Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'évaluation du système de Dublin
COM(2007) 299 final
RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL
sur l'évaluation du système de Dublin
{SEC(2007) 742}
RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL
sur l'évaluation du système de Dublin
1. INTRODUCTION
1.1. Le système de Dublin
Le «système de Dublin» vise à déterminer l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée par un ressortissant de pays tiers sur le territoire de l'un des États membres de l'UE, de la Norvège ou de l'Islande[1].
Il comprend le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers (ci-après «le règlement de Dublin»)[2] et son règlement d'application[3], ainsi que le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système «EURODAC» pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin (ci-après «le règlement EURODAC»)[4] et son règlement d'application[5].
Le champ d'application territorial du système de Dublin a été étendu à la Suisse sur la base d'un accord international, qui n'est jusqu'à présent applicable qu'à titre provisoire.
1.2. Portée et objectifs du présent rapport
Les règlements de Dublin et EURODAC font obligation à la Commission de faire rapport au Parlement européen et au Conseil sur leur application, trois ans après leur date d'entrée en vigueur, et de proposer, le cas échéant, les modifications nécessaires. Dans la mesure où le règlement EURODAC crée un instrument aux fins de l'application efficace du règlement de Dublin, il a été décidé de fusionner ces deux évaluations dans un rapport global.
Le présent rapport vise à évaluer l'application de ces deux règlements depuis leur entrée en vigueur respective jusqu'à la fin de 2005 (ci-après «la période de référence»). Il cherche aussi à mesurer les flux liés à l'application du système de Dublin par rapport à la population totale des demandeurs d'asile dans les États membres. Il comporte deux documents: un rapport , qui présente les principales conclusions de l'analyse réalisée par les services de la Commission, et un document de travail des services de la Commission [6], qui détaille cette analyse.
Les résultats du présent rapport contribueront au processus d'évaluation des politiques de l'UE en matière de liberté, de sécurité et de justice, tel qu'il est décrit dans la communication de la Commission du 28 juin 2006[7].
2. APPLICATION DU SYSTÈME DE DUBLIN
2.1. Introduction
Conformément au règlement de Dublin , les États membres sont tenus de déterminer, sur la base de critères objectifs et hiérarchisés, l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée sur leur territoire. Si l'analyse de ces critères désigne un autre État membre comme responsable, ils peuvent décider de demander à cet autre État membre de «prendre en charge» le demandeur d'asile et, partant, d'examiner sa demande. Si cet autre État membre reconnaît sa responsabilité, le premier État membre est tenu d'assurer le transfert du demandeur d'asile jusqu'à lui.
Dans le cas où un État membre a déjà examiné ou commencé l'examen d'une demande d'asile, il peut être requis de «reprendre en charge» le demandeur d'asile qui se trouve - sans en avoir reçu la permission - dans un autre État membre, afin d'achever l'examen de la demande, ou de prendre les dispositions appropriées pour que le demandeur d'asile rentre dans son pays d'origine. Si l'État membre précité reconnaît sa responsabilité, l'État membre dans lequel le demandeur d'asile réside sans en avoir reçu la permission doit le transférer vers l'État membre responsable.
Le règlement EURODAC a créé un instrument destiné à faciliter l'application du règlement de Dublin, en enregistrant et comparant les empreintes digitales des demandeurs d'asile. Les États membres sont tenus de relever les empreintes digitales de chaque ressortissant de pays tiers, âgé de 14 ans au moins, qui demande l'asile sur leur territoire ou qui est appréhendé à l'occasion du franchissement irrégulier de leur frontière extérieure. Ils peuvent également relever les empreintes digitales des étrangers se trouvant illégalement sur leur territoire, afin de vérifier s'ils ont présenté une demande d'asile (sur leur territoire ou sur celui d'un autre État membre. Ils doivent sans tarder transmettre ces données à l'unité centrale d'EURODAC, gérée par la Commission, qui les enregistrera dans la base de données centrale et les comparera avec les données qui y sont déjà stockées. Cette comparaison peut donner un «résultat positif», lorsque les données introduites concordent avec des données déjà enregistrées. Lorsque le résultat de la comparaison est positif et révèle ainsi qu'un demandeur d'asile a déjà présenté une demande à cette fin ou qu'il est entré d'une manière irrégulière sur le territoire d'un autre État membre, les États membres peuvent agir ensemble en application du règlement de Dublin.
2.2. Chiffres et conclusions générales
En ce qui concerne l'application du règlement de Dublin, l'analyse des statistiques fournies par les États membres s'est avérée extrêmement difficile. Ainsi que l'explique plus en détail le document de travail, l'une des principales difficultés a résidé dans le décalage important constaté entre, d'une part, le nombre de requêtes et de décisions que chaque État membre a déclaré avoir reçu des autres États membres (données entrantes) et, d'autre part, celui que chaque État membre a déclaré avoir transmis aux autres États membres (données sortantes). Or, ces deux chiffres devraient en principe coïncider, mais en raison des différences d'interprétation des données à enregistrer et du caractère incomplet de certaines données, tel n'est pas le cas. Afin d'éviter toute confusion, le présent rapport ne se fonde que sur les données sortantes. En revanche, le document de travail établit une distinction entre, d'une part, les données entrantes et, d'autre part, les données sortantes.
Ce problème souligne combien il importe de disposer d'un cadre commun pour la collecte et l'établissement des statistiques sur l'asile et l'immigration, ce que le règlement relatif aux statistiques communautaires sur la migration et la protection internationale[8], une fois adopté, contribuera à réaliser.
[pic]
D'après les données transmises par les États membres, plus de 55 300 requêtes ont été envoyées (soit 11,5 % du nombre total de demandes d'asile – 589 499 – dans l'ensemble des États membres pour la même période).
72 % de ces requêtes ont été acceptées , ce qui signifie que dans 40 180 cas, un autre État membre a accepté d'assumer la responsabilité d'un demandeur d'asile.
Toutefois, les États membres n'ont en réalité effectué que 16 842 transferts de demandeurs d'asile (le document de travail donne plus de précisions sur ce chiffre et sur ce qu'il représente en pourcentage du nombre total des demandes acceptées). Ce problème des transferts pourrait donc être considéré comme l'une des principales entraves à l'application efficace du système de Dublin.
Pour ce qui est d'EURODAC, les statistiques sont beaucoup plus fiables, dans la mesure où les données sont tirées des rapports automatiques générés par l'unité centrale. Le tableau ci-dessous montre l'évolution des trois types de transactions que les États membres ont communiquées à l'unité centrale d'EURODAC.
[pic]
Au cours de la période de référence, les données relatives à 657 753 demandeurs d'asile («transactions de catégorie 1») ont été transmises avec succès. Le nombre de ces transactions n'a cessé de diminuer (2003: 238 325; 2004: 232 205; 2005: 187 223). Cette diminution est d'autant plus importante que depuis le 1er mai 2004, dix nouveaux États membres appliquent le règlement EURODAC, et que ces chiffres n'incluent pas uniquement les «nouvelles» demandes d'asile (mais aussi les demandes multiples). Cela reflète la baisse générale du nombre des demandes d'asile observée dans l'Union européenne depuis quelques années.
En 2005, la comparaison des données relatives aux nouveaux demandeurs d'asile avec les données déjà enregistrées a fait apparaître qu'il s'agissait de «demandes multiples» dans 16 % des cas, c'est-à-dire que le demandeur d'asile avait déjà présenté une demande, soit dans le même État membre, soit dans un autre.
Au cours de la même période de référence, les données relatives à 48 657 ressortissants de pays tiers appréhendés à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure («transactions de catégorie 2») ont été enregistrées dans la base de données centrale. Si le nombre de ces transactions s'est considérablement accru chaque année, il demeure étonnamment bas si l'on tient compte des fortes pressions exercées par l'immigration clandestine aux frontières extérieures de l'UE.
Durant la période de référence, les données relatives à 101 884 ressortissants de pays tiers se trouvant illégalement sur le territoire d'un État membre («transactions de catégorie 3») ont été enregistrées. Ce chiffre a augmenté chaque année, ce qui démontre l'intérêt croissant des États membres pour cette possibilité de contrôle.
2.3. Mise en œuvre pratique et améliorations possibles
2.3.1. Application du règlement de Dublin
Il ressort de l'évaluation que le règlement de Dublin est généralement appliqué d'une manière satisfaisante et offre un système viable pour déterminer l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile. Toutefois, un certain nombre de problèmes, qui sont exposés ci-après et présentés plus en détail dans le document de travail, ont été relevés dans son application.
Accès effectif aux procédures
Le règlement de Dublin fait obligation à l'État membre désigné comme responsable d'examiner la demande d'asile. Si la plupart des États membres interprètent correctement cette disposition, à savoir comme l'obligation de procéder à l'examen complet des besoins de protection du demandeur d'asile, à la connaissance de la Commission, un État membre ne procède pas, dans certains cas, à cet examen lorsqu'il reprend en charge des demandeurs d'asile en provenance des autres États membres.
Il convient de rappeler que la notion d'«examen d'une demande d'asile» au sens du règlement de Dublin doit toujours, sans exception, être interprétée comme impliquant la vérification du respect, par tout demandeur prétendant au statut de réfugié, des normes minimales fixées la directive 2004/83/CE [9].
Conformité avec l'acquis de l'UE en matière d'asile
Le règlement de Dublin ne s'applique pas aux demandeurs (ou bénéficiaires) d'une protection subsidiaire, ce qui a des conséquences particulièrement négatives pour les demandeurs d'asile qui ne peuvent rejoindre les membres de leur famille bénéficiant d'une protection subsidiaire dans un autre État membre. La principale raison pour laquelle la protection subsidiaire n'a pas été incluse dans le règlement de Dublin réside dans le fait qu'à la date de son adoption, cette notion ne faisait pas encore partie de l'acquis de l'UE en matière d'asile. Cependant, grâce à l'adoption de la directive 2004/83/CE, cette notion fait désormais partie intégrante du cadre législatif de l'UE en matière d'asile et doit apparaître dans tous les instruments s'y rapportant.
La Commission entend proposer que le champ d'application du règlement de Dublin soit étendu à la protection subsidiaire.
Application uniforme
Une application uniforme des règles et critères établis par le règlement de Dublin est indispensable à son bon fonctionnement. Cependant, les États membres ne s'accordent pas toujours sur les circonstances dans lesquelles certaines dispositions doivent s'appliquer.
Ces divergences d'interprétation ont notamment été constatées au sujet de l'application de la clause de souveraineté (article 3, paragraphe 2, du règlement de Dublin), qui permet à chaque État membre d'examiner une demande d'asile, même si cet examen incombe à un autre État membre en vertu des critères de Dublin, et de la clause humanitaire (article 15 du règlement de Dublin), qui permet à tout État membre de rapprocher les membres d'une même famille, alors que l'application stricte de ces critères les séparerait.
Les États membres appliquent la clause de souveraineté pour différentes raisons, qui vont des raisons humanitaires à des raisons purement pratiques.
L'application de la clause de souveraineté pour des raisons humanitaires doit être encouragée, puisqu'elle semble correspondre à l'objectif sous-jacent de cette disposition.
Dans la version actuelle du règlement de Dublin, le consentement du demandeur d'asile n'est pas requis pour l'application de la clause de souveraineté, ce qui a eu dans certains cas des conséquences négatives, notamment lorsque l'application de cette clause a empêché des demandeurs d'asile de rejoindre des membres de leur famille dans d'autres États membres.
En ce qui concerne la clause humanitaire, les modalités précises de son application ne sont dans certains cas pas spécifiées, en particulier, si elle peut être appliquée à la demande d'un demandeur d'asile ou si des délais s'appliquent aux requêtes adressées par un État membre à un autre.
La Commission proposera de préciser les modalités et procédures d'application des clauses humanitaire et de souveraineté, notamment en fixant les délais applicables aux requêtes et en subordonnant l'application de la clause de souveraineté au consentement du demandeur d'asile concerné.
Certains États membres ont rencontré des difficultés dans l'application des dispositions mettant fin à la responsabilité (article 10, paragraphe 1; article 16, paragraphes 3 et 4; et article 20, paragraphe 2, du règlement de Dublin). À cet égard, une clarification des dispositions en question pourrait permettre de surmonter ces difficultés.
La Commission proposera d'éclaircir les cas dans lesquels la responsabilité d'un État membre cesse.
Enfin, des divergences d'interprétation existent au sujet des requêtes visant à obtenir la reprise en charge des mineurs non accompagnés ayant déjà introduit une demande d'asile dans un autre État membre (article 6 du règlement de Dublin). Certains États membres évitent de demander la reprise en charge des mineurs non accompagnés.
Si l'application des requêtes aux fins de reprise en charge ne doit pas être exclue dans le cas des mineurs non accompagnés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit toujours primer.
La Commission précisera ultérieurement les modalités d'application des règles de Dublin aux mineurs non accompagnés.
Éléments de preuve
Les éléments de preuve exigés pour accepter la prise en charge d'un demandeur d'asile sont souvent difficiles à produire. Cela a eu des effets particulièrement négatifs sur l'application du critère de l'unité des familles et a ainsi nui à la mise en œuvre pratique de l'une des dispositions les plus importantes du règlement de Dublin.
Une difficulté similaire a été observée en ce qui concerne l'application du critère de l'entrée irrégulière sur le territoire de l'UE (article 10, paragraphe 1, du règlement de Dublin), qui ne semble pouvoir être prouvée qu'au moyen de données extraites du système EURODAC.
Les États membres sont néanmoins convenus d'une liste de moyens de preuve et d'une liste d'indices, qui ont été annexées au règlement d'application.
S'il importe que des preuves suffisantes soient produites pour éviter les abus, notamment aux fins du regroupement familial, la Commission considère que les États membres doivent appliquer le règlement de Dublin et ses modalités d'application dans leur intégralité, en utilisant tous les moyens de preuve prévus, y compris les déclarations crédibles et vérifiables des demandeurs d'asile.
Délais
Plusieurs États membres considèrent que l'absence de date limite pour demander la «reprise en charge» d'un demandeur d'asile nuit à l'efficacité du système.
Qui plus est, les États membres ne sont pas satisfaits du délai de six semaines imparti pour répondre aux demandes d' informations , qu'ils jugent trop long compte tenu du caractère essentiel de ces dernières en tant que preuves.
La Commission proposera des dates limites pour la présentation des requêtes aux fins de «reprise en charge» et proposera de ramener à quatre semaines le délai de réponse aux demandes d'informations.
Transferts
La faiblesse du taux de transferts de demandeurs d'asile effectués par rapport à celui des transferts acceptés nuit considérablement à l'efficacité du système. Les États membres expliquent ce phénomène notamment par le fait que les demandeurs d'asile disparaissent souvent après la notification d'une décision de transfert.
Il ressort des statistiques que certains États membres transfèrent entre eux un nombre équivalent de demandeurs d'asile. La possibilité pour les États membres de mettre en place des mécanismes visant à limiter le nombre de transferts pourrait réduire la charge de travail et les frais de fonctionnement des services chargés de leur exécution. Cette possibilité pourrait également permettre d'éviter les mouvements secondaires consécutifs aux transferts.
La Commission examinera la possibilité de permettre aux États membres de conclure des accords bilatéraux concernant l'«annulation» de l'échange du même nombre de demandeurs d'asile dans certains cas précis.
Augmentation des mesures privatives de liberté
De plus en plus, les États membres prennent des mesures privatives de liberté à l'égard des personnes faisant l'objet d'une décision de transfert, pour les empêcher de prendre la fuite avant l'exécution du transfert.
La Commission rappelle que, s'il est effectivement nécessaire de trouver les moyens d'améliorer l'efficacité des transferts, les mesures privatives de liberté ne doivent être prises qu'en dernier recours, lorsque toutes les autres mesures sont vouées à l'échec et lorsqu'il existe des raisons objectives de penser que le demandeur d'asile risque fort de prendre la fuite. En tout état de cause, la situation des familles, des personnes nécessitant des soins médicaux, des femmes et des mineurs non accompagnés doit toujours être dûment prise en considération.
Mauvaise application
Une mauvaise application du règlement a principalement été observée à l'égard de certains aspects de la procédure, notamment lorsque les délais de présentation d'une requête ou de réponse ne sont pas respectés.
Les États membres doivent respecter rigoureusement les délais fixés dans le règlement de Dublin. La Commission rappelle que l'absence de réponse à une requête dans le délai imparti vaut acceptation et que les demandeurs d'asile peuvent mettre en cause les autorités d'un État membre pour inobservation d'un délai.
Il convient également de signaler que certains États membres n'utilisent pas systématiquement le réseau sécurisé de communication bilatérale DubliNet . Compte tenu de la nature des informations transmises, cela pourrait soulever des problèmes en matière de protection des données.
La Commission rappelle que l'utilisation de DubliNet est toujours obligatoire, sauf dans les cas visés à l'article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement d'application.
2.3.2. Application du règlement EURODAC
Quant au règlement EURODAC, si tous les États membres l'appliquent d'une manière généralement satisfaisante, l'application pratique de certaines de ses dispositions demeure problématique.
Délais
Le règlement EURODAC fait obligation aux États membres de transmettre sans tarder leurs données à l'unité centrale d'EURODAC (articles 4, paragraphe 1, et 8, paragraphe 1). Il apparaît que cette opération prend parfois plus de trente jours. Étant donné qu'une transmission tardive peut entraîner une erreur dans la désignation de l'État membre responsable, il est extrêmement important que les États membres réduisent ce délai.
La Commission proposera de fixer un délai de transmission des données à l'unité centrale d'EURODAC.
Collecte des données
Ainsi qu'elle l'a déjà indiqué, la Commission juge étonnamment bas le nombre des personnes entrées illégalement qui sont enregistrées dans la base de données (48 657). Ce chiffre soulève la question de savoir si l'obligation de relever les empreintes digitales de toutes les personnes appréhendées à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de l'Union est effectivement observée. Comme ces données sont indispensables à l'application efficace de l'un des critères de Dublin, les États membres doivent absolument se conformer à cette obligation.
L'inobservation systématique de l'obligation de relever les empreintes digitales des personnes entrant illégalement pourrait être prise en compte par la Commission lors de l'examen de la mise en œuvre du programme-cadre de solidarité et de gestion des flux migratoires en 2010 et notamment des critères de répartition applicables pour les différents fonds. |
Qualité
Il ressort des statistiques que 6 % des données sont rejetées faute d'une qualité suffisante. La qualité des données transmises à l'unité centrale d'EURODAC pourrait encore être améliorée grâce à une formation spécifique, à des contrôles de qualité locaux et à l'utilisation d'équipements de pointe tels que les scanneurs opérationnels. Les États membres sont invités à recourir au financement communautaire disponible à cet effet.
La Commission organisera des séminaires de formation à l'intention des administrations nationales, afin d'améliorer la qualité des données.
Suppression
Le respect de l'obligation de supprimer certaines données (article 7 et article 10, paragraphe 2, du règlement EURODAC), par exemple lorsqu'un demandeur d'asile a acquis la citoyenneté d'un État membre, ne va pas non plus de soi. Cela n'est malheureusement pas fait systématiquement parce que l'État membre qui a introduit les données n'est pas informé du changement de statut.
La Commission proposera l'adoption d'un code précis pour chaque type de suppression, afin de mieux contrôler le respect de cette obligation, ainsi que la mise en place de mécanismes d'information systématiques en cas de changement de statut du demandeur d'asile.
Protection des données
Les autres réserves portent sur l'application des règles relatives au respect des données à caractère personnel, notamment celles qui permettent aux personnes concernées de demander aux États membres de vérifier les données les concernant dans la base EURODAC (en effectuant des «recherches spéciales», article 18 du règlement EURODAC). Au cours de la période de référence, plus de 3 700 recherches spéciales ont été effectuées, ce qui constitue un chiffre étonnamment élevé.
La Commission rappelle que ces recherches sont strictement réservées à l'application des règles relatives à la protection des données.
2.3.3. Contribution d'EURODAC à la mise en œuvre du règlement de Dublin
Étant donné que le règlement EURODAC vise à faciliter l'application du règlement de Dublin, il convient d'examiner si EURODAC a effectivement contribué à la réalisation des objectifs de ce dernier.
Comme indiqué précédemment, en 2005, 16 % des demandes d'asile ont en fait été des demandes multiples . Ce chiffre pourrait laisser penser que le système de Dublin n'a pas eu l'effet dissuasif escompté à l'égard du phénomène d'«asylum shopping». En effet, de nombreux demandeurs d'asile essayent toujours d'obtenir une décision positive en introduisant plusieurs demandes. L'information correcte des demandeurs d'asile sur les conséquences que pourraient avoir leurs demandes ultérieures – entre autres mesures - pourrait permettre de prévenir ce phénomène.
En ce qui concerne les preuves de l'entrée irrégulière , il convient de souligner à nouveau que le règlement EURODAC ne peut effectivement faciliter l'application du règlement de Dublin qu'à la condition que tous les États membres se conforment à l'obligation de recueillir les données relatives à chaque étranger entrant illégalement sur le territoire de l'UE.
Enfin, il a été observé que les États membres reçoivent bien souvent de l'unité centrale d'EURODAC des résultats contenant des réponses identiques , ce qui signifie que les données du demandeur d'asile ont été enregistrées par plusieurs États membres. Sur la base de ces informations, il n'est pas toujours évident de déterminer quel État membre est responsable de l'examen de la demande d'asile, notamment dans les délais impartis.
Afin de simplifier l'analyse des réponses identiques, la Commission proposera des mécanismes permettant aux États membres de s'informer mutuellement du statut des personnes enregistrées dans la base EURODAC, ainsi que des modifications techniques à apporter au mécanisme de transmission des données à l'unité centrale d'EURODAC, notamment pour introduire plus d'informations sur le statut des demandeurs d'asile.
2.3.4. Évolution possible du règlement EURODAC
Le règlement EURODAC a pour objectif principal de contribuer à l'identification rapide de l'État membre auquel incombe la responsabilité d'une demande d'asile. Toutefois, les informations contenues dans la base de données EURODAC pourraient également se révéler utiles à d'autres fins, par exemple dans la prévention des abus du régime d'asile.
Bien que les États membres soient tenus de conserver les empreintes digitales des étrangers appréhendés à l'occasion du franchissement illégal leur frontière extérieure, ils ne sont pas obligés de conserver ce type de données pour les étrangers se trouvant illégalement sur leur territoire.
Cependant, les États membres se montrent de plus en plus intéressés par l'utilisation des données relatives aux ressortissants de pays tiers se trouvant illégalement sur leur territoire, comme le prouvent les chiffres ayant trait à la période 2003-2005. De plus, un écart significatif existe entre le nombre de personnes appréhendées alors qu'elles se trouvaient illégalement sur le territoire d'un État membre (101 884) et le nombre de personnes appréhendées à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure (48 657). Il est donc proposé de conserver les données relatives aux personnes appréhendées alors qu'elles se trouvaient illégalement sur le territoire d'un État membre. Ces données serviront dans le cadre de l'examen des demandes d'asile, par exemple en contribuant à la prévention des abus par la vérification des déclarations faites par les demandeurs d'asile. Ces données pourraient être conservées pendant une période initiale de deux ans, comme c'est le cas pour les données relatives aux personnes ayant franchi illégalement une frontière. La période de conservation pourrait être prolongée si la personne en question est appréhendée une nouvelle fois.
La Commission entend proposer que soient conservées les données relatives aux personnes appréhendées alors qu'elles se trouvaient illégalement sur le territoire de l'UE.
En outre, sur la base d'une autre analyse et d'une étude d'impact complète, la Commission examinera la possibilité d'étendre la portée d'EURODAC, de sorte que ses données soient utilisées à des fins répressives et pour contribuer à la lutte contre l'immigration clandestine.
3. ANALYSE DES FLUX LIÉS À L'APPLICATION DU RÈGLEMENT DE DUBLIN
[pic]
Contrairement à l'idée largement répandue selon laquelle la majorité des transferts seraient dirigés vers les États membres situés à une frontière extérieure de l'UE, la répartition générale entre ces derniers et les autres États membres semble être en fait plutôt équilibrée. En 2005, le nombre total des transferts effectués vers des États membres situés à une frontière extérieure de l'UE a été de 3 055, contre 5 161 transferts vers des États membres n'étant pas situés à une telle frontière.
Le document de travail contient une analyse détaillée visant à déterminer l'incidence des «flux de Dublin» sur la population totale des demandeurs d'asile dans les États membres. En résumé, il apparaît que les transferts effectués en application du règlement de Dublin n'ont ni majoré ni minoré le nombre total des demandeurs d'asile de plus de 5 % dans la plupart des États membres. Toutefois, dans le cas de la Pologne, cette majoration a été d'environ 20 %, et dans celui de la Slovaquie, de la Lituanie, de la Lettonie, de la Hongrie et du Portugal, d'environ 10 %. En revanche, dans le cas du Luxembourg et de l'Islande, le nombre des demandeurs d'asile a diminué d'environ 20 %.
Cette tendance s'est également confirmée dans l'hypothèse où tous les transferts acceptés seraient effectués, bien qu'avec un impact nettement plus grand dans le cas de la Hongrie, de la Pologne et de la Slovaquie (augmentation d'environ 40 %). Néanmoins, même dans ce cas, il y aurait plus de transferts vers les États membres dépourvus de frontière extérieure de l'UE (13 968) que vers les autres (7 829).
Il convient toutefois de souligner que la majorité des transferts consistent dans des «reprises en charge»[10] qui, pour la plupart, ne correspondent pas à de nouvelles demandes d'asile dans les États membres de destination, étant donné que ces demandes étaient déjà enregistrées dans les statistiques relatives à l'asile et que leur examen avait déjà commencé.
Il faut aussi constater que les résultats des recherches relatives aux «transactions de catégorie 1», par rapport à celles portant sur les «transactions de catégorie 2», montrent que les demandeurs d'asile qui sont entrés illégalement sur le territoire de l'UE avant d'introduire leur demande ont principalement transité par l'Espagne, l'Italie et la Grèce. Cependant, la plupart des personnes appréhendées à la frontière de ces États membres ont ensuite demandé l'asile dans l'État dans lequel elles étaient entrées d'une manière irrégulière. En revanche, celles qui n'ont pas demandé l'asile et qui ont poursuivi leur voyage se sont principalement dirigées vers le Royaume-Uni et la France.
4. CONCLUSIONS
D'une manière générale, les objectifs du système de Dublin, notamment la mise en place d'un mécanisme clair et viable pour déterminer l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile, ont dans une large mesure été réalisés.
Faute de données précises, il n'a pas été possible d'évaluer un élément important du système de Dublin, à savoir son coût. Cependant, les États membres considèrent la réalisation des objectifs politiques de ce système comme très importante, indépendamment de ses implications financières.
Néanmoins, des problèmes persistent, tant au niveau de l'application pratique que de l'efficacité du système. La Commission proposera donc les mesures nécessaires pour résoudre ces problèmes et améliorer encore l'efficacité du système.
La présente évaluation constitue la première étape de l'ouverture d'un débat sur l'avenir de la politique européenne commune en matière d'asile, qui débutera par la publication d'un livre vert exhaustif par la Commission en juin 2007.
[1] Jusqu'au 21 février 2006, le Danemark n'appliquait pas le règlement de Dublin. Par conséquent, «les États membres» désignent dans le présent rapport tous les États membres de l'UE sauf le Danemark, plus la Norvège et l'Islande.
[2] JO L 50 du 25.2.2003.
[3] Règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil (JO L 222 du 5.9.2003).
[4] JO L 316 du 15.12.2000.
[5] Règlement (CE) n° 407/2002 du Conseil du 28 février 2002 fixant certaines modalités d'application du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil (JO L 62 du 5.3.2002).
[6] SEC(2007) 742.
[7] COM(2006) 332.
[8] COM(2005) 375 du 14.9.2005.
[9] Directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO L 304 du 30.9.2004, p. 12).
[10] Voir tableau 2 dans le document de travail.