ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
30 mai 2013
Zuheyr Frayeh Halaf contre Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet.
«Asile – Règlement (CE) n° 343/2003 – Détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers – Article 3, paragraphe 2 – Pouvoir d’appréciation des États membres – Rôle du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés – Obligation des États membres d’inviter cette institution à présenter un avis – Absence»
Dans l’affaire C-528/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad Sofia-grad (Bulgarie), par décision du 12 octobre 2011, parvenue à la Cour le 18 octobre 2011, dans la procédure
Zuheyr Frayeh Halaf
contre
Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, MM. J. Malenovský, U. Lõhmus, M. Safjan et Mme A. Prechal, juges,
avocat général: M. N. Wahl,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. F. Urbani Neri, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement néerlandais, par M. J. Langer et Mme C. Wissels, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme C. Murrell, en qualité d’agent, assistée de M. R. Palmer, barrister,
– pour le gouvernement suisse, par M. D. Klingele, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande et M. V. Savov, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO L 50, p. 1, ci-après le «règlement»), et des articles 18, 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Halaf, ressortissant irakien, à la Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet (Agence nationale pour les réfugiés auprès du Conseil des ministres, ci-après la «DAB») au sujet de la décision prise par cette agence de refuser d’ouvrir une procédure d’octroi du statut de réfugié le concernant et d’autoriser son transfert vers la Grèce.
Le cadre juridique
La convention de Genève
3 La convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, n° 2545 (1954), ci-après la «convention de Genève»], est entrée en vigueur le 22 avril 1954.
4 Tous les États membres sont parties contractantes à la convention de Genève, de même que la République d’Islande, la Principauté de Liechtenstein, le Royaume de Norvège et la Confédération suisse. L’Union européenne n’est pas partie contractante à la convention de Genève, mais l’article 78, paragraphe 1, TFUE et l’article 18 de la Charte se réfèrent à cette convention.
5 Le préambule de ladite convention prend acte de ce que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a pour tâche de veiller à l’application des conventions internationales qui assurent la protection des réfugiés et reconnaît que la coordination effective des mesures prises pour résoudre ce problème dépendra de la coopération des États avec le HCR.
6 L’article 35, paragraphe 1, de la même convention est ainsi rédigé:
«Les États Contractants s’engagent à coopérer avec le [HCR], ou toute autre institution des Nations Unies qui lui succéderait, dans l’exercice de ses fonctions et en particulier à faciliter sa tâche de surveillance de l’application des dispositions de cette Convention.»
Le droit de l’Union
Le règlement
7 Le considérant 12 du règlement précise que, pour ce qui concerne le traitement des personnes qui relèvent du présent règlement, les États membres sont liés par les obligations qui leur incombent en vertu des instruments de droit international auxquels ils sont parties et qui interdisent la discrimination.
8 L’article 2 du règlement dispose notamment:
«Aux fins du présent règlement, on entend par:
[...]
c) ‘demande d’asile’, la demande présentée par un ressortissant d’un pays tiers qui peut être comprise comme une demande de protection internationale par un État membre en vertu de la convention de Genève. Toute demande de protection internationale est présumée être une demande d’asile, à moins que le ressortissant d’un pays tiers concerné ne sollicite explicitement une autre forme de protection pouvant faire l’objet d’une demande séparée;
[...]»
9 L’article 3 du règlement énonce à ses paragraphes 1 et 2:
«1. Les États membres examinent toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un pays tiers à l’un quelconque d’entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l’État membre concerné. La demande d’asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.
2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque État membre peut examiner une demande d’asile qui lui est présentée par un ressortissant d’un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet État devient l’État membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. [...]»
10 Afin de déterminer l’«État membre responsable» au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement, les articles 6 à 14 de celui-ci, qui figurent sous son chapitre III, énoncent une liste de critères objectifs et hiérarchisés.
11 L’article 15 du règlement, qui constitue le seul article du chapitre IV de celui-ci, intitulé «Clause humanitaire», dispose:
«1. Tout État membre peut, même s’il n’est pas responsable en application des critères définis par le présent règlement, rapprocher des membres d’une même famille, ainsi que d’autres parents à charge pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels. [...]
2. Lorsque la personne concernée est dépendante de l’assistance de l’autre du fait d’une grossesse ou d’un enfant nouveau-né, d’une maladie grave, d’un handicap grave ou de la vieillesse, les États membres laissent normalement ensemble ou rapprochent le demandeur d’asile et un autre membre de sa famille présent sur le territoire de l’un des États membres, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d’origine.
[...]»
12 Sous le chapitre V du règlement, intitulé «Prise en charge et reprise en charge», figure notamment l’article 16 de celui-ci, dont le paragraphe 1 est libellé comme suit:
«L’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile en vertu du présent règlement est tenu de:
[...]
c) reprendre en charge, dans les conditions prévues à l’article 20, le demandeur d’asile dont la demande est en cours d’examen et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d’un autre État membre;
[...]»
13 L’article 20 du règlement prévoit:
«1. La reprise en charge d’un demandeur d’asile conformément à l’article 4, paragraphe 5, et à l’article 16, paragraphe 1, points c), d) et e), s’effectue selon les modalités suivantes:
[...]
b) l’État membre requis pour la reprise en charge est tenu de procéder aux vérifications nécessaires et de répondre à la demande qui lui est faite aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n’excédant pas un mois à compter de sa saisine. Lorsque la demande est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines;
c) si l’État membre requis ne fait pas connaître sa décision dans le délai d’un mois ou dans le délai de deux semaines mentionnés au point b), il est considéré qu’il accepte la reprise en charge du demandeur d’asile;
[...]»
La directive 2005/85/CE
14 Le considérant 29 de la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO L 326, p. 13), précise que cette directive ne s’applique pas aux procédures régies par le règlement.
15 L’article 8, paragraphe 2, de ladite directive dispose:
«Les États membres font en sorte que les décisions sur les demandes d’asile soient prises par l’autorité responsable de la détermination à l’issue d’un examen approprié. À cet effet, ils veillent à ce que:
[...]
b) des informations précises et actualisées soient obtenues auprès de différentes sources, telles que le [HCR], sur la situation générale existant dans les pays d’origine des demandeurs d’asile et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs d’asile ont transité, et à ce que le personnel chargé d’examiner les demandes et de prendre les décisions ait accès à ces informations;
[...]»
16 L’article 21 de la même directive, intitulé «Le rôle du HCR», prévoit:
«1. Les États membres autorisent le HCR:
[...]
c) à donner son avis, dans l’accomplissement de la mission de surveillance que lui confère l’article 35 de la convention de Genève [...], à toute autorité compétente en ce qui concerne chaque demande d’asile et à tout stade de la procédure.
[...]»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
17 M. Halaf est un ressortissant irakien qui a déposé, le 1er juin 2010, une demande d’asile en Bulgarie.
18 Une recherche dans le système Eurodac ayant révélé qu’il avait déjà formulé, le 6 août 2008, une demande d’asile en Grèce, la DAB a demandé, le 6 juillet 2010, aux autorités grecques de le reprendre en charge, conformément à l’article 16, paragraphe 1, sous c), du règlement.
19 En raison de l’absence de réponse à ladite requête dans le délai de deux semaines fixé à l’article 20, paragraphe 1, sous b), seconde phrase, du règlement, la DAB a considéré, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement, que la République hellénique avait accepté la reprise en charge de M. Halaf.
20 Par décision du 21 juillet 2010, la DAB a donc refusé d’ouvrir une procédure d’octroi du statut de réfugié pour M. Halaf et a autorisé son transfert vers la Grèce.
21 Le 1er décembre 2010, M. Halaf a formé un recours devant la juridiction de renvoi en lui demandant d’annuler cette décision de la DAB et d’ordonner à cette dernière d’ouvrir une procédure d’octroi du statut de réfugié. Il a notamment motivé ce recours en invoquant le fait que le HCR a lancé un appel aux gouvernements européens afin qu’ils cessent de renvoyer les demandeurs d’asile en Grèce.
22 La juridiction de renvoi s’interroge sur la possibilité d’appliquer l’article 3, paragraphe 2, du règlement dans un tel contexte, en tenant compte du fait que, dans le cas de M. Halaf, aucune circonstance ne permet l’application de l’article 15 du règlement.
23 Dans ces conditions, l’Administrativen sad Sofia-grad, par décision du 12 octobre 2011, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour six questions préjudicielles.
24 Par lettre du 21 décembre 2011, le greffe de la Cour a transmis à la juridiction de renvoi l’arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C-411/10 et C-493/10, Rec. p. I-13905), en l’invitant à bien vouloir lui indiquer si, à la lumière de cet arrêt, elle souhaitait maintenir son renvoi préjudiciel.
25 Par décision du 24 janvier 2012, parvenue à la Cour le 25 janvier 2012, l’Administrativen sad Sofia-grad a retiré ses première et troisième questions, maintenant uniquement les quatre questions préjudicielles suivantes:
«1) Convient-il d’interpréter l’article 3, paragraphe 2, du règlement [...] en ce sens qu’il permet à un État membre de prendre la responsabilité de l’examen de la demande d’asile lorsque aucun fait de nature personnelle ne rend applicable la clause humanitaire de l’article 15 [du] règlement au demandeur d’asile et que l’État membre responsable en vertu de l’article 3, paragraphe 1, [du] règlement n’a pas répondu à la demande de reprise en charge en vertu de l’article 20, paragraphe 1, [du] règlement, sachant que ce dernier ne comporte pas de dispositions relatives au respect du principe de solidarité consacré par l’article 80 TFUE?
2) Quel est le contenu du droit d’asile en vertu de l’article 18 de la [Charte] en liaison avec l’article 53 de ladite [C]harte, ainsi qu’avec la définition de l’article 2, sous c), et le [...] considérant [12] du règlement [...]?
3) Convient-il d’interpréter l’article 3, paragraphe 2, du règlement [...], en liaison avec l’obligation en vertu de l’article 78, paragraphe 1, TFUE de respect des instruments de droit international en matière d’asile, en ce sens qu’il impose aux États membres de demander un avis du [HCR] dans le cadre de la procédure de détermination de l’État membre responsable en vertu du règlement, lorsque dans des documents de cette organisation sont exposés des faits et tirées des conclusions selon lesquelles l’État membre responsable en vertu de l’article 3, paragraphe 1, [du] règlement viole des dispositions du droit de l’Union en matière d’asile?
[4)] En cas de réponse par l’affirmative à cette [troisième] question, [...] [l]e fait de ne pas demander cet avis du [HCR] constitue-t-il une violation substantielle de la procédure de détermination de l’État membre responsable en vertu de l’article 3 [du] règlement et une violation des droits à une bonne administration et à un recours effectif consacrés par les articles 41 et 47 de la [Charte], et ce compte tenu également de l’article 21 de la directive [2005/85] qui autorise cette organisation à donner son avis en ce qui concerne chaque demande d’asile?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la recevabilité
26 Le gouvernement du Royaume-Uni, sans soulever expressément d’exception d’irrecevabilité, fait valoir que les questions préjudicielles présentent un caractère théorique.
27 Il estime en effet qu’il ressort de l’arrêt N. S. e.a., précité, que le transfert d’un demandeur d’asile vers la Grèce donne lieu à un risque réel de violation de l’article 4 de la Charte et que les autorités compétentes bulgares doivent donc désormais pouvoir déterminer l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile en se fondant sur cet arrêt.
28 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêts du 10 mars 2009, Hartlauer, C-169/07, Rec. p. I-1721, point 24, et du 19 juillet 2012, Garkalns, C-470/11, point 17).
29 Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez, C-570/07 et C-571/07, Rec. p. I-4629, point 36, ainsi que du 5 juillet 2012, Geistbeck, C-509/10, point 48).
30 Or, il y a lieu de constater que la juridiction de renvoi pose des questions relatives à l’interprétation de règles du droit de l’Union. La seule circonstance que la Cour ait déjà donné une interprétation de certaines de ces règles dans l’arrêt N. S. e.a., précité, n’implique pas que lesdites questions présenteraient désormais un caractère théorique ou hypothétique.
31 Dans ces conditions, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’aurait aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal. L’argument soulevé par le gouvernement du Royaume-Uni ne suffit donc pas pour renverser la présomption de pertinence évoquée au point 29 du présent arrêt.
32 Dès lors, il convient de déclarer recevables les questions posées par la juridiction de renvoi.
Sur la première question
33 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, du règlement doit être interprété en ce sens qu’il permet à un État membre, que les critères énoncés au chapitre III du règlement ne désignent pas comme responsable, d’examiner une demande d’asile alors qu’il n’existe aucune circonstance qui rende applicable la clause humanitaire figurant à l’article 15 du règlement, étant donné que l’État membre responsable en vertu desdits critères n’a pas répondu à une demande de reprise en charge du demandeur d’asile concerné.
34 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 1, du règlement prévoit qu’une demande d’asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III du règlement désignent comme responsable.
35 Cependant, l’article 3, paragraphe 2, du règlement prévoit expressément que, par dérogation au paragraphe 1 dudit article, chaque État membre peut examiner une demande d’asile qui lui est présentée par un ressortissant d’un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement.
36 Il ressort ainsi clairement du libellé même de l’article 3, paragraphe 2, du règlement que l’exercice de cette faculté n’est soumis à aucune condition particulière.
37 Cette conclusion est d’ailleurs corroborée par les travaux préparatoires du règlement. En effet, la proposition de la Commission ayant conduit à l’adoption de celui-ci [COM(2001) 447 final] précise que la règle figurant à l’article 3, paragraphe 2, du règlement a été introduite afin de permettre à chaque État membre de décider souverainement, en fonction de considérations politiques, humanitaires ou pratiques, d’accepter d’examiner une demande d’asile même s’il n’en est pas responsable en application des critères prévus par le règlement.
38 Dès lors, au regard de l’étendue du pouvoir d’appréciation ainsi conféré à chaque État membre, le point de savoir si l’État membre responsable en vertu des critères énoncés au chapitre III du règlement a répondu ou non à une demande de reprise en charge d’un demandeur d’asile n’a pas d’incidence sur la possibilité pour un autre État membre d’examiner une demande d’asile sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2, du règlement.
39 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 2, du règlement doit être interprété en ce sens qu’il permet à un État membre, que les critères énoncés au chapitre III du règlement ne désignent pas comme responsable, d’examiner une demande d’asile même s’il n’existe aucune circonstance qui rende applicable la clause humanitaire figurant à l’article 15 du règlement. Cette possibilité n’est pas subordonnée au fait que l’État membre responsable en vertu desdits critères n’a pas répondu à une demande de reprise en charge du demandeur d’asile concerné.
Sur la deuxième question
40 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande quel est le contenu du droit d’asile en vertu de l’article 18 de la Charte en liaison avec son article 53, ainsi qu’avec la définition de l’article 2, sous c), et le considérant 12 du règlement.
41 Il ressort de la décision de renvoi que cette deuxième question est motivée par la prémisse selon laquelle, lorsque l’application de la clause humanitaire figurant à l’article 15 du règlement est exclue, un État membre ne pourrait examiner une demande d’asile sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2, du règlement qu’à la condition qu’il soit démontré que le droit garanti aux demandeurs d’asile par l’article 18 de la Charte n’est pas respecté par l’État membre responsable en vertu des critères énoncés au chapitre III du règlement.
42 Or, vu qu’il ressort déjà de la réponse apportée à la première question que l’exercice de la faculté ouverte aux États membres par l’article 3, paragraphe 2, du règlement n’est soumis à aucune condition particulière, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.
Sur la troisième question
43 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’État membre dans lequel se trouve le demandeur d’asile est tenu, au cours du processus de détermination de l’État membre responsable, de solliciter un avis du HCR lorsqu’il ressort des documents de cette organisation que l’État membre que les critères énoncés au chapitre III du règlement désignent comme responsable viole les règles du droit de l’Union en matière d’asile.
44 À titre liminaire, il importe de rappeler que les documents émis par le HCR font partie des instruments susceptibles de permettre aux États membres d’apprécier le fonctionnement du système d’asile dans l’État membre que les critères énoncés au chapitre III du règlement désignent comme responsable et, dès lors, d’évaluer les risques réels courus par un demandeur d’asile dans le cas où il serait transféré vers cet État membre (voir, en ce sens, arrêt N. S. e.a., précité, points 90 et 91). Dans le cadre de cette appréciation, lesdits documents bénéficient d’une pertinence particulière au regard du rôle confié au HCR par la convention de Genève dans le respect de laquelle les règles du droit de l’Union régissant l’asile doivent être interprétées (voir, en ce sens, arrêts N. S. e.a., précité, point 75, ainsi que du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott e.a., C-364/11, point 43).
45 Pour autant, si les articles 8, paragraphe 2, sous b), et 21 de la directive 2005/85 prévoient diverses formes de coopération entre le HCR et les États membres lorsque ces derniers examinent une demande d’asile, ces règles ne s’appliquent pas lors du processus de détermination de l’État membre responsable régi par le règlement, comme le précise le considérant 29 de la directive 2005/85.
46 À cet égard, il importe de préciser que rien n’empêche un État membre de solliciter un avis du HCR s’il l’estime opportun, notamment dans une situation telle que celle en cause au principal.
47 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’État membre dans lequel se trouve le demandeur d’asile n’est pas tenu, au cours du processus de détermination de l’État membre responsable, de solliciter un avis du HCR lorsqu’il ressort des documents de cette organisation que l’État membre que les critères énoncés au chapitre III du règlement désignent comme responsable viole les règles du droit de l’Union en matière d’asile.
Sur la quatrième question
48 Eu égard à la réponse apportée à la troisième question, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.
Sur les dépens
49 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
1) L’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, doit être interprété en ce sens qu’il permet à un État membre, que les critères énoncés au chapitre III de ce règlement ne désignent pas comme responsable, d’examiner une demande d’asile même s’il n’existe aucune circonstance qui rende applicable la clause humanitaire figurant à l’article 15 dudit règlement. Cette possibilité n’est pas subordonnée au fait que l’État membre responsable en vertu desdits critères n’a pas répondu à une demande de reprise en charge du demandeur d’asile concerné.
2) L’État membre dans lequel se trouve le demandeur d’asile n’est pas tenu, au cours du processus de détermination de l’État membre responsable, de solliciter un avis du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés lorsqu’il ressort des documents de cette organisation que l’État membre que les critères énoncés au chapitre III du règlement n° 343/2003 désignent comme responsable viole les règles du droit de l’Union en matière d’asile.
Signatures
Langue de procédure: le bulgare.