondent.

2.1.1. Bilan des réponses écrites au Livre vert

L'analyse des réponses au questionnaire conduit aux constatations générales suivantes.

* Une majorité soutient d'une manière constructive l'idée de création d'un procureur européen [16]. Cette majorité formule néanmoins une série de critiques assorties de propositions destinées à améliorer le cadre juridique proposé par la Commission.

[16] Par plus de 50 réponses favorables contre 15 réponses défavorables sur un total de 72 réponses analysées.

* Une minorité, tout en n'excluant pas la possibilité de création d'un procureur européen, reste assez sceptique quant à son opportunité et sa faisabilité dans un avenir prévisible.

* Enfin, une étroite minorité rejette catégoriquement l'idée d'établir un procureur européen, considérant que les instruments actuels de la coopération judiciaire sont susceptibles d'offrir des solutions adéquates aux problèmes de fraude aux finances communautaires.

En présence d'un nombre considérable de représentants des autorités judiciaires, des associations de juristes et des milieux universitaires, qui insistent sur l'urgence de l'institution d'un procureur européen, plusieurs Etats membres écrivent cependant ne pas être convaincus de l'opportunité de créer, au niveau communautaire, une institution investie de prérogatives pénales et compétente exclusivement en matière de lutte antifraude [17].

[17] Voir réponses écrites 15, 30, 43, 45 et 65.

2.1.2. Bilan des opinions exprimées lors de l'audition publique

Constituée sur la base d'un panel représentatif [18], l'audition a donné un aperçu général relativement complet de la diversité des opinions exprimées par les trois types d'acteurs auditionnés, à savoir les acteurs institutionnels, les acteurs opérationnels et les représentants de la société civile [19].

[18] Cf. annexe 2. Les quelques 105 intervenants étaient repartis en trois catégories. La première était composée de représentants des acteurs institutionnels qui participent à l'élaboration du cadre juridique : Présidence du Conseil, Parlement européen, Cour de justice, Cour des comptes, Comité de surveillance de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), ministères compétents des Etats membres, auteurs du Corpus Juris, Convention pour l'avenir de l'Union européenne (observatrice). La seconde catégorie réunissait les acteurs opérationnels, qui participent à l'exercice des fonctions « de recherches, de poursuites et de jugement » : Europol, OLAF, services nationaux d'enquête policiers ou douaniers, Eurojust, Réseau judiciaire européen, procureurs nationaux etc. La troisième comprenait les représentants de la société civile: avocats de la défense, associations des contribuables, ONG, experts pénalistes des associations nationales de juristes pour la Protection des intérêts financiers de l'Union (PIF). Les pays candidats et pays d'adhésion étaient également invités comme observateurs.

[19] Le rapport tient le cas échéant compte des contributions écrites reçues ultérieurement lesquelles font en fait preuve d'une certaine évolution dans les positions de certains Etats membres par rapports à l'avis exprimé lors de l'audition en septembre 2002.

Ainsi, tandis que la grande majorité des intervenants issus des instances européennes [20], des acteurs de la société civile et une majorité des acteurs opérationnels se sont prononcés en faveur de la proposition de la Commission, une partie des ministères des Etats membres est revenue sur la question de savoir si le domaine spécifique de la protection des intérêts financiers communautaires justifie la création d'une nouvelle institution communautaire telle qu'un procureur européen.

[20] Opinions exprimées lors de l'audition publique par les représentants du Parlement européen, de la Cour de justice, de la Cour des comptes des Communautés européennes et du Comité de surveillance de l'OLAF.

2.1.2.1. Positions des représentants des Etats membres

Les positions des représentants des ministères concernés des Etats membres sont en effet divisées entre ceux qui se déclarent favorables au principe de l'institution d'un procureur européen [21], ceux qui sont sceptiques quant à son utilité ou sa faisabilité [22] et ceux qui rejettent en totalité le projet [23].

[21] Opinions des représentants ministériels de la Belgique, de la Grèce, de l'Espagne, des Pays-Bas, du Portugal et dans une certaine mesure de l'Italie.

[22] Opinions des représentants ministériels de l'Allemagne, du Luxembourg et de la Suède.

[23] Opinions exprimées lors de l'audition publique par les représentants ministériels du Danemark, de la France de l'Irlande, de l'Autriche, de la Finlande et du Royaume-Uni.

La plupart des personnes opposées au projet tant parmi les ministères que parmi les acteurs opérationnels, ont relevé que la Commission n'a pas suffisamment bien justifié sa proposition et démontré les difficultés concrètes que rencontrent les organes chargés de la lutte antifraude communautaire [24]. Beaucoup de représentants gouvernementaux estiment par ailleurs, qu'il convient d'abord de rechercher des alternatives à la répression avant de créer un service de poursuite pénale communautaire [25]. Certains notamment [26] soulignent la nécessité de donner une chance aux organes de coopération judiciaire et policière déjà créés [27].

[24] Allemagne, Irlande, Finlande et Royaume-Uni.

[25] Allemagne, Irlande, Autriche, Finlande, Suède et Royaume-Uni.

[26] Allemagne, France, Irlande, Luxembourg, Autriche et Suède.

[27] En se référant notamment à Eurojust, Europol et à la Convention de 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne, JO C 197 du 12.7.2000, p.1.

Quant à la réalisation du projet, plusieurs ministères estiment que le procureur européen ne pose pas de problème insurmontable de faisabilité [28]. En revanche, les ministères opposés à un procureur européen estiment que les principes de subsidiarité et de proportionnalité constituent des limites importantes à sa création [29].

[28] Belgique, Grèce, Espagne, Pays-Bas et Portugal.

[29] France, Irlande, Autriche et Suède.

Plusieurs représentants gouvernementaux, même parmi ceux favorables à un procureur européen soulignent d'une part, leur crainte de voir un procureur européen tel que proposé par la Commission entrer en conflit avec leurs principes juridiques nationaux [30], et d'autre part, conduire à un affaiblissement des garanties de protection des droits fondamentaux [31] et de sécurité juridique [32]. Ainsi, beaucoup insistent pour que la proposition de la Commission soit affinée afin de répondre à la fois aux critères d'efficacité et de plein respect des droits fondamentaux. Par ailleurs, plusieurs gouvernements, y inclus certains qui sont en principe opposés au projet, considèrent que si un procureur européen devait à l'avenir être créé, ses compétences devraient nécessairement être élargies par rapport à la proposition du Livre vert [33] à d'autres intérêts communautaires.

[30] Italie, Irlande, Autriche, Finlande et Royaume-Uni. L'Irlande évoque en outre l'incompatibilité d'un procureur européen avec ses normes de portée constitutionnelle.

[31] Grèce, Luxembourg, Pays-Bas, Autriche et Finlande.

[32] Danemark, Finlande et Suède.

[33] Belgique, Danemark, Espagne, Luxembourg, Portugal et dans une moindre mesure Allemagne.

 

2.1.2.2. Position des autres acteurs

 

L'audition publique a montré que les acteurs opérationnels sont majoritairement en faveur d'une avancée qualitative dans ce domaine. Ils apparaissent aussi partagés, mais à un moindre degré, entre ceux pour qui la création d'un procureur européen est une étape nécessaire de la construction d'un espace de liberté de sécurité et de justice au sein de l'Union et ceux, moins nombreux, qui sont convaincus qu'il faut continuer uniquement dans la voie de la coopération judiciaire horizontale, la création d'une instance communautaire leur semblant prématurée.

De façon plus nette encore, une très grande majorité des représentants de la société civile regarde la création d'un procureur européen chargé de poursuivre la fraude communautaire comme une nécessité incontournable pour l'Union. Alors que certains d'entre eux considèrent le projet de la Commission comme trop modeste par rapport aux enjeux de la criminalité grave et transnationale, d'autres craignent que celui-ci soit trop ambitieux pour être réalisable à brève échéance. De façon générale, beaucoup parmi ceux favorables à la création d'un procureur insistent également sur les garanties à apporter pour la sauvegarde des droits fondamentaux.

 

2.2. La plus-value du procureur européen

 

Lors de la consultation publique, si la majorité a bien accueilli le principe de la création d'un procureur européen, certains en revanche ont mis en doute [34], voire contesté [35], la valeur ajoutée du projet. Tout en reconnaissant l'importance de l'analyse statistique qui a été demandée à la Commission à cette occasion, une démonstration complémentaire du besoin pratique d'un procureur européen doit faire appel à d'autres critères.

[34] Voir réponses écrites 12, 15, 17, 24, 38, 41, 43, 49, 65, 66 et opinions orales des représentants ministériels à l'audition publique (ci-après « opinions ») du Danemark, de l'Allemagne, de l'Autriche et de la Finlande.

[35] Voir réponses écrites 16, 30, 39, 45 et opinions de l'Irlande, de la Finlande et du Royaume-Uni.

2.2.1. Appréciation d'une poursuite pénale effective de la fraude communautaire

En particulier, les représentants de certains Etats membres ont demandé d'appuyer la démonstration de la plus-value du procureur européen par des statistiques sur son activité potentielle [36]. D'autres ont même contesté toute plus-value, en faisant valoir que la fraude commise pouvait être négligeable dans certains Etats membres et à l'inverse majeure dans les pays tiers [37].

[36] Voir réponses écrites 7, 16, 17, 39 et opinions de l'Allemagne, de l'Autriche et du Royaume-Uni.

[37] Voir réponse écrite 30 et opinion du Royaume-Uni.

Tout d'abord, le volume total de la fraude a parfois été considéré comme ne justifiant pas les coûts engendrés par la création d'un nouvel organe [38]. La Commission ne peut pas partager ce raisonnement. En effet, il convient de rappeler que l'objectif de la répression pénale n'est pas en premier lieu pécuniaire. Il n'en demeure pas moins que punir la criminalité portant atteinte aux intérêts des contribuables est rentable, tant par le recouvrement du produit des malversations qu'elle facilite, que du fait des détournements de fonds publics qu'elle dissuade. Par ailleurs, bien que le volume connu de la fraude soit significatif, son volume réel n'est pas connu avec précision. Bien qu'il s'agisse d'un objectif inscrit dans les textes communautaires adoptés à cette fin [39], la collecte actuelle des données portant sur l'ampleur de la fraude et sur son suivi judiciaire dans les Etats membres est en effet lacunaire. Cette collecte n'offre pas de vision d'ensemble, en raison de l'enchevêtrement de compétences entre plus de 450 autorités de nature tantôt administrative, tantôt judiciaire selon les Etats membres et, d'autre part, de la diversité des règles nationales de protection de données qu'il s'agit actuellement de communiquer au niveau communautaire à des instances de nature administrative, telles que l'OLAF.

[38] Voir réponses écrites 20bis, 41, 43, 64 et opinion de l'Espagne. La Commission a illustré l'importance quantitative de la fraude, au moyen des cas officiellement décelés tant par les Etats membres que par l'OLAF, soit un montant total estimé en 1999 à 413 millions d'euros, correspondants à 1.487 cas. Cf. Livre vert 1.2.1.

[39] Les dispositions des règlements CE n° 1831/94 (Fonds de cohésion), n° 1681/94 (Fonds structurels), n°595/91 (politique agricole commune), n° 1150/2000 (Ressources propres) notamment obligent les Etats membres à communiquer trimestriellement des informations sur les cas d'irrégularités.

En second lieu, selon certaines sources gouvernementales, la part des cas de fraude ayant un caractère transnational (plusieurs Etats membres affectés) mais circonscrit à l'intérieur de l'Union (aucun pays tiers concerné), qui est celle qui intéresse en premier lieu le procureur européen, est trop faible pour justifier la création de ce dernier [40]. Au vu de son expérience, la Commission ne peut pas souscrire à cet argument. La plupart des cas qui lui parviennent présentent au contraire une dimension transfrontalière dès le premier abord. Cette divergence d'appréciation tient probablement à la variabilité des statistiques nationales qui rend difficile une comparaison au niveau communautaire. Si les résultats de la coopération judiciaire restent insatisfaisants en matière de fraude [41], l'explication est à chercher dans les difficultés d'application que continuent de poser les dispositifs d'entraide judiciaire [42]. Enfin, s'agissant de la difficulté à travailler avec des pays tiers, celle-ci s'avérerait moindre pour un organe de niveau communautaire, disposant d'un réseau d'accords de coopération judiciaire.

[40] Lors de l'audition publique, la représentante ministérielle du Royaume-Uni a précisé que les cas d'irrégularités agricoles sur le territoire de cet Etat membre ont diminué passant de 393 en 2000 à 252 en 2001. Elle a ajouté qu'au niveau européen, 30% des cas de fraude seulement concernent d'autres Etats membres ou des pays tiers ; dans 70% des cas, la fraude se situe sur le territoire d'un seul Etat membre. Voir également réponses 12 et 30.

[41] Voir rapports annuels de la Commission sur la protection des intérêts financiers communautaires, COM (2002) 348 et COM (2001) 255.

[42] Cf. infra 2.2.2.

Par ailleurs, force est de constater que la poursuite pénale de la fraude au détriment des finances communautaires n'est pas attestée par les informations communiquées par les Etats membres. Pour ce qui relève de l'activité d'enquête de l'OLAF, on estime que sur quatre cas susceptibles d'un suivi pénal dans les Etats membres, un seul aboutit à l'ouverture d'une procédure judiciaire. Les chiffres disponibles, loin de minimiser l'importance de la fraude, trahissent bien plutôt une absence de vision générale et homogène et de volonté de poursuivre les activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers communautaires. Sans un procureur européen le phénomène criminel de la fraude continuera d'être sous-estimé et imparfaitement puni. S'il apparaît négligeable d'un point de vue national, c'est donc qu'il devait être mieux pris en charge, comme une priorité, par le niveau communautaire en vertu du principe de subsidiarité.

Il ne suffit pas en effet que les Etats membres communiquent, entre eux et avec OLAF, Europol et Eurojust, des informations sur une base facultative et coopèrent sur la base de quelques cas bien choisis, ni même qu'ils soient astreints juridiquement à cette communication comme suggéré [43]. Ici résiderait clairement la valeur ajoutée d'un procureur européen. Sa création, en tant qu'autorité judiciaire centralisant l'information en vue de donner une suite répressive aux infractions commises, de façon cohérente et continue, réduirait considérablement les difficultés actuelles de mise en oeuvre des objectifs de l'article 280 CE par la simple coopération administrative ou le recours ponctuel à la coopération judiciaire.

[43] Voir réponses écrites 17, 27 et 41.

 

2.2.2. Critères d'évaluation de la plus-value du procureur européen

 

Que la fragmentation de l'espace judiciaire européen fasse échec à l'efficacité des poursuites pénales, notamment dans le domaine de la lutte antifraude, est un constat très largement reconnu dans le cadre de la consultation publique, à quelques exceptions cependant [44]. A l'égard des moins convaincus, il importe de rappeler que les obstacles à une poursuite efficace de la fraude demeurent importants notamment dans le domaine du droit pénal matériel : par exemple, durées différentes de prescription ou manque de correspondance des incriminations d'un Etat membre à l'autre. Les systèmes juridiques nationaux s'avèrent à eux seuls peu à même de répondre au caract&egraegrave;re transnational de la fraude communautaire, en raison du principe de territorialité du droit pénal procédural et de la diversité des règles d'administration de la preuve. Trop souvent, pour ces raisons, des poursuites ne sont pas déclenchées ou achevées, la complexité de la collecte des preuves décourageant les meilleures volontés.

[44] Voir notamment opinion du Royaume-Uni.

Certaines voix se sont exprimées en faveur du maintien de l'actuel système de protection des intérêts financiers communautaires, partagé entre coopération judiciaire et instruments communautaires [45]. Toutefois le perfectionnement en cours de la coopération judiciaire européenne [46], aussi souhaitable et réussi qu'il soit, ne peut pas, par définition, remédier aux atteintes portées à des intérêts proprement communautaires [47]. Les fonctions attribuées aux acteurs en charge de la coordination et de l'échange d'information au niveau de l'Union (OLAF, Eurojust, Europol, Réseau judiciaire européen) sont indispensables, mais visent d'autres fins. Pour ce qui est d'Eurojust, cette Unité n'est pas conçue pour collecter des preuves admissibles sur l'ensemble du territoire communautaire et pour exercer un pouvoir de direction des poursuites. S'agissant de l'OLAF, les motifs variables qui s'opposent à l'exploitation judiciaire des résultats de ses enquêtes démontrent que les instruments administratifs existants en matière de lutte antifraude ne suffisent pas à eux seuls. C'est pourquoi une réponse de nature distincte doit être recherchée en concomitance avec le développement des organes de l'espace judiciaire européen à compétence générale [48].

[45] Voir réponses écrites 7, 16, 17, 30, 38, 43 et 65.

[46] Convention de 1995 relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, Convention de 1995 relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne, Convention de 1996 relative à l'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne, Convention de 1985 d'application de l'accord de Schengen, Convention de 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne, Décision du Conseil du 28.2.2002 instituant Eurojust, Décision-cadre du Conseil du 13.6.2002 relative au mandat d'arrêt européen.

[47] Voir réponses écrites 5, 36, 37, 42, 55, 61 et 71.

[48] Cf. infra 3.1.2 (articulation du procureur européen avec Europol, Eurojust et OLAF).

Là où les instruments de coopération judiciaire internationale continuent de butter notamment sur des conflits de compétence positifs ou négatifs, ainsi que sur les difficultés que posent l'exigence de la double incrimination et l'exécution des commissions rogatoires internationales, le procureur européen permettrait de contourner ces problèmes. Il le ferait aussi bien au stade des recherches, grâce à ses délégués dont le travail, basé sur un minimum de règles communes, serait mutuellement admissible, qu'au stade des poursuites, grâce au renvoi en jugement dans un seul Etat membre.

S'agissant de réprimer une criminalité contre l'Europe, les conflits d'intérêts ou de politiques criminelles entre les niveaux national et communautaire devraient être évités dans la mesure du possible. Les autorités judiciaires doivent en permanence arbitrer entre des priorités nationales, nombreuses et concurrentes, dans un contexte de rareté des ressources. Elles peuvent difficilement assumer la protection d'intérêts communautaires dans de telles conditions. Les chances de succès leur paraissent toujours moindres s'agissant d'une criminalité complexe, pour laquelle il est tentant de renvoyer la responsabilité sur les services d'un autre Etat membre [49]. Le procureur européen serait lui en mesure de conduire l'action pénale de façon continue et cohérente, sur l'ensemble du territoire de l'Union élargie, grâce à sa spécialité communautaire et aux moyens dédiés à cette fin.

[49] La spécialisation en matière de criminalité économique et financière de structures nationales (Schwerpunktstaatsanwaltschaften allemands, Pôles financiers français, Serious Fraud Office britannique, etc.) ne constitue qu'une réponse très partielle à cette difficulté, compte tenu de l'orientation légitimement nationale qu'elles conservent.

Bien que quelques-uns le contestent [50], la nature spécifiquement commune du bien public à protéger - les finances communautaires - nécessite à la fois une spécialisation technique et un principe de poursuite qui soit à l'abri de considérations nationales particulières, ce que garantirait là encore un procureur européen spécialisé.

[50] VOIR REPONSES ECRITES 43 ET 49.

 

3. EVALUATION THEMATIQUE

 

L'évaluation détaillée qui suit repose principalement sur l'analyse des réponses écrites au Livre vert, les opinions exprimées lors de l'audition publique n'étant mentionnées qu'en cas de divergences significatives.

 

3.1. Questions institutionnelles

 

3.1.1. Statut et organisation interne

 

La Commission a proposé la création d'un procureur européen indépendant, tant à l'égard des Etats membres que des institutions communautaires. De nombreuses réactions s'accordent pour reconnaître qu'il s'agit là d'une caractéristique essentielle du procureur européen [51]. D'autres considèrent, à l'inverse, qu'un service de poursuite totalement indépendant est étranger à leurs traditions juridiques lesquelles connaissent uniquement l'indépendance de l'autorité de jugement. A tout le moins, les garanties d'indépendance et d'impartialité du procureur européen devraient être assurées, selon des procédures transparentes, y compris pour certains par leur inscription dans le futur traité constitutionnel [52].

[51] Voir réponses écrites 10, 11, 14, 22, 23, 28, 33, 41, 44, 45, 47, 53, 55 et 65.

[52] Voir réponses écrites 10 et 23.

Malgré la diversité des propositions avancées, la plupart des réactions [53] considèrent que le procureur européen devrait être plus clairement responsable [54]. Plusieurs suggestions, auxquelles la Commission se montre ouverte, ont été formulées pour renforcer sa responsabilité: le procureur pourrait être tenu de rendre compte chaque année de son activité; sa responsabilité en cas de faute grave pourrait être mise en cause devant la Cour de justice également sur l'initiative d'un quorum des parlements nationaux. Quant au régime européen de responsabilité disciplinaire, seules quelques réponses proposent de le renforcer en élargissant les conditions de sa mise en oeuvre en deçà de la faute grave.

[53] Voir réponses écrites 6, 16, 17, 20, 20bis, 23, 37, 39, 45 et 65.

[54] Selon les termes proposés par la Commission en ce qui concerne la responsabilité du procureur européen, le Conseil nommerait celui-ci à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission et après avis conforme du Parlement européen, dans des conditions similaires à celles prévues pour la nomination des membres de la Cour de justice des Communautés européennes. Le procureur répondrait de ses actes en cas de faute grave dans l'exercice de ses fonctions devant cette même Cour à la requête du Parlement européen, du Conseil ou de la Commission. Cf. Livre vert 4.1.2.

L'organisation interne décentralisée du procureur européen telle que proposée dans le Livre vert apparaît la plus adaptée aux yeux d'une majorité [55] : elle reposerait sur une répartition des tâches entre un procureur européen, centralisant le minimum nécessaire au niveau communautaire, et des procureurs européens délégués, appartenant aux systèmes judiciaires nationaux, qui exerceraient concrètement les recherches et les poursuites.

[55] Voir réponses écrites 10, 11, 29, 33, 35, 37, 38, 41, 44, 60, 65, 67, 69 et 70.

La Commission n'a pas envisagé un statut européen autonome pour les procureurs délégués. Ceux-ci pourraient conserver leur statut national à l'exception de leur régime hiérarchique et disciplinaire. Cette solution, à laquelle se rallie une partie des réactions recueillies [56], est destinée à faciliter l'intégration du procureur européen dans les systèmes judiciaires nationaux. D'autres recommandent au contraire de prévoir la nomination et, le cas échéant, la destitution des procureurs européens délégués par le niveau communautaire. Certains souhaitent ainsi voir les procureurs européens délégués dotés d'un statut européen ou à tout le moins d'un statut national spécifique, afin de garantir leur indépendance [57].

[56] Voir réponses écrites 6, 29, 33, 35, 37, 38, 41, 44, 60, 65, 67, 69 et 70.

[57] Voir réponses écrites 1, 12, 20bis, 23, 25, 27, 28, 41, 48, 53, 62 et 68.

Une majorité, y compris parmi les cercles judiciaires et académiques, penche pour l'option consistant à attribuer un mandat exclusivement européen aux procureurs délégués, comme gage de leur parfaite indépendance [58]. Une minorité des opinions a, à l'inverse, exprimé sa préférence pour le cumul d'un mandat national et d'un mandat européen, afin d'assimiler les pouvoirs des procureurs européens délégués à ceux de leurs collègues nationaux et de leur permettre de partager facilement l'information [59]. Certains ont évoqué lors de la consultation que, pour maintenir ouverte une telle possibilité, il pourrait alors être utile de prévoir des règles définissant une hiérarchie rigoureuse des priorités.

[58] Voir réponses écrites 1, 1bis, 4, 5, 10, 12, 20bis, 23, 25, 27, 28, 41, 44, 53, 58, 60, 61 et 62. Lors de l'audition publique, les avis étaient beaucoup plus partagés sur cette question.

[59] Voir réponses écrites 3, 29, 33, 35, 37, 38, 65, 66, 67 et 69.

 

3.1.2. Articulation avec Europol, Eurojust et OLAF

 

Le champ de compétence du procureur européen se limitant à la protection d'intérêts communautaires spécifiques, il ne devrait pas exister de difficultés selon la Commission pour assurer la complémentarité de ses fonctions, à la fois plus intégrées et plus spécialisées, avec celles des instances généralistes de coopération en matière pénale, notamment Europol et Eurojust. Cependant, « compte tenu des évolutions en cours au sein de l'Union européenne (troisième pilier) », la Commission n'avait pu à ce sujet que « tracer de simples pistes de réflexion » aux termes mêmes de son Livre vert. Les débats sur l'avenir de l'Union européenne, et notamment l'intention d'une fusion des piliers, doivent être désormais pris en considération et pourraient faciliter l'articulation entre les différents acteurs de l'espace judiciaire européen.

L'attente d'une plus grande précision concernant les relations du procureur européen avec l'OLAF, Eurojust et Europol, afin d'éviter une multiplication et un chevauchement des structures, s'est exprimée de façon assez générale lors de la consultation [60]. Pour mémoire, certains préfèrent à la création d'un procureur européen, le renforcement de la coopération entre Eurojust et Europol ou l'OLAF [61]. Au contraire, des voix favorables à la création d'un procureur européen souhaitent que celui-ci assure un contrôle sur Europol et sur l'OLAF [62], certains souhaitant même la fusion de ces deux derniers organismes [63]. Enfin sans qu'elle fasse l'objet d'une question spécifique, l'hypothèse de confier des pouvoirs d'enquête judiciaire à l'OLAF sous la direction du procureur européen a été retenue par plusieurs réponses [64].

[60] Voir réponses écrites 3, 17, 20bis, 27, 28, 32, 37, 40, 41, 60, 62, 66 et 69.

[61] Voir réponses écrites 15, 16, 24, 30, 43, 45 et 65.

[62] Voir réponses écrites 27, 40 et 69.

[63] Voir réponse écrite 71.

[64] Voir réponses écrites 6, 11, 20, 27, 28, 37, 40, 41 et 69.

La Commission estime qu'Eurojust constitue une étape importante pour l'institution d'un espace judiciaire européen. Cet organe aura incontestablement un rôle accélérateur pour la coopération entre les Etats membres en matière de criminalité transfrontalière et organisée en général, mais ne constitue pas une réponse suffisamment énergique face à une criminalité spécifiquement orientée contre l'Europe. Selon le scénario du Livre vert, Eurojust et le procureur européen pourraient être des organes distincts et complémentaires. Alors que le premier est destiné à recevoir des attributions relevant de la coopération judiciaire dans un champ de compétence très large, le second devrait être une instance communautaire dotée de pouvoirs propres de recherche et de poursuite dans le domaine spécifique de la protection des intérêts financiers communautaires. La création du procureur européen ne porterait pas préjudice aux compétences d'Eurojust en matière de criminalité, à condition que soit prévue la compétence prioritaire du procureur européen en matière de protection des intérêts financiers communautaires. Un partage clair de compétences devrait de plus s'accompagner d'une coopération opérationnelle dans les cas d'affaires impliquant les compétences des deux organes.

Suite à la consultation publique, il est désormais possible de soumettre à la réflexion d'autres scénarios pour combiner les différentes structures existantes. Tout d'abord, une liaison organique pourrait être établie: le procureur européen pourrait devenir membre d'une Unité Eurojust renforcée afin de mieux garantir la complémentarité et la coopération avec celle-ci [65].

[65] Voir en ce sens notamment, la contribution de Mme Schreyer au Groupe de travail X de la Convention transmise par MM. Barnier et Vitorino "Un procureur européen", WD 27, 25.11.2002.

Une deuxième alternative pourrait être la création de la figure du procureur européen directement dans le traité constitutionnel mais en l'intégrant dans Eurojust [66]. Dans ce scénario d'intégration complète, Eurojust se transformerait en parquet collégial chargé, d'une part, d'instruire et de centraliser les enquêtes et les poursuites judiciaires et de déclencher l'action publique devant les tribunaux nationaux pour la protection des intérêts communautaires relevant de sa compétence et, d'autre part, d'assurer la coordination des actions nationales pour la criminalité transnationale en général. Le procureur européen détenteur d'un pouvoir de direction et d'exercice de l'action publique pour un domaine de compétence plus restreint serait créé au sein de ce parquet. Quelle que soit la voie choisie, la protection des intérêts financiers communautaires devrait faire partie du noyau dur des compétences du procureur européen dès son origine.

[66] Le parquet européen serait ainsi élaboré à partir d'Eurojust.

Le procureur européen est également complémentaire d'Europol. Il pourrait, le cas échéant, assurer un contrôle permanent des activités proprement communautaires de ce dernier (protection de l'euro), à l'instar du contrôle qu'il devrait exercer sur l'OLAF.

 

3.1.3. Relations avec les pays tiers

 

Le Livre vert suggère que le procureur européen, pour son domaine, soit l'interlocuteur direct des autorités compétentes des pays tiers en matière d'entraide judiciaire et qu'il puisse émettre des commissions rogatoires internationales, selon des conventions liant les Etats membres, mais plus tard aussi l'Union. Les points de vue exprimés rejoignent très majoritairement la Commission sur cette proposition [67].

[67] Voir réponses écrites 3, 17, 20bis, 25, 27, 29, 32, 33, 40, 41, 59, 60 et 61.

 

3.2. Questions juridiques

 

Plusieurs réponses provenant aussi bien des départements ministériels que des milieux professionnels encouragent la Commission à poursuivre la réflexion visant à ce que le cadre juridique relatif au procureur soit établi dans le plus grand respect à la fois des différentes traditions juridiques des Etats membres et du principe de subsidiarité et de proportionnalité. Beaucoup se sont cependant montrées favorables à un rapprochement plus poussé des règles de droit pénal substantiel et droit pénal procédural, en vue d'une meilleure protection des droits fondamentaux et d'un bon fonctionnement du procureur européen.

 

3.2.1. Droit pénal matériel

 

3.2.1.1. Compétence matérielle du procureur européen

 

Considérant que la Convention du 26 juillet 1995 [68] et ses protocoles additionnels peuvent constituer le noyau d'un droit pénal spécial, la Commission a proposé [69] que la compétence du procureur européen comprenne au moins les infractions pour la protection des intérêts financiers des Communautés qui ont déjà fait l'objet d'un accord entre les Etats membres [70]. Une large majorité des réponses considère néanmoins que si un procureur européen devait être créé, ses pouvoirs devraient être nécessairement élargis par rapport à la proposition de la Commission.

[68] Convention du 26.07.1995 relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO C 316 du 27.11.95, p.48) et ses protocoles additionnels (JO C 313 du 23.10.1996, p.1 ; JO C 221 du 19.7.1997, p.11 ; JO C 151 du 20.5.1997, p.1).

[69] Cf. Livre vert 5.2.1.

[70] Voir réponses écrites 1, 3, 12, 17, 20bis, 21 et 38.

Estimant qu'une lutte efficace contre la fraude implique de poursuivre les organisations criminelles qui la commettent, certains souhaitent que la compétence pénale du procureur comprenne les crimes liés aux fraudes communautaires, comme par exemple le blanchiment d'argent, la corruption voire l'association de malfaiteurs [71]. D'autres, plus nombreux, estiment qu'il devrait également être chargé de la protection de la monnaie unique [72] ainsi que de l'intégrité de la fonction publique européenne [73]. Beaucoup préconisent d'aller même au-delà, en confiant au procureur européen la poursuite des formes graves de criminalité [74] affectant des intérêts communs importants [75], tels que ceux des consommateurs, de l'environnement ou bien de la marque communautaire.

[71] Voir réponses écrites 1, 22, 31, 32, 42, 62, 66 et 69.

[72] Voir réponses écrites 1bis, 14, 20, 37 et 70.

[73] Voir réponses écrites 1bis, 27, 31, 33, 37, 42, 55, 62 et 70.

[74] Voir réponses écrites 1, 8, 25, 36 et 60.

[75] Voir réponses écrites 8, 10, 11, 23, 25, 28, 36, 41, 44 et 71.

Peu nombreux en revanche sont ceux qui suggèrent que sa compétence s'étende à l'ensemble de la criminalité transfrontalière telle que délimitée, par exemple, par la liste des infractions de la décision sur le mandat d'arrêt européen ou dans la Convention Europol [76] (liste d'« eurocrimes »). Beaucoup se rejoignent en définitive sur l'idée que devrait être prévue une clause d'ouverture, permettant l'extension du champ de compétence matériel du procureur à d'autres formes de criminalité [77]. Concernant le degré d'harmonisation à atteindre, la grande majorité soutient le principe d'une définition commune des délits, suffisamment claire et détaillée; ceci dans le but d'assurer la sécurité juridique et de prévenir tout risque de conflits de compétences entre le procureur européen et les autorités nationales de poursuite [78], ainsi qu'entre ces derniers.

[76] Voir réponses écrites 11 et 25.

[77] Voir réponses écrites 1, 3, 11, 20, 25, 26, 36, 41, 44, 58, 60 et 71.

[78] Voir réponses écrites 1bis, 20bis, 31, 42, 44 et 55.

 

3.2.1.2. Harmonisation des règles de droit pénal général

 

La volonté de la Commission de respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité l'a conduite à n'envisager qu'une harmonisation partielle, portant sur le minimum nécessaire au bon fonctionnement du procureur européen [79]. Un nombre important des réponses écrites au Livre vert regarde cependant le rapprochement minimal des règles nationales de droit pénal général comme un élément essentiel à cet effet [80].

[79] Cf. Livre vert 5.3. à 5.5. Voir réponses écrites 3, 17, 20bis, 38, 43, 45 et 66.

[80] Voir réponses écrites 5, 6, 12, 14, 19, 20, 22, 27, 28, 36, 37, 41, 44, 59, 60, 62, 65 et 68.

Plusieurs considèrent en effet qu'une harmonisation aussi bien du maximum que du minimum des sanctions pénales applicables aux infractions poursuivies au niveau européen, ainsi que des règles régissant le régime de la prescription, est indispensable [81]. Certains soulignent que le fonctionnement du procureur sera affaibli aussi longtemps qu'un certain rapprochement ne sera pas effectué [82], en ce qui concerne les règles de base en matière de responsabilité pénale individuelle (conditions, circonstances aggravantes et atténuantes, prescription), d'erreur, de tentative etc., de façon à éviter d'inutiles annulations de procédure [83]. Rares sont néanmoins ceux qui font d'une unification complète de la partie générale des droits pénaux nationaux une condition de la création d'un procureur européen [84].

[81] Voir réponses écrites 12, 21, 28, 33, 44, 59 et 65.

[82] Cette opinion était récurrente parmi les acteurs opérationnels lors de l'audition publique.

[83] Voir réponses écrites 14, 20, 22, 27, 37, 41, 55, 62 et 68.

[84] Voir par exemple réponse écrite 19.

 

3.2.2. Droit pénal procédural

 

La réalisation d'un espace commun de recherche et de poursuite suppose une confiance mutuelle des Etats membres dans leurs systèmes pénaux nationaux. Cette confiance repose notamment sur la convergence des systèmes de protection des droits fondamentaux.

A cet égard, la consultation publique a permis à la Commission de mesurer toute l'acuité de la question de la protection des droits de la défense, et par conséquent, de la nécessité d'approfondir davantage la question relative à la mise en place de mécanismes appropriés pour leur sauvegarde, dans la perspective de la création d'un procureur. Le cadre juridique proposé par la Commission devrait ainsi, selon la majorité, permettre d'aménager des garanties suffisantes tant de la bonne administration de la justice que de l'équité de la procédure pénale.

 

3.2.2.1. Questions relatives à l'administration de la justice

 

* Information et saisine du procureur européen

Beaucoup de réactions [85] s'accordent avec la Commission en considérant qu'il serait opportun d'établir à la charge aussi bien des autorités communautaires que des autorités nationales concernées [86], une obligation de référer au procureur européen tout fait pouvant constituer ou laissant soupçonner une infraction relevant de sa compétence. Plusieurs réactions insistent également sur la nécessité de reconnaître, sous certaines conditions, un droit des personnes privées d'informer directement le procureur [87]. Les opinions sont néanmoins partagées entre ceux qui soutiennent la possibilité d'une saisine directe du procureur européen [88] et ceux qui considèrent qu'il convient de prévoir d'abord la saisine obligatoire des procureurs européens délégués [89]. Selon les seconds, les procureurs délégués pourraient, après une appréciation au cas par cas, décider s'il y a lieu ou non de référer l'affaire au procureur européen [90]. Comme l'avait suggéré la Commission, certains préconisent enfin la possibilité d'auto-saisine du procureur européen [91].

[85] Voir réponses écrites 1, 3, 12, 17, 20bis, 25, 27, 28, 29, 32, 33, 36, 37, 41, 44, 55, 58, 59, 60, 61, 62, 65, 66, 70 et 71. A contrario voir réponses écrites 6 et 41.

[86] Selon le Livre vert tel devrait être le cas notamment des agents des administrations douanières et fiscales, des services de police et des autorités judiciaires.

[87] Voir réponses écrites 3, 25, 37, 41, 44, 60, 70 et 71.

[88] Voir réponses écrites 27, 37 et 66.

[89] Voir réponses écrites 12, 14, 17, 20, 61 et 62.

[90] Voir réponses écrites 12 et 14.

[91] Voir réponses écrites 6, 25 et 32.

* Principe de légalité des poursuites

Estimant que des poursuites équivalentes dans l'espace judiciaire européen exigent l'application du principe de légalité des poursuites, la Commission a néanmoins proposé d'établir certaines exceptions destinées à tempérer celui-ci [92]. Cette opinion est partagée par la majorité qui estime que le procureur européen ne devrait être tenu de poursuivre qu'en présence d'un certain degré d'importance de l'affaire [93]. La majorité des réactions se prononce ainsi pour l'établissement d'un seuil financier ou de «critères de gravité» au regard des intérêts communautaires [94] en deçà desquels le procureur européen pourrait se désister au profit des autorités nationales. Ceci aurait l'avantage de ne pas encombrer son office avec des affaires d'une importance mineure, qui seraient mieux réglées au niveau national. Certains soulignent à cet égard la nécessité d'introduire des catégories précises de cas dans lesquels les poursuites pourraient être définitivement clôturées ou abandonnées [95].

[92] Cf. Livre vert 6.2.2.

[93] Voir réponses écrites 1bis, 3, 4, 5, 6, 11, 12, 17, 20bis, 25, 27, 30, 33, 35, 37, 38, 40, 41, 44, 58, 61, 65, 70 et 71. Certains considèrent néanmoins qu'il faut opter pour le principe d'opportunité car il serait le seul à pouvoir garantir l'indépendance du procureur européen. Voir réponses écrites 14, 21, 28, 29, 31, 32, 39 et 66.

[94] Voir réponses écrites 6, 23, 25, 27, 33, 35, 40, 41, 61 et 71.

[95] Voir réponses écrites 14, 20bis, 37, 62 et 65.

Comme corollaire de l'application du principe de légalité, toute décision négative émanant du procureur européen (classement, clôture, transaction avec la personne accusée [96]) devrait être soumise à un contrôle judiciaire [97]. Certaines réactions insistent pour que ce contrôle soit exercé par une chambre préliminaire européenne [98], seule instance capable d'assurer l'uniformité dans l'application et l'interprétation du droit communautaire [99].

[96] Certaines réponses excluent explicitement le pouvoir du procureur européen de clôturer une affaire suite à une transaction. Il s'agit d'Etats membres dans lesquels ce système n'est pas pratiqué ou même admis. Voir réponses écrites 30 et 44.

[97] Voir réponses écrites 5, 6, 12, 33, 44, 55 et 71.

[98] Voir, en particulier, réponses écrites 5, 6, 25, 55 et 71.

[99] Cf. infra 3.2.2.2.

* Répartition des compétences et conduite des affaires mixtes

Soutenant sur ce point la proposition de la Commission, la majorité [100] estime que compte tenu du caractère communautaire des intérêts à protéger, les principes de saisine automatique et de priorité [101] de la compétence du procureur européen lors qu'il existe des soupçons qu'une infraction communautaire a été commise, devraient être retenus. S'agissant des cas mixtes, la règle de priorité devrait en outre permettre d'éviter les conflits de compétence positive entre le procureur et les autorités nationales de poursuite [102]. Le procureur européen aurait ainsi la possibilité de décider en toute indépendance de mener lui-même l'enquête dans le cas où l'infraction affecterait principalement les intérêts communautaires [103] ou, le cas échéant, de la confier aux autorités nationales compétentes [104].

[100] Voir réponses écrites 17, 27, 29, 32, 37, 41, 44, 59, 61, 68, 69 et 70.

[101] Cette priorité ou primauté de l'action du procureur européen sur les poursuites nationales laisserait la place, le cas échéant à un partage des affaires communautaires entre le niveau national et le niveau européen, en raison notamment du caractère modeste de la fraude ou de son impact purement national.

[102] Cas où apparaissent à la fois une infraction communautaire et une infraction nationale. Lors de l'audition publique, la majorité était plutôt favorable à des critères détaillés de répartition de tels cas.

[103] Une partie des réponses soutient cependant qu'en présence de critères clairs de distinction des affaires, la compétence du procureur devrait être exclusive par rapport à celle des autorités nationales compétentes. Voir réponses écrites 1bis, 4, 10, 12, 20bis, 27 et 60.

[104] Voir réponses écrites 28, 29, 32 et 70. D'aucuns critiquent cette solution dans la mesure où elle permettrait une extension de la compétence du procureur européen à la poursuite de délits nationaux, dès lors qu'un lien avec une infraction communautaire apparaîtrait. Voir réponse écrite 62.

Si malgré tout un conflit de compétences se produisait, il a été proposé par certains, soit qu'une procédure de consultation entre le procureur européen et les autorités nationales permette de désigner l'autorité compétente pour chaque cas d'espèce [105], soit qu'une chambre préliminaire européenne décide à qui attribuer l'affaire [106].

[105] En outre, il est proposé d'établir des critères de distinction détaillés entre la partie «communautaire» d'un délit (laquelle pourrait être définie comme infraction contre les intérêts financiers communautaires) et la partie purement nationale, laquelle devrait rester de la compétence exclusive des autorités nationales compétentes. Voir réponses écrites 20bis, 30, 33 et 61.

[106] Voir réponses écrites 17, 25, 38, 44 et 70.

 

3.2.2.2. Garanties d'équité de la procédure pénale et protection des droits fondamentaux

 

Beaucoup considèrent la question du renforcement des droits de la défense et des garanties procédurales comme le corollaire indispensable de l'institution d'un procureur européen. La majorité est d'avis que des règles spécifiques destinées à assurer la sauvegarde des droits fondamentaux et l'équité de la procédure pénale devraient être créées pour la phase de recherche voire de jugement en ce qui concerne l'admissibilité des preuves [107].

[107] Le Livre vert avait notamment pour objectif « un approfondissement de la réflexion sur la garantie judiciaire dans la phase préparatoire du procès et sur le niveau pertinent, national ou le cas échéant, européen, auquel devraient être encadrées des mesures » prises par le procureur.

* Mesures de recherche du procureur européen

Aux termes de la proposition de la Commission, le procureur européen devrait pouvoir utiliser l'éventail des mesures de recherche qui existent de façon générale dans tous les Etats membres pour poursuivre des délits financiers similaires. En outre, l'autorisation de ces mesures par le juge national dit des libertés devrait en principe, faire l'objet d'une reconnaissance mutuelle [108]. Plusieurs réponses relèvent qu'un tel cadre juridique présente des faiblesses en termes de protection de la vie privée et des droits de la défense du fait de la diversité des règles procédurales qui existe à l'heure actuelle entre les Etats membres [109]. Par ailleurs, d'autres réponses considèrent que le principe de sécurité juridique serait affaibli dans la mesure où le procureur européen aurait la possibilité de choisir le juge des libertés à qui s'adresser pour demander l'autorisation des mesures de recherche [110]. Selon cet argument, cette situation pourrait aussi engendrer des risques de «forum shopping» dès la phase de recherche (sélection abusive de forum).

[108] En ce qui concerne les mesures de recherche nationales auxquelles aurait recours le procureur européen, ce principe signifie qu'en cas d'exécution dans un Etat membre d'un acte de recherche autorisé par un juge d'un autre Etat membre, le procureur européen n'aurait pas à demander une nouvelle autorisation.

[109] Voir réponses écrites 6, 17, 28, 40, 60, 70 et 71.

[110] Voir réponses écrites 1, 5, 6, 25, 28, 40 et 60.

La Commission reconnaît que le débat doit être approfondi à cet égard. Une alternative proposée par certains [111]consisterait à dresser une liste commune des mesures de recherche susceptibles d'être ordonnées directement par le procureur européen, ainsi que des mesures pour lesquelles il serait obligé de demander l'autorisation du juge des libertés [112]. A condition d'aménager un recours juridique en cas de non-respect des droits fondamentaux, les mesures de recherche ne comportant pas de pouvoir de coercition pourraient être directement ordonnées par le procureur européen [113]. Les mesures de recherche coercitives ne devraient, quant à elles, être ordonnées que par un juge des libertés, le procureur européen devant, de préférence, être tenu de s'adresser au juge de l'Etat d'exécution [114]. Certains suggèrent enfin qu'une chambre préliminaire européenne autorise et contrôle l'exécution de tous les actes de recherche coercitifs demandés par le procureur européen [115].

[111] En outre, certaines réponses préconisent dans la phase préparatoire du procès des règles de compétence détaillées et obligatoires pour éviter le « forum shopping ». Voir notamment réponse écrite 6.

[112] Voir réponses écrites 1bis, 3, 5, 17, 28, 32, 40, 58, 60 et 62. D'autres rejoignent la Commission sur l'idée de créer un procès verbal européen d'interrogatoire ou d'audition servant de modèle au procureur européen. Voir réponses écrites 1 et 41.

[113] Ce recours pourrait logiquement être introduit devant le juge national des libertés compétent pour les actes de recherche similaires prévus par la législation nationale. Voir réponses écrites 1, 6, 32 et 62. Voir, au contraire, réponse écrite 29.

[114] Ce qui faciliterait en outre le contrôle de la légalité de leur exécution. Voir réponses écrites 6, 30, 31, 32, 33, 40 et 58.

[115] Voir réponses écrites 1, 5, 25, 37 et 71.

* Le choix de l'Etat de jugement (le choix du forum)

S'agissant souvent d'affaires complexes faisant intervenir plusieurs Etats membres, la Commission propose, comme l'une des options possibles, de confier au procureur européen une marge d'appréciation pour choisir l'Etat où l'affaire qu'il a instruite sera jugée sur le fond [116]. Or, comme la Commission le souligne, un tel choix n'est pas neutre, dans la mesure où il détermine non seulement les conditions pratiques du procès et le juge compétent mais aussi le droit national applicable.

[116] Cf. Livre vert 6.3.1. Cette option permettrait aussi d'éviter, dans l'intérêt de toutes les parties, les conflits positifs de compétences entre Etats membres.

La Commission a bien entendu les nombreuses voix qui contestent cette solution et estiment qu'elle laisse un pouvoir discrétionnaire au procureur européen, ce qui, à défaut d'un contrôle approprié provoquerait un risque réel de « forum shopping ». De nombreuses réponses ont ainsi proposé de fixer au niveau communautaire des critères plus rigoureux de choix de juridiction [117] ce qui permettrait de répondre aux exigences de prévisibilité et de légalité, tout en tenant compte de la spécificité de la fraude transfrontalière. Pour plusieurs réponses, ces critères, établis sur la base des règles internationales en la matière, devraient déterminer, d'une façon suffisamment prévisible, l'Etat du jugement en fonction de plusieurs critères hiérarchisés [118]. Pour d'autres, ces critères devraient être alternatifs et non hiérarchisés comme proposé par la Commission, pour laisser la possibilité au procureur européen de saisir le tribunal national le plus approprié pour juger l'affaire sur le fond [119].

[117] Voir réponses écrites 6, 12, 20, 20bis, 25, 26, 27, 31, 33, 40, 44, 60, 61, 62, 68 et 70.

[118] Voir réponses écrites 12, 20, 44, 58, 61, 62, 66 et 68.

[119] Voir réponses écrites 20bis et 44.

S'agissant du contrôle de ce choix, la grande majorité estime que le contrôle judiciaire s'impose comme une garantie substantielle pour les droits des personnes. Les avis sont néanmoins partagés entre ceux qui estiment que ce contrôle doit être exercé par le juge national des libertés ou le juge de fond [120], et ceux qui soutiennent qu'il est nécessaire de le confier à une chambre préliminaire européenne [121]. Cette chambre préliminaire serait également chargée, à l'instar du rôle que la Commission a proposé de confier à la Cour de justice, de résoudre les éventuels conflits négatifs de compétence entre les Etats [122].

[120] Voir réponses écrites 12, 17, 27, 58, 65, 68 et 70.

[121] Voir réponses écrites 1, 5, 25, 27, 32, 37, 42, 44, 53, 55 et 61.

[122] Voir réponses écrites 5, 17, 27, 53 et 69.

* L'admissibilité mutuelle des preuves

Dans le but de surmonter le morcellement actuel de l'espace judiciaire européen et également de faciliter les suites judiciaires des enquêtes communautaires antifraude, la Commission propose de recourir à un principe d'admissibilité mutuelle des preuves [123]. Selon celui-ci, toute juridiction nationale saisie au fond d'une affaire pénale où sont en cause des intérêts protégés par le procureur aurait l'obligation d'admettre en l'espèce les preuves légalement recueillies selon le droit national d'un autre Etat membre. Beaucoup de réactions estiment cependant qu'un tel système soulève des problèmes sérieux à la fois sur le plan des droits de la défense et de la sécurité juridique [124].

[123] Cf. Livre vert 6.3.4.1.

[124] Voir réponses écrites 1bis, 5, 6, 17, 20bis, 24, 25, 26, 36, 39, 40, 58, 62 et 65.

La référence au droit interne des Etats membres ne serait pas une solution adéquate en raison des différences entre les systèmes pénaux nationaux ou d'inégalités invoquées en matière de protection des droits fondamentaux, selon certains [125]. La règle d'admissibilité mutuelle appliquée sans avoir à respecter des standards minimum communs, plus détaillés qu'à l'heure actuelle, risquerait d'après certains, d'entraîner une détérioration des droits de la défense à l'échelle de l'Union, voire un « nivellement par le bas » des garanties procédurales attachées aux enquêtes du procureur européen [126].

[125] Des problèmes importants apparaîtraient notamment dès lors qu'une mesure de recherche n'est pas réglementée de la même manière dans tous les Etats membres de l'Union. Voir réponses écrites, 6, 17 et 70.

[126] Voir réponses écrites 1bis, 6, 24, 25, 26, 33, 36, 40, 59, 62 et 65.

Beaucoup sont ainsi d'avis que le principe d'admissibilité mutuelle tel que proposé par la Commission ne devrait être adopté qu'à condition de prévoir des mécanismes adéquats susceptibles d'assurer les garanties judiciaires et la protection effective des droits fondamentaux. La Commission est disposée à ce stade à explorer les différentes voies possibles en ce domaine. Selon certains, ces mécanismes pourraient prévoir par exemple, l'établissement d'une liste commune de mesures de recherche reconnues par tous les Etats membres ou bien l'institution des critères communs fixant, en particulier, les conditions de validité ou de légalité de ces mesures [127]. D'aucuns recommandent plus généralement une harmonisation soit des règles de procédure pénale concernant la collecte et le transfert des preuves [128], soit des règles relatives à leur appréciation [129]. Pour d'autres, la consécration de standards communs établissant des garanties réelles pour la sauvegarde des droits fondamentaux à l'échelle de l'Union serait un préalable nécessaire à l'acceptation du principe d'admissibilité mutuelle [130].

[127] Voir réponses écrites 1, 14, 20bis, 25, 27, 28, 31, 36, 37, 40, 41, 50, 55, 60 et 62.

[128] Voir réponses écrites 5, 25, 31, 32, 60 et 70.

[129] Voir réponses écrites 1, 4, 6, 14, 20bis, 37, 41 et 70.

[130] Voir réponses écrites 1bis, 6, 17, 24, 25, 27, 33 et 58.

* Le contrôle des actes du procureur européen et la protection des droits fondamentaux

Les garanties procédurales relatives aux activités de recherche et de poursuite du procureur européen constituent sans doute l'un des thèmes les plus récurrents des réponses au Livre vert. L'établissement de mécanismes ou standards minimums communs pour la protection des droits fondamentaux, apparaît, pour beaucoup, une contrepartie indispensable à l'attribution de pouvoirs répressifs à un organe communautaire [131].

[131] Voir réponses écrites 2, 5, 6, 11, 12, 20bis, 21, 25, 32, 33, 37, 66 et 70.

Plusieurs réactions relèvent ainsi que la référence à la Convention européenne des droits de l'Homme du Conseil de l'Europe et à la Charte des droits fondamentaux de l'Union ne pourrait suffire à elle seule pour établir un système de garanties procédurales dans un espace commun de recherche et de poursuite [132]. Beaucoup estiment essentiel, aussi bien pour l'exécution des mesures de recherche sur tout le territoire communautaire que pour l'acceptation du principe d'admissibilité mutuelle des preuves, d'assurer une protection équivalente des droits de la défense à l'échelle de l'Union. Ils préconisent, en conséquence, leur future codification ou harmonisation ou, à tout le moins, l'établissement au niveau communautaire d'un catalogue des droits procéduraux devant être protégés partout dans l'Union [133].

[132] Pour produire des effets, une telle référence devrait au moins garantir que le procureur européen est lié par l'interprétation de la Convention européenne des droits de l'homme par la Cour de Strasbourg. Voir réponses écrites 2, 6, 25 et 58.

[133] Voir réponses écrites 2, 5, 6, 21, 42, 58 et 66. Certaines réactions dressent une liste des droits essentiels de la défense, comme par exemple, le droit d'être représenté par un avocat, le droit d'être informé des faits reprochés, le droit à une défense gratuite etc.

Le contrôle judiciaire constituant une garantie essentielle, la majorité considère que toutes les mesures de recherche, les décisions négatives (clôture, classement) ou les actes de renvoi en jugement du procureur européen devraient, en principe, être contrôlés par le juge national sur la base de son droit [134]. Certains soulignent, néanmoins, que seule une chambre préliminaire européenne serait en mesure de résoudre les problèmes du contrôle de la régularité des actes du procureur européen [135]. La Commission n'écarte à ce stade aucune solution pour renforcer la garantie équivalente des droits fondamentaux à l'échelle de l'Union. Elle souligne à cet égard l'importance de son récent Livre vert sur les garanties procédurales pour les suspects et défenseurs dans les procédures pénales au sein de l'Union européenne [136].

[134] VOIR REPONSES ECRITES 3, 11, 12, 17, 20BIS, 23, 28, 33, 40, 60, 61, 65, 66 ET 70.

[135] VOIR REPONSES ECRITES 5, 6, 8, 25, 27, 32, 37, 42, 44 ET 61.

[136] COM(2003)75.

 

4. SUIVI

 

Si l'évaluation générale des résultats de la consultation publique conduit à réaffirmer la nécessité d'une modification du traité pour permettre la création d'un procureur européen, leur évaluation plus détaillée implique de poursuivre la réflexion sur certains thèmes de première importance pour le droit dérivé.

 

4.1. Suites politiques du Livre vert

 

Le thème du procureur européen fait désormais partie de l'agenda politique de l'Union. Les chefs d'Etat ou de gouvernement réunis à Laeken ont invité le Conseil « à examiner rapidement le Livre vert de la Commission sur un procureur européen, en tenant compte de la diversité des systèmes et traditions juridiques ».

Si initialement le Livre vert a pu donner le sentiment d'un accueil réservé au sein du Conseil, la question de la création d'un procureur européen a été ensuite largement débattue au Parlement européen [137] et au sein du Groupe de travail « Liberté, sécurité et justice » de la Convention européenne [138]. La réflexion engagée plus généralement sur le renforcement de l'Union en matière de Justice et affaires intérieures a finalement permis de dégager une majorité concluant à la nécessité d'approfondir les travaux sur les conditions de création d'un parquet européen [139]. L'opinion majoritaire semble désormais favorable à sa création dans le nouveau traité constitutionnel ou, à tout le moins, à la transformation à terme d'Eurojust en un parquet européen. Quant aux Etats membres, leur opinion n'est pas figée, certains se montrant nettement plus ouverts qu'à l'origine [140]. Une minorité y demeure néanmoins fermement opposée. Enfin, dans la mesure où après la signature du traité d'adhésion, prévu pour le 16 avril 2003, les pays d'adhésion participeront comme observateurs actifs aux groupes de travail du Conseil, un avis de chacun d'entre eux contribuerait utilement à la poursuite du débat.

[137] L'audition publique avec les parlements nationaux organisée le 5.11.2002 par le Parlement européen a montré tout l'intérêt de ce dernier pour le sujet.

[138] Rapport final du Groupe de travail X, Convention européenne, CONV 426/02 du 2.12.2002.

[139] Dans ses conclusions de la session plénière du 6.12.2002, le président de la Convention a souligné la nécessité d'approfondir les travaux dans ce domaine.

[140] L'Allemagne et la France ont ainsi avancé l'idée de créer un parquet européen qui devrait dans un futur indéterminé acquérir des pouvoirs d'enquête et de poursuite à l'échelle de l'Union. (Propositions conjointes franco-allemandes pour la Convention européenne dans le domaine de la Justice et affaires intérieures, présentées le 27.11.2002, Document 32 du Groupe de travail X précité).

Même si à l'heure actuelle il n'est pas possible de prévoir la direction que vont prendre ces discussions, il apparaît clairement que le Livre vert a rempli son office en déclenchant un débat général, y compris au sein des instances compétentes de l'Union. La proposition de création d'un procureur européen a en effet fait l'objet de consultations au niveau ministériel et parlementaire dans les Etats membres. A la veille de l'élargissement à dix nouveaux Etats membres, le projet a été apprécié dans le contexte du renforcement de la politique européenne en matière de Justice et affaires intérieures, tantôt en mettant l'accent sur l'objectif de la protection des intérêts financiers de la Communauté, tantôt sous un angle plus large, envisageant la création d'une instance communautaire qui compléterait les pouvoirs opérationnels susceptibles d'être dévolus à l'avenir à Europol.

Le débat semble ainsi s'orienter, suivant une véritable dynamique, dans le sens d'une prise de conscience progressive de la nécessité d'un procureur européen et de la plus-value qu'il apporterait pour la répression de la criminalité contre les intérêts financiers communautaires. Une partie de l'opinion favorable au projet défend, de surcroît, l'idée de placer au niveau communautaire la fonction de contrôle des actes du procureur européen, ce qui contribuerait à l'établissement d'un véritable espace commun de liberté, de sécurité et de justice.

 

4.2. Réforme institutionnelle

 

La révision des traités instituant les Communautés européennes reste une condition indispensable : elle seule peut consacrer la légitimité politique d'une telle proposition. La Convention européenne offre le cadre politique et institutionnel approprié pour en discuter. Elle travaille en effet à une réforme en profondeur des traités existants. Si la Convention devait se limiter à habiliter le Conseil à créer à l'unanimité la figure du procureur européen dans un futur indéterminé, il s'agirait d'une promesse sans lendemain, compte tenu de la nécessité de ratifier ce principe une seconde fois dans le cadre d'une Union élargie. Il est au contraire important d'élaborer des solutions qui soient à la fois claires pour les citoyens et efficaces dans la poursuite des objectifs de l'Union, à savoir ici la protection des intérêts financiers dans le respect des droits fondamentaux des personnes.

Quant au contenu de cette révision, à la lumière de la consultation publique, la Commission maintient la substance de la proposition qu'elle a faite à Nice [141]. Elle y ajoute principalement deux éléments nouveaux [142].

[141] Projet d'article 280bis CE.

[142] Contribution précitée de Mme Schreyer à la Convention, 25.11.2002.

D'une part, le traité constitutionnel, qui devrait directement créer la figure du procureur européen, devrait également prévoir que le droit dérivé précisera son articulation avec Eurojust. A cet égard, plusieurs scénarios ont été dégagés plus haut (coopération entre organes distincts et complémentaires; liaison organique; intégration complète).

D'autre part, il devrait définir la compétence matérielle du procureur, d'une façon précise dès l'origine mais suffisamment ouverte pour en permettre l'évolution. En vertu du traité constitutionnel, le procureur européen serait dès l'origine chargé de rechercher, de poursuivre et de renvoyer en jugement devant les juridictions compétentes des États membres, les auteurs des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté. Le Conseil, statuant à l'unanimité ou à la majorité qualifiée renforcée sur proposition de la Commission et sur avis conforme du Parlement européen, pourrait par la suite décider d'élargir le champ de compétence du procureur européen aux infractions portant atteinte à d'autres intérêts de l'Union.

Enfin en réponse à certaines objections plus spécifiques, la Commission considère que la procédure de nomination qu'elle propose pour le procureur européen préserve l'équilibre entre les institutions communautaires et que le caractère non renouvelable de son mandat met à l'abri le procureur européen des risques d'influence externe négative [143]. A ce titre, cette procédure devrait figurer dans le traité. Quant à la proposition de la Commission, elle pourrait prendre la forme d'une liste établie sur la base d'une sélection ouverte, comme suggéré lors de l'audition publique.

[143] Le Conseil, statuant sur proposition de la Commission à la majorité qualifiée et après avis conforme du Parlement européen, nommerait pour une durée de six ans non renouvelable le procureur européen.

 

4.3. Approfondissement des questions relatives à la mise en oeuvre du procureur

 

L'établissement d'une base juridique dans le traité est indispensable à tout travail législatif préparatoire. En l'état du traité, la Commission n'est pas en droit de faire des propositions concrètes sur le droit dérivé, qui aillent au-delà des préférences qu'elle a pu exprimer dans le Livre vert. Néanmoins, les résultats de la consultation publique permettent à la Commission d'identifier ci-dessous une série de thèmes dont elle reconnaît qu'ils doivent être approfondis dès à présent, en raison de leur acuité lors du débat. Cet approfondissement pourrait prendre la forme d'études complémentaires ou de consultations tant au niveau des experts que des instances politiques nationales.

Axe n°1 : articulation du procureur européen avec les instances européennes existantes

Premièrement, la question du rôle de la Cour de justice dans le règlement des conflits de juridiction, tant verticaux qu'horizontaux, doit faire l'objet d'une analyse particulière. Des critères objectifs doivent en effet encadrer le choix de l'Etat membre de renvoi en jugement ; leur définition devrait faire fond des prochains travaux de la Commission en matière de prévention des conflits de juridiction entre Etats membres [144].

[144] Livre vert de la Commission en préparation.

Au plan institutionnel, il importe en particulier d'étudier les différentes figures selon lesquelles le procureur européen et Eurojust pourraient être combinés. Enfin, l'avenir de l'OLAF devra être envisagé de façon renouvelée dès lors que le procureur européen sera créé [145].

[145] Rapport de la Commission, Evaluation des activités de l'Office européen de lutte antifraude, en cours d'adoption.

Axe n°2 : droits de la défense et administration de la preuve dans la perspective de la création d'un procureur européen

Au plan procédural, deux thèmes essentiels ressortent de la consultation. Une protection équivalente des droits de la défense est tout d'abord reconnue comme un des principaux soucis exprimés à l'égard de la création d'un procureur européen. Il importera donc d'intégrer les résultats de la consultation lancée par la Commission cette année au moyen d'un Livre vert sur les garanties procédurales pour les personnes mises en cause dans les procédures pénales [146], pour savoir s'il convient d'aller au-delà des standards d'ores et déjà partagés par les Etats membres dans la perspective de la création d'un procureur européen.

[146] Livre vert sur les garanties procédurales pour les suspects et défenseurs dans les procédures pénales au sein de l'Union européenne, 19.2.2003, précité.

En second lieu, la valeur dans un Etat membre des preuves recueillies par le procureur européen dans un autre Etat membre suppose un rapprochement des législations nationales, limité au socle minimum nécessaire à la mise en oeuvre du principe d'admissibilité mutuelle des preuves. Le degré d'harmonisation du droit de la preuve souhaitable pour le bon fonctionnement d'un procureur européen devrait faire l'objet d'une étude plus approfondie, en synergie avec le programme de travail de la Commission dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale.

Axe n°3 : raccordement du procureur européen avec les systèmes pénaux nationaux

Enfin, la Commission envisage de montrer, au moyen de variantes nationales, les modalités selon lesquelles un procureur européen, disposant de garanties d'indépendance, pourrait s'intégrer aux systèmes pénaux des Etats membres, sans remettre en cause leur organisation interne. (Exemple: neutralité par rapport aux prérogatives du "juge d'instruction" ou à la pluralité des "law enforcement agencies"). Ces variantes pourraient préciser comment, selon le contexte national, les cas mixtes pourraient être traités (désistement du procureur européen ou des autorités nationales de poursuite, l'un en faveur de l'autre ; action conjointe de ceux-ci, etc).

***

En conclusion, seule la création de la fonction du procureur européen dans le traité constitutionnel accompagné d'une base juridique pour l'élaboration du droit dérivé assurant son raccordement aux systèmes judiciaires nationaux, est de nature à répondre aux difficultés actuelles. C'est un signal que l'opinion publique attend du prochain traité, si l'on veut bien rendre la construction européenne plus populaire aux yeux des citoyens et contribuables.

Annexe 1

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Annexe 2

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