Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l'application de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les états membres
COM(2007) 745 final
RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN
SUR L'APPLICATION DE LA DIRECTIVE 2003/9/CE DU 27 JANVIER 2003 RELATIVE À DES NORMES MINIMALES POUR L'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE DANS LES ÉTATS MEMBRES
1. INTRODUCTION
Le 27 janvier 2003, le Conseil adoptait la directive 2003/9/CE relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile[1]. Cette directive est applicable dans tous les États membres, à l'exception de l'Irlande et du Danemark[2], et avait pour but d'harmoniser les législations des États membres concernant les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, de contribuer ainsi à ce que des règles identiques soient appliquées dans toute l'UE en matière d'asile et de limiter les mouvements secondaires. Elle constitue un élément fondamental de la première phase du régime d'asile européen commun, tel qu'il a été énoncé dans les programmes de Tampere en 1999 et de La Haye en 2004[3].
Le présent rapport, qui répond à l'obligation imposée à la Commission par l'article 25 de la directive, tend à donner une vue d'ensemble de la transposition et de l'application de la directive par les États membres et à identifier les problèmes éventuels. Ses conclusions ont contribué à l'élaboration du Livre vert sur le futur régime d'asile européen commun.
Ce rapport est fondé sur deux études menées dans le but de recueillir les informations nécessaires sur l'état de la mise en œuvre et de l'application de la directive[4].
En ce qui concerne les États membres (BE, EL, DE, AT) qui n'avaient pas adopté les actes de transposition nécessaires lors de la préparation du rapport (fin 2006), les données s'appuient sur les projets d'actes législatifs disponibles.
2. SUIVI DE LA TRANSPOSITION
Les États membres étaient tenus de transposer la directive pour le 6 février 2005.
Les services de la Commission ont activement soutenu les États membres durant le processus de transposition en organisant des réunions régulières avec des experts nationaux.
À l'expiration du délai de transposition, des recours en manquement ont été engagés contre tous les États membres qui n'avaient pas notifié ou pleinement notifié leurs mesures de transposition. Ensuite, conformément à l'article 226 du traité, la Commission a envoyé 19 lettres de mise en demeure et 10 avis motivés. La décision de saisir la Cour de justice a été prise pour 6 États membres. Trois recours ont été retirés, un autre a été réglé[5] et deux sont toujours pendants devant la Cour[6].
3. MISE EN œUVRE DES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES
3.1. Champ d'application
Aux termes de l'article 2, point c), et de l'article 3, la directive s'applique aux demandeurs d'asile dès le dépôt d'une demande de protection internationale conformément à la convention de Genève et jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur cette demande.
Pratiquement aucun problème n'a été constaté en ce qui concerne les personnes auxquelles la directive doit s'appliquer. En outre, la grande majorité des États membres a également choisi d'appliquer la directive aux personnes demandant une protection subsidiaire.
Il est à noter que la non-inclusion de la protection subsidiaire dans la directive s'explique principalement par le fait qu'au moment de son adoption, ce concept ne faisait pas encore partie de l'acquis communautaire en matière d'asile. Cependant, depuis l'adoption de la directive relative aux conditions requises[7], la notion de protection subsidiaire fait partie intégrante du cadre législatif communautaire sur l'asile et doit désormais être prise en compte dans tous les instruments relatifs à l'asile.
Des difficultés mineures ont été recensées en ce qui concerne l'application de la directive dans le délai fixé. Certains États membres, dont les procédures législatives comptent de multiples étapes, n'appliquent pas la directive, par exemple, durant l'examen de la recevabilité de la demande (ES, NL). D'autres n'appliquent la directive qu'aux demandeurs qui sont déjà enregistrés ou sont détenteurs d'une carte d'identité particulière (EL, UK, CY). D'autres encore limitent l'applicabilité de la directive durant la période au cours de laquelle l'État membre responsable du traitement de la demande d'asile en vertu du règlement de Dublin[8] est déterminé (AT, FR, ES).
Tous les États membres se conforment à la règle selon laquelle la directive s'applique jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue (c'est-à-dire une décision qui ne peut plus faire l'objet de recours en droit national).
Cependant, de graves problèmes existent en termes d'applicabilité de la directive dans tous les centres accueillant des demandeurs d'asile. Pas moins de sept États membres (UK, BE, IT, NL, PL, LU, CY)[9] n'appliquent pas la directive dans les centres de détention. D'autres (comme l'Autriche) ne l'appliquent pas dans les zones de transit.
Étant donné que la directive ne prévoit pas d'exception en ce qui concerne son applicabilité dans certaines installations destinées aux demandeurs d'asile, ses dispositions s'appliquent à tous les types d'installations, y compris les centres de détention.
3.2. Règles de procédure
3.2.1. Information
L'article 5 impose aux États membres de fournir aux demandeurs d'asile des informations écrites dans une langue qu'ils comprennent sur leurs avantages et obligations au titre de la directive, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique ou autre.
Les demandeurs d'asile sont correctement informés dans la grande majorité des États membres. Seuls quelques États membres n'ont pas entièrement (DE) ou n'ont que partiellement (AT) transposé cette disposition dans leur législation.
Des problèmes ont été décelés dans certains États membres (CY, SI, DE et MT), où les informations fournies sur les organisations qui proposent une assistance aux demandeurs d'asile ne semblent pas suffisantes.
Tous les États membres fournissent les informations dans les 15 jours suivant la date de dépôt de la demande d'asile. Le nombre de langues dans lesquelles ces informations sont disponibles varie, selon les États membres, de 3 (MT) à 34 (AT).
L'accès aux informations dans plusieurs langues est essentiel pour assurer que les demandeurs d'asile puissent jouir effectivement des droits que la directive leur garantit. En conséquence, les États membres sont encouragés à faire appel à l'assistance financière du Fonds européen pour les réfugiés[10] afin d'augmenter le nombre de langues dans lesquelles les informations sont proposées.
3.2.2. Documentation
L'article 6 impose aux États membres de délivrer aux demandeurs d'asile un document à leur nom attestant leur statut dans un délai de trois jours après le dépôt de leur demande d'asile.
De nombreux États membres ne respectent pas ce délai. Certains n'ont introduit aucune disposition de ce type dans leur législation (DE, NL, HU, EL, ES). D'autres ont introduit un délai clair dans leur législation, mais ne le respectent pas dans la pratique (IT, SE, UK, FR).
Tous les États membres délivrent le document adéquat aux demandeurs d'asile qui ne sont pas placés en détention. Cependant, tant la forme que le contenu de ce document varient considérablement. En particulier, nombre d'États membres délivrent des documents qui ne précisent pas l'identité, ce qui, tout en étant autorisé par la directive, crée de nombreuses difficultés pratiques (par exemple, pour l'ouverture d'un compte bancaire). Un modèle harmonisé de document à délivrer aux demandeurs d'asile, qui mentionnerait leur identité, aiderait à surmonter ces problèmes pratiques.
Aucun État membre ou presque ne délivre de document aux demandeurs d'asile placés en détention, comme la directive l'autorise (les exceptions étant NL, CY, IT).
Dans la plupart des États membres, les documents sont valables tout au long de la procédure et dans les pays où leur validité est limitée (de 2 mois à 1 an), la procédure de renouvellement ne pose pas de problème.
3.2.3. Procédure de retrait du bénéfice des conditions d'accueil
Si, conformément à l'article 16, paragraphes 1 à 3, il est décidé de retirer le bénéfice des conditions d'accueil, la directive contient certaines règles procédurales (article 16, paragraphe 4), qui incluent le droit de recours contre une décision négative et le droit à une assistance juridique gratuite dans le cadre du recours (article 21).
Aucun problème majeur n'a été constaté en ce qui concerne la garantie du caractère individuel, impartial et indépendant des décisions de retrait.
Certaines défaillances ont été relevées au niveau de la possibilité de recours contre certaines décisions négatives. Alors que tous les États membres prévoient cette possibilité pour les décisions de placement en détention, certains n'ont adopté aucune disposition concernant le recours contre des décisions portant atteinte à la libre circulation des personnes (AT, UK, SK), contre des décisions portant retrait ou limitation du bénéfice des conditions d'accueil (HU, SI) ou contre toutes décisions autres que celles de placement en détention (ES, MT). Les autres problèmes constatés concernent des décisions de retrait insuffisamment motivées ou notifiées verbalement (NL, SI). Toutes ces situations sont contraires aux dispositions de l'article 21, paragraphe 1.
Seuls deux États membres (CY, EL) n'ont adopté aucune disposition concernant l'accès gratuit à une assistance juridique dans le cadre d'un recours. Certains États membres ne l'accordent qu'aux demandeurs d'asile qui ne sont pas en mesure de couvrir ces dépenses ou à ceux dont les procédures de recours pourraient aboutir (par exemple, NL, DE). Enfin, des problèmes pratiques liés à l'accès effectif à une assistance juridique ont été signalés dans certains autres États membres (LV, HU, AT, EE).
3.3. Conditions matérielles d'accueil et unité de la famille
3.3.1. Forme
Les articles 13 et 14 imposent aux États membres de fournir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil (logement, nourriture, vêtements, etc.), mais leur laissent un large pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la forme qu'elles revêtent.
Dans la plupart des États membres, un logement est fourni en nature . La forme la plus courante est le logement collectif. Seuls quelques États membres (UK, BE, IT, SE) offrent des logements individuels. Dans certains États membres (AT, FI, SI, NL, PL, CZ, SK), le type d'hébergement varie selon le stade de la procédure. Dans de très rares cas, des prestations financières sont accordées pour couvrir les frais d'hébergement: par manque de places (FR, IT, ES, SI); en fonction du stade de la procédure (BE, PT); par principe (CY). La nourriture est fournie dans la plupart des États membres (à l'exception de EE, LV, UK, FI, SE). Bien que la manière dont les besoins vestimentaires des demandeurs d'asile sont couverts varie sensiblement, les États membres qui octroient une aide financière à cette fin sont encore minoritaires (AT, FI, LU, NL, PL, UK, ES, SE, PT, CY, parfois BE et AT).
En outre, même si les besoins matériels essentiels sont satisfaits en nature, les demandeurs d'asile bénéficient presque toujours (sauf en Slovénie) de prestations financières pour couvrir certaines autres dépenses.
3.3.2. Niveau de vie suffisant et unité de la famille
En application des articles 13 et 14, les conditions matérielles d'accueil doivent être suffisantes pour assurer la subsistance et la santé des demandeurs d'asile. L'article 8 et l'article 14, paragraphe 2, imposent également aux États membres de maintenir l'unité familiale des demandeurs d'asile auxquels un logement est fourni.
Aucun problème majeur n'a été observé lorsque les conditions matérielles d'accueil sont fournies en nature et dans les centres d'accueil.
Le nombre de places d'hébergement pour les demandeurs d'asile correspond aux besoins dans la grande majorité des cas. Ainsi que l'exige la directive, lorsqu'un logement est fourni aux demandeurs d'asile, la plupart des États membres garantissent l'unité familiale de ces derniers. Deux États membres seulement (IT, DE) subordonnent le maintien de cette unité au respect de certaines exigences de procédure, qui pourraient être contraires à la directive.
Cependant, certains États membres connaissent toujours une pénurie de places disponibles pour leurs demandeurs d'asile (CY, IT, FR). D'autres problèmes ont été constatés en ce qui concerne les vêtements fournis aux demandeurs d'asiles (SI, SK, LT, PL, CZ, LV, CY, NL) ou le niveau généralement médiocre des conditions d'accueil (LT, EL).
L'adéquation des conditions d'accueil accordées aux demandeurs d'asile placés en détention, même si, pour des raisons évidentes, elles sont généralement différentes de celles offertes aux demandeurs d'asile non détenus, ne peuvent être mises en cause que dans quelques États membres (HU, LT, SI, EL, BE, IT, MT).
Les principaux problèmes liés à l'application de la directive ont été rencontrés dans des États membres où les demandeurs d'asile reçoivent des prestations financières. Ces prestations sont souvent trop modestes pour assurer la subsistance (CY, FR, EE, AT, PT, SI). Leur montant n'est que très rarement comparable à celui de l'aide sociale minimale accordée aux ressortissants nationaux et, même lorsque c'est le cas, il peut encore s'avérer insuffisant, les demandeurs d'asile ne bénéficiant pas d'une aide de leur famille et/ou d'autres types de soutien informel.
3.3.3. Cas de retrait du bénéfice des conditions d'accueil
L'article 16, paragraphes 1 à 3, énonce les situations dans lesquelles le bénéfice des conditions d'accueil accordées aux demandeurs d'asile peut être limité ou retiré (par exemple, non-respect de l'obligation de se présenter aux autorités ou bénéfice indu de conditions matérielles d'accueil).
Certains États membres retirent le bénéfice des conditions d'accueil dans des situations qui ne sont pas autorisées par la directive (FI, DE, NL et certaines régions de AT).
Seuls quelques États membres choisissent, en application de l'article 16, paragraphe 2, de refuser le bénéfice des conditions d'accueil aux demandeurs d'asile qui n'introduisent pas leur demande d'asile dans les meilleurs délais (EL, MT, CY, UK). Toutefois, dans le cas de ce dernier pays, le recours à cette disposition a été fortement limité par l'arrêt de la Chambre des Lords relatif au respect de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme[11].
3.4. Droits
3.4.1. Liberté de circulation et séjour
L'article 7 accorde aux demandeurs d'asile le droit de libre circulation dans les États membres dans lesquels ils ont demandé l'asile et choisissent de séjourner. Ce droit peut être restreint pour diverses raisons (intérêt ou ordre public, traitement rapide de la demande).
Demandeurs d'asile non détenus
Étant donné le large pouvoir discrétionnaire dont disposent les États membres pour restreindre le droit à la liberté de circulation et au séjour, aucun problème majeur n'a été signalé dans l'application des dispositions correspondantes.
La plupart des États membres accordent le droit de libre circulation sur l'ensemble de leur territoire. Quelques États membres (CZ, AT, LT) se réservent le droit de restreindre la liberté de circulation pour des raisons d'ordre public. Deux États membres (DE, AT) restreignent régulièrement la liberté de circulation des demandeurs d'asile à un district. Dans certains autres États membres, la libre circulation est limitée dans la pratique étant donné que les demandeurs d'asile doivent se présenter ou rester dans leur centre d'hébergement à certains moments (NL, SK, SI, HU, LT, EE, CZ).
Quelques États membres n'autorisent pas les demandeurs d'asile à choisir leur lieu de résidence (AT, DE, LU, NL, EL). D'autres les y autorisent sous certaines conditions ou à un certain stade de la procédure d'asile. Une poignée d'États membres laisse le libre choix aux demandeurs d'asile, ce qui est très souvent la seule manière de compenser le manque de capacité des centres d'accueil (par exemple, FR, CY). Certains États membres ont également recours à la disposition qui subordonne le bénéfice des conditions d'accueil au lieu de résidence (PL, FI, EE, LT).
Dans certains États membres, les demandeurs d'asile sont libres de quitter leur lieu de résidence sans autorisation ou sous réserve d'une demande purement formelle, qui est normalement acceptée (CY, FR, PT, LU, MT, PL, SE, BE, EE, IT, HU). D'autres ont introduit des systèmes de contrôle plus stricts, fondés sur un nombre limité de journées d'absence, une obligation de se présenter ou une impossibilité quasi-totale de sortir, sauf dans des circonstances exceptionnelles.
Demandeurs d'asile placés en détention
Tous les États membres prévoient le placement en détention pour de multiples raisons, allant de circonstances exceptionnelles (DE) à une pratique généralisée de placement en détention de tous les demandeurs d'asile entrés illégalement sur le territoire de l'État membre à l'exception des personnes ayant des besoins particuliers (MT). De même, la durée de la détention varie de 7 jours (PT) à 12 mois (MT, HU), voire à une durée indéterminée (UK, FI).
Cependant, étant donné que la directive considère la détention comme une exception à la règle générale de libre circulation, qui ne peut être utilisée que lorsque «cela s'avère nécessaire», le placement automatique en détention sans évaluer la situation de la personne concernée est contraire à la directive. Par ailleurs, hormis dans des cas dûment justifiés (par exemple pour des raisons d'ordre public), une durée de détention empêchant les demandeurs d'asile placés en détention de bénéficier des droits garantis par la directive est également contraire aux dispositions de cette dernière.
3.4.2. Accès aux centres d'hébergement
Les demandeurs d'asile ont le droit de contacter le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), leurs conseils juridiques et des ONG.
Aucun problème particulier n'a été constaté en ce qui concerne l'application de l'article 14, paragraphe 2. En règle générale, l'UNHCR, les conseils juridiques et les ONG ont aisément accès à tous les centres d'hébergement (y compris les centres de détention) et ont des contacts avec les demandeurs d'asile. Certains États membres donnent accès aux centres d'hébergement sous réserve d'une autorisation spéciale (en particulier pour les ONG).
3.4.3. Accès aux soins de santé et à l'emploi
Les demandeurs d'asile ont également droit à un accès soumis à condition au marché du travail et aux soins de santé.
Comme le prévoit l'article 15, tous les États membres garantissent à tout le moins un accès aux soins de santé d'urgence, y compris pour les demandeurs d'asile placés en détention. Un grand nombre d'États membres ont étendu l'accès aux soins de santé, certains allant jusqu'à accorder le même accès qu'à leurs ressortissants (CZ, NL, PL).
En raison de la flexibilité considérable que permet l'article 11, aucun problème majeur n'a été constaté dans le respect des règles sur l'accès des demandeurs d'asile au marché du travail.
La moitié des États membres limite cet accès à une durée maximale autorisée, à savoir un an (CZ, EE, DE, FR, HU, LV, MT, PL, SK, SI, UK, CY). Neuf États membres (EL, PT, AT, FI, SE, IT, ES, NL, LU) autorisent l'accès après des délais plus courts (immédiatement en Grèce et 9 mois au Luxembourg). Seule la Lituanie enfreint la directive et ne prévoit absolument pas cette possibilité.
Pour des raisons évidentes, les demandeurs d'asile placés en détention n'ont quasiment pas accès au marché du travail. Cette situation peut ne pas être compatible avec la directive dans les États membres où la détention peut excéder 12 mois (FI, UK).
Très souvent, les États membres exigent des demandeurs d'asile qu'ils sollicitent un permis de travail (AT, BE, EE, DE, HU, LV, MT, NL, PL, SK, SI, SE, ES, LU, FR, UK) et limitent l'accès au marché du travail à certains secteurs de l'économie (CY) ainsi que la durée du temps de travail autorisé (parfois de manière très restrictive) (NL, FR, AT).
Les restrictions supplémentaires imposées aux demandeurs d'asile qui ont déjà eu accès au marché du travail, telles que la nécessité d'un permis de travail, pourraient considérablement entraver cet accès dans la pratique.
3.4.4. Accès à l'éducation
Conformément à l'article 10, les demandeurs d'asile mineurs ou les enfants mineurs des demandeurs d'asile (y compris ceux placés en détention) ont le droit d'accéder à l'éducation au plus tard dans les 3 mois suivant le dépôt de la demande d'asile.
Mineurs non détenus
Alors que l'accès aux écoles primaires ne pose pas de problème, l'accès à l'enseignement secondaire dépend souvent des places disponibles ou de décisions des autorités locales (AT, SI, FI, HU). Dans quelques États membres, il arrive que les mineurs ne puissent être scolarisés qu'à certains moments de l'année scolaire, ce qui peut entraîner des retards dans la pratique (PL, FR).
Mineurs placés en détention
Contrairement aux dispositions de la directive, de nombreux États membres refusent l'accès à l'éducation aux mineurs placés en détention ou le rendent impossible ou très limité dans la pratique (AT, BE, FI, FR, HU, IT, PL, SK, SI, UK, NL). Seule une poignée d'États membres reconnaît ce droit ou organise des classes spéciales dans les centres de détention (LV, CZ, LT, SE).
3.5. Demandeurs d'asile ayant des besoins particuliers
3.5.1. Identification
Étant donné qu'il y a lieu de répondre aux besoins particuliers des demandeurs d'asile vulnérables, les États membres sont tenus de les identifier (article 17).
Certaines lacunes ont déjà été relevées dans la transposition en ce qui concerne la définition des groupes vulnérables. Bien que la majorité des États membres reconnaissent ces personnes en dressant une liste de tous les groupes cités dans la directive ou en recourant à une clause ouverte, certains ne couvrent pas l'ensemble de la liste visée à l'article 17, paragraphe 1, ou ne s'occupent absolument pas des personnes ayant des besoins particuliers (SK, FR, HU, LT, MT, PL, LV, EE et certaines régions de AT).
Par ailleurs, certains États membres (UK, DE, AT, BE, LU, EL, IT, SK, SI) ne disposent d'aucune procédure d'identification. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une obligation au sens littéral, on peut nourrir de sérieux doutes sur la manière dont les personnes ayant des besoins particuliers sont identifiées et sur le fait qu'elles le soient réellement dans les États membres dépourvus d'un tel outil.
L'identification des demandeurs d'asile vulnérables est un élément essentiel sans lequel les dispositions de la directive concernant le traitement spécial à réserver à ces personnes perdraient tout leur sens.
3.5.2. Besoins des demandeurs d'asile vulnérables
La satisfaction des besoins des personnes vulnérables a été identifiée comme l'un des domaines dans lesquels l'application de la directive est insuffisante.
Un demandeur d'asile vulnérable doit avoir accès à des services de réadaptation adéquats (mineurs victimes d'abus, de négligence, d'exploitation, etc.), à une représentation juridique (mineurs non accompagnés) ou au traitement nécessaire (victime de toute forme de violence) – voir articles 17 à 20.
Alors que les besoins particuliers de logement sont en principe satisfaits, l'accès adéquat aux soins de santé a ses limites: absence d'accès effectif aux soins médicaux, manque de soins spécifiques (en particulier, pour les victimes de tortures et de violences), couverture insuffisante des frais, etc.
Bien que les mineurs soient généralement logés avec leurs parents ou d'autres membres de leur famille, un certain nombre d'irrégularités ont été observées en ce qui concerne les mineurs ayant des besoins particuliers. Dans certains cas, aucune disposition légale spécifique n'a été adoptée (EE, FR, HU, LV, LU). Plusieurs autres États membres sont confrontés à des problèmes pratiques qui rendent plus difficile l'accès effectif à des dispositions spéciales destinées aux mineurs, comme la sous-évaluation des besoins ou l'absence de ressources humaines spécialisées.
La quasi-totalité des États membres garantit une représentation juridique aux mineurs non accompagnés. Ces derniers sont généralement placés dans des familles d'accueil ou dans des centres spéciaux. De même, la recherche des membres de leur famille est assurée sur le plan juridique ou pratique. Seuls trois États membres (DE, SE, PT) ont choisi de loger les mineurs non accompagnés de plus de 16 ans dans des centres d'hébergement pour adultes.
Des problèmes graves pourraient survenir dans les États membres qui n'interdisent pas le placement en détention des demandeurs d'asile ayant des besoins particuliers. La plupart d'entre eux autorisent la détention de mineurs et nombreux sont ceux qui autorisent la détention de mineurs non accompagnés. Étant donné que le niveau des conditions d'accueil en détention chute inévitablement, il est difficile d'imaginer comment les besoins particuliers des personnes vulnérables (en particulier, les mineurs) peuvent être satisfaits. Même si certains États membres ont pris des dispositions à cet effet, ces dernières ne couvrent pas tous les groupes de personnes ayant des besoins particuliers.
En raison de leur situation particulière, le placement en détention de demandeurs d'asile vulnérables devrait être considéré comme un dernier recours, dans des cas dûment justifiés. Quoi qu'il en soit, la détention ne devrait pas remettre en cause leur accès aux droits que leur garantit la directive (accès à des soins de santé adéquats, traitement et réadaptation nécessaires, éducation des mineurs). Par ailleurs, toute décision de placement en détention d'un mineur doit également tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.
En outre, s'agissant des mineurs non accompagnés, l'article 19, paragraphe 2, dispose clairement qu'ils doivent être placés auprès de membres adultes de leur famille, au sein d'une famille d'accueil, dans des centres d'hébergement spécialisés dans l'accueil de mineurs ou dans d'autres lieux d'hébergement convenant pour les mineurs. Le placement en détention de ces demandeurs d'asile ne peut dès lors intervenir que dans le plein respect de cette disposition et uniquement si la détention se révèle être dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
3.6. Fonctionnement du système des conditions d'accueil
3.6.1. Personnel et ressources
L'article 24 impose que le personnel chargé de s'occuper des demandeurs d'asile reçoive une formation adéquate et que les États membres allouent les ressources nécessaires à l'accueil des demandeurs d'asile.
Le niveau des ressources humaines et matérielles allouées à la mise en œuvre des conditions d'accueil dans trois États membres (IT, CY, MT) suscite des doutes.
La question de la formation du personnel est normalement réglée par des dispositions légales ou des mesures pratiques. Toutefois, certains problèmes se posent en ce qui concerne l'objet des cours de formation. La formation est très souvent axée sur les femmes et les mineurs. Seuls quelques États membres proposent une formation pour les victimes de tortures. Dans certains cas, un manque de personnel qualifié (EE, EL, LT) et de formation linguistique (EE, EL, PL) a été relevé.
Le principe de confidentialité est largement respecté par le personnel tant des administrations publiques que des autres parties prenantes. Certaines lacunes ont été constatées dans ce domaine lorsque des centres entiers sont gérés par des entités privées, comme des ONG.
4. CONCLUSIONS
Dans l'ensemble, la directive a été transposée de manière satisfaisante dans la majorité des États membres. Seuls quelques problèmes à caractère horizontal concernant la transposition incorrecte ou la mauvaise application de la directive ont été observés. La Commission examinera et suivra de près tous les cas où des problèmes ont été détectés dans l'application de la directive.
Contrairement aux prédictions qui ont suivi l'adoption de la directive, il semble que les États membres n'aient pas abaissé leurs normes antérieures d'assistance aux demandeurs d'asile. Cependant, le présent rapport montre clairement que l'important pouvoir discrétionnaire laissé par la directive dans différents domaines, notamment en ce qui concerne l'accès à l'emploi et aux soins de santé, le niveau et la forme des conditions matérielles d'accueil, le droit à la libre circulation et les besoins des personnes vulnérables, va à l'encontre de l'objectif consistant à faire en sorte que des règles identiques soient appliquées en matière de conditions d'accueil.
La recherche de réponses adéquates à ces questions dépasse l'objet du présent rapport, étant donné qu'elle nécessite une vaste réflexion politique sur l'ambition du régime d'asile européen commun. Ces questions sont donc abordées dans le Livre vert sur le futur régime d'asile européen commun, que la Commission a publié récemment.
Avant de proposer des modifications de la directive, la Commission juge donc nécessaire d'attendre les résultats de la consultation publique sur ce livre vert.
[1] JO L 31 du 6.2.2003, p. 18.
[2] Aux fins du présent rapport, on entend par «États membres» les États membres liés par la directive.
[3] Conclusions de la présidence du Conseil européen de Tampere, octobre 1999; annexe 1 aux conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles, novembre 2004.
[4] EMN, Reception Systems, their Capacities and the Social Situation of Asylum Applicants within the Reception System in the EU Member States (Les systèmes d'accueil et leur capacité et la situation sociale des demandeurs d'asile dans le système d'accueil des États membres de l'UE), mai 2006 - étude confiée au réseau Odysseus ( Academic Network for Legal Studies on Immigration and Asylum in Europe ).
[5] Recours formé contre l'Autriche, à l'issue duquel l'Autriche a été jugée coupable d'avoir manqué aux obligations que lui impose le traité.
[6] Recours contre la Grèce et l'Allemagne.
[7] Directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, JO L 304 du 30.9.2004.
[8] Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, JO L 50 du 25.2.2003, p. 1.
[9] La situation de l'Espagne, de la Grèce et du Portugal n'est pas claire.
[10] Décision du Conseil du 2 décembre 2004 établissant le Fonds européen pour les réfugiés pour la période 2005-2010, JO L 381 du 28.12.2004, p. 52.
[11] Conclusions des Lords of Appeal dans l'affaire Regina v. Secretary of State for the Home Department du 3 novembre 2005, [2005] UKHL 66.