Master 2 Etudes Européennes et Internationales

Découvrez nos formations

 

CJUE, 17 juin 2010, aff. C-31/09, Nawras Bolbol c/ Bevándorlási és Állampolgársági Hivatal

 

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 17 juin 2010

Affaire C-31/09

Nawras Bolbol

contre

Bevándorlási és Állampolgársági Hivatal

 

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Fővárosi Bíróság)

«Directive 2004/83/CE — Normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié — Apatride d’origine palestinienne n’ayant pas demandé la protection ou l’assistance de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) — Demande d’octroi du statut de réfugié — Rejet au motif de la non-réunion des conditions prévues à l’article 1er, section A, de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 — Droit de cet apatride à la reconnaissance du statut de réfugié sur la base de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83»

 

Sommaire de l'arrêt

Visas, asile, immigration — Politique d'asile — Statut de réfugié ou statut conféré par la protection subsidiaire — Directive 2004/83

(Directive du Conseil 2004/83, art. 12, § 1, a), 1re phrase)

Aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive 2004/83, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, une personne bénéficie de la protection ou de l’assistance d’une institution des Nations unies autre que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) lorsque cette personne a effectivement recours à cette protection ou à cette assistance.

En effet, l'article 1er, section D, de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, auquel renvoie l'article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive, se limite à exclure du champ d'application de ladite convention les personnes qui bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations unies autre que l'UNHCR. Il résulte du libellé clair de cette disposition de la convention de Genève que seules les personnes qui ont effectivement eu recours à l'aide fournie par l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient relèvent de la clause d'exclusion du statut de réfugié y énoncée, laquelle doit, en tant que telle, faire l'objet d'une interprétation stricte, et ne saurait dès lors viser également les personnes qui sont ou ont été seulement éligibles à bénéficier d'une protection ou d'une assistance de cet office.

(cf. points 50-51, 53 et disp.)

 

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

17 juin 2010

 

«Directive 2004/83/CE – Normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié – Apatride d’origine palestinienne n’ayant pas demandé la protection ou l’assistance de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) – Demande d’octroi du statut de réfugié – Rejet au motif de la non-réunion des conditions prévues à l’article 1er, section A, de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 – Droit de cet apatride à la reconnaissance du statut de réfugié sur la base de l’article 12, paragraphe 1, sous a), seconde phrase, de la directive 2004/83»

Dans l’affaire C‑31/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre des articles 68 CE et 234 CE, introduite par le Fővárosi Bíróság (Hongrie), par décision du 15 décembre 2008, parvenue à la Cour le 26 janvier 2009, dans la procédure

Nawras Bolbol

contre

Bevándorlási és Állampolgársági Hivatal,

 

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, Mme R. Silva de Lapuerta, présidents de chambre, MM. A. Rosas, P. Kūris, J.-J. Kasel et M. Safjan, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 octobre 2009,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Bolbol, par Me G. Győző, ügyvéd,

–        pour le gouvernement hongrois, par Mme R. Somssich, M. M. Fehér et Mme K. Borvölgyi, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par Mme C. Pochet et M. T. Materne, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par Mme E. Belliard, M. G. de Bergues et Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme I. Rao, en qualité d’agent,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par M. B. Simon et Mme M. Condou-Durande, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 mars 2010,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO L 304, p. 12, et – rectificatif –, JO 2005, L 204, p. 24, ci‑après la «directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Bolbol, apatride d’origine palestinienne, au Bevándorlási és Állampolgársági Hivatal (office de l’immigration et de la nationalité, ci-après le «BAH») au sujet du rejet par ce dernier de la demande d’octroi du statut de réfugié introduite par Mme Bolbol.

 

 Le cadre juridique

 

 Le droit international

 La convention relative au statut des réfugiés

3        La convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations Unies, vol. 189, p. 150, n° 2545 (1954)], est entrée en vigueur le 22 avril 1954. Elle a été complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967, entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci-après la «convention de Genève»).

4        En vertu de l’article 1er, section A, paragraphe 2, premier alinéa, de la convention de Genève, le terme «réfugié» s’applique à toute personne qui, «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner».

5        L’article 1er, section D, de la convention de Genève énonce:

«Cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, conformément aux résolutions y relatives adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de cette Convention.»

 La Commission des Nations unies de conciliation pour la Palestine

6        La Commission des Nations unies de conciliation pour la Palestine (UNCCP) a été instituée par la résolution n° 194 (III) de l’Assemblée générale des Nations unies, du 11 décembre 1948. Aux termes du paragraphe 11 de cette résolution, l’Assemblée générale des Nations unies:

«Décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables;

Donne pour instructions à [l’UNCCP] de faciliter le rapatriement, la réinstallation et le relèvement économique et social des réfugiés, ainsi que le paiement des indemnités, et de se tenir en liaison étroite avec le Directeur de l’Aide des Nations unies aux réfugiés de Palestine, et, par l’intermédiaire de celui-ci, avec les organes et institutions appropriés de l’Organisation des Nations unies.»

 L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient

7        La résolution n° 302 (IV) de l’Assemblée générale des Nations unies, du 8 décembre 1949, a institué l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Le mandat de celui-ci a été régulièrement renouvelé et son mandat actuel expire le 30 juin 2011. La zone d’opération de l’UNRWA comprend le Liban, la République arabe syrienne, la Jordanie, la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est) et la Bande de Gaza.

8        Aux termes du paragraphe 20 de la résolution n° 302 (IV), l’Assemblée générale des Nations unies:

«Donne pour instructions à l’[UNRWA] de se concerter avec [l’UNCCP], de manière que l’un et l’autre puissent accomplir au mieux leurs tâches respectives, notamment en ce qui concerne le paragraphe 11 de la résolution 194 (III), adoptée par l’Assemblée générale le 11 décembre 1948».

9        Conformément au paragraphe 6 de la résolution n° 2252 (ES-V) de l’Assemblée générale des Nations unies, du 4 juillet 1967, celle-ci:

«Approuve […] les efforts déployés par le Commissaire général de l’[UNRWA] pour fournir une assistance humanitaire, dans toute la mesure possible, à titre d’urgence et en tant que mesure temporaire, aux autres personnes de la région qui sont actuellement déplacées et ont gravement besoin d’une assistance immédiate du fait des récentes hostilités».

10      Aux termes des paragraphes 1 à 3 de la résolution n° 63/91 de l’Assemblée générale des Nations unies, du 5 décembre 2008, celle-ci:

«1.      Note avec regret que ni le rapatriement ni l’indemnisation des réfugiés, prévus au paragraphe 11 de sa résolution 194 (III), n’ont encore eu lieu, et que, de ce fait, la situation des réfugiés de Palestine demeure un sujet de grave préoccupation et ceux-ci continuent d’avoir besoin d’une aide pour subvenir à leurs besoins essentiels en matière de santé, d’éducation et de subsistance;

2.      Note également avec regret que [l’UNCCP] n’a pu trouver le moyen de faire progresser l’application du paragraphe 11 de la résolution 194 (III), et prie de nouveau [l’UNCCP] de poursuivre ses efforts en ce sens et de lui rendre compte à ce sujet, selon qu’il conviendra mais au plus tard le 1er septembre 2009;

3.      Affirme la nécessité de poursuivre l’œuvre de l’[UNRWA], ainsi que l’importance de ses opérations, qui doivent être menées sans entrave, et de ses services pour le bien-être et le développement humain des réfugiés de Palestine et la stabilité de la région, en attendant le règlement équitable de la question des réfugiés de Palestine».

 Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés

11      Aux termes du paragraphe 7, sous c), de l’annexe de la résolution n° 428 (V) de l’Assemblée générale des Nations unies, du 14 décembre 1950, sur le statut du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), le mandat du Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, tel qu’il est défini dans ledit statut, «ne s’exerce pas […] [s]ur les personnes qui continuent de bénéficier de la protection ou de l’assistance d’autres organismes ou institutions des Nations Unies».

 La réglementation de l’Union

12      Les deuxième et troisième considérants de la directive énoncent:

«(2)      Le Conseil européen, lors de sa réunion spéciale de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, a convenu d’œuvrer à la mise en place d’un régime d’asile européen commun, fondé sur l’application intégrale et globale de la convention de Genève […], et d’assurer ainsi que nul ne sera renvoyé là où il risque à nouveau d’être persécuté, c’est-à-dire d’affirmer le principe de non-refoulement.

(3)      La convention de Genève […] [constitue] la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés.»

13      Aux termes du sixième considérant de la directive:

«L’objectif principal de la présente directive est, d’une part, d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et, d’autre part, d’assurer un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les États membres.»

14      Selon le dixième considérant de la directive:

«La présente directive respecte les droits fondamentaux, ainsi que les principes reconnus notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En particulier, la présente directive vise à garantir le plein respect de la dignité humaine et du droit d’asile des demandeurs d’asile et des membres de leur famille qui les accompagnent.»

15      Les seizième et dix-septième considérants de la directive sont libellés comme suit:

«(16) Il convient que des normes minimales relatives à la définition et au contenu du statut de réfugié soient établies pour aider les instances nationales compétentes des États membres à appliquer la convention de Genève.

(17)      Il est nécessaire d’adopter des critères communs pour reconnaître aux demandeurs d’asile le statut de réfugié au sens de l’article 1er de la convention de Genève.»

16      Conformément à l’article 2, sous c) à e), de la directive, aux fins de celle-ci, il y a lieu d’entendre par:

«c)      ‘réfugié’, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12;

d)      ‘statut de réfugié’, la reconnaissance, par un État membre, de la qualité de réfugié de tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride;

e)      ‘personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire’, tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, l’article 17, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays».

17      Les articles 13 et 18 de la directive énoncent que les États membres octroient le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire aux ressortissants de pays tiers qui remplissent les conditions prévues, respectivement, aux chapitres II et III ou aux chapitres II et V de cette même directive.

18      L’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive, intitulé «Exclusion» et figurant dans le chapitre III de celle-ci, relatif aux conditions à remplir pour être considéré comme réfugié, dispose:

«Tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride est exclu du statut de réfugié:

a)      lorsqu’il relève de l’article 1er, section D, de la convention de Genève, concernant la protection ou l’assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Si cette protection ou cette assistance cesse pour quelque raison que ce soit, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé conformément aux résolutions pertinentes de l’assemblée générale des Nations unies, ces personnes pourront ipso facto se prévaloir de la présente directive».

19      Aux termes de l’article 13 de la directive:

«Les États membres octroient le statut de réfugié à tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui remplit les conditions pour être considéré comme réfugié conformément aux chapitres II et III.»

20      L’article 21, paragraphe 1, de la directive, qui figure dans le chapitre VII de celle-ci, intitulé «Contenu de la protection internationale», énonce:

«Les États membres respectent le principe de non-refoulement en vertu de leurs obligations internationales.»

21      Conformément à ses articles 38 et 39, la directive est entrée en vigueur le 20 octobre 2004 et devait être transposée au plus tard le 10 octobre 2006.

 La réglementation nationale

22      L’article 3, paragraphe 1, de la loi n° CXXXIX de 1997 sur le droit d’asile [Magyar Közlöny 1997/112 (XII.15.), ci-après la «loi sur le droit d’asile»], énonce:

«Sous réserve de l’exception prévue à l’article 4, l’autorité chargée des réfugiés accorde, sur sa demande, le statut de réfugié à l’étranger qui prouve ou démontre de manière convaincante que les dispositions de la convention de Genève s’appliquent à lui conformément à l’article 1er, section A et section B, paragraphe 1, point b), de ladite convention et à l’article 1er, paragraphes 2 et 3, du protocole.»

23      Conformément à l’article 38, paragraphe 2, de la loi sur le droit d’asile, dans sa décision de rejet d’une demande d’asile, l’autorité compétente constate l’existence ou non d’une interdiction de refoulement et d’expulsion.

24      L’article 51, paragraphe 1, de la loi n° II de 2007 relative à l’entrée et au séjour des ressortissants de pays tiers [a harmadik országbeli állampolgárok beutazásáról és tartózkodásáról szóló 2007. évi II. törvény, Magyar Közlöny 2007/1 (I.5.)], prévoit:

«Les ressortissants de pays tiers ne doivent pas être refoulés ou expulsés vers le territoire d’un pays qui n’est pas considéré comme un pays d’origine sûr ou comme un pays tiers sûr pour les personnes concernées, en particulier lorsqu’elles y seraient exposées à un risque de persécutions en raison de leur appartenance raciale ou religieuse, de leur nationalité ou de leur appartenance à un certain groupe social, ni vers le territoire ou jusqu’à la frontière d’un pays où il y aurait des raisons sérieuses de penser que les ressortissants de pays tiers expulsés pourraient être exposés à la torture ou à des traitements ou à des châtiments cruels, inhumains ou dégradants.»

 

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

 

25      Il ressort de la décision de renvoi que Mme Bolbol, après avoir quitté la Bande de Gaza en compagnie de son mari, est entrée en Hongrie, munie d’un visa, le 10 janvier 2007. Elle y a obtenu par la suite un permis de séjour de l’autorité chargée de l’immigration.

26      Le 21 juin 2007, Mme Bolbol a déposé une demande d’asile auprès du BAH pour le cas où son permis de séjour ne serait pas prolongé, invoquant la situation d’insécurité qui régnait dans la Bande de Gaza à cause des affrontements quotidiens entre le Fatah et le Hamas. Mme Bolbol a fondé cette demande sur l’article 1er, section D, seconde phrase, de la convention de Genève, faisant valoir sa situation de Palestinienne résidant en dehors de la zone d’opération de l’UNRWA. Parmi les membres de sa famille, seul son père serait resté dans la Bande de Gaza.

27      D’après la décision de renvoi, Mme Bolbol n’a pas eu recours à la protection et à l’assistance de l’UNRWA. L’intéressée soutient toutefois qu’elle aurait pu bénéficier de celles-ci, invoquant au soutien de cette affirmation l’existence d’une carte d’enregistrement auprès de l’UNRWA établie au nom de la famille des cousins de son père. La partie défenderesse au principal met en doute le lien de famille dont se prévaut Mme Bolbol, en l’absence de toute preuve documentaire. Par ailleurs, malgré les démarches entreprises par celle-ci auprès de l’UNRWA, ce dernier n’aurait pas été en mesure de certifier le droit de Mme Bolbol d’être enregistrée auprès de lui sur la base de ses liens de famille.

28      Dans sa décision du 14 septembre 2007, la partie défenderesse au principal a rejeté la demande d’asile de Mme Bolbol, tout en constatant que celle-ci ne pouvait pas faire l’objet d’une mesure d’éloignement.

29      Le rejet de la demande d’asile de Mme Bolbol est fondé sur l’article 3, paragraphe 1, de la loi sur le droit d’asile. Selon les motifs de la décision de rejet, l’article 1er, section D, seconde phrase, de la convention de Genève n’impose pas la reconnaissance inconditionnelle du statut de réfugié, mais délimite la catégorie de personnes à laquelle s’appliquent les dispositions de cette convention. Il en résulterait que les Palestiniens doivent bénéficier de la possibilité d’être admis à la procédure permettant d’obtenir le statut de réfugié et qu’il y a lieu de vérifier s’ils répondent à la notion de «réfugié» au sens de l’article 1er, section A, de ladite convention. Selon la même décision, le statut de réfugié ne saurait être reconnu à Mme Bolbol dans la mesure où l’article 1er, section A, de la convention de Genève ne s’applique pas à elle, dès lors qu’elle n’a pas quitté son pays d’origine à cause de persécutions pour des raisons d’appartenance raciale ou religieuse, de nationalité ou pour des raisons politiques.

30      Il ressort de la décision de renvoi que Mme Bolbol bénéficie d’une interdiction d’éloignement fondée sur les articles 38 de la loi sur le droit d’asile et 51, paragraphe 1, de la loi n° II de 2007 relative à l’entrée et au séjour, aux motifs que la réadmission de Palestiniens dépendrait du bon vouloir des autorités israéliennes et que Mme Bolbol serait exposée à la torture ou à des traitements inhumains et dégradants dans la Bande de Gaza du fait de la situation critique qui y règne.

31      Mme Bolbol demande à la juridiction de renvoi de réformer la décision de rejet du BAH en lui accordant le statut de réfugié sur le fondement de l’article 1er, section D, seconde phrase, de la convention de Genève, qui, à son avis, constitue un titre autonome en vue de la reconnaissance du statut de réfugié. En effet, dès lors que les conditions prévues par cette disposition sont remplies, elle aurait le droit de se voir reconnaître le statut de réfugié indépendamment du point de savoir si elle est également considérée comme une réfugiée au sens de la section A du même article. Selon Mme Bolbol, ledit article 1er, section D, a pour fonction de préciser que, si une personne enregistrée ou ayant vocation à être enregistrée auprès de l’UNRWA séjourne pour une raison quelconque en dehors de la zone d’opération de cet organisme et que, pour des raisons sérieuses, on ne saurait attendre d’elle qu’elle y retourne, les États parties à la convention de Genève devraient lui reconnaître automatiquement le statut de réfugié. Compte tenu du fait que, par sa lignée paternelle, elle aurait vocation à être enregistrée auprès de l’UNRWA, mais qu’elle réside en Hongrie, et, partant, en dehors de la zone d’opération de cet organisme, le statut de réfugié devrait lui être reconnu sans autre examen.

32      La partie défenderesse au principal conclut au rejet du recours, faisant valoir que la demande de Mme Bolbol en vue de l’obtention du statut de réfugié est dépourvue de fondement, vu que l’intéressée n’a pas quitté son pays pour l’une des raisons énumérées à l’article 1er, section A, de la convention de Genève et que la section D du même article ne confère pas automatiquement un titre à la reconnaissance du statut de réfugié, mais constitue seulement une disposition relative au champ d’application personnel de cette convention. Dès lors, les Palestiniens n’auraient vocation à obtenir ce statut que pour autant qu’ils répondent à la définition de la notion de «réfugié» énoncée à l’article 1er, section A, de ladite convention, ce qui devrait être vérifié au cas par cas.

33      La juridiction de renvoi relève que la question de droit soulevée dans l’affaire au principal doit être tranchée à la lumière de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive. La demande au principal ayant été introduite le 21 juin 2007, date à laquelle ledit article n’avait pas encore été transposé dans l’ordre juridique hongrois, il conviendrait en l’occurrence d’appliquer directement les dispositions du droit de l’Union.

34      Selon la juridiction de renvoi, l’article 1er, section D, de la convention de Genève est susceptible d’être interprété de plusieurs manières. Au mois d’octobre 2002, le Haut-Commissaire aux réfugiés des Nations unies aurait certes émis un guide sur «l’applicabilité de l’article 1er, section D, de la Convention de Genève aux réfugiés palestiniens». Toutefois, ce guide ne permettrait pas de dégager des indications suffisamment claires et non équivoques pour garantir l’application uniforme de cette disposition à l’égard des Palestiniens. Étant donné que la directive inclut une référence audit article 1er, section D, la Cour aurait le pouvoir de dégager le sens de celui-ci.

35      Dans ces conditions, le Fővárosi Bíróság (cour de Budapest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«Aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83/CE du Conseil:

1)      Faut-il considérer qu’une personne bénéficie de la protection et de l’assistance d’une institution des Nations unies du seul fait que cette personne ait droit à cette assistance ou à cette protection, ou bien est-il nécessaire qu’elle ait eu effectivement recours à cette protection ou à cette assistance?

2)      La cessation de la protection ou de l’assistance d’une institution implique-t-elle un séjour en dehors de la zone d’opération de celle-ci, la cessation des activités de l’institution, la fin de la possibilité de bénéficier d’une protection ou d’une assistance de la part de cette institution, ou, éventuellement, un empêchement objectif en raison duquel la personne ayant droit à la protection ou à l’assistance ne peut y avoir recours?

3)      Le fait de pouvoir se prévaloir de la directive implique-t-il la reconnaissance du statut de réfugié, ou de l’une ou de l’autre des deux formes de protection comprises dans le champ d’application de la directive (le statut de réfugié et l’octroi de la protection subsidiaire) selon le choix de l’État membre, ou, le cas échéant, [n’implique-t-il la reconnaissance d’]aucune de celles-ci de façon automatique, mais [conduit-il] seulement [à considérer que l’intéressé rentre dans le] champ d’application personnel de la directive?»

 

 Sur les questions préjudicielles

 

 Observations liminaires

36      La directive a été adoptée sur le fondement, notamment, de l’article 63, premier alinéa, point 1, sous c), CE, en vertu duquel le Conseil de l’Union européenne était chargé d’arrêter des mesures relatives à l’asile, conformément à la convention de Genève ainsi qu’aux autres traités pertinents, dans le domaine des normes minimales concernant les conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers pour pouvoir prétendre au statut de réfugié.

37      Il ressort des troisième, seizième et dix-septième considérants de la directive que la convention de Genève constitue la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés et que les dispositions de la directive relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ainsi qu’au contenu de celui‑ci ont été adoptées pour aider les autorités compétentes des États membres à appliquer cette convention en se fondant sur des notions et des critères communs (voir arrêt du 2 mars 2010, Salahadin Abdulla e.a., C‑175/08, C‑176/08, C‑178/08 et C‑179/08, non encore publié au Recueil, point 52).

38      L’interprétation des dispositions de la directive doit, dès lors, être effectuée à la lumière de l’économie générale et de la finalité de celle-ci, dans le respect de la convention de Genève et des autres traités pertinents visés à l’article 63, premier alinéa, point 1, CE. Cette interprétation doit également se faire, tel qu’il découle du dixième considérant de la directive, dans le respect des droits fondamentaux, ainsi que des principes reconnus notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (arrêt Salahadin Abdulla e.a., précité, points 53 et 54).

 Sur la première question

39      Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive, une personne bénéficie de la protection ou de l’assistance d’une institution des Nations unies autre que l’UNHCR du seul fait que cette personne a droit à cette protection ou à cette assistance, ou s’il est nécessaire qu’elle ait eu effectivement recours à cette protection ou à cette assistance.

40      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, c’est à la juridiction nationale qu’il incombe d’établir les faits.

41      Ainsi qu’il a été indiqué au point 27 du présent arrêt, Mme Bobol n’a pas eu recours à la protection ou à l’assistance de l’UNRWA.

42      Aux termes de l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive, qui figure dans le chapitre III de celle-ci, relatif aux conditions requises pour être considéré comme réfugié, tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride est exclu du statut de réfugié «lorsqu’il relève de l’article 1er, section D, de la convention de Genève, concernant la protection ou l’assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que l’UNHCR».

43      L’article 1er, section D, de la convention de Genève dispose que celle-ci n’est pas applicable aux «personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance» de la part d’un tel organisme ou d’une telle institution des Nations unies.

44      Il est constant que l’UNRWA constitue l’un des organismes et institutions des Nations unies autres que l’UNHCR qui sont visés à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive et à l’article 1er, section D, de la convention de Genève, ce dernier ayant précisément été créé eu égard à la situation particulière des réfugiés de Palestine bénéficiant d’une assistance ou d’une protection de la part de l’UNRWA, ainsi qu’il ressort notamment de la proposition de directive du Conseil présentée par la Commission le 12 septembre 2001 [COM(2001) 510 final].

45      Comme Mme l’avocat général l’a fait observer aux points 12 et 13 de ses conclusions, il résulte des «Instructions consolidées d’éligibilité et d’enregistrement» («Consolidated Eligibility and Registration Instructions», ci-après les «CERI») de l’UNRWA, dont la version actuellement applicable a été adoptée au cours de l’année 2009, que si le terme «réfugié de Palestine» s’applique, pour les besoins de l’UNRWA, à toute «personne dont la résidence habituelle se trouvait en Palestine pendant la période allant du 1er juin 1946 au 15 mai 1948 et qui a perdu à la fois son domicile et ses moyens de subsistance à la suite du conflit de 1948» (point III.A.1 des CERI), d’autres personnes peuvent également prétendre au bénéfice de l’assistance ou de la protection de l’UNRWA. Parmi ces dernières figurent les personnes «non enregistrées déplacées du fait des hostilités de 1967 et des hostilités ultérieures» [point III.B des CERI; voir également, notamment, paragraphe 6 de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies n° 2252 (ES-V), du 4 juillet 1967].

46      Dans ces conditions, l’on ne peut pas exclure d’emblée qu’une personne telle que Mme Bolbol, qui n’est pas enregistrée auprès de l’UNRWA, puisse néanmoins faire partie des personnes relevant de l’article 1er, section D, de la convention de Genève et, partant, de l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive.

47      À l’encontre de l’inclusion des personnes déplacées à la suite des hostilités de 1967 dans le champ d’application de l’article 1er, section D, de la convention de Genève, il ne saurait être soutenu, contrairement à la thèse défendue par le gouvernement du Royaume-Uni, que seuls les réfugiés de Palestine du fait du conflit de 1948, qui ont bénéficié de l’assistance ou de la protection de l’UNRWA lors de la conclusion de la convention de Genève dans sa version initiale en 1951, seraient visés par l’article 1er, section D, de celle-ci, et, donc, par l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive.

48      En effet, la convention de Genève dans sa version initiale de 1951 a été amendée par le protocole relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967 précisément en vue de permettre une interprétation évolutive de ladite convention et la prise en compte de catégories nouvelles de réfugiés, autres que ceux qui le sont devenus par suite d’«événements survenus avant le 1er janvier 1951».

49      Dès lors, afin d’apprécier si une personne telle que Mme Bolbol rentre dans les prévisions de l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive, il y a lieu de vérifier, comme le demande la juridiction de renvoi, s’il suffit de constater qu’une telle personne a vocation à bénéficier de l’aide fournie par l’UNRWA ou s’il doit être établi qu’elle a eu effectivement recours à ladite aide.

50      L’article 1er, section D, de la convention de Genève, auquel renvoie l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive, se limite à exclure du champ d’application de ladite convention les personnes qui «bénéficient actuellement» d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que l’UNHCR.

51      Il résulte du libellé clair de l’article 1er, section D, de la convention de Genève que seules les personnes qui ont effectivement recours à l’aide fournie par l’UNRWA relèvent de la clause d’exclusion du statut de réfugié y énoncée, laquelle doit, en tant que telle, faire l’objet d’une interprétation stricte, et ne saurait dès lors viser également les personnes qui sont ou ont été seulement éligibles à bénéficier d’une protection ou d’une assistance de cet office.

52      Si l’enregistrement auprès de l’UNRWA est une preuve suffisante du bénéfice effectif d’une aide de la part de celui-ci, il a été exposé au point 45 du présent arrêt qu’une telle aide peut être fournie en l’absence même d’un tel enregistrement, auquel cas il doit être permis au bénéficiaire d’en apporter la preuve par tout autre moyen.

53      Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question posée que, aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive 2004/83, une personne bénéficie de la protection ou de l’assistance d’une institution des Nations unies autre que l’UNHCR lorsque cette personne a effectivement recours à cette protection ou à cette assistance.

54      Il convient d’ajouter que les personnes qui n’ont pas eu effectivement recours à la protection ou à l’assistance de l’UNRWA préalablement à leur demande de reconnaissance du statut de réfugié peuvent, en tout état de cause, faire examiner cette demande au titre de l’article 2, sous c), de la directive.

 Sur les deuxième et troisième questions

55      Ainsi qu’il a été relevé au point 41 du présent arrêt, Mme Bolbol n’a pas eu recours à la protection ou à l’assistance de l’UNRWA.

56      Dans ces conditions, vu la réponse donnée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux autres questions posées.

 

 Sur les dépens

 

57      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

Aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, une personne bénéficie de la protection ou de l’assistance d’une institution des Nations unies autre que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés lorsque cette personne a effectivement recours à cette protection ou à cette assistance.

Signatures


Langue de procédure: le hongrois.

Back to top