Master 2 Etudes Européennes et Internationales

Découvrez nos formations

 

CJUE, 10 septembre 2015, aff. C-363/14, Parlement européen c/ Conseil de l'Union européenne

 

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

10 septembre 2015 (*)

 

«Recours en annulation – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Europol – Liste des États et organisations tiers avec lesquels Europol conclut des accords – Détermination de la base juridique – Cadre juridique applicable à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne – Dispositions transitoires – Base juridique dérivée – Distinction des actes législatifs et des mesures d’exécution – Consultation du Parlement – Initiative d’un État membre ou de la Commission»

Dans l’affaire C‑363/14,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 28 juillet 2014,

Parlement européen, représenté par MM. F. Drexler et A. Caiola ainsi que par Mme M. Pencheva, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. E. Sitbon et K. Pleśniak ainsi que par Mme K. Michoel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par:

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Vláčil et J. Škeřík, en qualité d’agents,

Hongrie, représentée par MM. M. Z. Fehér, G. Szima et M. Bóra, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, Mme K. Jürimäe, MM. J. Malenovský, M. Safjan et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 juin 2015,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, le Parlement européen demande l’annulation de la décision d’exécution 2014/269/UE du Conseil, du 6 mai 2014, modifiant la décision 2009/935/JAI en ce qui concerne la liste des États et organisations tiers avec lesquels Europol conclut des accords (JO L 138, p. 104, ci-après la «décision attaquée»).

 Le cadre juridique

 La décision 2009/371/JAI

2        L’article 3, premier alinéa, de la décision 2009/371/JAI du Conseil, du 6 avril 2009, portant création de l’Office européen de police (Europol) (JO L 121, p. 37, ci-après la «décision Europol»), est ainsi rédigé:

«Europol a pour objectif de soutenir et de renforcer l’action des autorités compétentes des États membres et leur coopération mutuelle dans la prévention de la criminalité organisée, du terrorisme et d’autres formes graves de criminalité affectant deux États membres ou plus et dans la lutte contre ces phénomènes.»

3        L’article 5 de cette décision prévoit:

«1.      Europol remplit les fonctions principales suivantes:

a)      collecter, stocker, traiter, analyser et échanger des informations et des renseignements;

b)      communiquer sans délai aux autorités compétentes des États membres, par l’intermédiaire de l’unité nationale visée à l’article 8, les faits qui les concernent et les informer immédiatement des liens constatés entre des infractions;

c)      faciliter les enquêtes dans les États membres, plus particulièrement en transmettant aux unités nationales toutes les informations pertinentes à cet égard;

d)      demander aux autorités compétentes des États membres concernés d’ouvrir, de mener ou de coordonner des enquêtes et suggérer la constitution d’équipes communes d’enquête dans certaines affaires;

e)      fournir aux États membres des renseignements et une aide à l’analyse lorsque ont lieu des manifestations internationales importantes;

f)      établir des évaluations de la menace, des analyses stratégiques et des comptes rendus généraux concernant son objectif, y compris des évaluations de la menace posée par la criminalité organisée.

2.      Les fonctions visées au paragraphe 1 comprennent le soutien à apporter aux États membres dans leurs missions de collecte et d’analyse d’informations provenant de l’internet, pour les aider à détecter les actes délictueux facilités ou commis à l’aide de l’internet.

3.       Europol remplit également les autres fonctions suivantes:

a)      développer une expertise en ce qui concerne les procédures d’enquête appliquées par les autorités compétentes des États membres et dispenser des conseils pour les enquêtes;

b)      fournir des renseignements stratégiques pour faciliter et promouvoir une utilisation efficace et rationnelle des ressources disponibles au niveau national et de l’Union pour les activités opérationnelles, et fournir un appui à ces dernières.

4.       En outre, dans le cadre de l’objectif que lui assigne l’article 3, Europol peut, en fonction des effectifs et des ressources budgétaires dont il dispose et dans les limites fixées par le conseil d’administration, assister les États membres en les faisant bénéficier d’un soutien, de conseils et de recherches dans les domaines suivants:

a)      la formation du personnel de leurs autorités compétentes, le cas échéant en coopération avec le Collège européen de police;

b)      l’organisation et l’équipement de ces autorités en facilitant la fourniture d’un soutien technique entre États membres;

c)      les méthodes de prévention de la criminalité;

d)      l’analyse et les méthodes de police techniques et scientifiques, ainsi que les méthodes d’enquête.

5.      Europol joue aussi le rôle d’office central de répression du faux-monnayage de l’euro conformément à la décision 2005/511/JAI du Conseil du 12 juillet 2005 visant à protéger l’euro contre le faux-monnayage par la désignation d’Europol comme office central de répression du faux-monnayage de l’euro [...]. Europol peut aussi faciliter la coordination des mesures prises par les autorités compétentes des États membres ou dans le cadre d’équipes communes d’enquête, le cas échéant en liaison avec des organismes de l’Union ou d’États tiers, afin de lutter contre le faux-monnayage de l’euro. Sur demande, Europol peut soutenir financièrement des enquêtes relatives au faux-monnayage de l’euro.»

4        L’article 23 de ladite décision dispose:

«1.      Dans la mesure où cela est nécessaire à l’exécution de ses fonctions, Europol peut également établir et entretenir des liens de coopération avec:

a)      des États tiers;

[...]

2.      Europol conclut des accords avec les entités mentionnées au paragraphe 1 qui ont été ajoutées à la liste visée à l’article 26, paragraphe 1, point a). Ces accords peuvent porter sur l’échange d’informations opérationnelles, stratégiques ou techniques, y compris de données à caractère personnel et d’informations classifiées [...]. Ces accords ne peuvent être conclus qu’avec l’approbation du Conseil, qui aura préalablement consulté le conseil d’administration et, dans la mesure où ils concernent l’échange de données à caractère personnel, obtenu l’avis de l’autorité de contrôle commune, par l’intermédiaire du conseil d’administration.

[...]

4.      Avant l’entrée en vigueur des accords visés au paragraphe 2, Europol peut [...] transmettre directement des informations, autres que des données à caractère personnel et des informations classifiées, aux entités visées au paragraphe 1 du présent article, dans la mesure où cela est nécessaire à l’exécution légitime des missions incombant au destinataire.

[...]

6.      Europol peut [...] transmettre aux entités visées au paragraphe 1 du présent article:

[...]

b)      des données à caractère personnel lorsque Europol a conclu avec l’entité concernée un accord visé au paragraphe 2 du présent article, qui autorise la transmission de telles données sur la base d’une évaluation du caractère adéquat du niveau de protection des données assuré par cette entité.

[...]»

5        L’article 26, paragraphe 1, de cette même décision prévoit:

«Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée après consultation du Parlement européen:

a)      détermine sur une liste les États et organisations tiers visés à l’article 23, paragraphe 1, avec lesquels Europol conclut des accords. Cette liste est élaborée par le conseil d’administration et réexaminée si nécessaire; [...]

[...]»

 La décision 2009/934/JAI

6        L’article 5 de la décision 2009/934/JAI du Conseil, du 30 novembre 2009, portant adoption des règles d’application régissant les relations d’Europol avec ses partenaires, notamment l’échange de données à caractère personnel et d’informations classifiées (JO L 325, p. 6), énonce:

«1.      Conformément à l’article 23, paragraphe 1, de la décision Europol, l’Office peut établir et entretenir des relations de coopération avec des tiers, dans la mesure où cela est nécessaire à l’exécution de ses fonctions.

2.      Conformément à l’article 23, paragraphe 2, de la décision Europol, l’Office conclut des accords avec les tiers qui ont été ajoutés à la liste des États tiers et des organisations visée à l’article 26, paragraphe 1, point a), de ladite décision. Ces accords peuvent porter sur l’échange d’informations opérationnelles, stratégiques ou techniques, y compris de données à caractère personnel et d’informations classifiées. [...]

3.      Europol peut engager la procédure pour la conclusion d’un accord avec un tiers dès que ce dernier a été ajouté à la liste visée au paragraphe 2.

4.      Lorsqu’il est envisagé de conclure un accord opérationnel avec un tiers, Europol procède à une évaluation du caractère adéquat du niveau de protection des données assuré par ce tiers. Cette évaluation est transmise au conseil d’administration, qui a préalablement obtenu l’avis de l’autorité de contrôle commune. [...]»

7        L’article 6 de cette décision est libellé comme suit:

«1.      Tenant compte de l’avis de l’autorité de contrôle commune, le conseil d’administration décide, sur la base de l’évaluation visée à l’article 5, paragraphe 4, si le directeur entame ou non des négociations avec le tiers sur la conclusion d’un accord opérationnel. S’il obtient une décision positive du conseil d’administration, le directeur entame avec le tiers des négociations sur la conclusion d’un tel accord. [...]

[...]

3.      À l’issue des négociations concernant un accord, le directeur en soumet le projet au conseil d’administration. En ce qui concerne la conclusion d’un accord opérationnel, le conseil d’administration obtient l’avis de l’autorité de contrôle commune. Le conseil d’administration approuve le projet d’accord avant de le soumettre au Conseil pour adoption.

En cas d’approbation d’un accord opérationnel, le projet d’accord et l’avis de l’autorité de contrôle commune sont soumis au Conseil.

4.      Conformément à l’article 23, paragraphe 2, de la décision Europol, ces accords ne sont conclus qu’après l’approbation du Conseil, qui a préalablement consulté le conseil d’administration et, dans la mesure où ces accords concernent l’échange de données à caractère personnel, obtenu l’avis de l’autorité de contrôle commune, par l’intermédiaire du conseil d’administration.»

 La décision 2009/935/JAI

8        L’article 1er de la décision 2009/935/JAI du Conseil, du 30 novembre 2009, établissant la liste des États et organisations tiers avec lesquels Europol conclut des accords (JO L 325, p. 12), dispose:

«Conformément à l’article 23, paragraphe 2, de la décision Europol, Europol conclut des accords avec les États et les organisations tiers qui ont été ajoutés à la liste figurant à l’annexe de la présente décision. Europol peut entamer la procédure de conclusion d’un accord dès que l’État ou l’organisation tiers a été ajouté à ladite liste. Europol s’efforce de conclure avec lesdits États et organisations tiers un accord de coopération permettant l’échange de données à caractère personnel, sauf si le conseil d’administration en décide autrement.»

9        L’article 2 de la décision 2009/935 prévoit:

«1.      Un membre du conseil d’administration ou d’Europol peut proposer d’ajouter un État ou organisation tiers supplémentaire à la liste. Il expose alors en quoi il est nécessaire, du point de vue opérationnel, de conclure un accord de coopération avec l’État ou l’organisation tiers en question.

2.      Le conseil d’administration décide de proposer ou non au Conseil d’ajouter l’État ou l’organisation tiers en question à la liste.

3.      Le Conseil décide d’ajouter l’État ou l’organisation tiers à la liste en modifiant l’annexe de la présente décision.»

10      L’annexe de ladite décision établit la liste des États et organisation tiers avec lesquels Europol conclut des accords.

 La décision attaquée

11      Les considérants 4 et 7 de la décision attaquée, qui vise la décision Europol, notamment l’article 26, paragraphe 1, sous a), de celle-ci, ainsi que la décision 2009/934, notamment les articles 5 et 6 de celle-ci, sont ainsi rédigés:

«(4)      Lors de sa réunion des 3 et 4 octobre 2012, le conseil d’administration d’Europol a décidé de recommander au Conseil d’ajouter certains États tiers à la liste, exposant en quoi il est nécessaire, du point de vue opérationnel, de conclure un accord de coopération avec ces États tiers.

[...]

(7)      Le 19 décembre 2012, le Conseil a décidé de consulter le Parlement européen et, à la suite de cette consultation, le Parlement européen a émis un avis [...]»

12      L’article 1er de cette décision dispose:

«Au point 1 de l’annexe de la décision [2009/935], les entrées suivantes sont insérées:

–        Brésil

–        Géorgie

–        Mexique

–        Émirats arabes unis.»

 Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

13      Le Parlement demande à la Cour:

–        d’annuler la décision attaquée et

–        de condamner le Conseil aux dépens.

14      Le Conseil demande à la Cour:

–        de rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non-fondé;

–        de condamner le Parlement aux dépens, et,

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, de maintenir les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement par un nouvel acte.

15      Par décision du président de la Cour du 15 décembre 2014, la République tchèque et la Hongrie ont été admises à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

 Sur le recours

16      Le Parlement invoque, dans ses écrits, trois moyens au soutien de son recours, tirés, respectivement, pour le premier, de la violation de formes substantielles découlant de l’absence d’une initiative d’un État membre ou de la Commission ainsi que du caractère erroné de la procédure de consultation facultative du Parlement utilisée, pour le deuxième, du choix d’une base juridique abrogée ou illégale et, pour le troisième, du choix d’une base juridique relative aux mesures d’exécution pour adopter une décision relevant de la matière législative.

17      Étant donné que la base juridique d’un acte détermine la procédure à suivre pour l’adoption de celui-ci (arrêts Parlement/Conseil, C‑130/10, EU:C:2012:472, point 80, et Parlement/Conseil, C‑658/11, EU:C:2014:2025, point 57), il convient d’examiner, en premier lieu, les deuxième et troisième moyens, tirés respectivement du choix d’une base juridique abrogée ou illégale et du choix d’une base juridique relative aux mesures d’exécution pour adopter une décision relevant de la matière législative.

 Sur les deuxième et troisième moyens, tirés respectivement du choix d’une base juridique abrogée ou illégale et du choix d’une base juridique relative aux mesures d’exécution pour adopter une décision relevant de la matière législative

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée du choix d’une base juridique abrogée

–       Argumentations des parties

18      Le Parlement soutient que ni l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol ni les articles 5 et 6 de la décision 2009/934 ne peuvent être considérés comme de véritables bases juridiques.

19      En effet, ces dispositions se limiteraient à faire référence implicitement à l’article 34, paragraphe 2, sous c), UE, qui aurait constitué la seule base juridique possible pour l’adoption d’une mesure telle que la décision attaquée dans le cadre de l’ancien «troisième pilier».

20      Par voie de conséquence, la base juridique utilisée par le Conseil est, selon le Parlement, l’article 34, paragraphe 2, sous c), UE. Or, cet article ayant été abrogé par le traité de Lisbonne, il ne pourrait plus servir de base juridique pour l’adoption de nouveaux actes.

21      Le Conseil précise qu’il a adopté la décision attaquée sur la base de l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol. Les articles 5 et 6 de la décision 2009/934 auraient été cités en tant que bases juridiques complémentaires. La Hongrie considère également que l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol constituait une base juridique suffisante et qu’il n’était donc pas nécessaire de se référer au droit primaire pour adopter la décision attaquée.

–       Appréciation de la Cour

22      Afin d’apprécier le bien-fondé de la première branche du deuxième moyen, il convient de déterminer la base juridique sur le fondement de laquelle la décision attaquée a été adoptée.

23      À cet égard, il y a lieu de constater que cette décision ne se réfère pas à l’article 34 UE et que ses visas renvoient explicitement à l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol ainsi qu’aux articles 5 et 6 de la décision 2009/934.

24      Il ne saurait dès lors être considéré, eu égard au libellé de la décision attaquée, qui doit, en principe, pour satisfaire à l’obligation de motivation, mentionner la base juridique sur laquelle celle-ci est fondée (voir, en ce sens, arrêts Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, points 39 et 55; Parlement/Conseil, C‑317/13 et C‑679/13, EU:C:2015:223, point 29, ainsi que Parlement/Conseil, C‑540/13, EU:C:2015:224, point 19), que cette décision est fondée sur l’article 34 UE.

25      En outre, il convient de relever qu’aucun autre élément de la décision attaquée n’indique que le Conseil a entendu utiliser cet article 34 comme base juridique de cette décision.

26      En particulier, la circonstance que l’article 34, paragraphe 2, sous c), UE ait constitué la seule base juridique possible pour l’adoption d’une mesure telle que la décision attaquée, à la supposer établie, est, à cet égard, dépourvue de pertinence, dans la mesure où le choix explicite du Conseil de mentionner, dans la décision attaquée, non pas cette disposition, mais l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol ainsi que les articles 5 et 6 de la décision 2009/934 indique clairement que la décision attaquée est fondée sur ces dernières dispositions en tant que telles (voir, par analogie, arrêt Parlement/Conseil, C‑540/13, EU:C:2015:224, point 21).

27      À cet égard, il convient de relever que, si les articles 5 et 6 de la décision 2009/934 ne portent pas sur la modification de la liste visée à l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol (ci-après la «liste») et qu’ils ne pouvaient, dès lors, valablement servir de base juridique à la décision attaquée, la mention de ces articles dans les visas de celle-ci constitue, en tout état de cause, tout au plus un vice purement formel, dans la mesure où cette mention n’a pas eu d’incidence sur le contenu de la décision attaquée ou sur la procédure suivie pour son adoption (voir, en ce sens, arrêt Royaume-Uni/Conseil, C‑81/13, EU:C:2014:2449, points 65 à 67).

28      Il résulte de ce qui précède que l’abrogation de l’article 34 UE par le traité de Lisbonne ne prive pas de base juridique la décision attaquée.

29      Au vu de ces éléments, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen et sur le troisième moyen, tirés respectivement du choix d’une base juridique illégale et du choix d’une base juridique relative aux mesures d’exécution pour adopter une décision relevant de la matière législative

–       Argumentation des parties

30      Le Parlement estime que, s’il devait être considéré que l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol est la base juridique de la décision attaquée, cette disposition constituerait une base juridique dérivée illégale, qui ne pourrait pas valablement fonder cette décision.

31      En effet, il découlerait de la jurisprudence de la Cour que la création d’une base juridique dérivée qui allège les modalités d’adoption d’un acte est incompatible avec les traités. Tel serait le cas de l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol, puisque cette disposition ne subordonnerait pas l’adoption des mesures d’exécution de ladite décision à l’initiative préalable d’un État membre ou de la Commission, contrairement à ce qu’aurait imposé l’article 34, paragraphe 2, sous c), UE.

32      En outre, l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol serait devenu inapplicable à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et prévoirait une dérogation illicite à la procédure instaurée par ce traité pour l’adoption de nouveaux actes. Une telle dérogation ne serait pas permise par l’article 9 du protocole (n° 36) sur les dispositions transitoires (ci-après le «protocole sur les dispositions transitoires»), qui impliquerait uniquement que les actes de l’ancien «troisième pilier» ne sont pas automatiquement abrogés par l’entrée en vigueur dudit traité.

33      Par ailleurs, le Parlement fait valoir que la liste constitue un élément essentiel de la matière en cause et qu’elle doit donc faire partie de l’acte législatif. À tout le moins, elle devrait être considérée comme un élément normatif devant faire l’objet d’un acte délégué au sens de l’article 290 TFUE et non d’un acte d’exécution au sens de l’article 291 TFUE.

34      Le Parlement se fonde à cet égard sur trois considérations. En premier lieu, la décision Europol n’établirait pas les conditions qui doivent être remplies pour qu’un État soit inscrit sur la liste. En deuxième lieu, une telle inscription aurait des conséquences importantes, y compris pour les droits fondamentaux des citoyens. En troisième lieu, celle-ci nécessiterait d’effectuer des choix politiques relevant des responsabilités propres du législateur de l’Union.

35      Le Parlement en déduit que la procédure et la base juridique choisies étaient erronées, la décision attaquée ayant été adoptée comme si elle était une mesure d’exécution.

36      Le Conseil considère que les arguments du Parlement relatifs, d’une part, à la qualité de base juridique dérivée de l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol et, d’autre part, à la circonstance que la modification de la liste constituerait un élément essentiel de la matière en cause doivent s’analyser comme une exception d’illégalité contre cette disposition.

37      Le Conseil conteste, à titre principal, la recevabilité de cette exception d’illégalité. À cet égard, il fait valoir que, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, du protocole sur les dispositions transitoires, les attributions de la Cour concernant la décision Europol sont demeurées, jusqu’au 1er décembre 2014, celles qui existaient avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Or, l’article 35, paragraphe 6, UE, alors applicable, ne prévoyait pas la possibilité, pour le Parlement, d’introduire un recours en annulation contre un acte adopté dans le cadre de l’ancien «troisième pilier», tel que la décision attaquée. Il découlerait de l’incompétence qui était celle de la Cour en la matière que l’exception d’illégalité soulevée par le Parlement devrait être déclarée irrecevable.

38      Le Conseil, soutenu par la Hongrie, avance, à titre subsidiaire, que l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol était conforme au traité UE lors de l’adoption de cette décision. En effet, cette disposition se bornerait à prévoir l’application de la procédure prévue à l’article 34, paragraphe 2, sous c), UE, ce dernier ne subordonnant pas nécessairement l’adoption d’une mesure telle que la décision attaquée à l’initiative d’un État membre ou de la Commission.

39      Le Conseil et la République tchèque estiment, en outre, qu’une modification de la liste ne porte en aucune manière sur un élément essentiel de la matière réglementée par la décision Europol.

40      En ce qui concerne les effets de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Conseil, la République tchèque et la Hongrie soutiennent que l’interprétation proposée par le Parlement de l’article 9 du protocole sur les dispositions transitoires paralyserait toute possibilité d’adopter des mesures d’exécution prévues dans les actes de l’ancien «troisième pilier», ce qui est précisément la situation que les auteurs des traités voulaient empêcher.

–       Appréciation de la Cour

41      Selon une jurisprudence constante de la Cour, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de cet acte (arrêt Commission/Parlement et Conseil, C‑43/12, EU:C:2014:298, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

42      À cet égard, il convient de relever que les parties ne sont pas en désaccord quant au rapport entre l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol et la finalité ou le contenu de la décision attaquée. Le Parlement conteste, en revanche, la légalité de cette disposition en faisant valoir qu’elle allège les modalités d’adoption d’une mesure telle que la décision attaquée par rapport à la procédure prévue à cette fin par les traités.

43      Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans la mesure où les règles relatives à la formation de la volonté des institutions de l’Union sont établies par les traités et ne sont à la disposition ni des États membres ni des institutions elles-mêmes, seuls les traités peuvent, dans des cas particuliers, habiliter une institution à modifier une procédure décisionnelle qu’ils établissent. Dès lors, reconnaître à une institution la possibilité d’établir des bases juridiques dérivées permettant l’adoption d’actes législatifs ou de mesures d’exécution, que ce soit dans le sens d’un renforcement ou dans celui d’un allégement des modalités d’adoption d’un acte, reviendrait à lui attribuer un pouvoir législatif qui excède ce qui est prévu par les traités (voir, en ce sens, arrêts Parlement/Conseil, C‑133/06, EU:C:2008:257, points 54 à 56; Parlement/Conseil, C‑317/13 et C‑679/13, EU:C:2015:223, points 42 et 43, ainsi que Parlement/Conseil, C‑540/13, EU:C:2015:224, points 32 et 33).

44      Dans ce contexte, il convient d’examiner, en premier lieu, l’argument du Parlement selon lequel la base juridique et la procédure choisies pour adopter la décision attaquée étaient erronées, en raison du fait que cette dernière portait sur un élément essentiel de la matière réglementée qui ne pouvait être régi que par un acte législatif.

45      En effet, dans la mesure où la procédure prévue à l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol pour modifier la liste ne correspond pas à celle établie par le droit primaire pour adopter des actes législatifs dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, cet argument doit s’analyser comme une critique de la légalité même de l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol, motif pris que cette dernière disposition permettrait l’adoption d’un acte portant sur un élément essentiel de la matière réglementée par le biais d’une procédure plus souple que celle prévue à cette fin par le droit primaire.

46      Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’adoption des règles essentielles d’une matière telle que celle en cause dans la présente affaire est réservée à la compétence du législateur de l’Union et ces règles doivent être arrêtées dans la réglementation de base. Il s’ensuit que les dispositions établissant les éléments essentiels d’une réglementation de base, dont l’adoption nécessite d’effectuer des choix politiques relevant des responsabilités propres du législateur de l’Union, ne sauraient faire l’objet d’une délégation ni figurer dans des actes d’exécution (voir, en ce sens, arrêt Parlement/Conseil, C‑355/10, EU:C:2012:516, points 64 à 66).

47      L’identification des éléments d’une matière qui doivent être qualifiés d’essentiels doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel et impose de prendre en compte les caractéristiques et les particularités du domaine concerné (voir, en ce sens, arrêt Parlement/Conseil, C‑355/10, EU:C:2012:516, points 67 et 68).

48      En l’espèce, il ressort de l’article 3 de la décision Europol que l’objectif d’Europol est de soutenir et de renforcer l’action des autorités compétentes des États membres et leur coopération mutuelle dans la prévention de la criminalité organisée, du terrorisme et d’autres formes graves de criminalité affectant deux États membres ou plus et dans la lutte contre ces phénomènes.

49      Dans ce contexte, l’établissement de relations entre Europol et des États tiers constitue une action accessoire aux activités d’Europol, des liens de coopération avec ces États ne pouvant d’ailleurs être établis et entretenus, en application de l’article 23, paragraphe 1, de la décision Europol, que dans la mesure où cela est nécessaire à l’exécution des fonctions d’Europol.

50      En outre, le législateur de l’Union a fixé le principe de l’établissement et de l’entretien de telles relations, a défini l’objectif que ces relations doivent poursuivre et a précisé le cadre dans lequel lesdites relations doivent prendre place.

51      Dès lors, même si une décision portant modification de la liste implique certains arbitrages présentant des dimensions techniques et politiques, une telle décision ne saurait être considérée comme nécessitant des choix politiques relevant des responsabilités propres du législateur de l’Union.

52      L’argument du Parlement selon lequel la modification de la liste est susceptible d’avoir des conséquences importantes sur les droits fondamentaux des citoyens ne saurait modifier cette analyse.

53      Certes, il convient de relever, d’une part, que la transmission de données personnelles, que peuvent autoriser les accords conclus en application de l’article 23 de la décision Europol, est susceptible de constituer une ingérence dans les droits fondamentaux des personnes concernées et, d’autre part, que certaines de ces ingérences peuvent présenter une importance telle qu’est rendue nécessaire l’intervention du législateur de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Parlement/Conseil, C‑355/10, EU:C:2012:516, point 77).

54      Cependant, il apparaît que le principe même de la transmission de données personnelles à certains États tiers et le cadre dans lequel cette transmission doit avoir lieu ont été arrêtés par le législateur lui-même, l’article 23, paragraphe 6, sous b), de la décision Europol et l’article 5, paragraphe 4, de la décision 2009/934 prévoyant notamment la réalisation d’une évaluation du caractère adéquat du niveau de protection des données assuré par l’État tiers concerné.

55      En tout état de cause, l’inscription d’un État tiers sur la liste ne permet, en tant que telle, aucune transmission de données personnelles à celui-ci. En effet, il découle de l’article 23, paragraphes 2, 4 et 6, de la décision Europol qu’une telle transmission n’est possible qu’à la suite de la conclusion, entre Europol et cet État, d’un accord autorisant spécifiquement la transmission de telles données. Il importe, à cet égard, de souligner qu’il résulte de l’article 23, paragraphe 2, de cette décision, lu en combinaison avec les articles 5 et 6 de la décision 2009/934 ainsi qu’avec l’article 1er de la décision 2009/935, que la négociation et la conclusion d’un tel accord implique, postérieurement à l’inscription de l’État tiers concerné sur la liste, des décisions successives du conseil d’administration d’Europol et du Conseil, le premier restant libre de ne pas autoriser le directeur d’Europol à entamer des négociations avec l’État tiers concerné, d’orienter ces négociations vers la conclusion d’un accord ne permettant pas l’échange de données personnelles ou de ne pas approuver finalement le projet d’accord négocié par le directeur, le second restant libre de ne pas approuver le projet transmis par Europol.

56      Quant à l’argument du Parlement selon lequel la décision Europol ne fixe pas les conditions qui doivent être remplies pour qu’un État tiers soit inscrit sur la liste, il convient de relever que les conditions d’une telle inscription sont définies avec suffisamment de précision par l’article 23, paragraphe 1, de cette décision.

57      Il résulte de ce qui précède que la modification de la liste ne constitue pas un élément essentiel de la matière réglementée par la décision Europol et qu’il était donc loisible au législateur de l’Union de prévoir que celle-ci pourrait être opérée par le biais d’un acte d’exécution.

58      Il y a donc lieu d’examiner, en second lieu, l’argument du Parlement selon lequel l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol serait illégal en ce qu’il autorise l’adoption de mesures d’exécution de cette décision en l’absence de toute initiative préalable d’un État membre ou de la Commission.

59      À cet égard, étant donné que la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de faits et de droit existant à la date où cet acte a été adopté, la légalité de l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol doit être appréciée au regard des dispositions régissant, à la date de l’adoption de cette décision, l’exécution des actes généraux dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, à savoir les articles 34, paragraphe 2, sous c), UE et 39, paragraphe 1, UE (voir, par analogie, arrêts Parlement/Conseil, C‑317/13 et C‑679/13, EU:C:2015:223, point 45, ainsi que Parlement/Conseil, C‑540/13, EU:C:2015:224, point 35).

60      Il résulte de ces dispositions que le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, arrête, après avoir consulté le Parlement, les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les décisions adoptées dans le cadre du titre relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

61      Cependant, les parties sont en désaccord quant à l’interprétation des règles fixées à l’article 34, paragraphe 2, sous c), UE, en ce qui concerne la question de savoir si l’adoption de ces mesures d’exécution exige une initiative préalable émanant d’un État membre ou de la Commission.

62      Il importe de relever, à cet égard, que cette disposition distingue, d’une part, les décisions que le Conseil, statuant à l’unanimité, peut arrêter et, d’autre part, les mesures nécessaires pour mettre en œuvre ces décisions au niveau de l’Union, que le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, arrête.

63      Dans ce contexte, les termes «à l’initiative de tout État membre ou de la Commission» doivent être compris, au regard de la syntaxe des phrases dont est composée ladite disposition, comme ne se rapportant qu’aux seules mesures de base que le Conseil, statuant à l’unanimité, peut arrêter.

64      Il découle donc du libellé de cette même disposition que celle-ci doit être interprétée en ce sens qu’une initiative d’un État membre ou de la Commission n’est pas nécessaire en vue de l’adoption de mesures d’exécution telles que la décision attaquée.

65      Cette interprétation est confortée par le contexte dans lequel s’inscrit l’article 34, paragraphe 2, sous c), UE, dont il convient de tenir compte en vue de l’interprétation de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt M’Bodj, C‑542/13, EU:C:2014:2452, point 34 et jurisprudence citée).

66      En effet, en ce qui concerne les dispositions applicables spécifiquement à la coopération policière et judiciaire en matière pénale après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les articles 76 TFUE et 291 TFUE n’imposent l’initiative d’un État membre ou de la Commission qu’en vue de l’adoption des seuls actes législatifs et non des mesures d’exécution.

67      Il convient, par conséquent, de rejeter l’argument du Parlement selon lequel le fait que l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol autorise l’adoption de mesures d’exécution de cette décision en l’absence d’initiative préalable d’un État membre ou de la Commission implique de considérer ladite décision comme instituant des modalités d’adoption de telles mesures allégées par rapport à la procédure prévue à cette fin dans le traité UE.

68      Quant aux arguments du Parlement tenant à l’incompatibilité de l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol avec les règles de procédure applicables après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il importe de rappeler, en tout état de cause, que le protocole sur les dispositions transitoires comprend des dispositions portant spécifiquement sur le régime juridique applicable, après l’entrée en vigueur de ce traité, aux actes adoptés sur la base du traité UE avant cette date (voir, en ce sens, arrêts Parlement/Conseil, C‑317/13 et C‑679/13, EU:C:2015:223, point 51, ainsi que Parlement/Conseil, C‑540/13, EU:C:2015:224, point 41).

69      Ainsi, l’article 9 de ce protocole prévoit que les effets juridiques de tels actes sont préservés aussi longtemps que ces derniers n’ont pas été abrogés, annulés ou modifiés en application des traités.

70      Or, la Cour a jugé que cet article doit être interprété comme impliquant qu’une disposition d’un acte adopté régulièrement sur la base du traité UE avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui prévoit des modalités d’adoption de mesures d’exécution de cet acte continue de produire ses effets juridiques tant qu’elle n’a pas été abrogée, annulée ou modifiée et permet l’adoption de mesures d’exécution en application de la procédure qu’elle définit (arrêts Parlement/Conseil, C‑317/13 et C‑679/13, EU:C:2015:223, point 57, ainsi que Parlement/Conseil, C‑540/13, EU:C:2015:224, point 47).

71      Dans ces conditions, l’article 290 TFUE n’étant pas applicable, l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol ne saurait être incompatible avec cette disposition du traité FUE.

72      De même, les arguments du Parlement visant à démontrer que l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol prévoit des modalités d’adoption des mesures d’exécution renforcées ou allégées par rapport à la procédure prévue à cette fin par le traité FUE ne saurait conduire la Cour à constater que cette disposition constitue une base juridique dérivée illégale dont l’application devrait être écartée par voie d’exception (voir, par analogie, arrêts Parlement/Conseil, C‑317/13 et C‑679/13, EU:C:2015:223, point 58, ainsi que Parlement/Conseil, C‑540/13, EU:C:2015:224, point 48).

73      Par conséquent et dans ces circonstances, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la seconde branche du deuxième moyen non plus que sur celle du troisième moyen, il y a lieu d’écarter ceux-ci comme non fondés (voir, en ce sens, arrêts Parlement/Conseil, C‑317/13 et C‑679/13, EU:C:2015:223, point 59, ainsi que Parlement/Conseil, C‑540/13, EU:C:2015:224, point 49 et jurisprudence citée) et, partant, de rejeter ces moyens dans leur intégralité.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de formes substantielles

 Argumentation des parties

74      Le Parlement soutient que, dans l’hypothèse où le régime antérieur au traité de Lisbonne demeure applicable en l’espèce, la décision attaquée devait être adoptée sur l’initiative d’un État membre ou de la Commission et après consultation du Parlement, en application de l’article 34, paragraphe 2, sous c), UE, lu en combinaison avec l’article 39, paragraphe 1, UE.

75      Or, d’une part, la décision attaquée n’aurait pas été adoptée sur l’initiative d’un État membre ou de la Commission. D’autre part, la consultation du Parlement par le Conseil n’aurait pas été de nature à satisfaire aux exigences de l’article 39, paragraphe 1, UE et de l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol, dès lors que, de l’avis du Conseil, cette consultation ne revêtait qu’un caractère facultatif.

76      Le Conseil considère, au contraire, que ni la décision Europol, ni l’article 34, paragraphe 2, sous c), UE, ni l’article 291, paragraphe 2, TFUE, ni l’article 76 TFUE n’exigeaient qu’un acte tel que la décision attaquée fût adopté sur l’initiative d’un État membre ou de la Commission.

77      Par ailleurs, le Conseil avance qu’il n’était plus tenu de consulter le Parlement du fait de l’abrogation de l’article 39 UE par le traité de Lisbonne. Selon le Conseil, imposer une telle obligation reviendrait, d’ailleurs, à ajouter à la procédure prévue à l’article 291 TFUE un élément qui n’y figure pas et remettrait ainsi en cause l’équilibre institutionnel établi par le traité de Lisbonne.

78      La Hongrie fait valoir, quant à elle, que le Conseil s’est acquitté de l’obligation de consultation prescrite à l’article 26, paragraphe 1, de la décision Europol au moyen de l’instrument de consultation volontaire qu’il a utilisé.

 Appréciation de la Cour

79      S’agissant, en premier lieu, de ce que la décision attaquée a été adoptée en l’absence d’initiative préalable d’un État membre ou de la Commission, force est de constater que l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol ne prévoit pas une telle initiative. Il résulte au contraire de cette disposition, lue en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, de la décision 2009/935, qu’il revient au conseil d’administration d’Europol de proposer l’ajout d’un État tiers à la liste.

80      Par ailleurs, il ressort des considérations figurant aux points 62 à 66 du présent arrêt que l’article 34, paragraphe 2, sous c), UE n’imposait pas non plus que les mesures d’exécution dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale fussent adoptées sur l’initiative d’un État membre ou de la Commission.

81      Dans ces conditions, l’absence d’initiative d’un État membre ou de la Commission précédant l’adoption de la décision attaquée ne saurait constituer la violation d’une forme substantielle.

82      En ce qui concerne, en second lieu, les conditions de la consultation du Parlement, il y a lieu de rappeler que la consultation régulière du Parlement dans les cas prévus par les règles applicables de droit de l’Union constitue une formalité substantielle dont le non-respect entraîne la nullité de l’acte concerné (arrêts Parlement/Conseil, C‑317/13 et C‑679/13, EU:C:2015:223, point 63, ainsi que Parlement/Conseil, C‑540/13, EU:C:2015:224, point 53 et jurisprudence citée).

83      Par conséquent, dans la mesure où il découle de la réponse apportée aux deuxième et troisième moyens que le Conseil pouvait valablement fonder la décision attaquée sur l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol, il convient de déterminer si le Parlement devait être consulté avant d’adopter un acte sur le fondement de cette disposition.

84      Or, il découle du libellé même de ladite disposition que le Conseil était tenu de consulter le Parlement avant de modifier la liste.

85      Contrairement à ce que soutient le Conseil, l’abrogation de l’article 39, paragraphe 1, UE par le traité de Lisbonne ne saurait remettre en cause cette obligation de consulter le Parlement, celle-ci étant expressément prévue par l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol.

86      De même, le fait que l’article 291 TFUE ne prévoit pas d’obligation de consulter le Parlement est dénué de pertinence, dans la mesure où l’obligation de consulter le Parlement constitue l’un des effets juridiques de la décision Europol qui est maintenu après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en vertu de l’article 9 du protocole sur les dispositions transitoires (voir, par analogie, arrêts Parlement/Conseil, C‑317/13 et C‑679/13, EU:C:2015:223, point 68, ainsi que Parlement/Conseil, C‑540/13, EU:C:2015:224, point 58).

87      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée a été adoptée par le Conseil après consultation du Parlement.

88      Cependant, le Parlement fait valoir que la circonstance que le Conseil a procédé à cette consultation tout en considérant qu’il n’était pas tenu de le faire constitue la violation d’une forme substantielle.

89      À cet égard, force est de constater qu’il n’a été ni allégué ni a fortiori démontré que l’erreur commise par le Conseil sur le cadre dans lequel devait avoir lieu la consultation du Parlement aurait conduit, en pratique, à limiter la place accordée au Parlement dans la procédure d’adoption de la décision attaquée ou à affecter le contenu de cette décision.

90      Il importe, en particulier, de relever que le Parlement a pu faire connaître au Conseil sa position avant l’adoption de ladite décision. Il ressort d’ailleurs des termes mêmes de l’avis émis par le Parlement au cours de cette procédure et des explications fournies par cette institution lors de l’audience que celle-ci considérait, lorsqu’elle a adopté cet avis, qu’elle était consultée par le Conseil en application de l’obligation de consultation énoncée à l’article 26, paragraphe 1, sous a), de la décision Europol.

91      Dans ces conditions, il n’est pas établi que l’erreur commise par le Conseil a fait obstacle à la participation effective du Parlement à la procédure en cause ou a entraîné une atteinte aux conditions d’exercice par le Parlement de ses fonctions (voir, en ce sens, arrêts Parlement/Conseil, C‑392/95, EU:C:1997:289, point 14, et Parlement/Conseil, C‑658/11, EU:C:2014:2025, point 81).

92      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la solution retenue par la Cour dans l’arrêt Parlement/Conseil (C‑316/91, EU:C:1994:76).

93      Certes, la Cour a constaté, dans cet arrêt, que le choix erroné d’une base juridique ne prévoyant pas la consultation du Parlement était susceptible de porter atteinte à la prérogative du Parlement que constitue le droit d’être consulté lorsque le droit primaire le prévoit, même si une consultation facultative a eu lieu (arrêt Parlement/Conseil, C‑316/91, EU:C:1994:76, point 14).

94      Toutefois, dans cet arrêt, la Cour ne s’est livrée à un tel constat qu’en vue d’apprécier la recevabilité d’un recours introduit par le Parlement contre un acte du Conseil, sans se prononcer sur la question de savoir si une erreur commise par le Conseil, dans l’interprétation de la base juridique applicable, sur le caractère obligatoire de la consultation du Parlement constitue, en tant que telle, la violation d’une forme substantielle, indépendamment de ses effets concrets sur la participation effective du Parlement à une procédure donnée ou sur les conditions d’exercice par le Parlement de ses fonctions.

95      La solution retenue par la Cour dans l’affaire ayant conduit audit arrêt était, en outre, en partie fondée sur la circonstance que l’erreur sur la base juridique alléguée conduisait à exclure l’application d’une disposition permettant au Parlement d’obtenir, sur demande, l’application de la procédure de concertation (arrêt Parlement/Conseil, C‑316/91, EU:C:1994:7, point 18), ce qui n’a pas été le cas dans la présente affaire.

96      Par ailleurs, il convient de relever que la Cour a également jugé que la substitution erronée d’une base juridique imposant la consultation du Parlement à une base juridique ne prévoyant pas une telle consultation constituait un vice purement formel (arrêt Commission/Conseil, 165/87, EU:C:1988:458, point 20). Ainsi, la circonstance que le Conseil se méprenne sur le cadre juridique dans lequel il consulte le Parlement n’est pas de nature à produire un effet sur le contenu de la décision intervenue au terme de la procédure considérée.

97      Il découle de ce qui précède que le premier moyen doit être écarté dans son intégralité.

98      Aucun des moyens soulevés par le Parlement n’étant susceptible d’être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

99      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation du Parlement aux dépens et celui-ci ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens.

100    Conformément à l’article 140, paragraphe 1, de ce règlement, la République tchèque et la Hongrie supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Parlement européen est condamné aux dépens.

3)      La République tchèque et la Hongrie supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.

Back to top