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CJUE, 3 mai 2012, aff. C‑620/10, Migrationsverket c/ Nurije Kastrati et autres

 

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

3 mai 2012

Migrationsverket contre Nurije Kastrati et autres

 

«Système de Dublin — Règlement (CE) no 343/2003 — Procédure de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile — Ressortissants d’un pays tiers titulaires d’un visa en cours de validité délivré par l’‘État membre responsable’ au sens de ce même règlement — Demande d’asile introduite dans un État membre autre que l’État responsable en vertu dudit règlement — Demande de permis de séjour dans un État membre autre que l’État responsable suivie du retrait de la demande d’asile — Retrait intervenu avant que l’État membre responsable ait accepté la prise en charge — Retrait mettant un terme aux procédures instaurées par le règlement no 343/2003»

Dans l’affaire C‑620/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Kammarrätten i Stockholm — Migrationsöverdomstolen (Suède), par décision du 16 décembre 2010, parvenue à la Cour le 27 décembre 2010, dans la procédure

Migrationsverket

contre

Nurije Kastrati,

Valdrina Kastrati,

Valdrin Kastrati,

 

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, Mme A. Prechal, MM. K. Schiemann, L. Bay Larsen (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 novembre 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour le Migrationsverket, par Mme H. Karling et M. M. Ribbenvik, en qualité d’agents,

–        pour Mme Kastrati et ses enfants mineurs, par MM. H.-O. Krokstäde, juris kandidat, et S. Kastrati,

–        pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes M. Michelogiannaki et L. Kotroni, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme M. Russo, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels, M. Noort et C. Schillemans, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme H. Walker, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mmes M. Condou‑Durande et C. Tufvesson, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 janvier 2012,

rend le présent

 

Arrêt

 

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO L 50, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Migrationsverket (Office national des migrations), responsable des questions relatives à l’immigration, à Mme Kastrati et à ses deux enfants mineurs, Valdrina et Valdrin, ressortissants du Kosovo, au sujet de l’annulation de la décision de cette autorité de ne pas donner suite à leurs demandes de permis de séjour et d’asile en Suède ainsi que d’ordonner leur transfert vers l’«État membre responsable» au sens du règlement no 343/2003.

 

 Le cadre juridique

 

 Le règlement no 343/2003

3        Les troisième et quatrième considérants du règlement no 343/2003 se lisent comme suit:

«(3)      Les conclusions de Tampere ont […] précisé [que le régime d’asile européen commun] devrait comporter à court terme une méthode claire et opérationnelle pour déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile.

(4)      Une telle méthode devrait être fondée sur des critères objectifs et équitables tant pour les États membres que pour les personnes concernées. Elle devrait, en particulier, permettre une détermination rapide de l’État membre responsable afin de garantir un accès effectif aux procédures de détermination de la qualité de réfugié et ne pas compromettre l’objectif de célérité dans le traitement des demandes d’asile.»

4        L’article 1er du règlement no 343/2003 dispose que celui-ci «établit les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers».

5        Aux termes de l’article 2, sous c) à f), du règlement no 343/2003:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[…]

c)      ‘demande d’asile’, la demande présentée par un ressortissant d’un pays tiers qui peut être comprise comme une demande de protection internationale par un État membre en vertu de la convention de Genève. Toute demande de protection internationale est présumée être une demande d’asile, à moins que le ressortissant d’un pays tiers concerné ne sollicite explicitement une autre forme de protection pouvant faire l’objet d’une demande séparée;

d)      ‘demandeur’ ou ‘demandeur d’asile’, le ressortissant d’un pays tiers ayant présenté une demande d’asile sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement;

e)      ‘examen d’une demande d’asile’, l’ensemble des mesures d’examen, des décisions ou des jugements rendus par les autorités compétentes sur une demande d’asile conformément au droit national, à l’exception des procédures de détermination de l’État responsable en vertu du présent règlement;

f)      ‘retrait de la demande d’asile’, les démarches par lesquelles le demandeur d’asile met un terme aux procédures déclenchées par l’introduction de sa demande d’asile, conformément au droit national, soit explicitement, soit tacitement».

6        L’article 3, paragraphe 1, de ce règlement prévoit:

«Les États membres examinent toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un pays tiers à l’un quelconque d’entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l’État membre concerné. La demande d’asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.»

7        L’article 4 dudit règlement énonce:

«1.      Le processus de détermination de l’État membre responsable en vertu du présent règlement est engagé dès qu’une demande d’asile est introduite pour la première fois auprès d’un État membre.

[…]

5.      L’État membre auprès duquel la demande d’asile a été introduite est tenu, dans les conditions prévues à l’article 20, et en vue d’achever le processus de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande, de reprendre en charge le demandeur d’asile qui se trouve dans un autre État membre et y a formulé à nouveau une demande d’asile après avoir retiré sa demande pendant le processus de détermination de l’État responsable.

Cette obligation cesse si le demandeur d’asile a quitté entre-temps le territoire des États membres pendant une période d’au moins trois mois ou a été mis en possession d’un titre de séjour par un État membre.»

8        Afin de déterminer l’«État membre responsable» au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 343/2003, le chapitre III de celui-ci, qui comprend les articles 5 à 14, énonce une liste de critères objectifs et hiérarchisés.

9        Conformément à l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement, la détermination de l’État membre responsable en application desdits critères se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur d’asile a présenté sa demande pour la première fois auprès d’un État membre.

10      L’article 9, paragraphe 2, dudit règlement prévoit notamment que, si le demandeur est titulaire d’un visa en cours de validité, l’«État membre responsable» au sens de ce règlement est, en principe, celui qui a délivré ce visa.

11      Le chapitre V du règlement no 343/2003, intitulé «Prise en charge et reprise en charge», comprend l’article 16 ainsi libellé:

«1.      L’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile en vertu du présent règlement est tenu de:

a)      prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 17 à 19, le demandeur d’asile qui a introduit une demande dans un autre État membre;

b)      mener à terme l’examen de la demande d’asile;

c)      reprendre en charge, dans les conditions prévues à l’article 20, le demandeur d’asile dont la demande est en cours d’examen et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d’un autre État membre;

d)      reprendre en charge, dans les conditions prévues à l’article 20, le demandeur d’asile qui a retiré sa demande en cours d’examen et qui a formulé une demande d’asile dans un autre État membre;

e)      reprendre en charge, dans les conditions prévues à l’article 20, le ressortissant d’un pays tiers dont il a rejeté la demande et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d’un autre État membre.

[…]

3.      Les obligations prévues au paragraphe 1 cessent si le ressortissant d’un pays tiers a quitté le territoire des États membres pendant une durée d’au moins trois mois, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité délivré par l’État membre responsable.

4.      Les obligations prévues au paragraphe 1, points d) et e), cessent également dès que l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile a pris et effectivement mis en œuvre, à la suite du retrait ou du rejet de la demande d’asile, les dispositions nécessaires pour que le ressortissant d’un pays tiers se rende dans son pays d’origine ou dans un autre pays où il peut légalement se rendre.»

12      L’article 17, paragraphe 1, du règlement no 343/2003 prévoit:

«L’État membre auprès duquel une demande d’asile a été introduite et qui estime qu’un autre État membre est responsable de l’examen de cette demande peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois après l’introduction de la demande d’asile au sens de l’article 4, paragraphe 2.

Si la requête aux fins de prise en charge d’un demandeur n’est pas formulée dans le délai de trois mois, la responsabilité de l’examen de la demande incombe à l’État membre auprès duquel la demande a été introduite.»

13      L’article 18, paragraphe 1, dudit règlement dispose:

«L’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et doit statuer sur la requête aux fins de prise en charge d’un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.»

14      L’article 19, paragraphes 1 et 3, du même règlement est libellé comme suit:

«1.      Lorsque l’État membre requis accepte la prise en charge d’un demandeur, l’État membre dans lequel la demande d’asile a été introduite notifie au demandeur la décision de ne pas examiner la demande, ainsi que l’obligation de le transférer vers l’État membre responsable.

[…]

3.      Le transfert du demandeur de l’État membre auprès duquel la demande d’asile a été introduite vers l’État membre responsable s’effectue conformément au droit national du premier État membre […] dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation de la demande de prise en charge ou de la décision sur le recours ou la révision en cas d’effet suspensif.»

15      L’article 20 du règlement no 343/2003 arrête les modalités selon lesquelles s’effectue la reprise en charge d’un demandeur d’asile conformément aux articles, respectivement, 4, paragraphe 5, et 16, paragraphe 1, sous c) à e), de ce même règlement.

 La directive 2005/85/CE

16      Il ressort du vingt-neuvième considérant de la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO L 326, p. 13, et — rectificatif — JO 2006, L 236, p. 36), que cette directive est sans préjudice des règles fixées par le règlement no 343/2003.

17      La directive 2005/85 dispose, à son article 19, intitulé «Procédure en cas de retrait de la demande»:

«1.      Pour autant que les États membres prévoient la possibilité d’un retrait explicite de la demande en vertu du droit national, lorsqu’un demandeur d’asile retire explicitement sa demande d’asile, les États membres veillent à ce que l’autorité responsable de la détermination prenne la décision soit de clore l’examen de la demande, soit de rejeter celle-ci.

2.      Les États membres peuvent aussi prévoir que l’autorité responsable de la détermination puisse décider de clore l’examen sans prendre de décision. Ils doivent alors s’assurer que l’autorité responsable de la détermination consigne cette information dans le dossier du demandeur.»

 

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

 

 La demande de permis de séjour présentée avant l’entrée de Mme Kastrati et de ses enfants sur le territoire de l’Union

18      Au cours de l’année 2004, Mme Kastrati a rencontré, au Kosovo, M. Kastrati, ressortissant suédois, qui réside en Suède depuis l’année 1992. Ce dernier n’est pas le père des enfants mineurs de Mme Kastrati.

19      Le 20 septembre 2007, Mme Kastrati et ses enfants ont présenté, auprès de l’ambassade du Royaume de Suède à Skopje (ancienne République yougoslave de Macédoine), une demande de permis de séjour en Suède motivée par l’existence d’un lien avec M. Kastrati.

20      Le 13 mai 2008, considérant qu’il n’existait pas de lien de rattachement entre Mme Kastrati et M. Kastrati permettant d’octroyer à cette dernière ainsi qu’à ses enfants un permis de séjour, le Migrationsverket a rejeté leur demande. À la suite du recours introduit par Mme Kastrati et ses enfants devant le länsrätten i Skåne län — Migrationsdomstolen (tribunal administratif départemental de Scanie statuant en matière d’immigration), celui-ci a confirmé le rejet des demandes de permis de séjour par jugement en date du 23 décembre 2008.

21      Mme Kastrati et ses enfants ont alors interjeté appel de ce jugement devant le Kammarrätten i Stockholm — Migrationsöverdomstolen (cour administrative d’appel de Stockholm statuant en matière d’immigration) avant de se désister de cette instance. En conséquence, cette juridiction a décidé, le 19 mars 2009, de radier l’affaire de son registre.

 La demande d’asile et la nouvelle demande de permis de séjour présentées par Mme Kastrati et ses enfants après leur entrée sur le territoire de l’Union

22      Le 3 mars 2009, Mme Kastrati et ses enfants sont entrés en Suède, en étant titulaires d’un visa de court séjour en cours de validité délivré par les autorités françaises.

23      Le 30 avril 2009, sans avoir présenté des demandes d’asile en France, ils ont présenté de telles demandes en Suède, où ils se trouvaient depuis leur entrée sur le territoire de l’Union.

24      Mme Kastrati et ses enfants étant toutefois titulaires d’un visa en cours de validité délivré par les autorités françaises, le Migrationsverket a, le 4 juin 2009, demandé à ces autorités, en vertu du critère fixé à l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 343/2003, de les prendre en charge conformément à l’article 16, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

25      Le 16 juin 2009, Mme Kastrati et ses enfants ont présenté une nouvelle demande de permis de séjour en Suède, motivée à nouveau par l’existence d’un lien de rattachement avec M. Kastrati.

26      Le 22 juin 2009, ils ont en revanche retiré leurs demandes d’asile en Suède qui, selon eux, n’avaient été présentées que sur le conseil du Migrationsverket. Par ailleurs, la décision contestée dans l’affaire au principal, déposée avec le dossier national, ne fait pas apparaître que Mme Kastrati et ses enfants aient soulevé un quelconque motif de persécution visant à obtenir le statut de réfugié.

27      Le 23 juillet 2009, les autorités françaises, qui n’avaient pas connaissance de ce retrait, ont accepté la demande de prise en charge de Mme Kastrati et de ses enfants.

28      Le Migrationsverket a, par décision du 30 juillet 2009, rejeté les demandes de permis de séjour ainsi que les demandes d’asile. Il a d’abord estimé, s’agissant de la nouvelle demande de permis de séjour, que sa décision en date du 13 mai 2008 de rejeter la première demande de permis de séjour était devenue définitive. Il a ensuite rejeté les demandes d’asile au motif que la République française était l’État responsable en la matière. Enfin, il a décidé de transférer les intéressés vers la France sur le fondement de l’article 19, paragraphes 1 et 3, du règlement no 343/2003.

29      Mme Kastrati et ses enfants ont contesté ladite décision de rejet devant le länsrätten i Skåne län — Migrationsdomstolen.

30      Par arrêt du 15 septembre 2009, ladite juridiction a annulé la décision de rejet du 30 juillet 2009, estimant que, au moment où le Migrationsverket a rendu sa décision, il n’était pas satisfait aux conditions d’application du règlement no 343/2003, Mme Kastrati et ses enfants ayant retiré leurs demandes d’asile. En conséquence, il a renvoyé l’affaire devant cet Office pour que les demandes de permis de séjour en Suède soient réexaminées sur la base d’une enquête sur le lien de rattachement allégué.

31      Dans son arrêt, le länsrätten i Skåne län — Migrationsdomstolen a relevé que les demandes d’asile introduites par Mme Kastrati et ses enfants avaient été retirées après que l’autorité suédoise compétente, en vue d’achever le processus de détermination de l’État membre responsable, avait requis les autorités françaises, mais avant que celles-ci aient accepté, le 23 juillet 2009, la prise en charge des personnes concernées et avant que le Migrationsverket ne leur ait notifié sa décision du 30 juillet 2009 de les transférer vers la République française.

32      Le Migrationsverket a interjeté appel devant la juridiction de renvoi en soutenant, en substance, qu’il ne résultait pas du règlement no 343/2003 que l’obligation pour l’État membre responsable de prendre en charge un demandeur d’asile ayant introduit une demande dans un autre État membre cesse en cas de retrait d’une demande d’asile.

33      Dans sa décision, la juridiction de renvoi explique que, dans une décision qu’elle a rendue le 30 juin 2008 (MIG 2008:28), elle a certes jugé que le retrait d’une demande d’asile ne rendait pas inapplicable le règlement no 343/2003. Toutefois, les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à cette décision se différenciaient de celles du litige pendant devant elle, dans la mesure où la demande d’asile qui était alors en cause n’avait été retirée qu’après la notification à l’intéressé, conformément à l’article 19, paragraphe 1, de ce règlement, de la décision de le transférer vers l’État membre responsable.

34      Par ailleurs, elle indique les résultats d’une enquête administrative menée par le Migrationsverket auprès de plusieurs États liés par le système de Dublin sur la question de la portée du retrait d’une demande d’asile au regard de l’application du règlement no 343/2003. Trois positions différentes ont pu être dégagées. Selon la première position, dès que ce règlement est devenu applicable, il ne peut être mis fin à la procédure de demande d’asile que pour l’un des motifs prévus à l’article 16, paragraphes 3 et 4, de celui-ci. En revanche, selon la deuxième position, ce même règlement n’est plus applicable si la demande d’asile présentée dans un seul État membre a été retirée. Selon la troisième position, enfin, c’est le moment auquel intervient le retrait d’une demande d’asile, par rapport au processus de détermination de l’État membre responsable, qui détermine si ledit règlement continue ou non à s’appliquer.

35      C’est dans ces conditions que le Kammarrätten i Stockholm — Migrationsöverdomstolen a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Compte tenu, notamment, de ce que prévoit l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 343/2003 et/ou de l’absence de dispositions concernant la cessation de la responsabilité pour examiner une demande d’asile autres que celles des articles 4, paragraphe 5, second alinéa, et 16, paragraphes 3 et 4, de celui-ci, ce règlement doit-il être interprété en ce sens que le retrait d’une demande d’asile n’affecte pas la possibilité de son application?

2)      Le stade du traitement de la demande d’asile auquel intervient le retrait de cette demande affecte-t-il la réponse à la première question?»

 

 Sur les questions préjudicielles

 

36      À titre liminaire, il importe de constater que la juridiction de renvoi souhaite être éclairée sur les effets que peut avoir, au regard de l’application du règlement no 343/2003, le retrait d’une demande d’asile.

37      À cet égard, il convient cependant de relever que, au regard des faits au principal, tels qu’ils ressortent notamment des points 18 à 21 ainsi que 26 du présent arrêt, Mme Kastrati et ses enfants font valoir que, en réalité, ils n’ont à aucun moment entendu introduire une demande d’asile au sens de l’article 2, sous c), du règlement no 343/2003

38      Toutefois, la juridiction de renvoi est seule compétente pour apprécier l’importance qu’il convient d’accorder à un tel moyen. Il incombe à la Cour de se prononcer au vu des considérations de fait et de droit qui sont exposées dans la décision de renvoi (arrêt du 21 octobre 2010, B., C‑306/09, Rec. p. I‑10341, point 47).

39      Au regard de ces observations liminaires et au vu des circonstances de l’affaire au principal, la juridiction de renvoi demande en substance, par ses questions qu’il convient d’examiner conjointement, si le règlement no 343/2003 doit être interprété en ce sens que le retrait d’une demande d’asile au sens de l’article 2, sous c), de celui-ci, qui intervient avant que l’État membre responsable de l’examen de cette demande ait accepté de prendre en charge le demandeur, a pour effet que ce règlement n’a plus vocation à s’appliquer.

40      Il y a lieu de préciser que, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 343/2003, lorsqu’un État membre sur le territoire duquel une personne a introduit une demande d’asile estime qu’un autre État membre est responsable de l’examen de celle-ci, il peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge du demandeur.

41      Il convient en outre de rappeler qu’il ressort de l’article 1er dudit règlement que la finalité de celui-ci est d’établir des critères et des mécanismes en vue de déterminer l’État membre responsable de l’examen du bien-fondé d’une demande d’asile présentée dans un État membre par un ressortissant d’un pays tiers.

42      Aussi, lorsque, comme dans l’affaire au principal, le demandeur retire son unique demande d’asile avant que l’État membre requis ait accepté de le prendre en charge, la finalité principale du règlement no 343/2003, à savoir la recherche de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile afin de garantir un accès effectif à une évaluation de la qualité de réfugié du demandeur, ne peut plus être atteinte.

43      En outre, il y a lieu de constater que le législateur de l’Union n’a pas réglé expressément les situations, telles que celle en cause au principal, où des demandeurs d’asile ont retiré leurs demandes sans en avoir également introduit une dans au moins un autre État membre.

44      Le libellé des dispositions figurant aux articles 4, paragraphe 5, second alinéa, et 16, paragraphes 3 et 4, du règlement no 343/2003, auxquelles la juridiction se réfère également dans ses questions, ne saurait aboutir à un autre résultat.

45      Il est certes vrai que ces dispositions déterminent, en principe d’une manière exhaustive, dans quelles situations cessent les obligations pour l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile de «prendre en charge» ou de «reprendre en charge» un demandeur qui a présenté une demande d’asile dans un État membre autre que l’État responsable. Cependant, elles présupposent l’existence d’une demande d’asile que l’État membre responsable doit examiner, est en train d’examiner ou sur laquelle il s’est déjà prononcé.

46      Il en va d’ailleurs de même de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 343/2003.

47      Partant, le retrait d’une demande d’asile, intervenu dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, à savoir avant que l’État membre requis ait accepté la prise en charge du demandeur d’asile, a pour effet que le règlement no 343/2003 n’a plus vocation à s’appliquer.

48      Dans de telles circonstances, il appartient à l’État membre sur le territoire duquel la demande a été introduite de prendre les décisions induites par ce retrait et en particulier, comme le prévoit l’article 19 de la directive 2005/85, de clôturer l’examen de la demande avec consignation de l’information y afférente dans le dossier du demandeur.

49      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que le règlement no 343/2003 doit être interprété en ce sens que le retrait d’une demande d’asile au sens de l’article 2, sous c), de celui-ci, qui intervient avant que l’État membre responsable de l’examen de cette demande ait accepté de prendre en charge le demandeur, a pour effet que ce règlement n’a plus vocation à s’appliquer. Dans un tel cas, il appartient à l’État membre sur le territoire duquel la demande a été introduite de prendre les décisions s’imposant au regard de ce retrait et, en particulier, de clôturer l’examen de la demande avec consignation de l’information y afférente dans le dossier du demandeur.

 

 Sur les dépens

 

50      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

Le règlement (CE) no 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, doit être interprété en ce sens que le retrait d’une demande d’asile au sens de l’article 2, sous c), de celui-ci, qui intervient avant que l’État membre responsable de l’examen de cette demande ait accepté de prendre en charge le demandeur, a pour effet que ce règlement n’a plus vocation à s’appliquer. Dans un tel cas, il appartient à l’État membre sur le territoire duquel la demande a été introduite de prendre les décisions s’imposant au regard de ce retrait et, en particulier, de clôturer l’examen de la demande avec consignation de l’information y afférente dans le dossier du demandeur.

Signatures


Langue de procédure: le suédois.

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